National Gallery of Canada - Musée des beaux-arts du Canada
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Art inuit
Jessie Oonark
Canadian 1906 - 1985
Homme et femme portant des vêtements décorés 1979
crayon de couleur et mine de plomb sur papier vélin

L’un des chapitres les plus remarquables de l'histoire de l'art canadien au XXe siècle a été l’émergence d’une nouvelle forme d’expression créative dans l’Arctique. Vers la fin des années 1940, des artistes inuits des Territoires-du-Nord-Ouest, du Nunavut, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador lancent un mouvement florissant alliant sculpture, dessin, estampe et autres techniques, qui jouira plus tard d’une reconnaissance internationale. Kénojuak Ashevak, Jessie Oonark, Karoo Ashevak et Kiawak Ashoona ne sont que quelques-uns des hommes et des femmes qui, inspirés de leur perception et de leur expérience des changements en cours dans le Grand Nord à cette époque, créeront des œuvres exceptionnelles illustrant les questions de l'identité et de l’esthétique et établiront une admirable interaction interculturelle.

Au Musée des beaux-arts du Canada, une enfilade de cinq pièces octogonales offrant un espace intime de 300 mètres carrés permet d’exposer en permanence des œuvres de la collection d'art inuit. Accessibles depuis le Grand Hall par l’escalier ou l’ascenseur, les salles d'art inuit sont précédées d’une aire appelée qaggiq – un vieux nom inuktitut désignant un lieu de rassemblement fait de neige. Celle-ci comprend de petits présentoirs éducatifs – dont le contenu est renouvelé régulièrement –, des écrans sur lesquels sont projetés des documents vidéo, un coin-lecture, une carte ainsi que d’autres ressources permettant aux visiteurs de comprendre le lien entre l’art et la culture inuits.

En 1956, le Musée des beaux-arts acquiert ses premières sculptures d’artistes du Nunavik (Québec), dont Charlie Sivuarapik, premier membre inuit de la Société des sculpteurs du Canada. Dans les années 1960, il se dote d’estampes provenant de l’atelier de gravure de Cape Dorset, qui en est alors à ses débuts. Puis vers 1985, le Musée recommence à faire l’acquisition d’œuvres d’art inuit. Entre 1983 et 1988, les dons des Amis du Musée des beaux-arts du Canada, de la Dre Dorothy M. Stillwell et de M. F. Feheley enrichissent la collection qui compte alors plus de 350 pièces. En 1989 et en 1992, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien fait cadeau au Musée de 570 œuvres. Grâce à ces dons et à ceux qui ont suivi, de même qu’aux achats effectués chaque année par le Musée, la collection d’art inuit comprend aujourd’hui au-delà de 1 300 œuvres. Cet ensemble considérable, bien que non exhaustif, vise à illustrer par des créations singulières, des contributions de particuliers et des enjeux régionaux d’ordre esthétique et culturel les progrès historiques et créatifs considérables qui ont marqué l’évolution de l'art inuit.

C’est à Puvirnituq et à Inukjuak, au Québec, qu’ont été créées certaines des plus brillantes sculptures parmi les premières du mouvement susmentionné. Davidialuk Alasua Amittu, Eli Weetaluktu et Johnny Inukpuk comptent parmi les graveurs représentés dans la collection du Musée qui ont contribué à définir le caractère narratif des œuvres produites dans la région du Nunavik (Québec). En matière de sculpture, ce sont les artistes de Cape Dorset (Nunavut) qui dominent, avec une centaine d’œuvres des Osuitok Ipeelee, Kiawak Ashoona, Qaqaq Ashoona et Ovilu Tunnillie, pour ne nommer que ceux-là. Des sculpteurs de la région de Baffin (aussi appelée Qikiqtaaluk) dont Ennutsiak, David Atchealak et Manasie Akpaliapik, qui habite désormais en Ontario, ont aussi contribué à la collection du Musée. Pour sa part, la région de Kivalliq (anciennement appelée Keewatin), qui fait également partie du Nunavut, est représentée par des créations particulièrement austères et abstraites d’artistes des municipalités d’Arviat et de Rankin Inlet, dont des œuvres imposantes des Lucy Tasseor Tutsweetok, John Pagnark, John Tiktak et John Kavik. Parmi les sculptures d’artistes de Baker Lake comprises dans la collection, notons les remarquables pièces réalisées par Francis Kaluraq, Tuna Iquliq et Mathew Aqigaaq. Située dans le nord-ouest du Nunavut, la région de Kitikmeot est connue pour le style expressionniste de ses artistes et l’attachement profond de ces derniers aux croyances spirituelles et chamaniques. L’un d’entre eux, Karoo Ashevak, a enrichi la collection d’imposantes sculptures en os de baleine, dont La filiation chamanique, auxquelles s’ajoutent des œuvres exceptionnelles de Judas Ullulaq et de Charlie Ugyuk.

La collection d’art inuit comprend également plus de 800 dessins et estampes, dont certaines proviennent des divers ateliers de gravure exploités depuis les premières expérimentations menées à Cape Dorset à la fin des années 1950. Pensons notamment aux ateliers de Cape Dorset, Puvirnituq, Holman, Baker Lake, Pangnirtung et Clyde River. Parmi les dessins de la collection, ceux des Parr, Pitseolak Ashoona, Kenojuak Ashevak, Kiakshuk et Pudlo Pudlat, de Cape Dorset, occupent une place importante. Jessie Oonark, Janet Kigusiuq et Simon Tookoome, de Baker Lake, ont aussi enrichi la collection d’un nombre appréciable de dessins. D’ailleurs, le Musée s’estime particulièrement choyé d’avoir reçu Quand les jours rallongent et que le soleil brille dans la nuit (1966-1969), de Jessie Oonark, une vaste représentation panoramique de la vie dans le Grand Nord offerte par Boris et Elizabeth Kotelewetz en 1991.

Figurent également dans la collection diverses œuvres réalisées au moyen d’autres techniques, dont les magnifiques tentures murales de Jessie Oonark, de Marion Tuu'luq et d’artistes et de tisseurs tels qu’Elisapee Ishulutaq, de l’atelier Uqqurmiut, à Pangnirtung.

Le Musée des beaux-arts continue d’illustrer les innovations de l’art inuit dans sa collection par l’acquisition et l’exposition d’œuvres récentes d’artistes tels que David Ruben Piqtoukun, Abraham Anghik Ruben, Michael Massie, Mattiusi Iyaituk, Shuvinai Ashoona et Jutai Toonoo.

La conservation et la présentation d’œuvres d’art inuit sont également soutenues par le fonds documentaire croissant du Musée des beaux-arts consacré à ce domaine. La bibliothèque, par exemple, a récemment fait l’acquisition de l’imposante collection de livres et de documents d’archives de Sandra Buhai Barz. Bien qu’elle porte principalement sur l’art inuit canadien produit après 1949, cette collection comprend d’importantes ressources sur l’art et la population de l'Arctique circumpolaire et couvre l’histoire de cette région depuis quatre mille ans jusqu’à aujourd’hui.


Luke Anguhadluq
Canadian 1895 - 1982
Chasse au caribou en kayaks 1976
gravure sur pierre et pochoir en couleurs sur papier japon vergé
À ces oeuvres sont venues s'ajouter plusieurs sculptures exceptionnelles : l'émouvante Mère et enfant, sujet très classique que l'on doit à un artiste inconnu de Cape Dorset; Homme et femme assis avec un enfant, oeuvre anonyme exécutée à Inukjuak (Québec) au début des années 1950, un portrait humoristique et réaliste d'une famille typique; et un groupe impressionnant de sculptures d'Osuitok, l'un des artistes les plus réputés de Cape Dorset.

Enfin, signalons les nombreux dons offerts au cours des années par Mlle Virginia Watt ainsi que par les Amis du Musée des beaux-arts du Canada.

En raison de l'ampleur de la collection et aussi à cause de la fragilité des oeuvres sur papier, les expositions dans la salle d'art inuit changent fréquemment. Le Musée organise également des expositions thématiques exhaustives sur l'art inuit dans les salles des expositions temporaires, au premier étage.


Conservatrice
Christine Lalonde, conservatrice intérimaire associée, Art Inuit  

Pour des reproductions haute fidélité, des biographies d'artistes, des entrevues en format vidéo et un accès à l'ensemble de la collection du Musée des beaux-arts du Canada, visitez http://cybermuse.gallery.ca/