Office de la santé public du Canada / Public Health Agency of Canada
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Agence de santé publique du Canada

 

 

Notes d'allocution pour le Dr David Butler-Jones
Administrateur en chef de la Santé publique, à la

Conférence de l'Association canadienne de santé publique à Ottawa

Le 18 septembre

LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI

Merci Elinor. J'ai peine à croire que presque une année entière s'est écoulée.

C'était vraiment toute une année. Je tiens à féliciter l'Association canadienne de santé publique et ses partenaires. C'est une merveilleuse rencontre, regardez-moi tout ce beau monde, c'est probablement un nouveau record de participation, et je crois que cela reflète l'évolution de l'atmosphère de travail dans le secteur de la santé publique au pays, ainsi que la conscience professionnelle des personnes ici présentes, et de leurs collègues de partout au pays et dans le monde. Alors, je vous félicite. J'ai vraiment hâte d'entendre le reste de cette conversation, et je crois que vous allez vous lasser de moi, car je pense que vous allez me voir de temps à autre tout au long de l'événement, mais je serai ouvert aux discussions, et j'ai très hâte de faire cela.

Stephen Leacock, qui était, comme vous le savez, un drôle de croisement entre un humoriste et un économiste, disait que la réussite, c'est 10 % d'inspiration et 90 % de transpiration. Nous faisons cela depuis longtemps déjà, mais, heureusement, cette combinaison de travail acharné et d'inspiration commence, selon moi, à porter fruit. Outre nos efforts pour mettre sur pied l'ASPC, nous sommes intervenus à l'occasion de catastrophes dans le Sud-Est asiatique, en Afrique et, tout récemment, à la Nouvelle-Orléans, et nous avons déployé des efforts pour comprendre et contrer la menace de la grippe aviaire, entre autres.

L'Agence reflète les six fonctions du gouvernement fédéral en matière de santé publique.

Nous faisons partie du Portefeuille de santé, et nous travaillons en étroite collaboration avec Santé Canada et les IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada) au sein de ce portefeuille, mais on en est venu, je crois, à reconnaître les six fonctions suivantes du Canada :

  • l'évaluation de la santé de la population;
  • la surveillance des maladies et des blessures;
  • la promotion de la santé;
  • la prévention des maladies et des blessures;
  • la protection de la santé;
  • plus récemment, la sixième fonction, soit les mesures et interventions d'urgence.

Jamais je ne pourrais aborder l'ensemble des activités de cette année et quelques autres sujets dont j'aimerais parler, mais nous aurons d'autres occasions de parler de ces choses au cours des prochains jours, de façon officieuse. J'aimerais néanmoins vous faire part de quelques réflexions. Par exemple, commençons par l'une des réussites de cette année : l'établissement du réseau de santé publique. Il s'agit de l'organisme fédéral-provincial-territorial de surveillance qui relève de la Conférence des ministres, par l'entremise de la Conférence des sous-ministres; il met de l'avant des politiques et fait état d'activités problématiques, et qui reflète l'expertise, les comités, etc. qui rassemblent les intervenants en santé publique de partout au Canada.

Il y a eu d'autres réussites. Nous avons été en mesure d'accroître le financement destiné à l'immunisation. Les progrès réalisés au chapitre de la mise au point d'un vaccin pandémique expérimental, et, quelque chose de très récent qui suscite beaucoup d'enthousiasme, la réalisation de percées importantes entourant le potentiel d'un vaccin contre les fièvres hémorragiques, comme l'Ebola, la fièvre de Marburg et la fièvre de Lassa, dans le cadre de travaux dirigés par les Drs Feldman et Jones au laboratoire de Winnipeg. Comme vous le savez, il s'agit d'organismes qui nous font craindre le pire. Heureusement, ils n'ont pas touché un grand nombre de gens, mais leurs effets sont dévastateurs, et le potentiel est toujours là. Ainsi, la perspective d'un vaccin, de fait, tient du miracle.

Ensuite il y a le Réseau mondial d'information sur la santé mondiale, ou RMISM, qui suscite un vif enthousiasme. Nous avons lancé la deuxième vague de travaux relatifs au RMISM à New York. Il s'agit d'une technologie que le Canada a proposée au reste du monde par l'entremise de l'Agence, de concert avec l'OMS, le CDC et d'autres organismes, qui examine constamment Internet et repère les événements terroristes ou les événements bioterroristes ou les poussées épidémiques dont on ne prendrait connaissance normalement que quelques mois plus tard. Cette détection rapide permet à l'OMS ou aux pays concernés de prendre les mesures qui s'imposent et de peut-être résoudre le problème beaucoup plus rapidement. Rétrospectivement, il semble que nous ayons, grâce à une version d'essai antérieure, pris connaissance du SRAS en novembre, de nombreux mois avant la poussée épidémique.

Comme beaucoup d'entre vous le savent déjà, le budget de cette année prévoit environ 300 millions de dollars pour les stratégies intégrées de prévention des maladies chroniques et sur les modes de vie sains. Si pendant quelques années un budget fédéral s'était intéressé à la santé publique ou à la promotion de la santé et y avait affecté 10 millions de dollars, je me serais cru au paradis. Alors, les choses avancent.

Nous avons également été en mesure d'identifier le virus de la grippe H2N2, qui a été acheminé à des laboratoires partout dans le monde. Nous parlerons un peu de cela plus tard, et, bien sûr, on a parlé de nous à l'émission Royal Canadian Air Farce. Qui aurait cru que des questions de santé publique feraient les manchettes si souvent? Sauf lorsqu'il s'agit d'une catastrophe. Et qui aurait cru que nous aurions non seulement un ministre de la Santé, mais aussi un ministre d'État qui défendrait la santé du public avec une telle éloquence et vigueur?

De l'obésité jusqu'à la tularémie, la santé publique fait les manchettes et attire davantage l'attention que nous ne l'aurions jamais espéré il y a quelques années, et, fait peut-être encore plus incroyable, au cours de la dernière année, on a lancé, à l'échelle du pays, des consultations sur les buts pancanadiens en matière de santé publique. Vous verriez devant vous des projets décrivant les aspirations des Canadiens, en tant que gouvernement et en tant que citoyens, en vue de tendre vers un avenir plus sain. Il est vraiment remarquable de voir cela et de voir comment les choses avancent.

L'une de mes citations préférées provient de Disraeli. À vrai dire, j'ai deux citations de Disraeli à vous présenter. La première : « Il y a les mensonges, les grossiers mensonges et les statistiques. ». La deuxième, qui est, selon moi, plus pertinente aujourd'hui, est la suivante : « La santé publique est le socle sur lequel reposent le bonheur des gens et le bien-être de l'État. » C'était vrai il y a 150 ans, et ça l'est toujours aujourd'hui.

La façon dont le système perçoit la santé publique a évolué. On comprend davantage le rôle de la santé publique, et on sait qu'elle est essentielle non seulement à la préparation aux situations d'urgence, comme l'illustrent tragiquement le cas des États du Golfe persique et celui de la Nouvelle-Orléans, mais aussi à soutenir les efforts de la société pour mener une vie plus heureuse, plus productive et plus saine.

La santé publique est également la fondation sur laquelle repose le reste du système, et on commence lentement à comprendre qu'on a beau boucher les fissures de la maison, si la fondation est médiocre, les fissures ne vont que s'élargir. Mais ce qui est encore plus encourageant, selon moi, c'est que l'on comprend et l'on admet de plus en plus que la santé du public est la responsabilité et le résultat du travail non seulement du secteur des soins de santé, mais de tous les secteurs de la société. La santé repose sur l'interaction d'un certain nombre de facteurs déterminants.

Je l'ai souvent dit : s'il n'y a qu'une seule leçon à tirer de la crise du SRAS et, maintenant de la Nouvelle-Orléans, c'est que tout est lié. Pour réagir à ces problèmes, voire les résoudre, tous les ordres de gouvernement et tous les ministères, les ONG, le secteur bénévole, l'industrie, les syndicats et les collectivités elles-mêmes doivent collaborer.

Qu'est-ce qui a forcé les gens à écouter et à enfin comprendre ce que vos collègues et vous-même avez dit pendant toutes ces années? Le SRAS. Ce n'est évidemment pas le seul facteur, mais, c'est certainement la goutte qui a fait déborder le vase.

Même si nous savons que ce sont les maladies chroniques et les blessures qui occasionnent la plupart des décès évitables, du moins dans notre partie du monde, on dirait qu'il fallait une telle poussée épidémique pour faire éclater la bulle d'insouciance.

On dit que, dans l'Antiquité, les Israélites prospéraient lorsqu'ils se souvenaient de Dieu, et qu'ils oubliaient Dieu lorsqu'ils prospéraient. Ce n'est pas tout simplement une question de religiosité. Dans le même ordre d'idées, quand nous savons ce qui fonctionne, nous faisons bonne figure, mais, malheureusement, lorsque nous réussissons, nous oublions souvent ce qui nous a menés là, et cela illustre en partie le défi de ne pas tenir la santé publique pour acquis : on ne saurait faire fi de cette contribution fondamentale du gouvernement au bien collectif, sans quoi on le ferait à nos risques et périls.

La crise du SRAS et les examens menés par la suite, aux échelons national et provincial, ont mis en relief les liens entre les aspects négligés de la santé publique et les menaces grandissantes à la population, ainsi que le besoin d'assurer la protection civile et une collaboration, une communication et une coordination efficaces pour réduire au minimum l'impact de tels événements. Ces événements ont également mis en évidence le fait qu'une solide infrastructure de santé publique permettra non seulement de mieux réagir aux situations d'urgence, mais aussi, en période d'accalmie, de travailler à l'amélioration de la santé des Canadiens, et, au bout du compte, ce sera sa plus grande réalisation.

L'une des recommandations du rapport Naylor, qui s'intitule « Leçons de la crise du SRAS », préconisait la création d'une nouvelle Agence de santé publique du Canada et du poste que j'ai l'immense privilège et l'honneur d'occuper. C'est chose faite.

Mais qu'en est-il des autres recommandations du rapport Naylor? Où allons-nous? Eh bien, la Commission Naylor a reconnu qu'à l'avenir nous devrons être en mesure d'intervenir à l'égard de maladies infectieuses émergentes susceptibles d'arriver à nos frontières, de partout dans le monde, en quelques heures seulement. C'est pour cette raison que nous avons, avec la collaboration des provinces et territoires et d'autres intervenants, constitué une réserve d'un peu plus de 20 millions de doses d'antiviraux. Dans ce cas-là, il s'agissait d'Oseltamivir, dont la capacité d'au moins aider à lutter contre la grippe aviaire, le cas échéant, a été prouvée.

On utilisera ce médicament pour traiter les Canadiens à risque élevé qui deviennent malades, et à titre de prophylactique pour les médecins, les infirmières et d'autres travailleurs de première ligne, ainsi que les principaux décideurs, et nous comptons également ajouter d'autres antiviraux. On a fait beaucoup de bruit au sujet des antiviraux, et on en a beaucoup parlé dans les médias, mais ils ne sont pas l'élément central de nos préparatifs à l'égard de la grippe pandémique ou de toute autre grippe, et ils ne devraient pas l'être. Nous ne pouvons garantir qu'ils agiront efficacement sur la souche pandémique, et ils ne peuvent que réduire la menace, ils ne peuvent l'éliminer.

Il sera donc plus important de vacciner les gens le plus rapidement possible, lorsqu'on connaîtra la souche, et le budget de cette année prévoit 34 millions de dollars de plus pour la production et la mise au point d'un vaccin pandémique expérimental contre le H5N1. Nous ne connaissons ni le moment où apparaîtra la pandémie ni la nature exacte du virus, mais, quel qu'il soit, il ne sera probablement pas identique au H5N1 actuel, de sorte qu'il n'est probablement pas utile de constituer une réserve de vaccins.

Par contre, ces travaux nous permettront de montrer qu'il est possible, de fait, de produire un vaccin efficace et de remanier nos systèmes de production et nos processus réglementaires afin que, le moment venu, nous puissions peut-être réduire le délai entre la reconnaissance d'une souche pandémique et l'administration de vaccins à la population.

De plus, nous sommes maintenant dotés de deux centres des opérations d'urgence, à Ottawa et à Winnipeg, ainsi que d'un centre auxiliaire à Ottawa. Ils sont pleinement intégrés, et ils sont reliés aux centres des opérations d'urgence fédéraux, provinciaux et territoriaux, ainsi qu'au centre de commandement du US Department of Health and Human Services américain, des Centers for Disease Control, et de l'Organisation mondiale de la Santé. Nous avons activé le centre à plusieurs reprises cette année, en vue de gérer des catastrophes internationales et de mener l'opération Triple Play, exercice conjoint entre le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne au cours duquel on a effectué une série de simulations d'attaques bioterroristes. Aux fins de l'exercice, il était question de la peste.

Ironie du sort, ce n'est qu'une semaine plus tard que nous avons découvert la source du virus H2N2, virus de la grippe qui a causé une pandémie pendant les années 60 et n'a pas sévi chez les humains depuis plus de 40 ans. On l'avait distribué par erreur à plus de 6 000 laboratoires qui effectuaient des épreuves de compétence à des fins d'assurance de la qualité, et qui ignoraient ce qu'ils avaient reçu. Cela aurait pu causer la prochaine pandémie, car aucune personne née après les années 60 n'aurait été immunisée contre ce virus. Pouvez-vous imaginer le cauchemar diplomatique d'un organisme américain qui transmet accidentellement un virus qui occasionne une pandémie et tue des millions de personnes?

Cependant, la collaboration entre les États-Unis, l'OMS et nous-mêmes à la suite de cet événement illustre la valeur de la coopération et de la communication en vue de réduire au minimum et de contrer toute menace éventuelle. Cette collaboration laisse présager de bonnes choses en ce qui concerne l'avenir et l'importance de réfléchir et de s'intéresser non seulement au terrorisme humain, mais aussi à des menaces plus grandes liées aux accidents ou à la nature, car cette dernière est probablement le bioterroriste le plus efficace, comme l'ont constaté les humains au cours du dernier millénaire.

Un jour, je conduisais sur l'une des routes en périphérie de Regina, au printemps, et j'ai vu bouger un cerf au bord de la route, il était évident qu'il s'apprêtait à traverser. Alors, nous avons ralenti et regardé le cerf traverser la route. Comme c'est souvent le cas à ce moment-là de l'année, il y avait un faon; le faon s'est mis à traverser la route, et quand il nous a repérés dans l'auto, il s'est laissé tomber à plat ventre avec les pattes de chaque côté, en plein milieu de la route. La mère est arrivée et a fait sa petite danse pour nous distraire, et c'est exactement ce qu'on attendrait d'elle. Malheureusement, le faon était au beau milieu de la route, et une auto venait dans l'autre direction. Alors nous lui avons bloqué le chemin. Susan est sortie de l'auto, et elle a tenté de lever le faon, mais elle n'arrivait pas à le faire bouger. Finalement, nous avons dû transporter le faon jusqu'au bord de la route.

Ce à quoi je veux en venir, c'est que c'est la bonne réaction si on est dans un champ. Mais ce n'est pas très approprié lorsqu'on est au beau milieu d'une route, et que des autos y circulent. Alors, la leçon que nous devrions en tirer, je crois, concerne l'importance de l'adaptation et de la souplesse, l'importance de réagir en fonction de la situation, et je crois que nos nombreuses expériences de la dernière décennie continuent de nous apprendre cette leçon.

Nous savons également que l'épidémie de maladies chroniques a un impact encore plus grand sur notre partie du monde que les maladies infectieuses, et nous savons que l'impact de ces maladies, des maladies mentales et des blessures, est beaucoup plus grand au Canada, même si, à l'échelle internationale, les maladies infectieuses sont toujours la principale cause de mortalité.

Au XVIIIe siècle, le médecin et botaniste Carl von Linné a écrit que : « Une vie qui tient à la médecine est une vie horrible ». Évidemment, la médecine s'est améliorée depuis cette époque, et je ne crois pas que quiconque recommanderait qu'on se passe des médicaments ou interventions chirurgicales nécessaires, mais je crois que nous comprenons ce que Linné voulait dire. S'attacher uniquement à traiter la maladie, c'est comme pomper l'eau d'un bateau sans jamais boucher le trou qui est à la source de la fuite. Mais si nous faisons bien les choses, cela réduira la pression exercée sur le système de traitement.

Même si le thème dominant en matière de soins de santé abordé par les médias à l'heure actuelle concerne les listes d'attente, et c'est une préoccupation valide, nous devons continuer de rappeler aux gens, par exemple, que, comme l'a signalé l'étude menée par l'ICIS, les listes d'attente relatives aux remplacements articulaires sont largement le reflet des problèmes croissants liés à l'obésité. Et je ne crois pas que nous aurions le temps de nous préoccuper des listes d'attente relatives à des choses comme l'arthroplastie totale du genou si nous n'avions pas mis au point un vaccin contre la polio et exécuté à l'échelle de la population des programmes d'immunisation qui ont essentiellement permis de l'éradiquer, du moins dans notre partie du monde, car les chirurgiens-orthopédistes n'auraient pas eu le temps de même penser à l'idée d'effectuer des remplacements articulaires, car ils seraient trop occupés à composer avec les répercussions de la polio.

Notre société ne saisit pas toute l'ampleur de la contribution des interventions en santé publique et des activités de prévention et de promotion à la résolution des problèmes de santé du passé, et elle ne reconnaît pas le rôle potentiel de ces interventions à l'égard d'un grand nombre de problèmes actuels. Les deux tiers des décès évitables sont imputables aux maladies chroniques, comme les maladies du cœur, le cancer, le diabète et les maladies pulmonaires. Les coûts liés à ces maladies sont toujours époustouflants : il est question de 70 milliards de dollars. Quel que soit le chiffre, le coût est énorme, sur le plan non seulement des finances, mais aussi de la souffrance inutile et de la douleur.

Un autre aspect vraiment intéressant de l'après-SRAS tient à la reconnaissance du facteur sous-jacent de la santé selon lequel on peut succomber à de nouvelles formes d'infection. Ainsi, plus on est en santé, plus on est susceptible de résister à l'infection. Il y a deux poids, deux mesures à cet égard, et c'est intéressant, comme si la prévention et la promotion ne valaient la peine d'être appliquées que si elles permettaient de réaliser des économies, comme s'il valait mieux se rétablir d'un pontage que de ne pas en avoir eu besoin pour commencer.

J'ai cessé de compter le nombre de fois où on m'a dit qu'il n'était pas rentable d'investir davantage dans la prévention, car les gens vieillissent, consultent leur médecin plus souvent, touchent leur pension, et coûtent de l'argent au système. On avance qu'en réalité, la prévention ne nous permettrait pas de réaliser des économies. Alors, on pourrait se demander pourquoi on a traité mon asthme et ma pneumonie subséquente lorsque j'étais enfant, puisque j'ai survécu et que je continue de voir mon médecin, et qu'un jour, j'espère toucher ma pension? Alors comment se fait-il que l'on considère le fait de ne pas tomber malade comme un coût, alors que le fait de tomber malade et de guérir, du moins, c'est ce qu'on espère, est en quelque sorte soumis à une norme différente? Le système devrait viser à procurer la meilleure santé possible, quelles que soient les ressources nécessaires, et si nous considérons effectivement cela comme l'avantage que nous procure le système, la prévention et la promotion devraient clairement jouer un rôle plus important.

On a beaucoup parlé des objectifs de santé. Pour la première fois, de concert avec les provinces et les territoires, nous avons convenu d'établir des objectifs nationaux en matière de santé publique. En mars, Carolyn Bennett, ministre d'État (Santé publique), et Theresa Oswald, ministre déléguée à la Vie saine du Manitoba, ont lancé des consultations pancanadiennes auprès d'experts, de membres de la collectivité, de groupes culturels, etc., et partout au pays, on parle de plus en plus d'objectifs. Vous avez pris connaissance des résultats des consultations à l'occasion de la présente conférence, et on vous demande de vous prononcer, et vos commentaires nous seront très utiles.

Nous avons vraiment hâte de terminer cette étape et de passer à la deuxième étape avec chaque administration, et ensuite fixer les objectifs de santé de chacune afin que nous puissions évaluer nos progrès.

Bien sûr, l'Agence prend part à de nombreuses autres initiatives, de la recherche jusqu'aux conseils aux voyageurs, en passant par les activités liées au virus du Nil occidental, les stratégies intégrées liées aux maladies chroniques, le VIH et le sida, pour n'en nommer que quelques-uns. Je pourrais mentionner de nombreuses initiatives. Mais j'aimerais parler du VIH-sida et des ravages qu'il fait en Afrique. Ici, au Canada, il y a pour les Canadiens un nouveau plan d'action sur le VIH-sida qui prévoit des investissements accrus et qui reflète un nouveau consensus à l'égard de l'adoption d'une approche plus intégrée, d'une approche plus concertée qui nous aidera à aller de l'avant.

Alors, qu'est-ce que tout cela veut dire? Qu'est-ce qui est au cœur de nos travaux?
Aldous Huxley disait : « J'aimerais mourir jeune, mais le plus tard possible. » Plaisant, n'est-ce pas?

N'est-il pas intéressant de constater que, malgré la recherche d'une panacée et d'une nouvelle grande idée, du prochain remède miracle, lorsqu'il est question de santé et de fonctionnement, nous constatons, encore et toujours, que nous continuons de tirer avantage du fait de vivre pleinement sa vie, de bien vivre et de faire les choses avec modération?

À l'époque de ma formation en psychiatrie, je traitais une mère célibataire qui avait tenté de se suicider. Après deux mois de travail, elle était enfin prête à quitter l'hôpital. Toutefois, la réalité, c'est qu'elle avait bien peu de possibilités d'améliorer son revenu. Sa vie à la maison était difficile, elle recevait peu de soutien, et avait peu d'amis. Je me souviens de m'être dit, à l'époque, qu'elle avait probablement de bonnes raisons d'être désespérée.

Sa situation, ainsi que le nombre de problèmes évitables que j'ai vus dans les salles d'urgence ou dans les divers services expliquent en partie pourquoi je me suis orienté vers la santé publique, car, à titre de médecin, je pouvais traiter sa maladie, mais, pour vraiment réussir, nous devons nous attaquer aux causes sous-jacentes. Cela me fascine : même à l'échelon communautaire, on peut prendre le pouls d'une collectivité sans même connaître les statistiques, juste en parcourant ses rues. L'apparence des maisons et des jardins, la façon dont les gens interagissent, leur façon de vous accueillir, toutes ces choses en disent beaucoup au sujet du fonctionnement et de la santé de cette collectivité.

Nous devons relever le défi de travailler avec les gens et les collectivités, et les aider à atteindre leurs objectifs. Il s'agit de problèmes de taille, de problèmes qui peuvent parfois sembler accablants, mais on peut les résoudre, petit à petit.

Parmi les façons de systématiser tout cela, j'affectionne particulièrement l'acronyme PACEM, ou permettre, atténuer, collaborer, encourager et militer.

Permettre, cela signifie qu'on a beau adopter les meilleures stratégies et les meilleurs plans, notre façon de travailler avec nos propres employés, avec nos partenaires, contribue énormément à notre capacité d'influer sur les facteurs déterminants. Atténuer, cela veut dire « composer avec ce que l'on a », et les systèmes ont tendance à très bien faire ça. Par exemple, dans un grand nombre de collectivités, en particulier dans le Nord, les problèmes liés aux logements médiocres, à l'assainissement et à l'absence d'eau potable sont permanents. L'inévitable poussée de cas d'hépatite A est donc monnaie courante. Mais, pendant qu'on s'affaire à trouver des solutions à long terme, nous pouvons au moins immuniser les enfants afin de veiller à ce qu'ils ne contractent pas l'hépatite A. Ce n'est pas une solution à long terme, mais c'est quelque chose, et cela permet de veiller à ce qu'ils soient vivants et en bonne santé en attendant. Collaborer, c'est l'absolue nécessité de franchir ces frontières invisibles en vue de travailler avec d'autres partenaires à l'amélioration de la santé publique. Encourager, c'est capital : l'une des pires choses que je puisse faire, à titre de médecin, c'est de miner le bon travail des autres. Parfois, la meilleure chose à faire, c'est d'appuyer le travail important des autres. Et enfin, militer, c'est miser sur son expertise et sur des éléments probants pour expliquer pourquoi certaines politiques et certains programmes s'imposent.

Tout le monde veut exercer un certain contrôle sur sa vie et a besoin de le faire, et les façons dont cela influe sur la santé sont innombrables. La santé est meilleure au sein des collectivités qui, malgré une pauvreté relative, jouissent d'un système communautaire dynamique. Beaucoup connaissent le travail de Chandler, qui s'est penché sur les facteurs du contrôle communautaire et sur le taux de suicide chez les adolescents des réserves. Essentiellement, si on règle les revendications territoriales et que les collectivités peuvent exercer un contrôle sur divers facteurs - comme les services de police, de prévention des incendies, de santé, etc. -, alors, leur taux de suicide est considérablement inférieur à celui qu'on affiche au sein de l'ensemble de la population.

Il est clair que, en ce qui concerne la santé publique, nous avons un rôle à jouer, car nous devons dire : « Vous ne devez pas faire ceci ou cela. » Par exemple : « Vous ne déverserez pas ce produit chimique dans l'eau. Vous n'infecterez pas cette autre personne. Vous ne servirez pas d'aliments contaminés. » Mais, surtout, nous faisons participer les collectivités à la résolution de leurs problèmes, afin qu'elles passent de la dysfonction à la fonction. Nous savons peut-être ce qui devrait fonctionner ou nous croyons le savoir, mais, tout comme en médecine clinique, c'est le patient qui doit vivre avec la décision.

Le point de vue des collectivités doit être respecté. Nous prodiguons les meilleurs conseils et fournissons les meilleurs renseignements, et nous travaillons avec les particuliers et les collectivités sur les solutions qu'ils choisissent, et nous respectons leur choix, même s'il ne reflète pas les solutions que nous privilégions. Avec le temps, nous réalisons des progrès durables. L'art de la santé publique, selon moi, c'est connaître la différence.

Je pourrais soulever de nombreux exemples, comme le complexe domiciliaire pour aînés qui remplissait les salles d'urgence de personnes aux bras cassés et ayant des ecchymoses, jusqu'à ce que quelqu'un, la santé publique, réunisse des gens et s'aperçoive que c'était la porte qui posait problème. Une porte plus facile à ouvrir, la valeur des ceintures de sécurité, la santé publique a contribué à tant de choses au fil des ans, mais je ne tiens pas à m'attarder à cela, et vous les connaissez tous mieux que moi.

L'une des choses que j'aimerais dire, c'est que la santé publique, c'est bien plus qu'un ensemble complet de programmes et d'activités : c'est une façon d'envisager la société et notre compréhension des problèmes et des solutions.

Beaucoup m'ont déjà entendu raconter cette vieille histoire sur le développement, l'histoire au sujet des bébés dans la rivière, celle où un couple trouve un bébé dans la rivière, le sauve et le ramène chez lui. Le lendemain, il y a d'autres bébés, et le jour suivant, il y en a encore plus, et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'ensemble de la collectivité se consacre au sauvetage des bébés. Ils bâtissent des hôpitaux, des orphelinats, des services d'ambulance, des bateaux et toutes ces choses, jusqu'au point où pratiquement rien d'autre ne se fait, et le maire convoque une assemblée municipale. Ils soulèvent une foule de solutions : peut-être que si nous avions davantage d'argent du fédéral... peut-être que si nous avions davantage de médecins... peut-être que si nous avions davantage d'orphelinats...

Ensuite, quelqu'un lance qu'on devrait peut-être aller en amont de la rivière et découvrir d'où viennent ces bébés. Et le maire répond : « Tout le monde est trop occupé pour faire ça. » Pour moi, cela décrit le système de soins de santé antérieur, que nous commençons lentement, selon moi, à transcender. Comme l'a déclaré Osler : « Prévenir les maladies, alléger les souffrances et guérir les malades, c'est ça, notre travail »

Ainsi, je crois que l'Agence a connu une très bonne première année. Nous avons les six nouveaux Centres de collaboration, qui s'appuient sur le savoir-faire régional pour réaliser un mandat national. Leur mandat concerne la mise en pratique et la diffusion des connaissances, et la création de liens entre les résultats des recherches, la formation et la pratique. Nos laboratoires, nos bureaux régionaux, toutes ces choses, dont je n'ai mentionné que quelques-unes aujourd'hui.

Mais cela ne met pas que l'Agence en jeu : ça met en jeu les gens ici présents, les intervenants en santé publique de partout au pays, tous nos partenaires, le secteur bénévole, les professionnels et les autres, c'est ce que nous apporte la force collective. L'Agence contribue son expertise et ses ressources, et, j'espère, un certain encadrement et une certaine coordination, mais nous sommes bien petits dans tout cela.

La santé publique est fondamentalement une activité locale, mais elle doit être reliée et soutenue afin que nous puissions collectivement veiller à ce que la bonne solution et la bonne approche soient appliquées au bon moment, au bon endroit. C'est une grande toile de santé publique à laquelle nous participons tous, et j'ose espérer que l'Agence peut l'encadrer et y contribuer.

Nous avons nos deux piliers, nos deux administrations centrales. Nous avons nos bureaux régionaux, et nous continuons de passer en revue nos programmes et nos activités dans le but non pas d'apporter des changements fondamentaux, mais bien d'harmoniser ce que nous faisons avec les choses qui sont les plus importantes, afin que nous soyons les plus efficaces. Les choses qui sont probablement le plus appropriées aujourd'hui ne sont peut-être pas les choses qui étaient les plus appropriées il y a dix ans. Quand je songe à la situation il y a dix ans, aux cloisonnements, aux divisions, etc., c'est vraiment un changement remarquable. Mais nous sommes déterminés à financer les collectivités et les programmes, et, de fait, plus de la moitié du budget de notre Agence est affecté à ces fonctions.

Nous avons besoin d'une capacité robuste. Nous avons besoin de mettre l'accent sur les situations d'urgence. Nous avons besoin de mettre l'accent sur les maladies chroniques. Nous avons besoin de mettre l'accent sur la santé mentale. Nous avons besoin de mettre l'accent sur les infections aussi.

En conclusion, lorsque vient le temps de déterminer ce dont nous avons besoin pour réussir, je pose souvent la question suivante : « De quelle expertise, de quelle perspective, de quelles compétences, de quels talents et intérêts n'avons-nous pas besoin? » Je pose la question parce que j'apprends constamment des choses de la perspective des autres. Nous avons besoin de vous tous, nous avons besoin de vous pour travailler partout au pays avec nos partenaires provinciaux, territoriaux et locaux, avec les groupes communautaires, avec les entreprises et les organismes qui s'intéressent à une maladie en particulier. Nous avons besoin de vous pour travailler avec des groupes aux vues similaires au-delà des frontières ministérielles, régionales et nationales, pour réaliser un objectif commun : l'amélioration de la santé de tous. Parce que, au bout du compte, ce n'est que parce que nos citoyens vivront plus longtemps, vivront en meilleure santé et vivront plus heureux que nous pourrons crier victoire, et nous mettons à contribution nos talents et notre expertise, nos données et nos stratégies découlant d'un éventail de disciplines et de perspectives.

Il m'arrive parfois d'être très découragé. Mais je ne perds jamais de vue, par contre, qu'il faut regarder non seulement le chemin à parcourir, mais aussi le chemin parcouru, et cela me fait penser à Dorothy Solle, théologienne allemande. L'une des choses dont elle parle concerne le fait que notre société, en particulier la société occidentale, juge souvent les choses par notre capacité de réussir, de gagner, de réaliser un profit, etc. Autrement dit, si les perspectives de réussite ne sont pas très bonnes, nous concluons qu'il n'est peut-être pas utile de faire quelque chose, et ce que cela veut dire - et c'est sur cette pensée que je vous quitte -, c'est qu'il y a des choses que nous faisons non pas parce que nous allons gagner, non pas nécessairement parce que nous allons réussir, mais tout simplement parce que c'est la chose à faire. Merci.

 

Mise à jour : 2005-10-06 haut de la page