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Agence de santé publique du Canada
Relevé des maladies transmissibles au Canada

Volume 29-11
le 1 juin 2003

[Table des matières]

GRAPPE DE CAS DU SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE CHEZ LES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ PROTÉGÉS — TORONTO, CANADA, AVRIL 2003 

Des cas de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) sont couramment observés chez les travailleurs de la santé depuis l'émergence de cette infection. La plupart des cas sont survenus dans des établissements où les précautions destinées à prévenir la transmission des infections n'étaient pas appliquées ou observées. Les mesures recommandées englobent l'usage de chambres d'isolement en pression négative, lorsqu'elles sont disponibles, l'usage d'une protection respiratoire de niveau  N95 ou supérieure, le port de gants, de blouses et d'une protection oculaire, et, enfin, une hygiène rigoureuse des mains. Le présent rapport fait le point sur une grappe de cas de SRAS chez des travailleurs de la santé en milieu hospitalier en dépit de l'observance apparente des mesures recommandées de lutte anti-infectieuse(1)

Le patient index est un médecin de famille canadien âgé de 54 ans qui a des antécédents d'hyperlipidémie, d'hypertension et de diabète non insulino-
dépendant maîtrisé par des hypoglycémiants oraux. Les 1er et 2 avril 2003, il examine trois patients membres d'une famille faisant partie d'une grappe communautaire de cas de SRAS à Toronto (Ontario)(2). Le médecin ne prend aucune précaution pour prévenir la transmission de l'infection. Le 4 avril, il présente une fièvre, des myalgies, des céphalés, une diarrhée légère et une toux sèche. À l'évaluation médicale, sa radiographie pulmonaire est normale, mais il continue de se sentir malade durant l'isolement à domicile. Le 8 avril, il est réévalué, et la radiographie pulmonaire montre un infiltrat au niveau du lobe supérieur gauche. Il est admis à l'unité du SRAS de l'hôpital A. 

Au cours des quelques jours suivants, le patient est toujours fébrile, sa toux s'exacerbe, mais la diarrhée se résorbe. Le 12 avril, sa température atteint 40,4 ºC (104,7 ºF), sa radiographie pulmonaire révèle une aggravation de la pneumonie et il a besoin d'oxygène en raison d'une hypoxie. On lui administre du bromure d'ipratropium et du sulfate d'albutérol par aérosol doseur, de la ribavirine par voie intraveineuse (IV) et des stéroïdes. Le 12 avril, il présente une toux quasi constante et on l'évalue en prévision de son transfert à l'unité des soins intensifs (USI). Le 13 avril, le patient est transporté à l'USI dans un fauteuil roulant; il reçoit un apport d'oxygène à 100 % par un masque à oxygène sans réinspiration. 

Peu de temps après son arrivée à l'USI, sa saturation en oxygène mesurée chute à 60 % et il est placé sous ventilation en pression positive au moyen d'un masque (BiPAP). Mais il est en proie à une toux sévère et à une grande agitation, et retire le masque à plusieurs reprises malgré une sédation par voie IV. Après 2 heures de tentatives infructueuses pour lui administrer de l'oxygène au moyen du BiPAP, on décide d'intuber le patient. Durant l'intubation, il produit des sécrétions mousseuses abondantes qui finissent par obstruer les tubulures du ventilateur et exigent le débranchement et le drainage de celui-ci. Une fois sous ventilation mécanique, le patient reçoit d'autres sédatifs, soit du midazolame/sulfate de morphine par voie IV. 

Plus tard le même soir, le patient passe de l'assistance ventilatoire à la ventilation à haute fréquence par oscillation (VHFO) parce que son oxygénation est toujours inadéquate. À ce stade, l'état du patient se stabilise et il est maintenu sous VHFO pendant 7 jours, après quoi il a été replacé sous simple assistance ventilatoire. Le 14 mai, le patient se trouve toujours dans un état critique. L'échantillon d'expectorations prélevés chez le patient le 13 avril et l'échantillon de selles prélevées le 5 mai se révèlent tous deux positifs pour le coronavirus associé au SRAS (CoV-SRAS) par amplification par la polymérase (PCR).

Entre le 15 et le 21 avril, neuf travailleurs de la santé qui ont prodigué des soins à ce patient au cours de la période entourant son intubation sont atteints des maladies correspondant à la définition de cas de l'Organisation mondiale de la Santé pour le SRAS suspect ou probable(3). Deux autres travailleurs de la santé affichent des symptômes qui ne correspondent pas à la définition de cas (tableau 1). Six de ces 11 travailleurs de la santé ont assisté à l'intubation. Des entrevues réalisées auprès des travailleurs de la santé touchés ont révélé qu'ils ont tous porté l'équipement de protection individuelle recommandé chaque fois qu'ils sont entrés dans la chambre du patient, y compris des blouses, des gants, des masques chirurgicaux de type bec-de- canard PCM2000MC (Kimberly Clark Health Care, Roswell, Georgia), et des verres protecteurs avec ou sans écran facial. 


Tableau1.    Travailleurs de la santé ayant manifesté des symptômes du SRAS après avoir été exposés au cas de référence pendant la période de son intubation  

Travailleur
de la santé 

Date de début des symptômes 

Cas suspect ou
probable de SRAS 

Occupation 

Exposition 

15 avril 

Suspect 

Inhalothérapeute 

A fourni des soins avant, pendant et après intubation aux soins intensifs. 

16 avril 

Suspect 

Infirmière des soins intensifs principalement assignée à un autre patient 

A fourni des soins avant, pendant et après intubation aux soins intensifs. 

16 avril 

Suspect 

Infirmière principale des soins intensifs 

A fourni des soins avant, pendant et après intubation aux soins intensifs. 

16 avril 

Suspect 

Inhalothérapeute 

A fourni des soins avant, pendant et après intubation aux soins intensifs. 

16 avril 

Probable 

Médecin de section 

A examiné le patient du service le matin du 13 avril. 

17 avril 

Probable 

Médecin des soins intensifs 

A fourni des soins avant, pendant et après intubation aux soins intensifs. 

17 avril 

Suspect 

Infirmière responsable des soins intensifs 

A fourni des soins avant, pendant et après intubation aux soins intensifs. 

18 avril 

Suspect 

Médecin des soins intensifs 

A examiné le patient du service tôt le matin du 13 avril. 

18 avril 

Suspect 

Technicien en radiologie 

A pris des radiographies du patient du service tôt le matin du 13 avril. 

10 

18 avril 

Pas un cas 

Infirmière des soins intensifs assignée principalement à un autre patient 

A fourni des soins après intubation aux soins intensifs. 

11 

21 avril 

Pas un cas 

Médecin des soins intensifs 

A fourni des soins avant l'intubation aux soins intensifs. 

†    Maladie se caractérisant par un mal de tête, de la toux et de la diarrhée, mais pas de fièvre. 

‡    Maladie se caractérisant par de la toux et une infiltration apparente sur une radiographie du torse, mais pas de fièvre. 


 

La salle dans laquelle l'intubation a eu lieu était en pression négative par rapport au corridor, et tout l'air était évacué vers l'extérieur après filtration à travers un filtre absolu; cependant, cette salle n'avait pas d'antichambre, et les vêtements de protection individuelle étaient enlevés par étape tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la salle, la porte étant maintenue fermée entre chaque entrée et sortie. La compréhension de l'ordre correct dans lequel l'équipement de protection individuelle doit être enlevé (c.-à-d. les gants en premier, puis le masque et les verres protecteurs), variait parmi les travailleurs de la santé.  

Les masques portés par les travailleurs de la santé à l'intérieur des chambres et des corridors de l'unité des soins intensifs étaient changés au moment de quitter la chambre de chaque patient. Il n'existait cependant aucun programme officiel de protection respiratoire à cet hôpital et les travailleurs n'avaient pas subi d'essais d'ajustement des masques. En outre, l'infirmier de soins intégraux du patient portait une barbiche et a indiqué que son masque n'était pas bien ajusté. Même s'il portait à la fois le masque de type bec-de-canard PCM2000MC et un masque chirurgical avec un écran facial, il pouvait parfois sentir de l'air pénétrer autour des côtés de son masque. 

Note de la rédaction 

Il semble que la transmission du SRAS résulterait principalement du contact direct avec un patient ou du contact avec de grosses gouttelettes respiratoires à proximité d'une personne infectée. Même si les modes de transmission semblent limités, il a été établi que le SRAS se propage largement parmi les travailleurs de la santé dans divers milieux. Par exemple, sur les 138 cas de propagation secondaire et tertiaire à Hong-Kong, 85 (62 %) sont survenus chez des travailleurs de la santé(4); sur les 144 cas survenus à Toronto, 73 (51 %) étaient des travailleurs de la santé(5). L'infection des travailleurs de la santé par le SRAS pourrait être imputable à un contact accru avec des sécrétions respiratoires, au contact avec les patients durant un stade plus contagieux de la maladie critique, au contact avec des patients particuliers à risque accru de transmettre le SRAS ou à l'exposition à des interventions génératrices d'aérosols(6)

Santé Canada et les CDC sont au courant de plusieurs rapports non publiés de grappes de cas de SRAS parmi des travailleurs de la santé non protégés qui ont pris part à des intubations, tant au Canada qu'à l'extérieur de l'Amérique du Nord. La grappe de cas décrite dans le présent rapport pourrait être unique étant donné que les travailleurs de la santé semblent avoir pris les précautions recommandées par Santé Canada lesquelles recommandent l'usage de respirateurs «équivalents à N95»(8) et diffèrent des lignes directrices des CDC qui prévoient l'usage de respirateurs homologués par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) offrant un niveau de protection N95 ou supérieur(7). Même s'ils étaient conformes aux recommandations canadiennes en matière de santé publique, les respirateurs utilisés dans l'hôpital A n'étaient pas homologués par le NIOSH. En outre, au moment où sont survenues les expositions, les autorités canadiennes de la santé publique ne recommandaient pas qu'on procède à des essais d'ajustement; ces essais sont obligatoires aux États-Unis depuis 1972.

L'intubation endotrachéale pourrait provoquer une toux chez les patients éveillés ou semi-conscients et nécessite souvent l'aspiration ouverte des sécrétions respiratoires. En outre, d'autres interventions qui pourraient générer des aérosols ont été pratiquées sur ce patient, dont le BiPAP, au cours duquel de l'air pourrait être expulsé autour du masque et provoquer la mise en suspension dans l'air des sécrétions, et la ventilation à haute fréquence par oscillation (VHFO) durant laquelle l'air évacué par les tubulures du ventilateur risque davantage de s'échapper sans passer à travers un filtre anti-bactérien/ anti-viral. Le patient était dans la seconde semaine de sa maladie et affichait une détérioration clinique et une toux sévère, ce qui pourrait expliquer pourquoi les travailleurs de la santé qui ont été exposés au patient uniquement avant son transfert à l'unité de soins intensifs ont contracté l'infection, car les charges virales des patients semblent élevées à ce stade de la maladie(9)

Le contact direct avec le patient ou un contact avec un environnement contaminé par de grosses gouttelettes respiratoires pourrait expliquer pourquoi les travailleurs de la santé se seraient infectés en enlevant leur équipement de protection individuelle. Même dans les meilleures circonstances, l'usage correct de l'équipement de protection individuelle pourrait être sous-optimal. Si la propagation par contact ou par micro-gouttelettes seulement était responsable de cette grappe de cas, il faudrait que chaque travailleur de la santé infecté ait appliqué incorrectement la technique. Il semble que de nombreux travailleurs de la santé ne comprennent pas clairement comment enlever correctement l'équipement de protection individuelle sans se contaminer. De plus, les interventions provoquant la mise en suspension dans l'air des sécrétions ou une toux chez le patient pourraient avoir été à l'origine de la transmission par voie aérienne et le niveau de protection respiratoire utilisé ou encore la façon dont elle a été utilisée n'a pas permis de prévenir la transmission. 

Cette grappe fait partie d'un nombre plus grand de cas chez les travailleurs de la santé dans les hôpitaux du Grand Toronto qui ont contracté l'infection en prodiguant des soins aux patients atteints de SRAS depuis que les directives relatives aux précautions contre la transmission par contact, par gouttelettes et par voie aérienne ont été appliquées à l'échelle provinciale le 28 mars(1). Il faudrait effectuer des enquêtes plus poussées pour déterminer les facteurs qui sont associés à la transmission malgré l'usage apparent des précautions recommandées en matière de lutte anti-infectieuse. 

Il importe de fournir aux travailleurs de la santé qui prodiguent des soins aux patients atteints de SRAS une formation appropriée concernant la façon d'utiliser et de retirer correctement l'équipement de protection individuelle. Les patients chez qui l'on observe une évolution clinique rapide marquée par une toux sévère au cours de la deuxième semaine de maladie devraient être considérés comme particulièrement infectieux. Toutes les interventions susceptibles de générer des aérosols (p. ex., administration de médicaments au moyen d'un nébulisateur, BiPAP ou VHFO) devraient être évitées dans la mesure du possible. Lorsqu'il est nécessaire d'intuber le patient, il faudrait prendre des mesures visant à réduire toute exposition non nécessaire des travailleurs de la santé, dont réduire le nombre de travailleurs de la santé présents et administrer un sédatif ou un paralysant adéquat au patient afin de réduire la toux. Les précautions de lutte anti-infectieuses pour le SRAS sont disponibles sur le site Web du SRAS de Santé Canada à l'adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/sars-sras/prof_f.html#control. ou http:www.SARS.gc.ca et cliquez sur Professionnels de la santé et ensuite Contrôle des infections. 

Références 

1.    Santé Canada. Le SRAS chez les travailleurs de la santé de l'Ontario—sommaires épidémiologiques du SRAS:  26 avril 2003. Disponible à l'adresse : http://www.phac-aspc.gc.ca/sars-sras/pef-dep/sars-es20030426_f.html

2.    Santé Canada. Mise à jour épidémiologique: rapport intérimaire sur la flambée du SRAS dans la région du Grand Toronto, Ontario, Canada, 24 avril 2003. Disponible à l'adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/sars-sras/pef-dep/gta-20030424_f.html

3.    Organisation mondiale de la Santé. Définitions de cas à des fins de surveillance du
Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS)
Disponible en anglais à l'adresse :www.who.int/csr/sars/casedefinition/en

4.    Lee N, Hui D, Wu A, et al. A major outbreak of severe acute respiratory syndrome in Hong Kong. N Engl J Med 2003. Disponible à l'adresse :http://content.nejm.org/cgi/reprint/NEJMoa030685v2.pdf

5.    Booth CM, Matukas LM, Tomlinson GA, et al. Clinical features and short-term outcomes of 144 patients with SARS in the Greater Toronto Area. JAMA 2003. Disponible à l'adresse : http://jama.ama-assn.org/cgi/reprint/289.21.JOC30885v1.pdf. 

6.    Seto WH, Tsang D,Yung RW, et al., and Advisors of Expert SARS Group of Hospital Authority. Effectiveness of precautions against droplets and contact in prevention of nosocomial transmission of severe acute respiratory syndrome (SARS). Lancet 2003;361:1519-20. 

7.    CDC. Interim domestic guidance on the use of respirators to prevent transmission of SARS, May 6, 2003. Disponible à l'adresse : http://www.cdc.gov/ncidod/sars/respirators.htm

8.    Santé Canada. Guide de prevention des infections pour les respirateurs (masques) portés par les travailleurs de la santé - Foire aux questions, revisé le 17 avril 2003. Disponible à l'adresse :  http://www.phac-aspc.gc.ca/sars-sras/ic-ci/sars-respmasks_f.html

9.    Peiris JS, Chu CM, Cheng VC, et al., and members of the HKU/UCH SARS Study Group. Clinical progression and viral load in a community outbreak of coronavirus-
associated SARS pneumonia: a prospective study
. Lancet 2003. Available at http://image.thelancet.com/extras/03art4432web.pdf

Source :    M Ofner, Division de l'hémovigilance et des infections acquises en milieu de soins de santé; M Lem, S Sarwal, Programme de formation en épidémiologie d'intervention, Santé Canada; M Vearncombe, A Simor, Sunnybrook and Women's College Health Sciences Centre, Toronto (Ontario) Canada; SARS Investigative Team, CDC. 

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Dernière mise à jour : 2003-06-01 début