Le fardeau économique des blessures
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Décès par blessure |
7 721 |
Blessures ayant occasionné l’hospitalisation |
125 281 |
Blessures n’ayant pas occasionné l’hospitalisation |
2 048 220 |
Nombre total de blessures |
2 181 222 |
Blessures ayant occasionné un handicap permanent partiel |
43 892 |
Blessures ayant occasionné un handicap permanent total |
3 300 |
Coût annuel total |
8,7 $ milliards |
COÛTS TOTAUX
En 1995, les blessures évitables ont coûté aux Canadiens 8,7 milliards de dollars ou 300 $ par habitant. Les chutes ont représenté plus de 40 % de ce montant ou 3,6 milliards de dollars. Les collisions de véhicules automobiles ont coûté tout près de 1,7 milliard de dollars ou 20 % du montant total de 8,7 milliards de dollars. Le 40 % restant est constitué de coûts occasionnés par une combinaison de facteurs, notamment les noyades, les empoisonnements, les incendies et diverses autres blessures non précisées dans les systèmes de classification hospitaliers. En moyenne, chaque blessure a généré des coûts (directs et indirects) de 4 000 dollars.
COÛTS DIRECTS
Plus de deux millions de blessures en 1995 ont occasionné des dépenses de plus de 4,2 milliards de dollars en soins de santé. Les blessures les plus coûteuses ont été les chutes, avec un total de près de 2,4 milliards de dollars ou 57 % du total des coûts directs, et les collisions de véhicules automobiles, qui ont engendré des dépenses de 375 millions de dollars, soit 9 % des coûts directs. Les Canadiens ont dépensé 116,3 millions de dollars pour soigner les cas d’empoisonnement.
Ces trois types de blessures - chutes, collisions de véhicules automobiles et empoisonnements -ont représenté près de 70 % des coûts directs. Les soins aux personnes âgées blessées ont coûté plus de 980 millions de dollars, soit 41 % des 2,4 milliards de dépenses directes suscitées par les chutes; le nombre de femmes blessées était plus élevé que celui des hommes. Les soins aux enfants et aux adolescents victimes de chutes ont coûté 575 millions de dollars ou 24 % des dépenses totales imputables aux chutes; le nombre de garçons blessés était légèrement plus élevé que le nombre de filles.
Bien que 6 % seulement des personnes blessées aient été hospitalisées, le coût de l’hospitalisation a représenté 23 % (soit près de 935 millions de dollars) des 4,2 milliards de dollars en coûts directs. Toutefois, 94 % des blessures évaluées n’ont pas occasionné d’hospitalisation; ces blessures ont représenté 77 % du total des coûts directs, soit environ 3,3 milliards de dollars.
COÛTS INDIRECTS
Les 54 913 blessures qui ont occasionné un handicap permanent ou le décès ont coûté 4,5 milliards de dollars en coûts indirects. Le handicap permanent est responsable des pertes de productivité les plus élevées, représentant 60 % (ou plus de 2,7 milliards) des coûts indirects. Les blessures ayant entraîné le décès ont représenté 1,8 milliard de dollars, sur le total de 4,5 milliards.
Les deux types les plus importants de blessures ayant occasionné un handicap permanent sont les chutes et les collisions de véhicules automobiles. Les chutes ont compté pour 1,1 milliard en coûts indirects dus à des handicaps permanents. Les collisions de véhicules automobiles ont coûté 329 millions de dollars, ou 12 % des 2,7 milliards de dollars.
LE COÛT D’UNE ÉPIDÉMIE SILENCIEUSE
Les coûts importants mis en évidence par l’étude démontrent que le Canada est victime d’une épidémie de blessures. Mais cette épidémie est silencieuse, car les Canadiens ne perçoivent pas les risques dans leur vie quotidienne. S’ils ne les perçoivent pas, ils ne peuvent prendre des mesures pour les gérer et prévenir des blessures potentielles. Pourquoi les Canadiens ne perçoivent-ils pas ces risques dans leur vie?
À cause d’une fausse conception très répandue du mot «accident» et d’une mauvaise utilisation du terme. Les blessures subies lors de chutes ou des collisions de véhicules automobiles ne sont pas considérées comme le résultat d’événements prévisibles, mais plutôt comme la conséquence d’actes «fortuits». Pourtant, lorsqu’une personne souffre d’une maladie cardiaque ou d’un cancer, le taux de cholestérol élevé et l’usage du tabac sont considérés comme des causes probables et prévisibles. Il est donc temps que les Canadiens reconnaissent que les blessures peuvent être prévues et évitées. Ce ne sont pas des accidents; le fait d’investir dans leur prévention pour rait contribuer à sauver des vies et à faire réaliser des économies. Les Canadiens n’ont pas besoin de dépenser 8,7 milliards de dollars pour le traitement de deux millions de blessures qui sont largement évitables au point de départ.
LA PRÉVENTION DES BLESSURES CONTRIBUE À RÉDUIRE LES COÛTS
Quelles sont les économies que les Canadiens pourraient réaliser grâce à des programmes de prévention des blessures? Les stratégies suivantes, qui sont des stratégies de réduction des coûts, montrent comment le fait de s’attaquer aux causes les plus coûteuses des blessures dans les g roupes démographiques les plus vulnérables peut faire réaliser de véritables économies à la société canadienne.
Les chutes chez les personnes âgées
L’étude montre que plus de 980 millions de dollars sur les 2,4 milliards de dollars en coûts directs dépensés pour les chutes ont été consacrés au traitement de chutes chez des personnes âgées. On estime qu’environ 40 % des chutes qui occasionnent une hospitalisation résultent en une fracture de la hanche et que le nombre de fractures de la hanche augmentera de façon importante avec le vieillissement de la population canadienne; il devrait, en effet, passer à plus de 88 000 cas annuels en 2041, par rapport à 23 375 cas en 1993.
Ces chutes peuvent être prévenues par la prise en compte de facteurs de risque comme l’historique des chutes, la déficience de la fonction cognitive, l’équilibre et la démarche du corps, un faible indice de masse corporelle, l’utilisation intempestive de médicaments et les dangers à la maison. En ciblant ces facteurs de risque par des programmes de prévention, un objectif de 20 % de réduction du nombre des hospitalisations pourrait se traduire par une baisse de 7 500 du nombre des séjours hospitaliers et de 1 800 du nombre de Canadiens frappés d’un handicap permanent. Les économies globales pourraient atteindre plus de 138 millions de dollars par année.
Les chutes chez les enfants
Les blessures causées par les chutes chez les enfants coûtent aux Canadiens 630 millions de dollars par année. On pourrait prévenir ces chutes en modifiant la conception des terrains de jeux, en prenant des mesures pour atténuer les dangers à la maison et en montrant simplement aux enfants comment tomber.
Si ces types de mesures de prévention réduisaient de 20 % l’incidence des chutes chez les enfants de 0 à 9 ans, il y aurait 1 500 hospitalisations de moins, le nombre des blessures n’occasionnant pas d’hospitalisation baisserait de 13 000 et le nombre des blessures occasionnant un handicap permanent diminuerait de 54. Les économies nettes pourraient atteindre plus de 126 millions de dollars par année.
La prévention des collisions de véhicules automobiles
Le port de la ceinture de sécurité et l’utilisation des sacs gonflables peuvent réduire de 61 % le nombre des blessures causées par des collisions de véhicules automobiles. La conduite en état d’ébriété est responsable d’environ 40 % de l’ensemble des blessures mortels de la route. On estime qu’une réduction de la conduite avec facultés affaiblies pourrait réduire la mortalité de 20 %. Une réduction de 10 km/h des limites de vitesse pourrait se traduire par une réduction de 15 % du taux de mortalité; le nombre des décès serait moins élevé et la gravité des blessures moindre.
Si le nombre des collisions provoquées par une mauvaise conception des routes et un mauvais entretien de la chaussée était réduit de 10 %, et en supposant que 20 % des personnes blessées sont hospitalisées, il y aurait 1 100 décès de moins chaque année. Si on appliquait une stratégie de prévention qui met l’accent sur le port de la ceinture de sécurité, la conduite sans alcool, l’importance de réduire la vitesse et de se concentrer sur la route, le nombre des hospitalisations diminuerait de 2 800, celui des blessures traitées à l’extérieur de l’hôpital de 19 000 et celui des blessures occasionnant un handicap permanent de 750. Les économies nettes pour les Canadiens s’élèveraient à plus de 500 millions de dollars par année.
ÉVALUATION DU PRIX DE LA PRÉVENTION
La prévention des blessures fait réaliser des économies et sauve des vies humaines. On pourrait réussir à diminuer les coûts en investissant dans une str atégie nationale de prévention des blessures. Toutefois, le Canada n’a pas établi le coût d’une telle initiative appliquée à l’échelle du pays. À titre de référence, il convient d’examiner la stratégie employée dans le cadre d’une initiative nationale récente couronnée de succès, celle sur la prévention du VIH/sida. Selon une étude récente portant sur les dimensions économiques du sida, les Canadiens investissent environ 83 millions de dollars par année pour financer une stratégie de prévention nationale. Mais les dimensions économiques du VIH/sida sont-elles comparables à celles des blessures évitables?
En 1996, il y avait environ 3 940 nouveaux cas d’infection à VIH. Les coûts directs et indirects sur toute la vie de ces infections étaient de 750 000 dollars par cas, représentant jusqu’à 3 milliards de dollars par année. Les Canadiens ont réagi aux résultats de cette étude en investissant cette même année 83 millions de dollars ou 2,65 dollars par habitant dans la prévention de l’infection à VIH et du sida. Plus de 67 % de cet investissement provenait des provinces, la contribution du gouvernement fédéral était de 24 %, celle du secteur privé de 5 % et le 4 % restant provenait des gouvernements municipaux.
Dans l’étude Le fardeau économique des blessures non intentionnelles au Canada, les coûts totaux sur toute la vie des blessures évitables s’élèvent à 8,7 milliards de dollars, soit près de trois fois plus que les coûts annuels engendrés par le VIH. Si on utilise le même ratio, les Canadiens pourraient donc investir jusqu’à 240 millions de dollars ou huit dollars par habitant dans la prévention de cette épidémie «silencieuse».
Les Canadiens ont réagi promptement et efficacement à l’épidémie de VIH/sida en investissant dans une stratégie de prévention nationale. Les conclusions de l’étude démontrent qu’ils doivent maintenant réagir à l’épidémie silencieuse de blessures en investissant dans une stratégie nationale de prévention des blessures. Aucune stratégie de cette sorte n’existe actuellement.
LE PROCESSUS
Des progrès ont été réalisés par le passé dans l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention des blessures. Cependant, cette stratégie n’a pas eu de suites. Par exemple, des stratèges travaillant en 1991 à un projet intitulé A Safer Canada: Year 2000 Injury Control Objectives, ont mis au point une série d’objectifs de prévention. Ils ont recommandé que le gouvernement canadien reconnaisse que les blessures constituent une cause importante de décès et d’incapacité qui doit faire l’objet d’une politique de prévention nationale. Ils ont encouragé l’élaboration d’objectifs de prévention des blessures pour le Canada afin de stimuler l’apparition de projets partout au pays. Ils ont également lancé un appel en faveur de la mise en place d’un système de surveillance à l’échelle du pays.
Aucune de leurs recommandations n’a reçu de suites. Les résultats de l’étude Le fardeau économique des blessures non intentionnelles au Canada démontrent qu’une stratégie de prévention nationale est non seulement essentielle, mais qu’elle doit faire partie intégrante de l’arsenal de lutte contre l’épidémie silencieuse de blessures.
RECOMMANDATION EN FAVEUR D’UNE STRATÉGIE NATIONALE DE PRÉVENTION DES BLESSURES
Il est temps que les Canadiens prennent conscience des risques, qu’ils les réduisent et, à terme, qu’ils les gèrent dans leur vie. Les blessures évitables causent des préjudices et des décès chez les Canadiens et exigent un lourd tribut, compte tenu des ressources sanitaires et financières limitées du pays. SAUVE-QUI-PENSE, de concert avec les partenaires de l’étude, lance donc un appel en faveur d’une stratégie nationale de prévention des blessures.
Cette stratégie doit être guidée par un leadership fort et s’appuyer sur divers efforts de collaboration de la part des groupes de prévention. La collaboration garantira l’établissement de priorités et la mise en place de mécanismes de prévention variés et novateurs. La stratégie nationale de prévention des blessures comportera trois grands volets :
1. Des programmes complets
2. Un système national de surveillance des blessures
Les données constituent le cordon ombilical de la stratégie nationale de prévention des blessures. SAUVE-QUI-PENSE et les partenaires de l’étude recommandent donc également la mise en oeuvre d’un système global de surveillance des blessures à l’échelle du pays. Afin de prévenir une blessure, les membres de la coalition str atégique nationale doivent savoir qui se blesse. Ils doivent également savoir comment la personne s’est blessée et ce qu’il advient d’elle par la suite. Ils doivent connaître l’âge, le sexe et la situation socio-économique de la personne blessée. Ces variables influeront sur les stratégies de prévention particulières appliquées aux groupes à haut risque, ainsi que sur les causes de blessure les plus courantes et les plus coûteuses.
3. La recherche
Enfin, l’étude fait ressortir l’urgence d’approfondir les recherches sur tous les aspects de la prévention des blessures, notamment l’épidémiologie des blessures évitables ainsi que l’évaluation continue des mesures de prévention. Des projections sur la rentabilité des stratégies proposées en matière de prévention des blessures et de réduction des coûts doivent être établies, et il faut procéder à une évaluation de la rentabilité des programmes déjà en place.
La stratégie nationale de prévention des blessures représentera une initiative d’avant-garde caractérisée par une collaboration étroite des intervenants, appuyée par un excellent système de surveillance et soutenue par des programmes de recherche et d’évaluation sophistiqués. En investissant dans cette stratégie, les Canadiens ne pourront plus qualifier l’épidémie de blessures d’épidémie «silencieuse». Ils commenceront à prendre conscience des risques dans leur vie, à comprendre de quelle façon prendre des risques en toute connaissance de cause pour que, à terme, des vies puissent être sauvées et d’importantes économies d’argent réalisées.
Vous pouvez accéder le compte rendu au complet par l'entremise d'un contact direct aux pages Web de la Fondation SAUVE-QUI-PENSE au (www.smartrisk.ca)
Dernière mise à jour : 1998-11-24 |