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Le très honorable Jean Chrétien,
      C.P., B.A., LL.L. LL.D.
Premier ministre du Canada
Pièce 105
Édifice Langevin
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
KlA 0A2

Monsieur le Premier ministre,

Le 31 décembre 1996, j'ai annoncé mon intention de vous présenter un compte rendu, d'ici la fin mars 1997, sur la situation des Forces canadiennes. L'examen est maintenant terminé. L'un de ses éléments principaux est le rapport du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, qui contient d'importantes recommandations visant à améliorer l'impartialité et l'efficacité du système de justice militaire. J'appuie sans réserve ces recommandations, et j'ai demandé au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes de procéder immédiatement à leur mise en oeuvre.

Mes propres constatations et conclusions sont annexées à la présente. Elles seront rendues publiques en même temps que le rapport du Groupe consultatif spécial et un certain nombre d'autres documents qui m'ont aidé à préparer mon compte rendu, ou qui peuvent contribuer à en éclairer le contenu. Il s'agit des documents suivants :

- Autorité, responsabilité et reddition de comptes, un document d'orientation qui aidera les militaires et les employés civils à mieux comprendre la façon dont est menée l'entreprise de la défense et quelle place ils y occupent;

- un document intitulé Énoncé de principe pour les Forces canadiennes, qui décrit l'esprit et les convictions essentielles qui devraient inspirer et guider les Forces canadiennes;

- un Résumé des changements dans les Forces canadiennes et au ministère de la Défense nationale, un document qui résume les changements d'envergure effectués au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale, ainsi que les réalisations accomplies au cours des dernières années;

- un Document de référence sur les forces armées de l'Australie, de l'Italie, des Pays-Bas, de la Suède, du Royaume-Uni et du Canada;

- une Étude comparative des pouvoirs et de la reddition de comptes dans six démocraties, qui donne un aperçu des organisations de défense en Australie, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Allemagne, en Norvège et aux Pays-Bas;

- les rapports des quatre universitaires dont j'ai sollicité les commentaires et les avis;

- un rapport intitulé L'avenir des Forces canadiennes : opinions de la communauté de la défense, qui résume les vues d'un certain nombre d'autres experts canadiens de premier plan, ainsi que certains des points principaux des nombreux documents et lettres qui m'ont été envoyés spontanément ces derniers mois; enfin, et surtout,

- Le Livre blanc sur la défense de 1994, qui est l'énoncé officiel de la politique de défense actuelle du Canada.

Le rapport que je vous remets aujourd'hui ne marque pas la fin de notre démarche -- j'ai l'intention d'y donner suite avec un plan de mise en oeuvre détaillé, qui décrira les étapes importantes à franchir. Ce rapport, toutefois, est le résultat d'un effort concret visant à régler bon nombre des problèmes auxquels se heurtent les Forces canadiennes à l'heure actuelle. Avec les conclusions de la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie et les recommandations du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, qui étudie les problèmes socio-économiques que doivent affronter les Forces canadiennes, ce rapport devrait aider cette institution nationale essentielle à se préparer pour l'avenir.

Je suis très heureux de constater que le Sénat est disposé à examiner certains aspects de l'affaire de la Somalie. Je remercie les sénateurs et les députés de l'intérêt qu'ils manifestent envers toutes les grandes questions qui touchent à l'avenir des Forces canadiennes. Il sera désormais essentiel de veiller à ce que les parlementaires participent davantage à l'étude des problèmes qui se posent aux Forces canadiennes, plutôt que d'avoir recours à des mécanismes extraparlementaires.

Je crois fermement que les Forces canadiennes n'ont rien à envier aux autres organisations militaires. Leur participation à des opérations de guerre et de maintien de la paix devrait être une source de fierté pour les Canadiennes et les Canadiens. Le professionnalisme de notre personnel est reconnu et respecté dans le monde entier.

Depuis plusieurs années, les Forces canadiennes sont surveillées de très près par le public, ce qui n'a rien de surprenant. En effet, partout au pays, comme jamais auparavant, les Canadiens doutent de leurs dirigeants et de leurs institutions. Cependant, la publicité négative qui atteint l'institution militaire est plus qu'un simple signe des temps. Les difficultés qu'ont connues les Forces canadiennes ces dernières années proviennent d'événements isolés, mais on ne peut les écarter en prétendant qu'elles sont entièrement imputables à quelques mauvais éléments. En effet, les problèmes que j'ai décelés vont jusqu'au coeur de l'organisation de défense et touchent des questions fondamentales comme les valeurs, le leadership, la justice militaire et la discipline.

Les Forces ont dû subir d'énormes changements au cours de la dernière décennie. Elles ont été soumises à d'importantes compressions budgétaires et ont dû s'adapter à un nouvel environnement social. Par ailleurs, l'ordre international a été transformé de fond en comble après la fin de la guerre froide. Le nombre d'opérations des Forces canadiennes a augmenté radicalement, et les déploiements sont souvent devenus beaucoup plus dangereux.

Ces facteurs ont mis les Forces à rude épreuve et ont causé des incidents intolérables. La solution pour les Forces canadiennes ne consiste pas à essayer de tout effacer, mais à cerner les problèmes et à les résoudre sans tarder, et de façon appropriée.

J'ai étudié attentivement le rôle des Forces canadiennes. À mon avis, Monsieur le Premier ministre, le rôle précisé dans le Livre blanc demeure tout à fait valable. Il est toutefois primordial que le gouvernement continue d'offrir aux Forces une perspective de stabilité pour ce qui est du budget et des effectifs, et qu'il continue de mettre en oeuvre le Livre blanc sur la défense de 1994.

La formation et la sélection des chefs constituent un élément essentiel qui permet aux Forces de s'adapter à la nouvelle donne. Un certain nombre d'initiatives précises seront mises en

oeuvre afin d'améliorer la formation, l'éducation et le perfectionnement professionnel des officiers et des militaires du rang, ainsi que le système de promotion et de sélection pour les

postes de commandement. Des mesures seront également prises pour améliorer les préparatifs des missions opérationnelles, pour éliminer certaines faiblesses du système régimentaire, pour mieux renseigner le public canadien sur ce que font les Forces, et pour clarifier les lignes de responsabilité des militaires et des

employés civils, tout en favorisant la confiance et le respect mutuels entre ces deux composantes indispensables de l'Équipe de la Défense.

Monsieur le Premier ministre, depuis le 4 octobre 1996, je suis encouragé par l'appui des Canadiens qui se préoccupent du bien-être de nos forces armées. Partout où je vais, les gens me disent combien ils sont fiers des Forces canadiennes, bien qu'ils expriment de sérieuses réserves au sujet des événements de Somalie et des autres sujets de controverse.

J'aimerais remercier tout particulièrement les membres du Groupe consultatif spécial, soit le très honorable Brian Dickson, le lieutenant-général Charles Belzile (retraité) et M. J.W. Bird, de même que les professeurs David Bercuson, J.L. Granatstein, Albert Legault et Desmond Morton. Ces personnes ont joué un rôle crucial dans le processus de consultation établi aux fins de cet examen, et ils ont rempli leurs fonctions de façon admirable. Je remercie également les centaines de personnes qui m'ont apporté conseils, critiques et soutien au cours des trois derniers mois. J'apprécie l'aide qu'ils m'ont fournie, Monsieur le Premier ministre, mais bien entendu, j'assume l'entière responsabilité de toutes les initiatives recommandées dans le rapport.

Comme vous le diriez si bien, Monsieur le Premier ministre, "Nous avons du pain sur la planche."

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de mes salutations distinguées.

Douglas Young

Douglas Young