Volume 22-16
15 août 1996
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des matières]
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ISOLEMENT DE BORRELIA BURGDORFERI --- DISTRICT DE THUNDER BAY
(ONTARIO)
Borrelia burgdorferi, spirochète responsable de la maladie de
Lyme (ML), a été isolé à partir d'une tique occidentale à pattes noires,
Ixodes scapularis (populations du nord auparavant considérées comme
appartenant à l'espèce I. dammini). C'était la première fois qu'une
culture vivante de B. burgdorferi était isolée dans le District de Thunder
Bay.
Le 31 octobre 1995, la tique a été extraite de la croupe d'un chien,
à Thunder Bay (Ontario). Le chien n'était jamais sorti de la ville. Au
cours des 2 à 3 semaines précédant l'extraction de la tique, il avait
présenté une toux.
La tique vivante a été acheminée au Vector-borne Diseases Laboratory
du Centre for Disease Control de la Colombie-Britannique (BCCDC)
à Vancouver (Colombie-Britannique) pour qu'on y procède à la recherche
des spirochètes. La tique a été formellement identifiée comme étant I.
scapularis.
Au laboratoire, la tique femelle entièrement gorgée de sang a été stérilisée
en surface, avant la dissection, à l'aide de peroxyde d'hydrogène à 10
%, puis d'isopropanol à 70 %. Le contenu de son intestin moyen a été prélevé
par chirurgie, transféré sur le milieu de culture BSK II et incubé à 35°
C. Les cultures ont été examinées une fois la semaine au moyen d'un microscope
à fond noir. En moins de 2 semaines, les spirochètes mobiles caractéristiques
de B. burgdorferi ont été observés.
L'amplification par la polymérase (PCR) a mis en évidence, dans l'isolat,
les gènes OspA, ARNr 16S et HSP60 de B. burgdorferi. Le profil
d'OspA [31 kilodaltons (kDa)], d'OspB (34 kDa), d'OspC (22-25 kDa), de
P39 (39 kDa), de la flagelline (41 kDa), de HSP60 (60 kDa) et de bandes
à 66 kDa a été établi par électrophorèse sur gel de polyacrylamide en
présence de dodécyl sulfate de sodium. L'isolat a en outre été analysé
en vue de la détermination de son profil plasmidique; la séparation par
électrophorèse en champ pulsé (PFGE) des produits de digestion par des
enzymes de macrorestriction (MluI et SmaI) de l'ADN total
a également été effectuée. Une bande de 135 kbp à la PFGE, caractéristique
de B. burgdorferi proprement dit, a été mise en évidence dans le
produit de digestion par des enzymes de restriction. L'isolat a également
réagi à une épreuve effectuée à l'aide d'anticorps monoclonaux pour les
gènes Osp A-D, Fla, BmpA (P39), GroEL, ADNk, P22 et P93 (1) . Les observations
et les analyses pratiquées sur cet isolat ont confirmé que le spirochète
était bel et bien B. burgdorferi.
Un échantillon de sang prélevé chez le chien 7 jours après l'extraction
de la tique a été analysé par un laboratoire privé (Diagnostic Veterinary
Systems, Don Mills (Ontario)) et s'est révélé négatif à l'égard des
anticorps dirigés contre B. burgdorferi. D'autres prélèvements
de sang ont été effectués 21 jours et 35 jours après l'extraction et expédiés
au BCCDC. À ce moment-là, il y a avait eu séroconversion chez le chien,
et les deux échantillons de sang étaient positifs au test d'immunofluorescence,
les titres s'établissant respectivement à 1:512 et 1:256. L'épreuve Western
blot a mis en évidence les antigènes OspA-C, P39, flagelline, HSP60 et
la bande à 66 kDa.
Le 24 novembre 1994, une tique femelle appartenant à l'espèce I. scapularis
entièrement gorgée de sang a été prélevée chez un chat à Thunder Bay.
Ce chat n'avait jamais quitté la ville. On a eu recours à la PCR pour
rechercher B. burgdorferi chez cette tique morte (2). Le chat avait
été sacrifié avant qu'on ait déterminé s'il était atteint de la ML, mais
il présentait des signes cliniques évocateurs. On observait une plaque
érythémateuse (7 cm X 7 cm) centrée sur la piqûre de tique, à l'arrière
du cou, et l'animal souffrait de boiterie, de prurit, de troubles rénaux
et intestinaux; il était en outre devenu très agressif envers son maître.
À la fin de 1995, on avait signalé à 98 reprises la présence de la tique
occidentale à pattes noires chez des hôtes qui n'avaient pas fait de voyage
important. Dans 18 cas, cette tique était présente chez des chiens, des
chats, des oiseaux et des humains du District de Thunder Bay. Le premier
spécimen avait été recueilli en 1982, chez un humain (3).
En se fondant sur les tiques adultes prélevée chez des hôtes dans cette
région, on peut conclure que la première recherche de nourriture survient
entre la mi-mai et la mi-juillet, et la recherche automnale, entre octobre
et novembre.
Entre 1992 et 1995, six tiques adultes ont été recueillies au printemps
et au début de l'été, ce qui indique qu'elles auraient hiverné. À Thunder
Bay, la chute de neige annuelle totale s'élève en moyenne à 196 cm, créant
ainsi, à la surface du sol, un microclimat convenant à I. scapularis.
On a clairement observé un effet protecteur de la couche de neige au cours
de l'hiver 1995-1996, quand la température moyenne de l'air était de -13,9°
C (max. + 1,3° C, min. -33,7° C), alors que la température moyenne
au niveau du sol, sous la couche de neige, était de -0,9° C (max.
-0,4 1° C, min. -2,5° C) (S. Forrester, département de biologie,
Lakehead University : communication personnelle, 1996). Il y a
lieu de mener d'autres études afin de déterminer si la tique hiverne dans
la région de Thunder Bay à ses trois stades de développement.
La tique occidentale à pattes noires, principal vecteur de la ML, vient
des régions endémiques du Minnesota et du Wisconsin. Les oiseaux migrateurs
transportent ensuite I. scapularis dans la région de Thunder Bay,
en Ontario. Au printemps 1995, des larves d'I. scapularis ont été
recueillies chez un merle d'Amérique (Turdus migratorius) et un
bruant familier (Spizella passerina) au cours du baguage des oiseaux
au cap Thunder, dans la péninsule de Sibley (4) . Certains oiseaux qui
se posent au sol et certains oiseaux porteurs de tiques immatures (larves
ou nymphes) sont des réservoirs compétents de B. burgdorferi. Entre
1984 et la fin de 1995, 14 cas de ML ont été signalés dans le district
de Thunder Bay. Neuf des sujets atteints n'avaient fait aucun voyage.
Au cours de la même période, 228 cas ont été dénombrés dans l'ensemble
de l'Ontario (C. LeBer, Direction de la santé publique, ministère de la
Santé de l'Ontario : communication personnelle, 1996).
B. burgdorferi a été trouvé chez des tiques I. scapularis
de plusieurs localités de l'Ontario, notamment à Kenora (5) , à Keewatin,
à la rivière à la Pluie et à la Pointe-Pelée (2) . Il a également été
mis en évidence chez une tique de castor (I. banksi) à Sault Ste.
Marie et une tique d'écureuil (I. marxi) à Palmer Rapids, comté
de Renfrew (2). Il convient de procéder à d'autres recherches afin de
déterminer si I. banksi et I. marxi sont des vecteurs compétents
capables de transmettre les spirochètes de la ML aux animaux et aux humains.
Références
-
Sviat SL, Banerjee SN, Banerjee M et coll. Molecular characterization
of Borrelia burgdorferi isolated in Canada. Dans: Proceedings
of the VII International Congress on Lyme Borreliosis, 1996 June 16-21.
San Francisco, CA. Abstract A025.
-
Scott JD, Banerjee SN, Christensen CI et coll. Ixodes scapularis,
le vecteur de la maladie de Lyme, est largement répandu en dehors
de la région de Long Point, en Ontario. Présentation par affiches,
VIII e Conférence scientifique internationale annuelle sur la maladie
de Lyme, les 28 et 29 avril 1995, Vancouver, C.-B.
-
Lankester MW, Potter WR, Lindquist EE et coll. Tiques du chevreuil
(Ixodes dammini) trouvées dans le nord-ouest de l'Ontario.
RHMC 1991;17:260, 263.
-
Klich M, Lankester MW, Wu KW. Spring migratory birds (Aves) extend
the northern occurrence of blacklegged tick (Acari : Ixodidae).
J Med Entomol 1996;33:581-85.
-
Banerjee SN, Christensen CI, Scott JD. Isolement de Borrelia
burgdorferi en Ontario (partie continentale). RMTC 1995;21:85-6.
Source :
S Banerjee, PhD, M Banerjee, PhD, Vector-borne Diseases Laboratory, BCCDC,
Vancouver (Colombie-Britannique); J Scott, BSc(Agr), président, Lyme Disease
Association of Ontario (Fergus), M Lankester, PhD, département de biologie,
Lakehead University, Thunder Bay, J Kubinec, DVM, Fort William Animal
Clinic, Thunder Bay (Ontario).
Éditorial
Pour toute l'année 1995, les Centers for Disease Control and Prevention
(CDC) ont reçu 11 603 déclarations de cas de 43 États et du District de
Columbia (incidence globale de 4,4 cas par 100 000 habitants), ce qui
représente le deuxième nombre le plus important de cas à être signalés
depuis 1982, mais il s'agit d'une baisse de 11 % par rapport aux 13 043
cas déclarés en 1994 (1). Comme dans les années antérieures, les nombre
les plus importants de cas ont été signalés dans les régions du nord-est,
du centre-nord et du centre de la côte de l'Atlantique.
Les mesures de protection personnelle (p. ex. application d'un insectifuge
et recherche de tics) et les modifications de l'environnement (p. ex.
application d'insecticides et installation de clôtures afin d'empêcher
que les cerfs ne s'approchent des habitations) continueront d'être des
moyens importants de réduire les risques d'exposition aux morsures de
tiques et de prévenir la ML et les autres maladies causées par des tiques
(p. ex. l'ehrlichiose et la babésiose). L'ehrlichiose granulocytaire humaine
(EGH) a été décrite pour la première fois en 1994 (2) chez des patients
du Minnesota et du Wisconsin. Elle est causée par un agent qui est étroitement
apparenté à Ehrlichia equi. L'agent causal de l'EGH a été retrouvé
chez les tiques du cerf (I. scapularis) et du chien (Dermacentor
variabilis) (2).
Références
-
CDC. Lyme disease --- United States, 1995. MMWR 1996;45:481-84.
-
Bakken JS, Dumler JS, Chen SM et coll. Human granulocytic ehrlichiosis
in the upper midwest United States. JAMA 1994;272:212-18.
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