Les établissements de soins devraient déterminer le nombre
de chambres d’isolement dont ils ont besoin, et lorsque plusieurs chambres
d’isolement sont requises, il faudrait envisager de les regrouper. Ils
doivent également entretenir des liens avec les autorités
régionales et les services de santé publique afin de déterminer
le nombre de chambres d’isolement dont on a besoin dans le région
(voir partie IV.A). Le tableau 4 indique les exigences minimales pour
les chambres d’isolement dans les établissements de soins.
Des mesures de contrôle technique inadéquates jouent un
certain rôle dans le transmission de la tuberculose. Des personnes
atteintes de tuberculose active ont été à l’origine
de cinq éclosions de cas de tuberculose dans des établissements
de soins où les mesures de contrôle technique étaient
inadéquates (4,7, 60-64) . Il ne s’agissait toutefois pas du seul
facteur de risque. Chaque établissement a également signalé
des délais importants avant que soit posé le diagnostic
de tuberculose active et la mise en route du traitement. La transmission
de la tuberculose a été réduite dans chacun des cinq
centres après une prise de conscience plus aiguë du risque
de transmission qui s’est traduite par un diagnostic plus précoce
de la tuberculose et après que des changements eurent été
apportés au système de ventilation. Dans deux établissements,
la réduction la plus importante de la transmission a été
observée après l’application de mesures d’isolement et la
mise en route du traitement chez les personnes qu’on soupçonnait
d’être atteintes de tuberculose, mais avant l’amélioration
du système de ventilation (60,63) . Dans une autre étude,
le taux de réduction de la transmission de la tuberculose attribué
au diagnostic plus précoce était beaucoup plus important
que la diminution attribuable à l’amélioration du système
de ventilation (65) .
Aucune étude n’a été réalisée sur
les coûts et les avantages de l’application des normes canadiennes
ou américaines régissant les mesures de contrôle technique.
Il est difficile d’estimer le coût de la conversion d’une chambre
de soins en chambre d’isolement étant donné que chaque chambre
et chaque établissement diffère sur les plans de la conception
et de la construction. Les coûts inhérents à la mise
en application des normes nationales ne se limiteront pas au réaménagement
des chambres, étant donné que le maintien d’un écoulement
dirigé de l’air et le nombre plus élevé de renouvellements
d’air à l’heure peuvent entraîner une élévation
considérable des coûts énergétiques (66) .
Les nouvelles chambres d’isolement devraient être conformes aux
normes canadiennes en matière de ventilation (59) . Il y aurait
lieu d’évaluer et de contrôler les chambres d’isolement qui
existent afin de veiller à ce qu’elles satisfassent au moins aux
recommandations suivantes: six renouvellements d’air à l’heure,
mise en pression négative et extraction de l’air à l’extérieur
de l’immeuble. Il existe sur le marché des mécanismes de
contrôle qui permettent de modifier le réglage de la pression.
Des dispositifs de réglage de la pressurisation munis d’un commutateur
permettent de choisir une pression négative (patient contagieux),
positive (protection du patient) ou neutre en fonction des besoins du
patient qui est hospitalisé dans cette chambre. Ce type de dispositif
aura pour effet de réduire le coût d’exploitation de la chambre
d’isolement si un patient non contagieux est logé dans cette chambre.
Certaines inquiétudes ont été exprimées relativement
à l’efficacité et à la fiabilité de ces dispositifs.
Si l’on choisit d’installer un dispositif semblable, il faut exercer une
surveillance continue pour assurer le bon fonctionnement du système
et établir des politiques claires dans lesquelles on indique qui
est autorisé à changer les réglages.
D’autres mesures techniques de lutte anti-infectieuse (filtration de
l’air et lumières ultra-violettes) ou une combinaison de la ventilation,
la filtration et des lumières ultra-violettes peut produire une
réduction des particules infectieuses qui serait comparable à
celle qui est décrite dans les normes canadiennes de ventilation
(59) . Il reste cependant que les expériences avec d’autres types
de mesures de lutte anti-infectieuse sont limitées. D’aucuns s’inquiètent
au sujet de l’efficacité, la fiabilité et de la facilité
de surveiller ces autres mesures de contrôle d’ambiance. Il faudra
donc effectuer des recherches dans ce domaine.
Les systèmes de contrôle technique existants devraient
faire l’objet d’une surveillance et d’un entretien constants (66) . Même
lorsqu’ils sont bien conçus et construits, les systèmes
de ventilation peuvent se détériorer et cesser de fonctionner
comme prévu dans les cinq premières années (67) .
Un examen des salles d’isolement dans six établissements de soins
de santé des États-unis a permis d’établir que les
paramètres de ventilation et d’écoulement de l’air dans
la majorité de ces établissements ne satisfaisaient pas
aux normes recommandées même si, à l’origine, ils
avaient été conçus en fonction de ces normes (67)
.
Dans la mesure du possible, les systèmes de contrôle technique
des chambres ou des salles d’isolement devraient être reliés
à deux sources d’alimentation électrique (normale et de
secours). Ainsi, on disposera d’une alimentation électrique d’urgence
en cas de panne d’électricité.
Ventilation
Les recommandations récentes en matière de ventilation (36,68)
sont fondées sur des théories valables (69) , bien que les
preuves à l’appui soient limitées. Les seules preuves épidémiologiques
selon lesquelles des méthodes de ventilation spéciales permettraient
de réduire la transmission nosocomiale de la tuberculose sont tirées
de rapports d’éclosions dans lesquels le recyclage de l’air (50,70)
ou une ventilation inadéquate (2,3,46,47,49, 71-73) étaient
des facteurs qui avaient contribué à l’éclosion.Une
ventilation accrue est efficace dans différentes conditions d’exposition
(49,69,74,75,76) . Il reste cependant que le travailleur de la santé
peut quand même être exposé à moins qu’il n’utilise
d’autres méthodes de protection (p. ex., des masques).
La ventilation comporte trois éléments majeurs: le taux
de renouvellement d’air, la direction de l’écoulement d’air et
le lieu d’évacuation de l’air.
Taux de renouvellement d’air
Les spécialistes ne s’entendent pas en ce qui concerne le taux
recommandé de renouvellement d’air dans les salles d’isolement
(36,59,68) . On a recommandé un taux minimum de neuf renouvellements
d’air à l’heure afin d’assurer une ventilation satisfaisante dans
les salles d’isolement (59) . Il faut 46 minutes pour réduire de
99,9% la concentration en contaminants de l’air dans une chambre où
il y a neuf renouvellements d’air à l’heure. Le fait d’augmenter
la ventilation au-delà de neuf renouvellements d’air à l’heure
réduira le temps requis pour obtenir une réduction de 99,9
% de la concentration en contaminants (voir Annexe F). Il reste cependant
qu’à des taux élevés de renouvellement d’air, une
augmentation du nombre de renouvellements d’air n’entraîne pas une
réduction marquée du nombre de particules infectieuses.
En outre, les coûts inhérents au fonctionnement du système
de ventilation à des régimes plus élevés augmentent
progressivement (74) .
Jusqu’à ce qu’on dispose de plus d’information sur cette question,
il est recommandé de prévoir un taux minimum de neuf renouvellements
d’air à l’heure pour les chambres ou les salles d’isolement nouvellement
construites et d’au moins six, dans les établissements existants.
Les taux de ventilation devraient être surveillés. Les
appareils de monitorage devraient être placés en aval des
filtres HEPA. Il importe de vérifier soigneusement les moniteurs
afin de s’assurer qu’ils fonctionnent convenablement parce que certains
types de moniteurs échantillonnent l’air par une petite ouverture
qui peut facilement être obstruée par des poussières.
Sens de l’écoulement d’air
Les particules infectieuses aéroportées ne doivent pas circuler
des chambres ou des salles d’isolement des patients atteints de tuberculose
aux autres aires de l’établissement de soins de santé. Ainsi,
ces chambres et ces salles d’isolement doivent être en pression
négative, c’est-à-dire que l’air doit circuler uniquement
du couloir à la chambre ou à la salle. La circulation d’air
dans ces aires doit se faire de l’endroit le moins contaminé (la
porte) vers l’endroit le plus contaminé (le patient) afin de fournir
la plus grande protection possible au travailleur de la santé et
aux visiteurs.
La façon la plus simple de s’assurer que l’air circule en direction
de la chambre consiste à faire en sorte que le volume d’air évacué
de la salle ou de la chambre d’isolement soit d’au moins 10 % supérieur
au volume d’air arrivant dans la chambre par les canalisations (c.à-d.
régulation du débit d’air par décalage volumétrique)
à condition que le débit d’air minimum soit de 50 pieds
cubes à la minute (pi 3 /mn). Les antichambres peuvent
contribuer à maintenir une pression négative à l’intérieur
des chambres d’isolement. L’emplacement du lit, des fauteuils et des occupants
influe sur l’écoulement d’air et il y aurait lieu d’en tenir compte
lors du choix de l’emplacement des grilles de soufflage et d’extraction.
Ces grilles doivent être placées de manière à
assurer que toutes les parties de la pièce soient bien ventilées.
Il faut effectuer des vérifications régulières
afin de s’assurer que l’air s’écoule bien vers l’intérieur.
L’installation de moniteurs électroniques permet d’obtenir de l’information
de façon continue ou intermittente concernant l’efficacité
du système d’écoulement de l’air vers l’intérieur
ou du taux de renouvellement d’air. Le système de monitorage fera
entendre un signal d’alarme lorsque l’écoulement d’air ne s’effectue
par en direction de la chambre ou si celle-ci n’est pas ventilée
convenablement. Il est également possible d’effectuer des vérifications
intermittentes au moyen de dispositifs fumigènes. On ne sait pas
quelle est la fréquence optimale de monitorage. Jusqu’à
ce qu’on possède plus d’information à cet égard,
il semble raisonnable de procéder à une vérification
au moins tous les 6 mois, lorsque la salle d’isolement n’est pas en usage,
ou toutes les semaines lorsqu’elle est utilisée.
Évacuation de l’air vicié
(vers l’extérieur ou recyclé)
Idéalement l’air de la chambre ou de la salle d’isolement devrait
être évacué à l’extérieur de l’immeuble
(59) . L’air potentiellement contaminé par M. tuberculosis peut
être évacué dans l’environnement à condition
qu’il soit rejeté loin des endroits publics, conformément
aux règlements municipaux en vigueur. L’air évacué
doit également être rejeté verticalement, loin des
prises d’air de l’immeuble. Il faut prendre soin d’éviter que l’air
vicié soit réentraîné dans les prises d’air
neuf de l’établissement ou des immeubles environnants. La hauteur
des cheminées doit être d’au moins 10 pieds au-dessus de
la ligne du toit et la vitesse d’évacuation d’air doit être
au moins 1,5 fois supérieure à la vitesse du vent (habituellement
2 500 à 3 000 pieds par minute) (77) .
S’il n’est pas possible d’évacuer l’air à l’extérieur,
celui-ci doit être filtré avant d’être recirculé.
Il est possible de filtrer l’air de manière à en retirer
99,9 % des particules infectieuses dont la taille est de 0,3 microns,
mais les coûts d’entretien pourraient être très élevés
(voir filtres absolus (HEPA) ci-dessous).
Filtres absolus (HEPA)
Les filtres absolus (HEPA) éliminent les particules et les noyaux
de gouttelettes infectieux de l’air évacué de la chambre.
Il faut à tout prix utiliser des filtres éprouvés,
les installer convenablement et les entretenir régulièrement
afin de faire en sorte qu’ils fonctionnent convenablement. L’efficacité
de ces filtres peut être réduite par une mauvaise installation
ou un entretien inadéquat. En outre, s’ils servent purifier l’air
recyclé, ils doivent être dotés de préfiltres
adéquats. L’entretien et la vérification doivent être
effectués par du personnel compétent au moyen d’essais faisant
appel à des aérosols (dioctylphtalate; test au DOP) au moins
une fois l’an. Les bâtis des filtres doivent être prévus
pour ces essais et être pourvus de registres d’isolement pour la
décontamination gazeuse. Si les filtres ne sont pas décontaminés
avant d’être retirés, le personnel d’entretien doit porter
du matériel de protection respiratoire (c.-à-d. masques
portés par d’autres membres du travailleur de la santé de
l’établissement) afin de prévenir la transmission de la
tuberculose (voir partie IV.F). Les filtres doivent être manipulés
et éliminés comme des déchets contaminés.
On trouve maintenant des filtres absolus portatifs sur le marché.
Jusqu’ici, l’évaluation de leur efficacité est limitée.
Irradiation ultraviolette
Les microorganismes sont inactivés par la portion germicide du
spectre ultra-violet, de 250 à 280 nanomètres (nm). La longueur
d’onde ayant l’activité microbicide maximale est de 260 nm, et
environ 95 % des rayonnements des lampes au mercure modernes se situent
à proximité de cette valeur (254,7 nm). L’inactivation des
microorganismes, notamment de M. tuberculosis, résulte de
la destruction des acides nucléiques au moyen de l’induction des
dimères de la thymine. Le rayonnement ultra-violet compte plusieurs
applications potentielles, toutefois, son efficacité germicide
et son utilisation à cette fin dépendent d’un certain nombre
de facteurs, notamment : le type de microorganisme en cause et l’intensité
du rayonnement UV, la longueur d’ondes de la lumière émise,
la matière organique, le degré de propreté des tubes,
le type de suspension, la température et la proximité de
la lampe. Les lampes ultra-violettes ont été utilisées
comme dispositifs d’appoint dans la lutte anti-infectieuse dans des endroits
comme les canalisations d’air et les salles d’attente.
Les lampes UV ont été utilisées avec succès
pour réduire la transmission nosocomiale dans certains environnements
à haut risque (76) . Lorsqu’elles sont bien installées,
les lampes UV ont une efficacité germicide équivalente à
20 renouvellements d’air à l’heure (69) . Elles présentent
l’avantage d’être relativement peu coûteuses (elles coûtent
moins de 500$ et les tubes de remplacement coûtent moins de 100$
(76) ). Il faut toutefois prévoir une surveillance et un entretien
réguliers.
En théorie, les rayonnements UV peuvent causer des cataractes
ainsi que le cancer de la peau. Il reste cependant que la lumière
de longueur d’ondes de 254 nm produite par les lampes qu’on peut trouver
actuellement sur le marché a réduit considérablement
ce risque parce qu’elle ne peut pas pénétrer l’oeil et que
moins de 5 % des rayons pénètrent la peau. En outre, on
peut réduire encore davantage le risque d’irritation des yeux et
de la peau en plaçant ces lampes dans un endroit convenable et
en installant des déflecteurs. Malgré ces précautions,
on a noté certains problèmes lorsque les lampes n’étaient
pas installées convenablement ou encore lorsqu’elles n’étaient
pas surveillées ou entretenues correctement. On a notamment signalé
plusieurs cas d’érythème et de kératoconjonctivite
causés par des rayons UV parmi les patients et les visiteurs d’un
établissement de soins de santé où les lampes UV
avaient été mal installées (66) .
À l’heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de faire de
recommandations définitives en faveur ou à l’encontre de
l’utilisation de lampes UV dans le cadre d’un programme de lutte antituberculeuse,
mais l’American Thoracic Society et l’American College of Chest Physicians
se penchent actuellement sur cette question et publieront probablement
de nouvelles recommandations concernant l’usage de ces lampes. Les données
actuelles ne militent pas en faveur de l’utilisation de ces dispositifs
en tant que seule mesure de contrôle technique. Bien que le rôle
exact des lampes UV ne soit pas clair, on peut les considérer comme
une mesure d’appoint utile dans les canalisations d’air et les endroits
à haut risque, comme dans les salles de bronchoscopie ou d’autopsie
et dans les autres endroits où des tuberculeux non diagnostiqués
risquent souvent de se trouver.
Nettoyage des chambres et de l’équipement
La tuberculose est transmise presque exclusivement par voie aérienne
et il est très rare que l’équipement, l’environnement ou
les vecteurs passifs contribuent à la transmission de la maladie.
Les recommandations concernant la décontamination, la désinfection
et la stérilisation sont présentées ci-dessous.
- L’équipement (critique ou semi-critique) qui peut être
contaminé par des sécrétions contenant M. tuberculosis
doit être nettoyé à fond avant l’application d’une
technique de désinfection ou de stérilisation de haut
niveau, qui est déterminée par la destination prévue
ou la composition de l’appareil. Il existe déjà des lignes
directrices concernant le nettoyage, la désinfection ou la stérilisation
de l’équipement critique ou semi-critique (78) .
- L’environnement, comme les murs, les planchers et les autres
surfaces, peut être contaminé par M. tuberculosis,
mais n’a pas été associé à la transmission
de l’infection. Les méthodes d’entretien ménager courantes
sont suffisantes, et il n’est pas nécessaire d’employer des agents
germicides particuliers ou des méthodes de nettoyages extraordinaires.
Il existe des lignes directrices relatives aux pratiques d’entretien
ménager (78) .
- Les vecteurs passifs, comme la lingerie, la vaisselle, les
vêtements, les livres et les effets personnels, n’exigent aucune
précaution particulière, hormis les pratiques d’entretien
ménager et d’hygiène courantes.
Le travailleur de la santé qui est appelé à participer
à des activités de décontamination, de désinfection
et de stérilisation doit porter les vêtements protecteurs nécessaires,
surtout lorsqu’il risque d’être exposé à des aérosols
infectieux.
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