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    Office de la santé publique du Canada
Relevé des maladies transmissibles au Canada
 
Relevé des maladies transmissibles au Canada
Volume 28 • DCC-6
le 1er septembre 2002

Une déclaration d’un comité consultatif (DCC)
Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI)
*

DÉCLARATION SUPPLÉMENTAIRE POUR LA SAISON GRIPPALE 2002-2003 : LE POINT SUR LE SYNDROME OCULO-RESPIRATOIRE ASSOCIÉ AU VACCIN ANTIGRIPPAL

Document Adobe télédéchargeable PDF (576 KB)


Préambule

Le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) donne à Santé Canada des conseils constants et à jour liés à l'immunisation dans le domaine de la médecine, des sciences et de la santé publique. Santé Canada reconnaît que les conseils et les recommandations figurant dans cette déclaration reposent sur les connaissances scientifiques les plus récentes et diffuse le document à des fins d'information. Les personnes qui administrent ou utilisent le vaccin doivent également connaître le contenu des monographies de produit pertinentes. Les recommandations d'utilisation et les autres renseignements qui figurent dans le présent document peuvent différer du contenu des monographies de produit établies par le fabricant autorisé du vaccin au Canada. Les fabricants ont uniquement fait approuver le vaccin et démontré son innocuité et son efficacité lorsqu'il est utilisé selon la monographie du produit.

Aperçu

Santé Canada exerce une surveillance nationale des effets secondaires associés aux vaccins (ESAV). Au cours de la saison grippale 2000-2001, Santé Canada a été avisé pour la première fois de la survenue d'un nombre accru de cas de symptômes oculaires ou respiratoires associés à la vaccination antigrippale(1-3). C'est alors que s'est amorcée une surveillance accrue des ESAV. Les provinces et les territoires ont recueilli des renseignements additionnels sur les cas en utilisant un formulaire supplémentaire de rapport de cas en plus du formulaire de rapport courant pour les ESAV.

Le profil des symptômes signalés de plus en plus souvent à la suite de la vaccination antigrippale 2000-2001 a été reconnu comme un «syndrome oculo- respiratoire» (SOR). Les experts en santé publique et Santé Canada ont préparé une définition de cas du SOR aux fins de la surveillance pour la saison grippale 2000-2001 (ci-après appelé «définition de 2000») : L'apparition i) d'une rougeur aux yeux, et/ou ii) au moins un des symptômes respiratoires suivants : toux, respiration sifflante, oppression thoracique, difficulté à respirer, mal de gorge, et/ou iii) oedème facial survenant entre 2 à 24 heures après l'administration du vaccin antigrippal et disparaissant dans les 48 heures.

SOR durant la saison de vaccination antigrippale 2000-2001

Au cours de la saison de vaccination antigrippale 2000-2001, 960 rapports d'effets secondaires associés au vaccin antigrippal sur un total de 2 450 ont été classés parmi les cas correspondant à la définition du SOR(3). Le syndrome était en général bénin et évoluait spontanément vers la guérison, et environ 25 % des symptômes oculo-respiratoires ont duré plus de 48 heures. Vingt-quatre pour cent des cas ont consulté un professionnel de la santé et 11 (1 %) ont été hospitalisés. Aucun décès n'a été recensé parmi les cas de SOR causés par le vaccin.

Durant la saison 2000-2001, 925 (96 %) des cas de SOR sont survenus après l'administration du vaccin Fluviral® S/F produit par BioChem Pharma (maintenant Shire Biologics, division de Shire BioChem Inc.), et 12 (1%) se sont produits après l'administration de Fluzone® ou de Vaxigrip®, deux vaccins produits par Aventis Pasteur Limitée. Dans 23 cas (2 %), le vaccin reçu n'a pas été identifié. Au cours de la saison grippale 2000-2001, 3 799 890 doses de Fluviral® S/F, 2 451 690 doses de Fluzone® et 5 951 750 doses de Vaxigrip® ont été distribuées au Canada. On ignore le nombre réel de doses administrées.

Les trois vaccins homologués au Canada durant la saison 2000-2001 utilisaient les mêmes souches virales et les mêmes semences de base. Le Fluviral® S/F employait du désoxycholate pour fractionner le virus alors que Fluzone® et Vaxigrip® ont utilisé du Triton X-100. Des études au microscope électronique ont révélé l'existence d'une plus forte proportion de virus non rompus chimiquement (entiers) et de particules agrégées de virus dans Fluviral® S/F, par rapport aux deux autres vaccins et par rapport aux années précédentes. On a avancé l'hypothèse que le désoxycholate pourrait ne pas avoir entraîné un fractionnement viral adéquat et qu'il pourrait y avoir un lien causal entre la présence de particules virales non fractionnées ou agrégées (ou les deux) dans Fluviral® S/F et le SOR(2,4).

Bien que ces effets secondaires aient été signalés en plus grand nombre que dans le passé, des cas de conjonctivite et de symptômes respiratoires à la suite d'une vaccination antigrippale ont déjà été recensés au Canada, aux États-Unis et en Europe. En Italie, un nombre accru d'ESAV (fièvre, myalgie, symptômes respiratoires et autres) ont été associés en 1995-1996 à un vaccin antigrippal homologué pour la première fois dans ce pays en 1995(5). On ignore si ce vaccin contenait une plus forte proportion de virus non fractionnés et/ou des particules virales agrégées. Dans les années 90, les autorités sanitaires de la République tchèque se sont également demandé si le virus non fractionné ou les particules virales agrégées pouvaient être liés à l'augmentation observée du nombre d'effets secondaires associés au vaccin antigrippal; malheureusement, on ne dispose pas pour le moment de données sur la nature de ces effets secondaires (Dr J. Wood, National Institute for Biological Standards and Control, Potters Bar [Angleterre] : communication personnelle, 2002).

SOR durant la saison de vaccination antigrippale 2001-2002

Lors de la campagne de vaccination antigrippale 2001-2002, environ 9,3 millions de doses de vaccin ont été distribuées au Canada. La majorité de ces vaccins ont été distribués dans les quatre provinces les plus populeuses : environ 5,3, 1,6, 0,9 et 0,5 millions de doses en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta, respectivement. Deux fabricants ont fourni les vaccins au Canada : Aventis Pasteur Ltée a distribué environ 7,3 millions de doses de Fluzone® et Vaxigrip®, et Shire Biologics a distribué environ 2 millions de doses de Fluviral® S/F. La proportion de vaccins reçus de chaque fabriquant variait selon les provinces. L'Ontario a reçu > 50 % des stocks nationaux de vaccins d'Aventis Pasteur Ltée et le Québec > 50 % des vaccins de Shire Biologics.

Pour la saison 2001-2002, Shire Biologics a produit un nouveau vaccin Fluviral® S/F utilisant du désoxycholate de sodium et du Triton X-100 comme agents de fractionnement(4). Des études au microscope électronique effectuées par Shire sur son vaccin pour 2001-2002 ont mis en évidence un faible pourcentage de virions non fractionnés, semblable au pourcentage signalé pour Fluviral® S/F produit en 1999.

Une surveillance accrue des effets secondaires associés au vaccin antigrippal s'est poursuivie durant la saison 2001-2002. En tout, Santé Canada a reçu 1 800 rapports d'effets secondaires associés au vaccin antigrippal provenant de personnes vaccinées entre le 1er septembre 2001 et le 21 mars 2002. Afin de comparer l'incidence du SOR durant les saisons 2001-2002 et 2000-2001, Santé Canada a classé les rapports d'effets secondaires associés au vaccin antigrippal en se servant de la définition de 2000 pour la surveillance des cas de SOR. Dans le numéro du 15 novembre 2001 du RMTC(4), le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) a cependant modifié la définition de cas après avoir reçu des rapports préliminaires d'études scientifiques indiquant que le moment d'apparition et la durée indiqués dans la définition de 2000 peuvent avoir eu pour effet d'exclure des cas potentiels. La définition proposée dans cette publication (ci-après appelée la «définition de 2001») se lisait comme suit : Apparition de rougeurs aux yeux ou de symptômes respiratoires (toux, sifflement, serrements de poitrine, difficultés à respirer, difficultés à avaler, enrouement ou mal de gorge) ou oedème facial survenant dans les 24 heures qui suivent le vaccin antigrippal. Nous présentons au tableau 1 le nombre de rapports de cas de SOR durant la saison grippale 2001-2002 ainsi que les issues des épisodes en utilisant les deux définitions du SOR.

Tableau 1. Nombre de rapports et issues des épisodes, cas atteints et non atteints du syndrome oculo-respiratoire (SOR) selon la définition de cas - Saison de vaccination antigrippale 2001-2002

 

Définition de 2000 aux fins de la surveillance*

Définition de 2001*

Cas de SOR

Cas non atteints
d'un SOR

Cas de SOR

Cas non atteints
d'un SOR

Nombre (%) de rapports**

 502 (27,9 %)

 1 267 (70,4 %)

 851 (47,3 %)

 918 (51,0 %)

Issues

       

Consultation d'un professionnel de la santé

86 (17,2 %)

 279 (22,1 %)

 147 (17,4 %)

 218 (23,8 %)

Hospitalisation pendant >= 3 jours

1 (0,2 %)

 24 (1,9 %)

4 (0,5 %)

 21 (2,3 %)

Décès après la vaccination antigrippale

0

2 (0,2 %)

0

2 (0,2 %)

* Voir texte pour définitions.
** Trente et un rapports ne contenaient pas suffisamment d'information pour être classés parmi les cas de «SOR» ou «non atteints d'un SOR».

Sur les 1 800 ESAV signalés, 502 (28 %) respectaient la définition de 2000 pour le SOR. Dans la majorité des cas de SOR, les symptômes étaient bénins et les issues cliniques étaient similaires, que le sujet présente ou non un SOR. Parmi les cas de SOR, 86 (17 %) ont consulté un professionnel de la santé, un (0,2 %) a été hospitalisé et aucun décès n'a été recensé. Parmi les quatre qui ne souffraient pas d'un SOR, 279 (22 %) ont consulté un professionnel de la santé, 24 (1,9 %) ont été hospitalisés et deux (0,2 %) sont décédés dans les 12 jours suivant l'immunisation. Le Comité consultatif sur l'évaluation de la causalité (CCEC) est chargé d'examiner tous les ESAV graves afin de déterminer les relations causales entre les événements associés dans le temps à la vaccination.

Au nombre des facteurs de risque liés à l'apparition d'un SOR figuraient 1) l'âge, les taux les plus élevés étant enregistrés chez les sujets de 40 à 59 ans, et 2) l'absence d'antécédents de vaccination contre la grippe. On n'a observé aucune différence importante selon le sexe entre les cas atteints et non atteints d'un SOR.

La déclaration des cas d'effets secondaires associés au vaccin antigrippal variait grandement selon la province et le territoire, le Québec ayant enregistré le plus grand nombre de cas par rapport au nombre de doses distribuées pour chacun des vaccins disponibles. Les taux d'incidence du SOR pour les vaccins antigrippaux variaient également d'une province et d'un territoire à l'autre et reflétaient probablement les différences dans la déclaration des cas. L'incidence du SOR par dose de vaccin distribuée a été calculée à l'aide des données générales de surveillance du Québec. Dans cette province, 13,9 cas de SOR ont été recensés pour 100 000 doses de vaccin distribuées par Aventis Pasteur Ltée (Fluzone® et Vaxigrip®), et 19,3 cas de SOR pour 100 000 doses de vaccins distribués par Shire Biologics (Fluviral® S/F). On ne dispose pas cependant de données sur le taux de SOR pour 100 000 doses de vaccin administrées.

Bref, lorsqu'on utilisait la même définition originale de cas pour les deux saisons grippales, le nombre de cas de SOR signalés au système national de surveillance des ESAV durant la saison 2001-2002 était plus faible qu'au cours de la saison précédente. La majorité des cas de SOR déclarés souffrait d'une affection bénigne, spontanément résolutive, et les deux vaccins utilisés au Canada ont été mis en cause. Ce syndrome survenait plus fréquemment chez les personnes qui n'avaient pas déjà été vaccinées contre la grippe que chez celles qui avaient déjà reçu le vaccin; l'effet de doses répétées de vaccin antigrippal doit cependant être étudié plus à fond.

Études scientifiques

Études sur la sécurité des vaccins

Avant la saison grippale 2001-2002, un essai national randomisé à double insu contrôlé contre placebo avec plan croisé a été effectué sur des personnes de >= 19 ans qui avaient déjà souffert d'un SOR durant la saison 2000-2001 (l'étude sur les «récurrences»)(4,6). Le but de l'étude était de déterminer le risque de récurrence du SOR après l'administration du vaccin Fluviral® S/F reformulé qui avait été produit pour la saison 2001-2002. On prévoyait de recruter 150 sujets. On a cependant mis fin à l'étude, conformément au protocole, lorsque le risque de SOR attribuable au vaccin a dépassé 10 %. Au moment de l'interruption de cette étude, 65 sujets y participaient et avaient reçu une seule dose du vaccin ou du placebo. Le risque de SOR attribuable au vaccin s'élevait à 24,8 % (intervalle de confiance à 95 % de 7,0 % à 42,5 %). Chez les 11 personnes qui ont présenté un SOR après la vaccination, les symptômes étaient généralement plus légers que ceux dont ils avaient souffert auparavant, et aucun n'a dû consulter un médecin.

Une autre étude nationale a été menée avant la saison grippale 2001-2002 pour déterminer l'innocuité de la nouvelle formulation du vaccin Fluviral® S/F administrée aux adultes de 30 à 59 ans qui n'avaient jamais souffert d'un SOR (étude de «survenue»)(4,7). Un SOR est apparu chez 6,3 % des sujets qui avaient reçu Fluviral® S/F et chez 3,5 % des personnes qui avaient pris un placebo, soit un risque de SOR attribuable au vaccin de 2,8 % (intervalle de confiance à 95 % de 0,5 % à 5,1 %). Aucun sujet n'a présenté de réaction anaphylactique ou d'autres symptômes allergiques. Sur les 39 cas de SOR survenus après la vaccination, 35 étaient bénins. Aucun sujet n'a consulté un médecin ni n'a été hospitalisé.

Une étude rétrospective de cohorte a été effectuée au Québec afin de comparer le risque de SOR après la vaccination antigrippale à l'aide de deux vaccins (Fluviral® S/F et Vaxigrip®) produits pour la saison 2001-2002(8). La fréquence des symptômes de SOR était similaire quel que soit le vaccin administré (p = 0,54). Le risque de SOR était 10 fois plus élevé chez les personnes qui avaient présenté un SOR après un vaccin durant la saison 2000-2001 et qui ont été revaccinées dans le cadre de cette étude, comparativement aux personnes sans antécédents de SOR. Il convient de noter que celles qui ont manifesté des symptômes graves de SOR durant la saison 2000-2001 n'ont probablement pas été revaccinées lors de la saison 2001-2002.

À l'automne 2001, Skowronski et coll. ont réalisé des entrevues téléphoniques avec des résidents de la Colombie-Britannique âgé de >= 18 ans qui avaient signalé une réaction indésirable après avoir reçu le vaccin antigrippal durant la saison 2000-2001 (Dre D. Skowronski, British Columbia Centre for Disease Control [Vancouver] : communication personnelle, 2002). Parmi les sujets interrogés qui avaient signalé des symptômes oculo-respiratoires et faciaux (n = 485), seulement 10 % avait commencé à manifester des symptômes > 24 heures après la vaccination, mais 27 % ont déclaré que les symptômes avaient duré > 48 heures.

Les chercheurs ont utilisé une échelle de Likert pour évaluer la gravité des symptômes : 24 % des cas correspondant à la définition de 2000 du SOR ont fait état de symptômes légers (présents mais non incommodants), 34 % de symptômes modérés (nuisaient à leurs activités quotidiennes), 41 % des symptômes graves (les empêchaient de vaquer à leurs activités quotidiennes) et 1 % n'ont pas précisé la gravité de leurs symptômes. Les sujets qui considéraient leurs symptômes comme graves étaient en général plus âgés, fumaient et avaient des antécédents de pneumopathies. Près de la moitié de ceux qui ont signalé des symptômes oculo-respiratoires ont dit qu'il était peu probable ou très peu probable qu'ils se fassent vacciner à nouveau contre la grippe.

Études immunologiques

Skowronski et coll. ont effectué une étude faisant appel à des tests cutanés afin de déterminer si le SOR était dû à un problème technique dans le processus de fractionnement survenu durant la fabrication du vaccin pour la saison 2000-2001 (responsable de la présence de microagrégats de virions non fractionnés) et s'il était associé à une souche virale particulière et afin d'identifier les personnes qui risquaient de souffrir à nouveau d'un SOR(9). Une injection intradermique de quantités infimes d'antigène vaccinal a été associé plus souvent à l'apparition de symptômes de SOR chez les personnes ayant des antécédents de SOR que chez celles qui n'avaient jamais souffert d'un SOR. Le diamètre ou la qualité de la réaction cutanée ne permettait pas de repérer les sujets à risque de SOR. Les tests cutanés n'ont pas permis non plus de déterminer si le SOR était lié à un défaut de fractionnement durant la production du vaccin ou s'il était associé à une souche virale spécifique.

On a avancé l'hypothèse que le système immunitaire des personnes souffrant d'un SOR a tendance à produire des cytokines Th2 plutôt que Th1 et que les agrégats de virions non fractionnés peuvent influer sur cette réponse immunitaire. Skowronski et coll. ont tenté de vérifier cette hypothèse en effectuant des dosages des cytokines après une provocation in vitro des cellules mononucléées du sang périphérique (CMSP) prélevées chez des sujets avec et sans antécédents de SOR au moyen d'un antigène du virus grippal (Dre D. Skowronski, British Columbia Centre for Disease Control [Vancouver] : communication personnelle, 2002). Cette étude ne pouvait pas clairement distinguer les personnes atteintes d'un SOR des personnes non atteintes à partir de la production de cytokines in vitro.

Physiopathologie du SOR

Le mécanisme physiopathologique sous-tendant le SOR demeure un mystère. Selon les premières théories, le désoxycholate peut ne pas avoir assuré un fractionnement adéquat du virus dans le vaccin Fluviral® S/F utilisé pour la saison 2000-2001 et les virions non fractionnés ou aggrégés peuvent avoir entraîné la production de cytokines en stimulant une réponse immunitaire de type Th2. Pour la saison 2001-2002, Shire Biologics a produit un nouveau vaccin Fluviral® S/F utilisant à la fois du désoxycholate de sodium et du Triton X-100 comme agents de fractionnement. Comme par le passé, Aventis Pasteur Ltée a continué de se servir du Triton X-100 comme agent de fractionnement. Néanmoins, durant la saison 2001-2002, des cas de SOR ont été associés aux trois vaccins homologués au Canada.

L'évolution du SOR, les résultats des tests cutanés et le tableau clinique excluent la possibilité d'une réponse immunitaire d'hypersensibilité de type 1 (IgE), de type 3 (médiée par des complexes immuns) et de type 4 (retardée classique) (système de classification de Gell et Coombs) comme mécanismes étiologiques. Il est peu probable que la production d'interféron en réponse à la présence d'agrégats viraux soit la cause exclusive de ce syndrome parce qu'on ne retrouve pas parmi les symptômes (et les signes prévus) du SOR la majorité des effets secondaires associés à de fortes doses d'interféron et parce qu'il n'y a pas de relations dose-effet.

Une hypothèse récente laisse entendre que le SOR serait une réponse spécifique des lymphocytes T aux agrégats viraux dans le vaccin antigrippal, entraînant localement la production de neurotrophines et la stimulation de la sécrétion de neuropeptides de même que la synthèse locale de chimiokines médiées peut-être par des cellules présentant l'antigène situées dans des zones clés des muqueuses (Dr R. Warrington, Département de médecine, Université du Manitoba [Winnipeg] : communication personnelle, 2002). Le mécanisme immunitaire à l'origine du SOR peut être conditionné en partie par un facteur génétique et en partie par l'exposition antérieure au vaccin antigrippal et à l'antigène du virus sauvage. Il est possible que ces réactions se produisent chaque année chez un petit nombre de vaccinés dans le monde mais qu'un nombre accru de cas sont détectés par les systèmes de surveillance certaines années à cause de la nature du vaccin et de l'interaction avec les facteurs génétiques et immunitaires de l'«hôte». Le nombre de rapports de cas sera également fonction de la sensibilité du système de surveillance des ESAV.

Résumé

Durant la saison grippale 2000-2001, un nombre accru d'ESAV intéressant les yeux ou l'appareil respiratoire ont été signalés au Canada. Ce phénomène a été observé surtout en association avec le vaccin Fluviral® S/F en 2000-2001. Durant la saison 2001-2002, un nombre moins élevé d'ESAV correspondant à la nouvelle définition de cas de syndrome oculo-respiratoire (SOR) ont été recensés par rapport à l'année précédente. Le vaccin produit par Aventis Pasteur Ltée et celui de Shire Biologics ont cependant tous les deux été mis en cause.

Lorsqu'on compare les rapports d'effets secondaires associés au vaccin antigrippal, il faut reconnaître que l'intensification de la surveillance et la communication de renseignements aux professionnels de la santé et à la population durant la saison 2000-2001 et au cours de la saison suivante ont probablement contribué à une meilleure détection et déclaration des symptômes et des signes qui peuvent être dus ou non au vaccin antigrippal. La relation, si tant est qu'il y en ait une, entre l'augmentation du nombre d'ESAV au Canada correspondant à la définition du SOR et les rapports européens publiés et non publiés faisant état d'une augmentation des ESAV certaines années demeure pour le moment nébuleuse.

Il est difficile d'élaborer une définition de cas satisfaisante pour le SOR. Bon nombre des symptômes sont non spécifiques et peuvent être causés par d'autres affections, y compris une infection et une allergie. On ne dispose pas d'épreuve de laboratoire ni de test clinique pour confirmer ou exclure un SOR. Il semble qu'il y ait tout un éventail de symptômes. Dans un grand nombre sinon la plupart des cas, on est incapable de confirmer les signes cliniques parce que la majorité des sujets faisant état de symptômes ne consultent pas un professionnel de la santé.

Il peut arriver que des effets secondaires associés au vaccin antigrippal et correspondant à la définition de cas de SOR se révèlent, après une bonne évaluation clinique, être dus à une infection virale. Un tel cas ne devrait pas être signalé ou étiqueté comme un cas de SOR. Le CCNI invite les travailleurs de la santé à se servir de leur jugement clinique lorsqu'ils évaluent tous les ESAV, y compris le SOR.

La définition de 2000 du SOR visait à maintenir un juste équilibre entre la sensibilité et la spécificité. Au moment de l'établissement d'un nouveau syndrome reconnu associé à un vaccin, on estimait important d'englober le plus grand nombre de cas possible. Le critère temporel utilisé dans la définition devait permettre d'exclure d'autres causes potentielles, telles qu'une allergie ou une infection. L'analyse des rapports de cas de SOR durant la saison grippale 2000-2001 a toutefois montré que les cas qui présentaient des symptômes analogues au SOR ayant débuté < 2 heures après la vaccination ou ayant duré > 48 heures avaient un profil clinique similaire à celui des cas répondant à la définition de 2000. La définition révisée de 2001 établissait des limites temporelles moins strictes que dans la première définition, la rendant plus sensible mais probablement moins spécifique. L'effet de la prévalence des «vrais» SOR sur la valeur prédictive de la définition de cas doit également être considéré. Si le SOR a été causé par une réaction immunologique au «déclencheur», en l'occurrence le virus non fractionné ou les agrégats viraux présents dans le vaccin de 2000-2001, et si la prévalence de ce déclencheur diminue au cours des saisons à venir, on peut s'attendre à ce que la valeur prédictive de la définition de cas comme moyen de détecter les «vrais» cas de SOR diminue.

Recommandation pour la saison grippale 2002-2003

En avril 2002 à Québec(10), et en juin 2002 à Winnipeg, des experts nationaux et internationaux dans le domaine de la vaccination ont rencontré des fonctionnaires de Santé Canada afin de déterminer quelles recherches sur le SOR devaient être entreprises. Pour en arriver à une définition de cas plus spécifique, il faudra mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques sous-jacents de ce syndrome. Un examen des symptômes spécifiques manifestés par les sujets dans l'étude de récurrence déjà décrite devrait bientôt être effectué. La récurrence de symptômes ou de signes associée à une vaccination répétée peut être plus spécifique au phénomène du «SOR». Jusqu'à ce qu'il dispose de plus d'information, le CCNI recommande de continuer d'utiliser la définition de cas de 2001 aux fins de la surveillance et du «triage» des évaluations cliniques.

L'évaluation de la gravité des symptômes du SOR se fonde sur la perception des sujets(4). Après avoir interrogé une personne au sujet de ses symptômes, le professionnel de la santé peut classer le SOR selon l'échelle de gravité suivante : léger (aisément tolérable; présent mais ne présentaient pas de problèmes), modéré (nuit aux activités de la vie quotidienne; incommodant, requiert des changements dans les activités et peut-être une médication) ou sévère (empêche de vaquer à ses activités quotidiennes; incapacité de travailler ou de dormir).

Des données d'études indiquent que la revaccination des personnes qui ont éprouvé des symptômes légers ou modérés du SOR ne présente pas de danger. Les sujets qui ont des antécédents de SOR sévère comportant des symptômes qui n'intéressent pas les voies respiratoires inférieures (rougeur des yeux, toux, mal de gorge, enrouement, oedème du visage) peuvent eux aussi recevoir à nouveau le vaccin antigrippal sans danger. On ne recommande plus d'employer un vaccin de préférence à un autre au moment de revacciner les personnes qui ont des antécédents de SOR.

Il y a lieu de solliciter l'avis d'un expert concernant les risques et avantages de la vaccination dans le cas des sujets qui ont déjà présenté des symptômes sévères des voies respiratoires inférieures (respiration sifflante, oppression thoracique, difficultés à respirer) dans les 24 heures suivant la vaccination antigrippale. Il convient également de consulter un expert dans les cas de dysphagie sévère ou de symptômes qui ne sont pas énumérés dans la définition de cas de SOR (p. ex., constriction grave de la gorge) mais qui laissent planer des doutes quant à la sécurité d'une revaccination. Les professionnels de la santé qui ne sont pas sûrs si une personne a déjà souffert d'un SOR ou d'une réaction d'hypersensibilité médiée par des IgE devraient consulter un expert. On peut obtenir des conseils des médecins hygiénistes locaux ou d'autres experts en maladies infectieuses, en allergie/immunologie ou en santé publique qui sont bien renseignés sur les risques associés à la grippe et sur les risques et avantages de la vaccination antigrippale et qui connaissent de près le SOR.

Le consentement éclairé des sujets doit être obtenu pour toutes les vaccinations. Dans le cas de la vaccination antigrippale, avant de donner son consentement éclairé, le sujet doit comprendre les risques de la grippe et les risques et avantages de l'immunisation antigrippale, en plus de recevoir de l'information sur le SOR. On devrait donner de l'information sur le taux de récurrence du SOR aux personnes ayant déjà souffert de ce syndrome. Tous les vaccinés devraient être invités à signaler les effets indésirables aux autorités sanitaires et à consulter sans tarder un médecin, s'il y a lieu. Dans le cas des personnes qui refusent d'être immunisées, il faut envisager d'autres mesures de réduction du risque, telles que la prophylaxie antivirale, durant les éclosions de grippe. Les mesures de lutte contre l'infection, le diagnostic précoce et l'utilisation adéquate des antiviraux sont des moyens recommandés pour la prévention et la prise en charge de tous les cas de grippe.

La surveillance accrue des effets secondaires associés au vaccin antigrippal se poursuivra durant la saison 2002-2003. Les professionnels de la santé et ceux qui reçoivent le vaccin antigrippal devraient continuer d'être vigilants et de signaler tout ESAV inattendu à leurs autorités sanitaires locales.

La grippe est une importante cause de morbidité et de mortalité au Canada. La vaccination des personnes qui courent un risque élevé de complications grippales ainsi que de celles qui sont capables de transmettre le virus aux sujets dans les catégories à risque élevé continue d'être la mesure la plus efficace de réduction de l'impact de la grippe(3,11). Le CCNI et Santé Canada ont à coeur de réduire la morbidité et la mortalité associées à la grippe et continueront d'offrir un programme de vaccination sûr et efficace.

Remerciements

Le CCNI tient à remercier les personnes suivantes de l'aide qu'elles ont apportée à la préparation du présent manuscrit : Yogesh Choudhri, Wikke Walop, Susan Squires, Theresa Tam, Arlene King, Danuta Skowronski, Richard Warrington et John Wood.

Références

1. Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration supplémentaire sur la vaccination antigrippale : utilisation du vaccin antigrippal Fluviral® au cours de la saison 2000-2001. RMTC 2001;27(DCC-1, 2):1-3.

2. Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration sur la vaccination antigrippale pour la saison 2001-2002. RMTC 2001;27(DCC-4):1-24.

3. Boulianne N, De Serres G, Duval B et coll. Manifestations cliniques et incidence du syndrome oculo-respiratoire survenant après la vaccination contre l'influenza - Québec, 2000. RMTC 2001;27:85-90.

4. Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration supplémentaire pour la saison 2001-2002 : vaccin antigrippal chez les personnes soufffrant du syndrome oculo-respiratoire suite à une vaccination antigrippale antérieure. RMTC 2001;27(DCC-7):1-7.

5. Spila-Alegiani S, Salmaso S, Rota MC et coll. Reactogenicity in the elderly of nine commercial influenza vaccines: results from the Italian SVEVA study. Vaccine 1999;17:1898-904.

6. Skowronski DM, De Serres G, Warrington R et coll. Oculo-respiratory syndrome following influenza vaccine: recurrence risk with re-formulated vaccine for 2001-2002. Résumé S42. Fifth Annual Conference on Vaccine Research, Baltimore, MD : 6 mai 2002, p. 61.

7. Scheifele DW, Duval B, Russell M et coll. Oculo-respiratory syndrome (ORS) among healthy adults given a reformulated influenza vaccine previously linked with ORS. Résumé S43. Fifth Annual Conference on Vaccine Research, Baltimore, MD : 6 mai 2002, p. 61.

8. De Serres G, Boulianne N, Duval B et coll. Oculo-respiratory syndrome after influenza vaccination: similar risk with two 2001-2002 influenza vaccines. Résumé S44. Fifth Annual Conference on Vaccine Research, Baltimore, MD : 6 mai 2002, p. 61.

9. Skowronski DM, De Serres G, Hebert J et coll. Skin testing to evaluate oculo- respiratory syndrome (ORS) associated with influenza vaccination during the 2000-2001 season. Vaccine, sous presse.

10. Journée d'étude sur le syndrome oculo-respiratoire (SOR). Institut national de santé publique du Québec. URL : <www.inspq.qc.ca>. Date d'accès : juillet, 2002.

11. Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration sur la vaccination antigrippale pour la saison 2002-2003. RMTC 2002;28(DCC-5):1-20.


* Membres : Dr V. Marchessault (président), Dre A. King (secrétaire générale), J. Rendall (secrétaire administrative), Dr I. Bowmer, Dr G. De Serres, Dr S. Dobson, Dre J. Embree, Dr I. Gemmill, Dr J. Langley, Dre A. McGeer, Dre P. Orr, Dr B. Tan, A. Zierler.

Représentants de liaison : S. Callery (CHICA), Dr J. Carsley (ACSP), Dr V. Lentini (DDN), Dre M. Douville-Fradet (CCE), Dr T. Freeman (CMFC), Dr R. Massé (CCMOH), K. Pielak (CNCI), Dr J. Salzman (CCMTMV), Dr L. Samson, (SCP), Dr D. Scheifele (CAIRE), Dr M. Wharton (CDC), Dre A. McCarthy (SCMI).

Représentants d'office : Dre M. Dawar (DGSPNI), Dr L. Palkonyay (DPBTG), Dre T. Tam (CPCMI).

† Cette déclaration a été préparée par la Dre P. Orr et approuvée par le CCNI.

 

[Relevé des maladies transmissibles au Canada]

Dernière mise à jour : 2002-08-01 début