Menu Top
Page d'accueil
  RMC


Qui sommes-nous

Nos coordonnées

Liens connexes

Présentation des
  manuscrits


Parution courante

Numéros
  précédents

  Volume 1, 2000
  Volume 2, 2001
  Volume 3, 2002
  Volume 4, 2003
  Volume 5, 2004
  Volume 6, 2005
  Volume 7, 2006
   No1 Printemps
   No2 été
   No3 automne

Index du   chercheur


ACD · Revue militaire canadienne
 

 

 

 

Transformation des Forces canadiennes

Des élèves-officiers

Tableau de Monica Muller

Élèves-officiers sur le terrain de parade.

Le professionnalisme et le leadership : les compétences que requiert la transformation des Forces canadiennes

par le capitaine de frégate Robert S. Edwards, le lieutenant-colonel (retr.) L. William Bentley et Robert W. Walker, Ph. D.

Imprimer PDF

Introduction

L’Énoncé de la politique de défense, publié au début de 2005, présente des objectifs stratégiques très clairs pour les nouvelles missions, tâches et responsabilités dans l’espace de combat du XXIe siècle. Par ailleurs, le chef d’état-major de la Défense, le général Rick Hillier, qui conçoit les forces canadiennes de manière novatrice et fascinante, a entrepris de les transformer afin qu’elles répondent à la menace asymétrique de l’après 11 septembre 2001. Dans cette optique, les forces canadiennes ne seront plus structurées, équipées, entraînées et formées à remplir leurs missions militaires de la même manière qu’auparavant. Pour la première fois, le Canada est considéré comme n’importe quel autre théâtre d’opérations, organisé et dirigé par un commandant de forces interarmées et non par les nombreuses structures de commandement mises en place au cours de l’histoire. Sur le plan international, les nouveaux quartiers généraux à l’échelle des opérations ont été conçus en fonction de la participation du Canada aux missions internationales. La force expéditionnaire canadienne sera donc plus unifiée et mieux intégrée, et le Canada pourra avoir plus d’influence sur les opérations et les affaires internationales.

Dans ce contexte stratégique, le général Hillier a retenu six principes fondamentaux pour la transformation; ces principes guideront le remaniement et le renouvellement de la culture des forces armées et instaureront un ethos commun. Si les forces canadiennes veulent être pertinentes, adaptées et efficaces dans un contexte stratégique de plus en plus instable et imprévisible, cet ethos commun est capital. Comme il fallait s’y attendre, la toute nouvelle doctrine relative au professionnalisme et au leadership (Servir avec honneur : La profession des armes au Canada; Le leadership dans les Forces canadiennes : Doctrine et Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels) étaie le programme de transformation. En outre, le présent article proposera un système de perfectionnement professionnel visant à répondre aux besoins des forces armées en matière de leadership et de professionnalisme et à assurer la réussite des missions sur un champ de bataille moderne, complexe et en constante évolution.

Les six principes de la transformation

Les six principes retenus par le chef d’état-major de la Défense sont les suivants :

  1. L’identité des forces canadiennes. Le Canada passe avant tout. Les militaires ne doivent pas s’identifier seulement à leur service et à leur unité. Ils doivent se reconnaître davantage dans les forces canadiennes.

  2. La concentration sur le commandement. En vertu de ce principe, il faut une chaîne de commandement distincte, non équivoque, intégrant la prise de décisions stratégiques, opérationnelles et tactiques et séparant nettement les fonctions d’exécution et d’état-major.

  3. Les pouvoirs, les devoirs et les responsabilités. Les commandants doivent être bien informés de leurs pouvoirs, de leurs devoirs et de leurs responsabilités. Ils pourront ainsi bien informer leurs subordonnés lorsqu’ils leur donneront des directives.

  4. La concentration sur les opérations. Les opérations et le soutien opérationnel prévalent sur toutes les autres activités, surtout sur le plan stratégique, où les priorités du Ministère, des organismes et des forces armées se rejoignent.

  5. Le commandement des missions. Le commandement des missions porte essentiellement sur l’exécution dynamique et décentralisée des opérations. Il est guidé par l’explication claire et la compréhension de l’intention du commandant et il prévoit un éventail de pouvoirs discrétionnaires, jusqu’au plus bas échelon, sur le champ de bataille.

  6. L’intégration de la force régulière, de la réserve et des civils. Afin de tirer le meilleur parti possible des compétences et de l’expérience à tous les échelons, il faut intégrer davantage les membres de la force régulière et de la réserve ainsi que le personnel civil dans presque chaque structure des forces armées.
Graphique

Figure 1 : Le professionnalisme et le concept professionnel

Le professionnalisme

Afin de bien comprendre comment les documents Servir avec honneur et Le leadership dans les Forces canadiennes encouragent la transformation, il faut d’abord savoir quel est le concept professionnel des forces canadiennes et en quoi il constitue le fondement de la nouvelle doctrine en matière de leadership. Le professionnalisme militaire se définit selon quatre caractéristiques, dont les rapports sont décrits ci-dessous : la responsabilité, le savoir-faire, l’identité et l’idéologie professionnelle.

Il faut rappeler que, au Canada, la profession des armes ne s’exerce que sous la direction du gouvernement et est toujours subordonnée au contrôle politique civil. Autrement dit, son champ d’application est régi par ces deux facteurs.

La responsabilité couvre deux grands domaines. En vertu de l’impératif social, les militaires sont responsables, devant le gouvernement et le peuple, de la défense du pays et de la défense de ses intérêts, à l’intérieur comme à l’étranger. En vertu de l’impératif fonctionnel, ils sont responsables du dynamisme de leur profession et doivent veiller à remplir leur fonction, à savoir l’application ordonnée de la force, conformément aux instructions du gouvernement. Dans le premier cas, les forces canadiennes sont pertinentes pour le peuple canadien et répondent aux exigences du gouvernement; dans le second cas, elles sont efficaces.

Le savoir-faire comprend toutes les connaissances, les compétences et les techniques que requièrent les fonctions de la profession. Comme l’indique le document Servir avec honneur, ce savoir-faire s’articule autour de trois axes : les connaissances militaires fondamentales ou l’ensemble des connaissances communes, les connaissances auxiliaires et les connaissances spécialisées.

L’identité se réfère à la nature particulière de la profession des armes. Les militaires professionnels illustrent cette particularité : ils savent que, même s’ils sont toujours des citoyens, aussi longtemps qu’ils porteront l’uniforme, ils ne seront jamais des civils. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, au Canada, les militaires s’identifient d’abord à une branche, puis à un service et enfin aux forces canadiennes. Le concept professionnel est donc parfaitement compatible avec le premier principe de la transformation : la transformation d’une culture de service en une culture des forces canadiennes.

L’idéologie professionnelle est une caractéristique primordiale. L’adhésion à cette idéologie unit tous les militaires et crée un lien entre les services. C’est la base des opérations intégrées. L’idéologie professionnelle repose sur un ensemble de connaissances spécialisées et discrétionnaires que regroupe une théorie et qui fait autorité d’un point de vue tant fonctionnel que cognitif; elle repose aussi sur une valeur transcendante en fonction de laquelle ces connaissances sont appliquées.

Le premier élément, les connaissances, est représenté par le système général de la guerre et du conflit, qui comprend la politique, la stratégie, l’art opérationnel et la tactique. Tout le savoir-faire que comporte le concept professionnel est intégré dans ce cadre au rang approprié. Ce n’est que lorsque les militaires ont acquis la maîtrise totale de ce système, au rang et au grade appropriés, que les forces armées peuvent poursuivre, conformément au quatrième principe, un objectif opérationnel, et non plus un objectif institutionnel (bureaucratique et administratif).

La notion de connaissances discrétionnaires est, quant à elle, très importante à la fois pour bien saisir la nature de ces connaissances et pour mieux comprendre comment elles se rattachent aux principes de transformation des forces canadiennes. L’idéologie professionnelle oblige les membres à affiner leur jugement professionnel, qui est la quintessence d’une profession, afin de déterminer le moyen, le moment et le lieu les mieux choisis pour employer la force militaire. Pour pouvoir appliquer le cinquième principe, le commandement des missions, les dirigeants du commandement stratégique doivent avoir confiance dans la sagacité de leurs subordonnés.

Le second élément de l’idéologie professionnelle, la valeur transcendante, est en fait l’ethos militaire, qui comprend trois composantes : les idées et les attentes relatives au service militaire, les valeurs canadiennes essentielles et les quatre valeurs militaires fondamentales (le sens du devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage). Bien que cet ethos puisse présenter quelques variations reflétant les différences entre les services, dans l’ensemble, il s’applique à tous les membres de la profession des armes, tant aux membres de la force régulière et qu’à ceux de la Première réserve. Par conséquent, il est essentiel de connaître et d’appliquer cet ethos et d’en faire une règle de vie pour adhérer au premier principe (la transformation d’une culture de service en une culture des forces canadiennes). Cela s’applique aussi au sixième principe, la nécessité de forger une équipe solide, composée de membres de la force régulière et de la réserve ainsi que de civils du ministère de la Défense nationale.

En ce qui concerne les fonctionnaires, cet ethos permet aux « coéquipiers de la défense » de mieux comprendre la nature du professionnalisme militaire au Canada et de nouer ainsi plus facilement de solides rapports avec les militaires. De plus, la comparaison entre l’idéologie professionnelle des militaires et celle des fonctionnaires révèle l’existence d’une base commune, les valeurs canadiennes par exemple, qui renforce l’estime et la confiance mutuelles.

Bien entendu, ce sont les chefs militaires à tous les échelons qui opéreront la transformation conformément aux six principes retenus. Le concept professionnel constitue le fondement du nouveau modèle d’efficacité abordé ci-dessous. En effet, l’ethos, qui est une composante de l’idéologie professionnelle, est au cœur du modèle : il insuffle le leadership élémentaire et permet à tous les chefs d’atteindre les résultats escomptés aux points de vue des valeurs, des normes et des comportements.

La doctrine canadienne du leadership

En tant que documents d’accompagnement à Servir avec honneur : La profession des armes au Canada, Le leadership dans les Forces canadiennes : Doctrine et Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels intègrent à la doctrine sur le leadership les principales idées sur le professionnalisme militaire. L’expression servir avec honneur illustre parfaitement cette inté-gration. Les chefs ont un double devoir : servir la mission de défense en assurant un commandement efficace et agir avec honneur. Selon la doctrine canadienne du leadership, ils doivent exercer leurs fonctions dans le respect des valeurs civiques, légales, éthiques et militaires que comporte l’ethos militaire. Étant donné que le leadership doit refléter les valeurs canadiennes et les principes militaires canadiens, il s’harmonise aussi clairement avec le premier principe de transformation qui a trait à l’identité et à la nécessité de dépasser l’attachement à une unité, à un élément ou à un service pour le bien des forces canadiennes et du Canada. Pour pouvoir servir avec honneur, il faut une organisation transparente et des directives claires en matière de pouvoirs, de devoirs et de responsabilités, comme le demande le troisième principe de transformation. Le leadership se définit en fonction du succès de la mission; il respecte donc les deuxième et quatrième principes de transformation : la concentration sur le commandement et la concentration sur les opérations.

Alors que les forces canadiennes concevaient auparavant le leadership comme l’art d’influencer les autres à agir par une autorité investie ou par des qualités personnelles, la nouvelle conception qu’elles se font du leadership efficace comporte un certain nombre de composantes qui vont dans le sens de la transformation. Les manuels précisent maintenant que le leadership consiste à diriger les autres, les motiver et leur permettre d’accomplir une mission d’une manière éthique et professionnelle et chercher en même temps à acquérir ou à améliorer les capacités qui contribuent au succès de la mission. Cette conception est axée sur le succès de la mission; les opérations sont donc l’élément central, comme le requiert la transformation. Elle est aussi basée sur les valeurs; le Canada et les forces canadiennes passent donc avant l’unité ou le service. Elle insiste sur le travail en équipe et sur la nécessité d’inciter les autres à se perfectionner afin de mieux remplir leur mission, dans une dynamique de transformation. Une autre interprétation s’impose : cette conception encourage l’amélioration des capacités, par exemple, en intégrant les éléments de la force régulière, de la réserve et des civils dans une même équipe, ce qui optimise l’efficacité. Ainsi, la nouvelle conception du leadership comprend de nombreux éléments de la transformation que préconisent les six principes retenus par le chef d’état-major.

Graphique

Figure 2 : Le modèle d’efficacité des forces canadiennes

Les manuels sur le leadership abordent également l’efficacité, c’est-à-dire les résultats institutionnels que doivent obtenir les dirigeants des forces canadiennes. L’efficacité se définit en fonction de quatre résultats et de valeurs comportementales. Ces résultats (succès de la mission, intégration interne, bien-être et engagement des membres, adaptation au monde extérieur) constituent l’efficacité organisationnelle. Grâce à l’ethos militaire, ils sont obtenus en respectant des normes professionnelles et des valeurs comportementales. Par conséquent, l’efficacité institutionnelle équivaut à l’efficacité organisationnelle et professionnelle. Ces dimensions sont illustrées ci-dessous.

Le succès de la mission, qui est le but principal, oriente les opérations que requiert la transformation. La primauté des opérations, moteur de la planification et de l’action collectives, et les risques extrêmes que les militaires acceptent de plein gré en embrassant leur carrière sont les conséquences directes de l’importance primordiale de la valeur institutionnelle qu’est le succès de la mission.

L’intégration interne témoigne de la volonté de coordonner les fonctions et les processus internes, d’y arriver par un travail d’équipe ainsi que d’assurer la cohésion des équipes formées par les membres de l’unité ou de l’organisation. Tous les membres des forces canadiennes doivent comprendre que les nouvelles équipes et les nouveaux réseaux sont conçus pour atteindre un résultat primordial : le succès de la mission. Si le système est plus intégré sur le plan interne, la structure du commandement et les responsabilités sont plus claires et le processus décisionnel est moins centralisé, ce qui sert les intérêts de la mission. Ainsi, au point de vue opérationnel, la création de quartiers généraux dont les responsabilités sont claires permettra de se concentrer davantage sur le succès de la mission.

Le bien-être et l’engagement des membres reflètent l’intérêt que les forces canadiennes portent à leurs membres et prouvent la détermination à assurer le bien-être et l’épanouissement de chacun. En contrepartie, les forces canadiennes s’attendent à ce que les membres, les cadres supérieurs et les décideurs accordent leur entier appui aux missions. Cet aspect de l’efficacité des forces canadiennes inclut l’intégration interne des membres de la force régulière, de la réserve et des civils dans des équipes.

L’adaptation au monde extérieur renvoie à l’attention portée à l’environnement opérationnel externe et à la nécessité de prévoir les changements et de s’y adapter, ce qui est au cœur de la transformation. Pour s’adapter à l’évolution constante du nouveau contexte de sécurité, il faudra former de solides équipes composées de militaires et de civils du ministère de la Défense. Cette dimension, qui est parfaitement compatible avec le sixième principe de la transformation, suppose l’intégration des membres de la force régulière, de la réserve et des civils.

Enfin, l’ethos militaire englobe les valeurs qui caractérisent la conduite professionnelle et recoupe l’idéologie professionnelle de chacun des membres des forces armées. Il faut une profonde confiance entre les subordonnés, les pairs et les supérieurs pour insuffler ces valeurs dans les quatre composantes de l’efficacité.

Jadis, le leadership était souvent associé aux actes héroïques accomplis par les hauts gradés pour influencer le cours des événements. Même si ce genre de leadership a toujours sa place, aucun chef ne peut à lui seul gérer ou contrôler tout ce qui se produit dans une grande organisation ou toutes les opérations actuelles des forces canadiennes. C’est pourquoi les manuels sur le leadership véhiculent une philosophie qui répond aux exigences des opérations contemporaines, généralement menées par des éléments dispersés et à un rythme parfois soutenu. Pour atteindre les objectifs, les chefs subalternes et les officiers supérieurs doivent souvent prendre des décisions et agir de manière indépendante. La philosophie des forces canadiennes repose sur les principes essentiels que sont le leadership partagé et le leadership axé sur les valeurs. Dans le cadre du leadership partagé, les fonctions essentielles du leadership doivent être réparties dans diverses mesures entre les pairs et les subordonnés. À cause de la nature du champ de bataille d’aujourd’hui, un grand nombre de responsables au sein de la chaîne de commandement doivent prendre une multitude de décisions. Par conséquent, il faut que les capacités de leadership soient acquises et exploitées au maximum, tant par les officiers, les adjudants, les sous-officiers ou les échelons les plus bas de la hiérarchie.

Certes, des chefs peuvent avoir beaucoup d’ascendant sur les autres et apporter une contribution importante aux forces canadiennes, mais le leadership partagé doit reposer sur la répartition nécessaire et adéquate des responsabilités tant au sein des équipes, des unités, des formations que de l’ensemble des forces armées, que ce soit sur le plan horizontal ou vertical. Ce type de leadership reflète le cinquième principe de la transformation, le commandement des missions, qui encourage fortement l’esprit d’initiative à chaque échelon. Il est également conforme au sixième principe de la transformation, qui prône l’intégration des membres de la force régulière, de la réserve et du personnel civil de manière à tirer le meilleur parti des compétences et de l’expérience pour soutenir la mission de défense.

Le leadership partagé n’équivaut toutefois pas à un commandement conjoint. Conformément aux deuxième et quatrième principes de la transformation, les forces canadiennes favorisent une orientation centrée sur le commandement, selon laquelle des personnes sont chargées de mener des opérations conformes à l’intention du commandant. La notion d’intention du commandant est fondamentale dans le leadership partagé, car il faut suivre les instructions données par le commandant tout en utilisant son esprit d’initiative et son jugement professionnel. Pour ce faire, il faut une solide équipe d’officiers et de militaires du rang, tous chargés d’accomplir leurs tâches opérationnelles conformément à l’intention du commandant.

Le leadership axé sur les valeurs suppose que les décisions et les mesures prises par les chefs sont guidées par les valeurs institutionnelles qui sous-tendent l’ethos des forces canadiennes : les valeurs civiques d’une démocratie libérale; la primauté du droit; les valeurs éthiques qui régissent la façon de traiter les autres et de mener des opérations; et les valeurs militaires traditionnelles, que sont le sens du devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage. Ce sont ces valeurs qui contribueront à transformer les forces canadiennes, une organisation fondée sur des règles, en une institution fondée sur des valeurs.

Comment les dirigeants militaires réaliseront-ils ces plans ambitieux? La doctrine sur le leadership présente un certain nombre de mesures pour un leadership moderne, qui sont parfaitement conformes aux principes de la transformation. La première mesure, la formation au leadership à grande échelle, vise à répondre à l’évolution technique et militaire, qui demande des décisions rapides, des mesures plus novatrices et la préparation individuelle d’actions coordonnées, des éléments de plus en plus prisés dans l’éventail des opérations. Ce type de leadership se retrouve à des grades et à des postes de moins en moins élevés. Chaque membre doit accepter la responsabilité de la mission et de l’efficacité de l’équipe, de l’unité et enfin des forces canadiennes. Chacun, quel que soit son grade, doit être considéré comme une partie d’un système de relations interdépendantes, selon son poste et sa capacité. Cela est parfaitement conforme aux principes clés de la transformation relatifs à la concentration sur les opérations et au commandement des missions.

Un cadre pour le perfectionnement des chefs

Un cadre pour le perfectionnement des chefs a été élaboré afin de rassembler les qualités de leadership requises pour assurer l’efficacité des forces canadiennes et leur transformation conformément aux six principes énoncés précédemment.

Les qualités de leadership requises. L’Institut de leadership des Forces canadiennes a effectué de nombreuses recherches sur les qualités requises en vue d’assurer l’efficacité des forces armées. Il a notamment minutieusement analysé une série de documents portant sur les forces canadiennes jusqu’en 2020, d’autres ressources militaires et des ouvrages généraux sur le leadership. De nos jours, les chefs doivent posséder d’exceptionnelles capacités cognitives et de réflexion, des qualités sociales et comportementales ainsi qu’une aptitude à réagir au changement et à en tirer parti dans le contexte d’une organisation apprenante dotée d’un savoir-faire technique et d’une complexité institutionnelle (tous ces éléments étant intégrés à une idéologie professionnelle qui favorise la connaissance approfondie de la profession des armes). Étant donné que ces dimensions du leadership (le savoir-faire, les capacités cognitives, les capacités sociales, les capacités évolutives et l’idéologie professionnelle) dépendent du perfectionnement d’une personne durant toute sa carrière, l’Institut de leadership a regroupé les éléments requis dans un cadre de perfectionnement adapté aux divers échelons de la hiérarchie.

Le tableau 1 présente brièvement les 5 éléments à la base du leadership et leurs 16 caractéristiques. Chaque élément comporte une courte liste de caractéristiques (en caractères gras), et chaque caractéristique comprend des compétences qui sont associées au poste, au grade et à la fonction et qui sont déterminées par l’analyse des postes, par l’évaluation des tendances à venir, par des études stratégiques, etc.

5 éléments requis d’un chef

16 caractéristiques (en gras) réparties entre 5 éléments du profil d’un chef

L’importance, la portée et l’ampleur des compétences pour les responsabilités liées aux qualités exigées d’un chef varieront notamment en fonction du grade, du niveau et du poste, et augmentent généralement selon le temps passé au sein des FC, le grade, l’ancienneté et la crédibilité.

Expertise

L’expertise comprend des compétences spécialisées (classification de l’emploi militaire) et techniques (groupes, par ex., armes de combat, métiers de la marine, équipage d’aéronef), la compréhension et la création des environnements militaire et organisationnel, et l’exercice et la direction éventuelle du métier des armes, ainsi que les capacités nécessaires pour représenter et transformer le système par le biais d’applications aux niveaux stratégique et institutionnel.

Capacités cognitives

Les capacités cognitives comprennent une compétence logique, analytique, critique et tournée vers la résolution des problèmes permettant de réfléchir et de rationaliser en faisant preuve d’une discipline mentale afin de dégager des conclusions solides et de prendre de bonnes décisions; à cela s’ajoute une compétence intuitive, novatrice, stratégique et conceptuellement créative permettant de trouver des moyens novateurs, des perception sortant des sentiers battus et des solutions inédites pour résoudre les questions et les problèmes rencontrés.

Capacités sociales

Les capacités sociales comprennent une flexibilité comportementale authentique et significative permettant de satisfaire tout le monde, avec sincérité, à laquelle s’ajoutent des compétences en communications qui permettent d’améliorer la compréhension, de résoudre les conflits et d’aplanir les différences. Ces capacités se mêlent à des compétences interpersonnelles de transparence et de force de persuasion, à un esprit d’équipe qui est source de coordination, de cohésion, de confiance et d’engagement, et à la capacité de nouer des partenariats afin de forger des relations stratégiques.

Capacités évolutives

Les capacités évolutives comprennent l’auto-perfectionnement, avec ses risques et ses réussites, afin d’assurer l’auto-efficacité, des capacités centrées sur le groupe afin d’assurer l’amélioration de l’unité et la transformation du groupe, allant de pair avec une compréhension des qualités d’une organisation apprenante à l’échelle des FC, un apprentissage organisationnel, l’application de la philosophie d’une organisation apprenante et la capacité de gérer les connaissances stratégiques.

Idéologie professionnelle

L’idéologie professionnelle comprend : un éthos intégré de valeurs, de principes, d’intégrité, d’authenticité, et de fiabilité chez un chef militaire qui appréhende, met en pratique et vit véritablement l’éthos militaire; un raisonnement moral via l’éthique et une logique morale dans la réflexion et dans les actes, parallèlement à l’intériorisation de l’éthos militaire; et la crédibilité et l’influence d’un chef exemplaire faisant preuve de caractère, de loyauté, de courage, d’abnégation, de motivation, de discipline, d’ouverture et de disponibilité, en combinaison avec une assertivité et une extroversion dans sa mission qui garantissent l’obtention de l’effet nécessaire.

Tableau 1 – Un cadre du Leadership

Le perfectionnement des chefs. Lorsque les cinq éléments sont jumelés à un processus de perfectionnement professionnel progressif couvrant les quatre niveaux de leadership (élémentaire, intermédiaire, avancé et supérieur), on obtient le cadre de perfectionnement des chefs. À la figure 3, les flèches verticales indiquent les objectifs généraux visés pour chaque élément. L’idéologie professionnelle occupe une place privilégiée dans ce cadre. Dans la plupart des organisations efficaces, on peut s’attendre à retrouver, sous leur forme générique, les quatre premiers éléments de la première ligne. Ce n’est que lorsque ces éléments sont structurés en fonction de l’idéologie professionnelle militaire (comme ceux qui, à la figure 3, sont couverts de cercles concentriques ressemblant aux anciens échos radars) qu’ils se conjuguent de manière à former une sorte de « cube de Rubik » collectif et interdépendant et à permettre une efficacité institutionnelle maximale.

Dans un cadre de perfectionnement parfaitement au point, les 20 cases formées par le croisement entre les cinq éléments et les quatre niveaux de leadership seraient remplies. Ces éléments et ces caractéristiques constituent les qualités requises pour faciliter la transformation des forces canadiennes.

Les stratégies d’acquisition du leadership. L’étape suivante consisterait à définir les méthodes de perfectionnement et les stratégies d’apprentissage pour chaque qualité et caractéristique du leadership. En ce qui concerne le perfectionnement professionnel, les cinq éléments à la base du leadership ont toujours été abordés au moyen des piliers traditionnels : expérience, entraînement, éducation et autoperfectionnement. Cette démarche n’est pas remise en question; toutefois, l’Académie canadienne de la Défense continue d’examiner la dépendance à l’égard de ces piliers, l’efficacité de chacun d’eux ainsi que celle des méthodes pédagogiques auxquelles ils ont recours.

Un programme de perfectionnement homogène et équilibré, gravitant autour de l’éducation, serait sans doute approprié. L’amélioration de l’élément savoir-faire et connaissances se ferait essentiellement par l’enseignement traditionnel; en ce sens, elle serait équilibrée puisqu’elle se prête bien à la transmission du savoir par un enseignant qui donne des cours pratiques à des groupes. L’acquisition progressive des capacités cognitives, sociales et évolutives complexes et l’inculcation d’une idéologie professionnelle nécessitent des stratégies andragogiques (méthodes centrées sur l’apprenant individuel et sur sa participation) adaptées aux militaires canadiens expérimentés, curieux, motivés et attirés par les défis intellectuels.

Un tableau

Figure 3 : Le cadre du perfectionnement des chefs

Désormais, il faut insister davantage sur l’acquisition d’un savoir-faire lié aux capacités institutionnelles et stratégiques (par exemple, la planification stratégique, les mesures de transformation interarmées), aux capacités cognitives (comme la métacognition, la repré-sentation mentale et la création du savoir), aux capacités sociales (comme la flexibilité du chef et la communication en vue de nouer des partenariats avec les organisations internationales, les organisations non gouvernementales et d’autres ministères), aux capacités évolutives (par exemple, l’autoperfectionnement visant à atteindre l’autoefficacité grâce au ressourcement ou l’apprentissage du partage organisationnel de l’information dans les communications de combat) et à la socialisation professionnelle et éthique (en devenant dans une optique préventive les références, les gardiens et les porte-parole de la profession). Cette idéologie professionnelle mérite une attention particulière, le perfectionnement professionnel couvrant l’évolution du raisonnement moral et de la construction identitaire, l’instauration d’un équilibre entre la réflexion autonome et l’appartenance (ou la conformité) à une équipe, la motivation professionnelle, l’éthique et les valeurs, les principes et les attentes énoncés dans Servir avec honneur : La profession des armes au Canada.

Conclusion

Le leitmotiv actuel et prédominant dans les forces canadiennes est la transformation. Celle-ci doit être menée en mettant l’accent sur les personnes, sur les membres de la profession des armes dotés d’une forte idéologie professionnelle et du leadership requis pour relever les défis qui attendent les forces canadiennes au XXIe siècle. L’un des grands défis de ce siècle est la transformation constante des forces canadiennes, et les dirigeants doivent posséder les qualités nécessaires, acquises grâce aux meilleures stratégies d’apprentissage. En fait, le professionnalisme et le leadership efficace sont les compétences qu’exige cette entreprise de transformation.

Logo RMC

Les trois auteurs travaillent à l’Institut de leadership des Forces canadiennes, à l’Académie canadienne de la Défense. Robert S. Edwards dirige la section des Leçons apprises. L. William Bentley, Ph. D., dirige la section de la Théorie sur le leadership. Robert W. Walker est agent de recherche.