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Charte canadienne des droits et libertés Human Rights in Canada International Human Rights

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Docuument de base formant partie intégrante des rappports des états parties

Canada

Octobre 1997

Table des matières

  • Introduction
  • Première partie : Territoire et population
  • Deuxième partie : Structure politique générale
  • Troisième partie : Cadre juridique général de la protection des droits de la personne
  • Quatrième partie : Information et publicité


Introduction

1. Le présent document donne suite à la demande faite par le Secrétaire général des Nations-Unies. Il renferme les renseignements sollicités dans les Directives unifiées concernant la première partie des rapports des États parties, jointes à ladite demande. La présentation des renseignements suit les quatre rubriques mentionnées dans les directives, à savoir : territoire et population, structure politique générale, cadre juridique général de la protection des droits de la personne, information et publicité.


Première partie : Territoirie et population

A. Territoire

2. Le Canada occupe la majeure partie de l'Amérique du Nord septentrionale. Il couvre près de 10 millions de kilomètres carrés, ce qui le place au deuxième rang des pays les plus vastes, derrière la Russie; sa superficie dépasse légèrement celle des États-Unis et celle de la Chine. Le Canada s'étend sur 5 500 kilomètres dans l'axe est-ouest; il englobe 15 écozones différentes et six fuseaux horaires. Il est divisé en dix provinces et deux territoires de superficie très variable. Les Territoires du Nord-Ouest (couvrant 3,4 millions de kilomètres carrés) forment la plus vaste entité politique. La plus grande province, le Québec, a une étendue de 1,5 millions de kilomètres carrés; la plus petite, l'Île-du-Prince-Édouard, couvre à peine 5 700 kilomètres carrés. Le point du Canada le plus au nord est situé à seulement 768 kilomètres du pôle Nord; le point le plus au sud se trouve à peu près à la latitude de la ville de Rome. La distance nord-sud entre ces deux extrêmes est d'environ 4 600 kilomètres.

3. Le Canada est bordé par trois océans, l'Atlantique, le Pacifique et l'Arctique et, en raison de l'abondance de ses îles, il a le plus long littoral au monde, soit presque 244 000 kilomètres. Le Canada est également le pays le plus riche en eaux douces; 8 p. 100 du territoire, soit 755 000 kilomètres carrés, est occupé par des lacs et des cours d'eau. Les Grands lacs, situés en partie au Canada et en partie aux États-Unis, contiennent le quart des eaux douces lacustres du globe; trois d'entre eux figurent parmi les cinq plus grands lacs du monde. Le Canada possède également presque 25 p. 100 de toutes les terres humides de la planète; 14 p. 100 du territoire canadien en est recouvert. Si, dans la majeure partie du pays, le terrain est généralement plat ou vallonné, le territoire canadien est hérissé de chaînes de montagnes aussi massives que les Alpes ou la chaîne de l'Oural. La cordillère de l'Ouest canadien (les Rocheuses) compte parmi les chaînes de montagne les plus jeunes au monde, tandis que les hautes terres laurentiennes, à l'est, sont parmi les plus anciennes.

4. Sa taille, sa géologie et son climat font du Canada un pays riche en ressources naturelles. La forêt y occupe une place importante; en fait, le Canada se classe au troisième rang, derrière la Russie et le Brésil, au chapitre de la superficie boisée. Environ 45 p. 100 de la surface du pays soit 4,5 millions de kilomètres carrés est couverte d'arbres, ce qui explique l'importance des industries forestières dans l'économie et les exportations canadiennes. Le Canada est également bien pourvu en ressources minérales; il est le premier producteur de nickel, d'uranium et de zinc, et contribue largement à la production mondiale de cuivre, d'or, de minerai de fer et de potasse, sans compter ses très grandes réserves de minéraux combustibles. Le Canada a toujours été un gros exportateur de produits minéraux. Sur les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, la mer produit également des ressources halieutiques considérables. La majeure partie du terrain ne se prête pas à l'agriculture (les terres agricoles ne représentent que 7 p. 100 du territoire); cependant, on trouve de vaste étendues de sols arables, en particulier dans la région des prairies, dans la vallée du Saint-Laurent et dans le sud de la Colombie-Britannique. Le Canada est reconnu comme un exportateur de grains (en particulier le blé).

5. Peu de pays affichent une telle diversité climatique, ce qui n'est pas étonnant quand on considère la taille de la masse continentale canadienne et les effets des trois océans qui la bordent. De façon générale, le Canada peut être décrit comme un pays nordique sous un climat nordique. Dans l'extrême nord, il n'y a pas de véritable été; la température peut descendre sous 0oC à n'importe quelle époque de l'année. Dans le sud, la température est beaucoup plus douce, quoique dans la plupart des régions habitées, il n'y a en moyenne que quatre mois sans gel et le sol est recouvert de neige à partir de décembre jusqu'à la fin de mars. En revanche, à proximité de la côte du Pacifique, les hivers sont très doux et presque exempts de neige.

6. Sur de vastes étendues du pays, la rigueur du climat ou le caractère inhospitalier du terrain découragent tout établissement humain. C'est pourquoi à peine 10 p. 100 du territoire est occupé en permanence. La région habitée (l'écoumène) forme une bande relativement étroite qui s'étend le long de la limite méridionale du Canada. Même si l'écoumène couvre en fait une grande superficie, la population du Canada est concentrée dans des milieux urbains; les trois quarts vivent dans des centres urbains et plus de la moitié de la population totale est installée dans des agglomérations de 100 000 habitants ou plus.

B. Population

7. Le 1er juillet 1991, la population canadienne était estimée à 28 120 100 habitants, d'après les résultats du Recensement de 1991 ajustés en fonction du sous-dénombrement net. Bien que la population du Canada ait continué d'augmenter, son taux de croissance a décliné régulièrement pendant la quasi-totalité des quatre dernières décennies. La période de 1986 à 1991 a enregistré la première hausse du taux de croissance intercensitaire depuis 1951. Celle-ci est attribuable à une combinaison de facteurs, dont une augmentation de l'immigration, une baisse de l'émigration et la stabilité de l'accroissement naturel de la population (augmentation des naissances et des décès). Selon la plus récente estimation démographique de juillet 1995, la population canadienne s'élève à 29 606 100 habitants, composée de 50,5 p. 100 de femmes et de 49,5 p. 100 d'hommes. Un peu plus des trois quarts de la population vit en milieu urbain (76,7 p. 100). Si les tendances récentes en matière de fécondité, de longévité et d'immigration nette se maintiennent, la population du Canada devrait passer à 32 millions d'ici l'an 2001.

8. La population du pays est vieillissante depuis les quelques dernières décennies, principalement en raison de la chute des taux de fécondité depuis les années 1960 et de l'accroissement de l'espérance de vie. En 1995, 12 p. 100 de la population était âgée de 65 ans et plus (58 p. 100 de femmes et 42 p. 100 d'hommes), 61 p. 100 était en âge de travailler (20 à 64 ans), et 20 p. 100 avait moins de 15 ans (49 p. 100 de filles et 51 p. 100 de garçons). Selon les projections, l'âge moyen au Canada passera de 35,5 ans en 1997 à 38,1 ans en 2005.

9. La population canadienne compte différents groupes autochtones dont les Indiens d'Amérique du Nord, les Métis et les Inuits. Plus de 4 p. 100 des Canadiens et Canadiennes était d'origine autochtone en 1991.

10. On dit souvent du Canada qu'il est une terre d'immigration. Or, selon le recensement national, la proportion d'immigrants dans la population est demeurée stable à environ 16 p. 100 durant plusieurs décennies. Les origines de la population immigrante ont cependant considérablement changé au fil des années. Les Européens constituaient toujours la plus grande partie des immigrants vivant au Canada en 1991. Toutefois, parmi ceux qui sont arrivés au cours des dix dernières années, près de la moitié venaient d'Asie, et 10 p. 100 étaient originaires d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Les immigrants sont plus susceptibles que la population née au Canada de vivre dans de grands centres urbains. Tandis que moins du tiers de la population totale du Canada habite les trois principaux centres urbains du pays Toronto, Montréal et Vancouver , plus de la moitié des immigrants vivent dans ces centres. Plus de 80 p. 100 des immigrants qui avaient droit à leur citoyenneté l'avaient acquise en 1991, par rapport à 75 p. 100 en 1981. Les immigrants doivent résider pendant au moins trois ans au Canada avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté.

11. Au cours des vingt dernières années, la taille moyenne de la famille est passée de 3,7 à 3,1 personnes. Parmi les enfants de moins de 15 ans, la plupart (86 p. 100) vivent dans une famille ayant deux parents présents. La majorité des familles (65 p. 100) comptent au moins un enfant à la maison. Les familles monoparentales constituaient 13 p. 100 de toutes les familles en 1991, et celles ayant une femme à leur tête demeuraient quatre fois plus nombreuses que celles dirigées par un homme.

12. La proportion de Canadiens vivant dans une famille a légèrement baissé; de plus en plus de gens au Canada vivent seuls. En 1961, moins de 10 p. 100 de tous les ménages comprenaient une seule personne; en 1991, la proportion atteignait 23 p. 100. Parmi les facteurs contribuant à l'accroissement du nombre de personnes vivant seules figurent le vieillissement de la population ainsi que l'augmentation des ruptures de mariage. En raison de l'écart entre les taux de mortalité des hommes et des femmes, le nombre de veuves âgées vivant seules a continué d'augmenter. Près de 60 p. 100 de toutes les personnes vivant seules sont des femmes.

13. Il y a deux langues officielles au Canada, le français et l'anglais. Lors du Recensement de 1991, 63 p. 100 de la population s'est déclarée de langue maternelle anglaise (ces chiffres comprennent toutes les personnes ayant déclaré une ou plusieurs langues maternelles). Vingt-cinq pour cent de la population s'est déclarée de langue maternelle française. Les autres groupes les plus importants étaient constitués des Italiens, des Chinois et des Allemands, lesquels ensemble composaient moins de 5 p. 100 de la population canadienne. La proportion de personnes ayant déclaré une langue maternelle autochtone en 1991 a été inférieure à 1 p. 100.

Statistiques démographiques

14. Le taux de natalité a graduellement diminué au cours des deux dernières décennies pour s'établir à 14 naissances par 1 000 habitants en 1992. Cette année-là, il y a eu 398 642 naissances (51 p. 100 de filles et 49 p. 100 de garçons). En 1992, le taux de mortalité était de 6,8 par 1 000 habitants (8,9 pour les hommes et 5,2 pour les femmes), en forte baisse par rapport au taux de 9,3 en 1974. Le nombre de décès au Canada s'est situé à 196 535 en 1992. Exception faite des enfants de moins de 5 ans, les taux de décès augmentent avec l'âge au Canada.

15. Le taux des mariages a chuté au cours des deux dernières décennies, passant de 8,7 par 1 000 habitants en 1974 à 5,8 en 1992. Sur une période dix ans, le taux de divorce a légèrement grimpé, passant de 2,7 par 1 000 habitants en 1983 à 2,8 en 1992, la durée moyenne des mariages qui se terminaient par un divorce étant de dix ans.

16. Au cours de la dernière décennie, la proportion de jeunes adultes demeurant célibataires a enregistré une hausse spectaculaire. Ainsi, parmi les femmes âgées de 20 à 24 ans, 61 p. 100 ne s'étaient jamais mariées en 1981, contre 79 p. 100 en 1991. Durant cette même période, la proportion des hommes du même groupe d'âge ne s'étant jamais mariés est passée de 79 p. 100 à 91 p. 100. Une évolution similaire a été observée chez les hommes et les femmes âgées de 25 à 34 ans.

17. L'espérance de la vie au Canada s'est accrue régulièrement au fil des décennies pour devenir l'une des meilleures au monde. Les fillettes nées en 1993 pourraient espérer vivre 81 ans en moyenne, et les garçonnets, 74,9 ans. Chez les peuples autochtones, l'espérance de vie s'est accrue, ce qui a diminué l'écart entre celle-ci et celle de la population non autochtone. L'espérance de vie chez les autochtones à la naissance s'établissait à environ cinq années de moins que celle de l'ensemble de la population canadienne en 1991, tant chez les hommes que chez les femmes.

18. En 1993, l'indice synthétique de fécondité (soit le nombre d'enfants qu'une Canadienne peut s'attendre à avoir pendant sa vie en fonction des taux de fécondité par âge établis en 1993) s'établissait à 1,66 par rapport au taux de reproduction de 2,1. Au cours de la dernière décennie, les taux de fécondité par âge des femmes de moins de 30 ans ont généralement baissé, alors qu'ils ont augmenté chez les femmes âgées de plus de 30 ans. Chez les Autochtones, les estimations de 1991 de l'indice synthétique de fécondité varient de manière significative selon le groupe et le lieu de résidence, allant de 3,3 chez les Indiens d'Amérique du Nord vivant dans les réserves, à 1,9 chez les Indiens non inscrits vivant en régions urbaines et à 2,3 chez les Métis des milieux urbains.

19. Le taux de mortalité infantile par 1 000 naissances vivantes était de 6,1 en 1992. Il était plus élevé pour les nouveaux-nés de sexe masculin (6,8) que pour ceux de sexe féminin (5,4). Les taux de mortalité infantile ont régressé de façon constante depuis les deux dernières décennies; il était de 15 par 1 000 naissances vivantes en 1974. Le taux de mortalité maternelle, quant à lui, est demeuré à 4,8 par 100 000 naissances vivantes en 1992.

20. Le poids à la naissance est lié à la santé de la mère, et il est reconnu comme un important indicateur des chances de survie d'un nourrisson. Selon l'Organisation mondiale de la santé, le pourcentage de nouveaux-nés pesant au moins 2 500 grammes constitue un indicateur global essentiel pour suivre les progrès relatifs à l'amélioration de la santé. Au Canada, le pourcentage de nouveaux-nés pesant plus de 2 500 grammes s'est accru pendant les années 1970 et 1980 pour atteindre 94,5 p. 100 en 1992.

Caractéristiques socio-économiques

21. Le recensement du Canada permet de déclarer une (unique) ou plusieurs (multiple) origines ethniques. En 1991, 71 p. 100 de la population a déclaré des origines ethniques uniques, et 29 p. 100 des origines ethniques multiples. Bien que les personnes d'origine française ou britannique constituaient encore les groupes ethniques les plus importants, aucun ne représentait la majorité de la population. Plus de 30 p. 100 de la population a déclaré une origine ethnique autre que française ou britannique. On a constaté des écarts régionaux marqués entre les dix origines ethniques les plus fréquemment déclarées, témoignant grandement de l'endroit où les immigrants se sont installés au fil du temps. Plus d'un million de Canadiens, soit 4 p. 100 de la population, ont déclaré des origines autochtones (Indiens d'Amérique du Nord, Métis ou Inuit) en 1991.

22. Du point de vue historique, la population canadienne a toujours été majoritairement chrétienne. En 1991, près de 84 p. 100 des Canadiens et Canadiennes étaient de foi chrétienne; on dénombrait 46 p. 100 de catholiques, 36 p. 100 de protestants et 1 p. 100 de personnes de religion orthodoxe orientale. La proportion de personnes disant appartenir à une religion autre que chrétienne est passée à environ 4 p. 100, dont un peu plus de 1 p. 100 se déclarent de religion juive. Quant à la proportion de personnes déclarant n'appartenir à aucune religion, elle a dépassé les 12 p. 100.

23. En 1989, on a procédé à une évaluation de l'alphabétisation au Canada, soit de la capacité de lecture, de calcul et d'écriture. Environ 62 p. 100 des Canadiens âgés de 16 à 69 ans ont des capacités de lecture suffisantes pour leur permettre de satisfaire à la plupart des exigences de lecture courantes. Une autre tranche de 22 p. 100 démontre une aptitude suffisante pour faire des lectures simples dans des contextes familiers. Chez 16 p. 100 des Canadiens, les capacités de lecture sont trop limitées pour qu'ils puissent utiliser la plupart des documents d'usage quotidien. Dans le même ordre d'idées, 62 p. 100 des Canadiens ont des capacités de calcul qui leur permettent d'utiliser des documents imprimés exigeant une séquence simple d'opérations numériques, 24 p. 100 ne possèdent pas les capacités nécessaires pour satisfaire à la plupart des besoins de calcul quotidiens, et 14 p. 100 peuvent, au mieux, repérer et reconnaître les chiffres. En ce qui concerne les capacités d'écriture, 88 p. 100 peuvent rédiger un message simple, et 62 p. 100 peuvent écrire une lettre pour demander, par exemple, la réparation d'un appareil ménager. Dans l'ensemble, la répartition de la population en ce qui concerne l'alphabétisation est à peu près identique pour les femmes et les hommes d'âge adulte ayant subi les tests de lectures et d'écriture en français et en anglais.

24. La proportion de personnes ayant fait des études postsecondaires (dans une université, un collège ou un établissement d'enseignement professionnel) a atteint un record inégalé en 1991, pour se situer à 43 p. 100 de toutes les personnes de 15 ans et plus. Près de la moitié (45 p. 100) des diplômés des universités étaient des femmes, une proportion en hausse constante. La proportion d'adolescents et de jeunes adultes du Canada qui fréquentaient l'école à plein temps est passée de 66 p. 100 en 1981 à 80 p. 100 en 1991. Près du tiers des étudiants âgés de 20 à 24 ans combinaient le travail et les études à temps plein.

Répartition de la population âgée de 15 ans et plus, selon le niveau d'éducation (1991)

Primaire Secondaire Études postsecondaires Diplôme universitaire
Total 14.3 42.6 31.7 11.4
Hommes 14.3 41.8 31.0 12.8
Femmes 14.3 43.3 32.4 10.0

25. Outre le système d'enseignement régulier, les gouvernements et les entreprises financent des programmes de formation professionnelle au Canada. Près du tiers de tous les travailleurs à temps plein âgés de 20 à 69 ans ont suivi des cours ou un programme de formation dispensés par l'employeur en 1991. On a cependant enregistré des écarts marqués dans les taux en fonction du métier ou de la profession des travailleurs. Ainsi, près de la moitié de tous les cols blancs ont reçu une telle formation, contre un peu plus du quart seulement des travailleurs du secteur des services et un cinquième des cols bleus.

26. La majorité des personnes âgées de 15 à 54 ans font partie de la population active. Cependant, les taux d'activité varient en fonction de l'âge et du sexe. La hausse constante de la proportion des femmes âgées de 15 ans et plus dans la population active (de 40 p. 100 en 1971 à 60 p. 100 en 1991) constitue l'une des tendances les plus significatives qu'on ait constatée sur le marché du travail depuis vingt ans.

27. En 1995, les femmes étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partiel. Parmi celles qui occupaient un emploi, 24 p. 100 travaillaient à temps partiel, contre 6 p. 100 chez les hommes. La même année, le taux d'emploi (ratio emploi-population) s'établissait à 58,6 p. 100, presque quatre points en dessous de son niveau d'avant la récession en 1989. Le taux de chômage, qui a atteint un sommet de 11,3 p. 100 en 1992, tombait à 9,5 p. 100 en 1995.

28. En 1994, le revenu moyen par habitant s'établissait à 22 128 $. Chez la population de 15 ans et plus ayant des revenus, la moyenne était de 24 394 $, soit 18 688 $ pour les femmes et 29 927 $ pour les hommes. Le ratio des gains entre hommes et femmes travaillant à temps plein toute l'année était de 72 p. 100 en 1993. La majeure partie de l'information sur le revenu au Canada est produite pour les familles ou pour les unités économiques dans lesquelles les gens vivent. En 1993, le revenu familial moyen était de 53 459 $, en baisse pour la quatrième année consécutive, après rajustement en fonction de l'inflation. Cette baisse du revenu familial est la plus longue et la plus marquée qu'on ait enregistrée en quarante ans.

en milliers en pourcentage Total 14 927,6 13 505,5 1 422,1 9,5 64,8 58,6 Hommes 8 197,6 7 396,5 801,1 9,8 72,5 65,4 Femmes 6 730,1 6 109 621 9,2 57,4 52,1

Moyennes annuelles de la population active, 1995

Population active Employés Chômeurs Taux de chômage Taux d'activité Emplois/ population
000s %
Total 14,927.6 13,505.5 1,422.1 9.5 64.8 58.6
Hommes 8,197.6 7,396.5 801.1 9.8 72.5 65.4
Femmes 6,730.1 6,109.0 621.0 9.2 57.4 52.1

29. En 1993, 5,1 millions de personnes (18 p. 100 de la population canadienne) vivaient sous le seuil de faible revenu de Statistique Canada. Les familles se trouvant dans cette situation consacraient au moins 55 p. 100 de leur revenu à la nourriture, au logement et à l'habillement en 1992. Le seuil de faible revenu varie selon le lieu de résidence géographique et la taille de la famille. Environ un enfant sur cinq de moins de 18 ans (1,5 million d'enfants) vivaient dans des familles à faible revenu en 1993, ce qui dépasse le sommet précédent atteint en 1984. Bien que les taux aient diminué au cours des deux dernières décennies, plus de la moitié des personnes de 65 ans et plus vivant seules avaient un faible revenu en 1993. Parmi les types de familles, les familles monoparentales dirigées par une femme ont toujours eu les taux les plus élevés de faible revenu; en 1993, ce taux était de 59 p. 100.

30. L'indice des prix à la consommation (utilisé pour mesurer l'inflation) s'est élevé à environ 34 p. 100 de plus qu'en 1986. L'inflation au Canada est demeurée relativement stable au cours de la dernière décennie, enregistrant des augmentations annuelles de moins de 6 p. 100, et de moins de 2 p. 100 de 1992 à 1994.

31. Le produit intérieur brut (soit la valeur de la production au Canada, sans égard à la propriété) a enregistré une croissance réelle de 4,6 p. 100 en 1994, qui l'a porté à 748 606 millions de dollars. Le produit national brut (la valeur de la production des entreprises nationales et internationales appartenant à des intérêts canadiens) s'est établi à 720 066 millions de dollars en 1994. La dette extérieure du Canada a atteint les 341 700 millions de dollars.


Deuxième Partie: Structure politique Générale

32. Fédéralisme, monarchie constitutionnelle, parlementarisme de type britannique, et démocratie représentative, tels sont les caractères essentiels du régime politique canadien. Des facteurs géographiques, économiques et sociaux ont conféré un style original à la vie politique du Canada à travers son histoire. Si les structures politiques actuelles sont les mêmes qu'à la création de la fédération en 1867, le cadre, le processus et l'esprit de la vie politique canadienne ont quant à eux beaucoup évolué. Aujourd'hui, le Canada compte dix provinces et deux territoires.

A. Histoire

33. L'évolution politique du Canada a connu ses débuts bien avant l'arrivée des premiers colons européens. Depuis très longtemps, les peuples autochtones du Canada ont créé diverses langues et cultures et ils ont élaboré plusieurs systèmes d'administration. Ils négociaient en outre des alliances et des traités entre eux.

34. Jacques Cartier a fait officiellement la découverte du Canada en 1534 et il en prit possession au nom du Roi de France. En 1608, Samuel de Champlain vint s'établir à Québec pour y fonder une colonie de peuplement appelée Nouvelle-France. La Grande-Bretagne avait établi à la même époque des colonies en Amérique du Nord. Les habitants de la Nouvelle-France vécurent sous le régime français jusqu'à la fin de la guerre de Sept Ans marquée par les capitulations de Québec en 1759 et de Montréal en 1760. Par le Traité de Paris de 1763, la France céda le Canada d'alors à la Grande-Bretagne.

35. Le Canada a connu par la suite le régime britannique. La Proclamation royale de 1763 accordait à la colonie du Québec l'autorité de constituer son propre gouvernement. à la veille de l'indépendance américaine, le Parlement britannique a adopté l'Acte de Québec de 1774 et rétabli, entre autres choses, le droit civil français. Après la Révolution américaine et la venue au Canada de nombreux loyalistes, l'Acte constitutionnel de 1791 a divisé la colonie en deux provinces, soit le Haut-Canada et le Bas-Canada, et constitué dans chacune d'elles des assemblées législatives électives.

36. En 1837-1838, des soulèvements ont secoué le Haut et le Bas-Canada et le gouvernement a été suspendu. En 1840, le Parlement britannique a voté l'Acte d'Union, qui réunissait le Haut et le Bas-Canada en une seule province : la Province du Canada. Quelques années plus tard, le régime de gouvernement responsable a été instauré, ce qui signifiait que les lois devaient être adoptées par le Parlement et que l'exécutif ne pouvait demeurer au pouvoir sans l'appui de la majorité de l'assemblée législative élue.

37. Entre 1864 et 1867, les dirigeants politiques des colonies de la Province du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick se sont réunis afin d'examiner la possibilité de créer une nouvelle union fédérale. à leur demande, le Parlement britannique a adopté en 1867 l'Acte de l'Amérique du Nord-britannique, désigné maintenant comme la Loi constitutionnelle de 1867. Quatre provinces, soit l'Ontario (l'ancien Haut-Canada), le Québec (l'ancien Bas-Canada), la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, se sont unies pour former la nouvelle fédération canadienne.

38. Le Manitoba a adhéré à la fédération en 1870, la Colombie-Britannique, en 1871, l'Île-du-Prince-Édouard, en 1873, l'Alberta et la Saskatchewan, en 1905, et Terre-Neuve, en 1949. à présent, la fédération est composée de dix provinces et de deux territoires, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Un troisième territoire, le Nunavut, sera créé en 1999 à partir des Territoires du Nord-Ouest.

39. Si la Loi constitutionnelle de 1867 fut le résultat d'une négociation multilatérale, certains l'ont aussi considéré, à travers certaines de ses dispositions en particulier, comme une entente entre les Canadiens français et les Canadiens anglais. Cette caractéristique se révèle notamment dans les dispositions qui instituèrent un certain bilinguisme officiel en matière parlementaire, législative et judiciaire, au double niveau fédéral et québécois.

40. La Loi constitutionnelle de 1867 ne fit pas du Canada un pays indépendant. Le Canada accéda à la souveraineté internationale au terme d'un processus de dévolution des pouvoirs par la Grande-Bretagne qui dura près de soixante ans et dont l'achèvement est marqué par l'adoption en 1931 du Statut de Westminster, consacrant la compétence du gouvernement fédéral en matière d'affaires étrangères.

41. Bien que la souveraineté du Canada fut alors complète sur le plan politique, le concours du Parlement britannique restait nécessaire pour modifier des parties importantes de la Constitution canadienne. Cette situation dura jusqu'à l'adoption, en 1982, d'une procédure de modification suivant laquelle le pouvoir d'amender la Constitution appartient au Canada exclusivement.

B. La Constitution

42. La Constitution du Canada comprend deux documents principaux (les Lois constitutionnelles de 1867 et 1982) et plusieurs conventions non écrites héritées de la tradition britannique. Les documents principaux ont pour objet le partage des compétences entre le Parlement fédéral et les législatures des provinces et la protection des droits et libertés individuels prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982. Le texte de la Constitution demeure toutefois muet sur certaines règles essentielles concernant les rapports entre les organes de l'État. Cela s'explique par le fait que la Constitution du Canada repose sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni où des règles internes non écrites, qu'on nomme conventions constitutionnelles, régissent largement le fonctionnement des institutions politiques.

43. Les conventions les plus anciennes se rapportent au gouvernement responsable. Leur raison d'être est de faire en sorte que les pouvoirs de l'État soient exercés conformément aux voeux de l'électorat; elles ont trait à la responsabilité ministérielle, à la constitution du cabinet et au choix du premier ministre, à la dissolution du Parlement, à la sanction royale des projets de loi. Une seconde catégorie regroupe les conventions qui, telle l'autonomie législative des dominions, sont nées lors de la transformation progressive de l'empire colonial britannique en Commonwealth, au sein duquel le Canada, à l'instar des autres ex-colonies, a acquis un statut indépendant.

44. Les lois portant sur l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, comme les lois relatives aux élections fédérales et provinciales, au Parlement du Canada, aux assemblées législatives provinciales, aux tribunaux, ou à la fonction publique, font partie de la Constitution au sens large du terme. Finalement, les tribunaux jouent un rôle important dans l'application et l'adaptation de la Constitution aux conditions et aux idées nouvelles.

C. Cadre politique et type de gouvernement

45. D'une manière générale, le système politique canadien répond aux quatre caractéristiques suivantes : il s'agit d'une monarchie constitutionnelle, d'un système fédéral, d'un régime parlementaire de type britannique et d'une démocratie représentative.

46. Le Canada est une monarchie constitutionnelle en ce sens que le chef de l'État est un monarque, en l'occurrence la Reine du Canada, qui est la Reine d'Angleterre. Du fait que cette dernière ne pouvait être toujours présente au Canada, la Reine du Canada a désigné, sur recommendation du premier ministre, un représentant, le gouverneur général, pour exercer ses pouvoirs en son nom. Agissant sur avis du premier ministre et du cabinet, le gouverneur général convoque, proroge et dissout le Parlement; il sanctionne les lois du pays et exerce certaines fonctions exécutives, cérémoniales et militaires.

47. Le Canada est un régime fédéral dans lequel la Constitution confère les pouvoirs législatif et exécutif à deux niveaux de gouvernements qui sont chacun souverains dans leur sphère respective. La fédération comprend un gouvernement central pour tout le Canada et un gouvernement pour chaque province. Le pouvoir exécutif est exercé, au niveau fédéral par un gouverneur général et, au niveau provincial, par un lieutenant-gouverneur, chacun représentant la Reine et agissant sur avis du cabinet fédéral ou provincial, suivant le cas.

48. Le pouvoir législatif fédéral est dévolu au Parlement du Canada qui comprend le gouverneur général, le Sénat et la Chambre des communes. Dans les provinces, le pouvoir législatif appartient à une législature composée du lieutenant-gouverneur et de l'assemblée législative. Comme dans toutes les fédérations, le partage des pouvoirs législatifs est un aspect très important du régime de gouvernement. En règle générale, la Constitution confère le contrôle des affaires ayant un caractère national au Parlement fédéral et la juridiction dans les affaires de nature locale aux législatures des provinces.

49. Le Canada est doté d'un régime parlementaire. Les Canadiens élisent leurs représentants aux deux paliers de gouvernement (fédéral et provincial ou territorial). Le parti qui obtient le plus grand nombre de sièges est appelé à former le gouvernement. Pour les deux ordres de gouvernement, les ministres du cabinet fédéral sont choisis parmi les membres du parti majoritaire de la Chambre des communes (fédéral) et ceux de chaque cabinet provincial ou territorial, parmi les membres du parti majoritaire de l'assemblée législative concernée. Au niveau fédéral, le chef du parti majoritaire, élu préalablement par les membres de ce parti, devient premier ministre du Canada et choisit ses ministres. Il en va de même du chef du parti majoritaire de chaque province ou territoire, qui devient alors premier ministre de la province ou du territoire en question. Tout projet de loi préparé par le cabinet fédéral ou un cabinet provincial ne peut devenir loi sans l'approbation du Parlement du Canada dans le premier cas ou de la législature de la province dans le second cas.

50. Le Canada est un pays où la démocratie est solidement implantée, ce qui signifie que le pouvoir est entre les mains du peuple qui l'exerce grâce à un système où ses représentants sont choisis librement lors d'élections. Le pouvoir exécutif est responsable de ses actions et décisions devant les représentants du peuple. En effet, le gouvernement peut être défait à la Chambre des communes ou à l'assemblée législative suite à un vote de non-confiance. Alors, le gouverneur général ou le lieutenant gouverneur, suivant le cas, ordonne habituellement la tenue de nouvelles élections générales. Le caractère démocratique du système politique est aussi assuré par la séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif. L'indépendance des tribunaux est une des plus solides garanties du respect des valeurs démocratiques.

D. La fonction législative

51. Le pouvoir législatif fédéral appartient au Parlement qui comprend le gouverneur général, le Sénat et la Chambre des communes. Ceux-ci doivent concourir pour l'adoption d'une loi, les deux Chambres en votant pour le projet, la Reine en donnant la sanction royale par l'intermédiaire du gouverneur général. En réalité, la participation du gouverneur général au processus législatif, bien qu'essentielle, est purement formelle, car il ne peut, dans la pratique, refuser la sanction royale à un projet de loi adopté par les deux Chambres.

52. La composition de la Chambre des communes repose sur le principe de la représentation populaire : les citoyens de chaque province élisent un nombre de députés plus ou moins proportionnel à la population de leur province. Tous les députés sont élus dans une circonscription à membre unique où le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de votes devient le représentant de cette circonscription. Pour avoir le droit de vote aux élections fédérales, il faut posséder la citoyenneté canadienne et avoir 18 ans. Le nombre total des députés et la répartition des sièges entre les provinces sont révisés à la suite de chaque recensement décennal. Actuellement, suivant le Recensement de 1991, la Chambre des communes comprend 301députés, soit un représentant pour chaque circonscription électorale. L'Ontario en compte 103, le Québec, 75, la Colombie-Britannique, 34, l'Alberta, 26, le Manitoba, 14, la Saskatchewan, 14, la Nouvelle-Écosse, 11, le Nouveau-Brunswick, 10, Terre-Neuve, 7, l'Île-du-Prince-Édouard, 4, les Territoires du Nord-Ouest, 2 et le Yukon, 1.

53. Le Sénat est une institution dont les membres sont nommés par le premier ministre du Canada. Il compte 104 membres : 24 représentants des provinces maritimes (10 de la Nouvelle-Écosse, 10 du Nouveau-Brunswick et 4 de l'Île-du-Prince-Édouard), 24 du Québec, 24 de l'Ontario, 24 des provinces de l'Ouest (6 du Manitoba, 6 de la Saskatchewan, 6 de l'Alberta et 6 de la Colombie-Britannique), 6 de Terre-Neuve, 1 du Yukon et 1 des Territoires du Nord-Ouest. Les sénateurs occupent leur siège jusqu'à l'âge de 75 ans. Au plan juridique, le Sénat peut demander des amendements à tout projet de loi présenté par le gouvernement et, s'il n'obtient pas satisfaction, refuser d'y donner son consentement.

54. Il doit y avoir une session du Parlement au moins une fois tous les douze mois. La durée d'un Parlement, qui est d'au plus cinq ans, comprend plusieurs sessions. Chacune commence par l'élection du président de la Chambre des communes, suivie du Discours du trône dans lequel le gouvernement énonce les lignes directrices de ses politiques les plus importantes. Une session s'échelonne habituellement sur huit à neuf mois (chaque séance de travail aux communes dure une journée) et prend fin par l'ajournement ou la prorogation des travaux de la Chambre. Lorsque la session est prorogée, tous les projets de loi qui n'ont pas encore été adoptés ou sanctionnés meurent au feuilleton et la procédure législative doit être entièrement recommencée lors de la session suivante. Les sessions sont de plus en plus ajournées plutôt que prorogées afin d'assurer souplesse et continuité.

55. Le ministre qui entend présenter un projet de loi aux Communes demande, par voie de motion, à déposer le projet de loi en vue de sa première lecture et de son impression. Normalement, cette étape est automatique. à une séance ultérieure, le parrain de la loi propose la deuxième lecture, qui donne lieu à un débat sur les seuls principes fondamentaux du projet. Si le vote qui clôt le débat est favorable, le projet est renvoyé à un comité législatif de la Chambre, pour y être discuté article par article. à ce stade, des experts et des personnes ou groupes intéressés peuvent être invités à se faire entendre. Au terme du travail du comité, celui-ci fait rapport à la Chambre et lui transmet le projet, avec, s'il y a lieu, les amendements adoptés. à cette étape, tout député a le droit de présenter d'autres amendements, qui sont discutés et mis aux voix. Le parrain du projet propose ensuite la troisième lecture, puis l'adoption du projet. En cas de vote favorable, le projet est transmis au Sénat, où il suit en gros les mêmes étapes. Une fois adopté par les deux Chambres, le projet de loi est présenté au gouverneur général pour la sanction royale. En principe, les lois fédérales entrent en vigueur dès qu'elles sont sanctionnées. Le législateur peut cependant fixer une autre date dans la loi, ou déléguer au gouvernement le pouvoir de faire entrer la loi en vigueur par proclamation.

56. Dans les provinces, le pouvoir législatif appartient à une législature composée du lieutenant-gouverneur et d'une chambre, l'assemblée législative. Il n'y a plus aujourd'hui de chambre haute dans les provinces. L'assemblée législative ressemble beaucoup à la Chambre des communes et fonctionne d'une façon assez semblable. Les députés sont élus dans des circonscriptions que la législature délimite à peu près au prorata de la population. Le candidat qui reçoit le plus grand nombre de voix est élu. Tous les projets de loi doivent passer les différentes étapes de la procédure d'adoption de l'assemblée législative et recevoir la sanction royale du lieutenant-gouverneur avant de devenir loi.

57. Avant 1982, le principe de la suprématie parlementaire s'appliquait au Canada avec certains aménagements rendus nécessaires par la répartition du pouvoir législatif entre le Parlement fédéral et les provinces. Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois ne permettait aux tribunaux que de vérifier si une loi avait bien été adoptée par l'organe législatif ayant la compétence requise. Avec l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, la souveraineté des parlements canadiens, fédéral et provinciaux, a subi une limitation. Les lois fédérales et provinciales doivent être conformes aux dispositions de la Charte telles qu'elles sont interprétées par les tribunaux.

E. La répartition des compétences entre le Parlement fédéral et les provinces

58. La Loi constitutionnelle de 1867 attribue au Parlement fédéral et aux provinces des compétences législatives dans différents domaines. La répartition actuelle de ces compétences résulte en partie de l'application et de l'interprétation du texte de la Constitution par les tribunaux.

59. Le Parlement fédéral a le pouvoir de prélever des impôts par tout mode de taxation et d'affecter ses ressources financières comme bon lui semble. Par exemple, le gouvernement fédéral verse des subventions à des particuliers afin de promouvoir la recherche et le développement. Il utilise son pouvoir de dépenser pour mettre sur pied des programmes nationaux co-financés touchant les services de santé, d'enseignement et de bien-être social dans les provinces. Il a instauré un programme de péréquation à l'intention des provinces dont les recettes sont inférieures à la moyenne nationale afin de leur permettre de fournir une gamme convenable de services publics.

60. La politique monétaire est du ressort du gouvernement fédéral. Cette responsabilité comprend l'émission de la monnaie et implique la stabilisation interne de l'économie de manière à prévenir le chômage et l'inflation; elle suppose le contrôle du système bancaire et la réglementation des taux d'intérêt. La politique monétaire englobe également la valeur de la monnaie canadienne sur les marchés internationaux. L'élaboration et l'application de la politique monétaire sont confiées par le gouvernement fédéral à la banque centrale, la Banque du Canada.

61. Le Parlement fédéral est compétent en matière de commerce international et interprovincial. Il a en outre compétence exclusive dans le domaine des droits de douane. La normalisation des produits destinés au commerce international ou interprovincial et les contingentements des exportations relèvent de la compétence du Parlement fédéral. Les politiques générales relatives aux investissements étrangers sont également de sa compétence.

62. La défense et les relations avec les autres États relèvent de la compétence du gouvernement fédéral qui a également le pouvoir de conclure des traités internationaux. Le système veut toutefois que la compétence de mettre en oeuvre les traités appartient soit au Parlement fédéral, soit aux législatures provinciales, ou les deux, selon que l'objet du traité relève lui-même des domaines fédéraux ou provinciaux contenus dans la Constitution. Ce système fonctionne grâce à la coopération fédérale-provinciale, le gouvernement fédéral devant s'assurer, avant de conclure un traité ne portant pas sur des domaines relevant de la compétence du Parlement fédéral, de la collaboration des provinces pour sa mise en oeuvre (voir aussi le paragraphe 138).

63. D'autres domaines relèvent de la compétence du Parlement fédéral, comme la navigation et le transport maritime, les pêcheries, les faillites, les Indiens et les terres réservées aux Indiens, la naturalisation, la citoyenneté, le droit criminel, les brevets d'invention et les droits d'auteur. Enfin, le service postal et l'assurance-emploi relèvent de la compétence fédérale.

64. Toute question qui ne relève pas de la compétence des législatures provinciales est automatiquement attribuée au Parlement fédéral. En interprétant les pouvoirs fédéraux et provinciaux, les tribunaux ont statué que certains nouveaux sujets, comme le transport aérien, relevaient du Parlement fédéral en vertu de son pouvoir général de faire des lois pour la paix, l'ordre et la saine gestion publique du Canada en toute matière non assignée exclusivement aux législatures des provinces. Les tribunaux voient dans la compétence générale fédérale un pouvoir de légiférer dans les cas d'urgence comme en temps de guerre.

65. Les pouvoirs législatifs des provinces sont nombreux et comprennent l'autorité sur la propriété et les droits civils (en particulier les droits de propriété, les droits contractuels et les droits délictuels), les ressources naturelles, les ouvrages et les entreprises de nature locale et, généralement, toutes les matières de nature purement locale ou privée. Les tribunaux ont donné une interprétation très large aux pouvoirs des provinces, notamment en matière de propriété et de droits civils. La Constitution ne mentionne pas comme telles les relations de travail, mais les tribunaux les ont rattachées aux compétences provinciales, à l'exception de certains secteurs d'activité qui relèvent de la compétence fédérale, comme l'industrie de la navigation et du transport des marchandises.

66. Les institutions et les services qui relèvent de la compétence provinciale comprennent les services de santé, les services sociaux, les institutions municipales et l'aménagement du territoire, l'administration de la justice, l'institution et l'organisation des tribunaux provinciaux, tant de juridiction civile que criminelle, et l'éducation.

67. Les législatures provinciales ont un pouvoir d'imposition directe (p. ex., impôts sur le revenu) dans les limites de leur territoire, en vue de prélever des revenus à des fins provinciales. De plus, les provinces sont habilitées à lever des impôts directs et indirects en ce qui a trait aux ressources naturelles. Enfin, elles ont le pouvoir de délivrer des permis en vue de prélever des revenus pour des fins provinciales ou municipales.

68. La Constitution attribue aux législatures provinciales et au Parlement fédéral une compétence concurrente sur l'agriculture et l'immigration. Les lois fédérales sont toutefois prépondérantes en cas d'incompatibilité avec la législation provinciale. Les provinces partagent avec le gouvernement fédéral la compétence sur les pensions de vieillesse.

69. Les législatures provinciales n'ont que les attributions qui leur sont conférées par la Constitution. Elles ne peuvent s'arroger des pouvoirs dévolus exclusivement au Parlement fédéral. De la même façon, le Parlement fédéral ne peut s'arroger des pouvoirs qui sont exclusifs aux provinces. Même si la délégation interparlementaire des pouvoirs législatifs n'existe pas entre le Parlement fédéral et les législatures provinciales, celui-là peut cependant déléguer des pouvoirs à des organismes provinciaux et une législature provinciale peut faire de même envers un organisme fédéral. Le Parlement fédéral ou une législature provinciale peut faire sienne la législation adoptée par l'autre corps législatif en autant que tous les deux agissent dans leurs domaines de compétence respectifs.

F. La fonction exécutive

70. Le pouvoir exécutif est exercé, au niveau fédéral, par le gouverneur général représentant la Reine et agissant sur avis du cabinet, c'est-à-dire des ministres fédéraux. Le pouvoir exécutif appartient en réalité au cabinet étant donné que le gouverneur général n'agit que sur l'avis de ce dernier (voir paragraphe 46).

71. Le gouverneur général doit nommer comme premier ministre une personne pouvant obtenir l'appui d'une majorité de députés à la Chambre des communes, c'est-à-dire, en pratique, le chef du parti politique qui y détient la majorité absolue des sièges, sauf dans le cas de la formation d'un gouvernement minoritaire. Le premier ministre est presque toujours membre de la Chambre des communes et, s'il ne l'est pas, doit s'y faire élire dans les plus brefs délais.

72. Après avoir été désigné, le premier ministre choisit normalement les autres membres du cabinet parmi les députés de la Chambre des communes. Un ministre nommé au cabinet qui n'est pas membre du Parlement doit le devenir dans un délai raisonnable, en se faisant habituellement élire aux Communes à l'occasion d'une élection partielle. Le cabinet fédéral compte environ 25 ministres. La plupart des ministres détiennent un «portefeuille», c'est-à-dire qu'ils sont responsables de secteurs particuliers ou de départements ministériels comme les Finances, le Conseil du trésor, la Santé, la Justice, l'Environnement, etc.

73. Le cabinet répond collectivement de sa politique devant la Chambre des communes, ce qui signifie qu'il ne peut continuer à gouverner que tant qu'il bénéficie de la confiance d'une majorité de députés. Cette responsabilité collective entraîne comme conséquence le principe de la solidarité ministérielle : chaque membre du cabinet doit endosser les décisions prises par ce dernier, même s'il les désapprouve personnellement, ou démissionner. Chaque ministre avec portefeuille est également responsable, toujours devant la Chambre des communes, du fonctionnement de son ministère.

74. Il est vrai que la situation où le cabinet n'a pas le soutien d'une majorité de députés se produit assez rarement, étant donné qu'au Canada, les gouvernements sont habituellement élus avec une majorité parlementaire et que le premier ministre exerce sur ses députés une discipline de parti rigoureuse. Dans chaque groupe parlementaire, un député appelé whip doit faire respecter la discipline de parti, par les divers moyens dont il dispose, entre autres, le choix des membres qui participeront à un débat. Le whip assure la présence d'un nombre suffisant de députés pour que le gouvernement ne perde pas sa majorité parlementaire à l'occasion d'un vote.

75. Lorsque le gouvernement est défait à la Chambre des communes suite à une motion de non-confiance, le premier ministre doit, dans presque tous les cas, demander au gouverneur général de dissoudre la Chambre des communes et déclencher des élections. Si toutefois aucun parti politique ne détient la majorité absolue des sièges, il pourra arriver que le gouverneur général demande au leader du parti qui a le plus de chances de pouvoir gouverner en obtenant l'appui d'une majorité de députés, de former un gouvernement minoritaire.

76. Comme pour le gouvernement fédéral, dans chaque province, le pouvoir exécutif réel appartient au cabinet, qui gouverne tant qu'il dispose de la confiance d'une majorité des membres de l'assemblée législative. Au sein du cabinet, le premier ministre provincial occupe la même position prédominante que son homologue fédéral. Le cabinet doit répondre de sa politique devant l'assemblée législative et le fait de perdre l'appui de la majorité des députés oblige le premier ministre à demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre l'assemblée afin de déclencher des élections.

77. Au Canada, suivant la tradition britannique, la fonction exécutive est soumise aux fonctions législative et judiciaire; par conséquent, l'administration publique est subordonnée aux parlements et aux tribunaux judiciaires. L'assujettissement de l'exécutif aux parlements et aux tribunaux s'exprime par le principe de la primauté du droit, selon lequel le gouvernement et l'administration publique ne peuvent agir à l'égard des citoyens que sur la base d'une règle de droit préétablie qui les y autorise. La primauté du droit signifie aussi que tous sont soumis au droit commun, administré par les tribunaux; ce qui veut dire que les tribunaux vérifient la légalité des actes de l'administration.

G. La fonction judiciaire

78. L'appareil judiciaire canadien comprend des cours supérieures et des tribunaux inférieurs. Les premières possèdent, à titre de tribunaux de droit commun, une juridiction inhérente, qui leur permet d'entendre tout ce qui ne relève pas exclusivement d'un tribunal inférieur, et une juridiction de surveillance et de contrôle sur les tribunaux inférieurs. Les tribunaux inférieurs, à l'inverse, n'ont que la juridiction que leur attribue expressément le législateur compétent. Les cours de justice tant inférieures que supérieures sont compétentes pour se prononcer sur la constitutionalité des lois.

79. On trouve dans chaque province une cour supérieure de première instance et une cour d'appel. Ces tribunaux supérieurs sont institués par la législature provinciale, mais leurs titulaires sont nommés et rémunérés par le gouvernement fédéral. On trouve également, dans chaque province, des tribunaux inférieurs, c'est-à-dire des cours provinciales ou des cours municipales, qui sont institués par les législatures provinciales et dont les juges sont nommés par le gouvernement provincial.

80. La Cour suprême du Canada, créée en 1875 par le Parlement du Canada, est le tribunal général d'appel de dernier ressort pour tout le Canada. En tant que dernier interprète de la Constitution, sa jurisprudence peut, dans le domaine du partage des compétences, influencer l'orientation du fédéralisme, ou dans celui des droits de la personne et des libertés fondamentales, déterminer la constitutionnalité des politiques gouvernementales.

81. Le Parlement a aussi constitué la cour fédérale, dont la juridiction porte particulièrement sur les litiges impliquant l'administration fédérale et sur l'examen des décisions des offices fédéraux. Par ailleurs, la législation, tant fédérale que provinciale, confie des fonctions juridictionnelles à des tribunaux administratifs. Ces instances spécialisées assument des responsabilités spécifiques notamment dans les domaines suivants: immigration, commerce extérieur, concurrence, radiodiffusion et télécommunications, valeurs mobilières, logement, etc.

82. Malgré le partage des compétences en matière de cours de justice, le système judiciaire canadien est avant tout caractérisé par l'intégration. Les tribunaux provinciaux peuvent appliquer aussi bien le droit fédéral que le droit provincial et il n'y a pas de distinction entre les juridictions constitutionnelle, administrative, criminelle ou civile. De plus, l'intégration se manifeste dans le fait que les affaires provinciales et fédérales sont susceptibles de se rendre en dernier ressort devant le même tribunal d'appel, la Cour suprême du Canada.

83. Les tribunaux canadiens sont indépendants des corps législatifs et des gouvernements fédéraux et provinciaux. La Loi constitutionnelle de 1867 conféra à la magistrature les attributs de l'indépendance introduits au Canada quelques décennies plus tôt. L'indépendance de la justice est expressément consacrée dans la Charte canadienne des droits et libertés.

84. La sécurité financière et l'inamovibilité sont des conditions essentielles de l'indépendance de la magistrature. Le droit au traitement des juges doit être prévu par la loi et il ne peut être sujet aux ingérences arbitraires de l'exécutif. Suivant la Constitution, les juges des cours supérieures sont inamovibles; leur âge de retraite est fixé à 75 ans. L'âge de la retraite des juges des cours provinciales varie à travers le pays.

85. La seule procédure qui permette aujourd'hui la destitution d'un juge de cour supérieure au Canada est la révocation par le gouverneur général sur une adresse de la Chambre des communes et du Sénat. Les lois créant la Cour suprême du Canada et la Cour fédérale sont au même effet. Jamais un juge de cour supérieure canadienne n'a été démis de ses fonctions. Dans la plupart des provinces, les juges nommés par le gouvernement provincial peuvent être destitutés par le cabinet suite aux recommandations d'un conseil de la magistrature provincial.

86. L'immunité en matière de poursuites judiciaires protège les juges contre les risques d'intimidation et de harcèlement. C'est une règle reconnue dans tous les ressorts. Les juges des cours supérieures jouissent de l'immunité contre toute poursuite ou tout ennui pour actes et omissions dans l'exercice de leurs fonctions. L'immunité s'applique aussi aux juges des cours inférieures et des tribunaux administratifs car les lois particulières la leur confèrent dans la plupart des cas.

H. Les territoires

87. Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires qui rappellent ceux appartenant aux provinces. Les constitutions des deux territoires sont contenues dans la Loi sur le Yukon et la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, lois fédérales qui reflètent le statut spécial de ces territoires au sein de la Confédération.

I. Les municipalités

88. Les administrations municipales (cités, villes, villages et agglomérations urbaines) sont créées par les législatures provinciales, qui les investissent des pouvoirs qu'elles jugent utile de leur conférer. Les maires et les conseillers municipaux sont élus selon les exigences de la législature. Dans tout le Canada, il existe quelque 5 000 administrations municipales, qui dispensent à la population divers services dans les domaines de l'approvisionnement en eau potable, des égouts, de l'enlèvement des ordures, de la voirie, de l'éclairage des rues, du bâtiment, des parcs, des terrains de jeu, des bibliothèques, et ainsi de suite. De façon générale, ce sont des conseils scolaires, élus aux termes de lois provinciales, qui s'occupent des écoles.

J. L'autonomie gouvernementale

89. Le gouvernement fédéral, avec le concours de certaines provinces, s'est engagé dans la négociation d'ententes avec les peuples autochtones en vue de l'autonomie gouvernementale. Ces ententes prennent diverses formes et sont conçues pour satisfaire les objectifs de chaque communauté. Elles vont de l'accroissement des pouvoirs en vertu de la loi actuelle à des aménagements plus complexes prenant la forme de législations distinctes ne s'appliquant qu'à une bande en particulier ou d'accords sur des revendications territoriales.


Trosième Partie : Cadre juridique générale de Protection de la droits de la personne

a) Quelles sont les autorités judiciaires, administratives ou autres qui ont compétence en matière de droits de la personne?

Observations générales

90. Au Canada, la protection des droits de la personne incombe aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Les lois pertinentes sont adoptées par le Parlement et les assemblées législatives provinciales et territoriales. De nombreux ministères et organismes élaborent des politiques et des programmes en application de leurs mandats respectifs.

91. Au sein de chaque gouvernement, généralement, un ministre a la responsabilité première en matière de droits de la personne. Dans les provinces et les territoires, c'est habituellement le ministre qui est responsable de la législation sur les droits de la personne. Dans l'ordre fédéral, le ministre du Patrimoine canadien est chargé de la promotion des droits de la personne; il assure la coordination fédérale, provinciale et territoriale de l'exécution interne des traités internationaux sur les droits de la personne que le Canada a ratifiés. Le ministre de la Justice effectue un examen des projets de loi fédéraux en vue d'assurer que ceux-ci respectent la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits. Il a par ailleurs la responsabilité législative en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le ministre de la Justice fournit des avis juridiques sur la compatibilité du droit interne, ou des projets de loi, avec les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. Et c'est le ministre des Affaires étrangères qui est responsable, au niveau international, des questions de droits de la personne.

92. Le rôle premier du pouvoir judiciaire en matière de droits de la personne est d'offrir des voies de recours au justiciable victime d'une violation de ses droits. D'une manière plus générale, les tribunaux interprètent la Charte canadienne des droits et libertés et les codes ou les lois sur les droits de la personne, de même que d'autres lois se rapportant à la question, et ils sont responsables du développement de la common law (du droit «prétorien» : un droit jurisprudentiel considéré comme source première et indépendante de droit). La Cour suprême du Canada a déclaré que la common law devait être interprétée, développée et, si nécessaire, modifiée, pour refléter les valeurs défendues par la Charte.

Autorités compétentes en matière de voies de recours en cas de violation des droits de la personne

93. Au Canada, divers modes de protection existent, selon la nature du droit violé et la réparation demandée. Parmi les instances compétentes qui peuvent être saisies, l'on retrouve les tribunaux, les instances administratives créées par diverses lois pour en assurer l'application (diversement nommées : commissions, conseils, comités, tribunaux administratifs, etc.), et l'ombudsman ou protecteur du citoyen.

94. Au Canada, les tribunaux connaissent des violations de la Charte canadienne des droits et libertés. Les violations de la Charte sont souvent portées à l'attention des tribunaux au cours de procès criminels, et peuvent mener à l'aquittement de l'accusé si elles sont démontrées. De nombreuses lois intéressant l'application des droits de la personne ouvrent également des voies de recours devant les tribunaux, notamment la législation de protection de l'enfance et, au Québec, le Code civil, et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Les tribunaux statuent également sur le fondement de la common law et ils possèdent, à l'égard des enfants et des autres personnes incapables d'assurer elles-mêmes la protection de leurs droits, une compétence inhérente à leur pleine juridiction, qualifiée de compétence parens patriae, qui revêt une importance particulière dans le contexte de la Convention relative aux droits de l'enfant. Les décisions des instances et des tribunaux administratifs sont sujettes à un contrôle judiciaire.

95. Les instances premières à saisir pour faire respecter les codes ou les lois sur les droits de la personne (traitant principalement de discrimination) qui ont été adoptés partout au Canada sont les commissions des droits de la personne instituées en vertu de ces législations. L'individu qui se prétend victime de discrimination peut déposer une plainte à la commission compétente. Les plaintes font l'objet d'enquêtes et une procédure de conciliation peut être engagée. Si nécessaire, une commission d'enquête ou un tribunal des droits de la personne décide du bien-fondé de la plainte sur le plan juridique.

96. Il existe d'autres lois, dans les domaines social et économique en particulier, qui peuvent charger des conseils, des comités ou des commissions de statuer sur les plaintes portées au sujet de leur mise en application. Par exemple, au niveau fédéral, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) instruit les plaintes des anciens combattants au regard de leurs pensions et, au niveau provincial, au Manitoba, le Comité consultatif des services sociaux connaît des plaintes relatives à l'aide sociale dispensée en vertu de la Loi sur l'aide sociale.

97. Dans la plupart des provinces, des commissions de police ou des instances analogues chargées d'étudier les plaintes portées contre les forces de l'ordre, ont été établies. De plus en plus, ces instances acquièrent leur indépendance par rapport aux forces policières. La Commission des plaintes du public contre la GRC est saisie des plaintes portées contre la Gendarmerie royale du Canada et l'Enquêteur correctionnel, des plaintes présentées par les détenus des pénitenciers fédéraux.

98. La plupart des provinces ont créé la fonction de protecteur du citoyen. Bien que ses responsabilités puissent varier, le protecteur du citoyen a généralement l'obligation et le pouvoir d'ouvrir une enquête lorsqu'une plainte est portée contre un ministère ou un organe du gouvernement provincial. Ses décisions sont transmises au gouvernement sous la forme de recommandations et elles sont rendues publiques. Un attribut important du protecteur, c'est son indépendance; il rend compte annuellement à la législature de la province.

99. Le gouvernement du Canada a créé des postes de même nature dans certains domaines qui relèvent de sa compétence. Un commissaire est chargé d'étudier les plaintes qui sont portées en vertu de chacune des lois suivantes : la Loi sur les langues officielles, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information. Au Québec, la Commission d'accès à l'information joue un rôle semblable pour l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

b) Quels sont les recours dont dispose une personne qui prétend que ses droits ont été violés, et quels sont les systèmes de compensation et de réhabilitation dont peuvent bénéficier les victimes?

100. Les diverses instances compétentes au Canada en matière de droits de la personne ayant été énumérées, ainsi que les voies de recours qu'elles offrent, la présente section traite des modes de réparation que peut obtenir un individu qui allègue que ses droits ont été enfreints, en fonction des sources principales de sauvegarde juridique des droits de la personne au Canada : la Charte canadienne des droits et libertés, les législations ou codes sur les droits de la personne, la législation générale, la common law et le Code civil applicable au Québec.

La Charte canadienne des droits et libertés

101. L'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 porte que la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada et qu'elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. Par conséquent, si une requête fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés est accueillie, les tribunaux peuvent déclarer la disposition législative en cause inopérante. La Cour suprême du Canada a jugé que, dans certains cas, une déclaration d'invalidité pouvait être suspendue provisoirement, afin de permettre au législateur de modifier la loi, ou encore, que le tribunal pouvait reformuler la disposition législative de manière à la rendre compatible avec la Charte. Il n'est pas nécessaire, pour l'individu, de démontrer que ses droits garantis par la Charte ont été enfreints pour qu'il ou elle demande un jugement déclaratoire portant qu'une loi est invalide en vertu de l'article 52, dès lors qu'il est établi qu'il ou elle est directement touché(e) ou a un intérêt véritable dans la validité de la loi. Les commissions et les tribunaux administratifs, sous réserve de l'interprétation de leurs lois habilitantes, ont le pouvoir en vertu de l'article 52 de déclarer la loi inopérante aux fins de la cause entendue.

102. L'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés permet à toute personne, victime de violation ou de négation des droits qui lui sont garantis par la Charte, de s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir une réparation convenable et juste. Cet article a été interprété libéralement, de façon à y considérer comme incluses des voies de recours applicables à de futures violations de la Charte, telle l'injonction. Il comprend également toute la panoplie des mesures dont dispose le tribunal saisi, tels les ordonnances, les jugements déclaratoires, la condamnation au paiement de dommages-intérêts (y compris au paiement d'une indemnité) ou aux dépens, la cassation d'une poursuite judiciaire, le sursis ou l'arrêt de l'instance, la restitution de biens illicitement saisis, etc. En ce qui concerne la question de savoir si les instances et les tribunaux administratifs, à l'instar des tribunaux judiciaires, peuvent connaître de recours institués sur le fondement de la Charte et possèdent des mesures réparatrices à cet égard, il est à noter qu'une réparation fondée sur la Charte pourra, en général, être obtenue si le tribunal est compétent pour entendre les parties, la cause en question et s'il a le pouvoir d'accorder la réparation demandée.

103. Le Programme de contestations judiciaires finance les poursuites judiciaires en permettant de contester des lois fédérales et provinciales sur le fondement des droits relatifs aux langues officielles garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Il finance également les contestations judiciaires visant les lois fédérales et fondées sur les droits à l'égalité garantis par la Charte. Les fonds dont dispose le Programme sont fournis par le gouvernement du Canada; ils sont administrés par la Société du Programme de contestations judiciaires, laquelle est indépendante et formée de représentants des barreaux, d'organisations non gouvernementales et d'universitaires.

La législation sur la discrimination (les lois ou codes sur les droits de la personne)

104. La procédure de dépôt d'une plainte fondée sur une loi ou un code des droits de la personne est d'un abord facile et dénuée de formalité : le plaignant qui est secondé à ce stade n'a habituellement qu'à remplir un simple formulaire. à quelques variantes près, il est en général donné suite à une plainte de la façon suivante : la commission des droits de la personne étudie la plainte et elle tente d'obtenir un règlement à l'amiable entre les parties; si parvenir à un règlement s'avère impossible, la commission soit rejette la plainte, soit défère à un tribunal des droits de la personne ou à une commission d'enquête, qui l'instruit en audience publique. Les commissions des droits de la personne saisissent le tribunal ou la commission elles-mêmes, sans frais pour l'auteur de la plainte.

105. Si le tribunal des droits de la personne ou la commission d'enquête conclue qu'un acte discriminatoire a été commis, il (elle) peut rendre une ordonnance qui peut devenir exécutoire par homologation par les tribunaux judiciaires. Il peut être ordonné à l'auteur de l'acte discriminatoire d'y mettre fin et de prendre des mesures pour compenser les effets de la discrimination, notamment réembaucher la victime, lui verser une indemnité ou adopter un programme de promotion sociale. Les décisions des commissions d'enquête et des tribunaux des droits de la personne sont sujettes au contrôle judiciaire.

La justice pénale

106. Dans le domaine pénal, de plus en plus l'accent est mis, au Canada, sur les droits de la victime, et sur les décisions de justice condamnant les délinquants à réparer le préjudice subi par les victimes de leur crime. Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, les adolescents peuvent être condamnés au paiement d'une indemnité pour le dommage causé ou à rendre un bien. Les amendements apportés au Code criminel en 1995 dans le cadre d'une réforme du mode de détermination des sentences, favorisent les victimes en renforçant la procédure actuelle de la condamnation à la restitution des biens.

Autres voies de recours

107. Comme il a été mentionné ci-dessus, d'autres lois, pertinentes du point de vue de l'exécution en droit interne des instruments internationaux sur les droits de la personne, y compris dans le domaine économique et social, peuvent prévoir des mécanismes particuliers de règlement des plaintes. En outre, certaines instances ont été créées afin d'indemniser, par exemple, les victimes d'actes criminels ou d'accidents au travail. Parfois le législateur fédéral, ou celui des provinces et des territoires, a adopté des lois afin d'accorder une aide, financière ou autre, à des individus en particulier, ou à des collectivités, qui se sont prétendus victimes d'une erreur judiciaire ou d'autres violations des droits de la personne.

108. La common law prévoit également des recours en cas de violation de certains droits de la personne; par exemple, des dommages-intérêts (y compris une indemnité) peuvent être réclamés pour congédiement illicite ou pour libelle diffamatoire. La compétence parens patriae des tribunaux judiciaires peut être évoquée en matière de garde d'enfants, de protection de leurs biens, de problèmes de santé, d'éducation religieuse et de protection contre les associations dangereuses (dans les cas où il n'existe aucune loi écrite régissant la question).

109. Le règlement des différends par d'autres voies que le règlement judiciaire est un domaine multidisciplinaire en évolution rapide au Canada. Autant les gens de loi que d'autres professionnels oeuvrant dans les domaines les plus divers y sont engagés. Les modes de règlement non judiciaires, tels la négociation, la médiation et l'arbitrage peuvent être utilisés soit indépendamment, soit comme complément du règlement judiciaire. La gamme des modes de réparation offerts par le règlement non judiciaire des litiges est étendue et diversifiée, incluant l'indemnisation (financière ou autre), les excuses, la remise des parties dans la situation antérieure, les engagements à se conformer à certaines prescriptions. L'usage fait de ces autres modes de règlement varie de province en province, et également à l'intérieur de la sphère fédérale. Ces modes de règlement de substitution au règlement judiciaire deviennent de plus en plus en demande au Canada et les gouvernements, plus souvent que par le passé, y ont recours pour le règlement des litiges auxquels ils sont parties.

110. Dans les Directives unifiées concernant la première partie des Rapports des États parties, qui fixent le cadre des Documents de base, des informations sont expressément demandées sur les systèmes de réadaptation des victimes de violation des droits de la personne qui existent. Au Canada, en général, la Loi canadienne sur la santé, qui fixe les critères et les conditions qui doivent être respectés pour que les régimes d'assurance-maladie provinciaux puissent être admissibles à un financement fédéral, porte, en son article 3, que « [l]a politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacle d'ordre financier ou autre».

111. Les régimes d'assurance-maladie provinciaux fournissent les services et les établissements susceptibles d'aider des personnes à retrouver leur santé ou leur pleine forme physique et mentale. Par exemple, en Ontario, le Tarif des prestations Services des médecins, pris en application de la Loi sur l'assurance-santé, couvre la psychothérapie et les services de counselling. Il existe également des mesures de réadaptation pour certaines personnes pour lesquelles le gouvernement du Canada exerce une responsabilité, par exemple les membres des Forces armées, les anciens combattants et les Autochtones. Les victimes de violations de droits de la personne peuvent se prévaloir de ces divers services. En ce qui a trait aux frais de réadaptation que ne couvrent pas les régimes de santé, il est possible d'agir en justice, au civil, et d'obtenir à titre de réparation une indemnité à cet égard.

112. Le gouvernement fédéral, les provinces et les administrations municipales ont entrepris des activités détaillées et généralisées pour aider les victimes de violence, notamment les femmes et les enfants, que les actes de violence se soient produits dans la rue, le milieu de travail ou le foyer. Les activités comprennent l'appui aux programmes sociaux et aux services offerts aux femmes victimes de violence, comme le counselling, le versement de subventions pour des logements à but non lucratif et l'aménagement de refuges d'urgence, ainsi que l'adoption de mesures de réforme de la justice criminelle afin que les corps policiers et les autres intervenants de première ligne soient mieux en mesure de protéger et d'aider les victimes.

113. Dans le secteur privé, dans certains cas grâce à des fonds gouvernementaux, des centres de réadaptation et de réinsertion des victimes de torture ont été établis à l'échelon fédéral, une aide est fournie aux survivants d'actes de torture commis dans d'autres pays qui ont immigré au Canada.

Aide juridique

114. L'aide juridique en matière civile et pénale est financée par les gouvernements provinciaux et territoriaux, lesquels déterminent la nature des services offerts par les organismes d'aide juridique. Le ministère fédéral de la Justice a la responsabilité directe de soutenir financièrement les provinces et territoires pour la prestation des services d'aide juridique en matière pénale. Selon la Cour suprême du Canada, le paragraphe 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés oblige à renseigner les détenus sur tout régime d'aide juridique disponible. Concernant l'aide juridique en matière civile, le gouvernement fédéral fournit une aide financière aux provinces et territoires pour la prestation des services sociaux (qui comprennent l'aide juridique) en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

c) Les droits prévus dans les divers instruments internationaux relatifs aux droits de la personne sont-ils protégés par la Constitution ou par une déclaration des droits de la personne distincte, et, dans l'affirmative, la Constitution ou la déclaration des droits prévoient-elles des dérogations et dans quels cas?

i) Les garanties constitutionnelles Charte canadienne des droits et libertés

115. La Charte canadienne des droits et libertés, la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, reconnaît les droits et libertés suivants :

  • Les libertés fondamentales : de conscience et de religion; de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression (y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication); de réunion pacifique et d'association (article 2).
  • Les droits démocratiques (le droit de vote et d'éligibilité à la Chambre des Communes fédérale ou aux assemblées législatives provinciales; il doit y avoir des élections générales pour la Chambre des Communes et les assemblées législatives provinciales au moins à tous les cinq ans, et le Parlement du Canada et les législatures provinciales doivent siéger à chaque année) (articles 3 à 5).
  • Les libertés de circulation et d'établissement (le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir (art. 6 (1) et celui d'établir sa résidence dans toute province et d'y gagner sa vie (article 6 (2) et (3))).
  • Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, une atteinte à ce droit ne pouvant être portée qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale (article 7).
  • Les diverses garanties juridiques, dont le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives; les droits de tout individu en cas d'arrestation et les droits de tout inculpé; le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités; le droit à ce qu'aucun témoignage incriminant donné ne soit utilisé contre soi et le droit à l'assistance d'un interprète (articles 7 à 14).
  • Le droit à l'égalité : la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques (les tribunaux ont, dans leur interprétation de cet article, jugé celui-ci applicable aux cas de discrimination fondés sur des motifs analogues) (article 15).
  • La reconnaissance de l'anglais et du français comme étant les deux langues officielles du Canada (articles 16 à 22).
  • Les droits à l'instruction dans la langue de la minorité (article 23).

L'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés

116. En plus de conférer des droits et libertés, la Charte canadienne des droits et libertés comporte des dispositions interprétatives qui ont joué un rôle important dans les décisions de justice fondées sur ce texte :

  • le fait que la Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés ancestraux ou ceux issus de traités ou autres des peuples autochtones du Canada (article 25);
  • le fait que la Charte garantit certains droits et libertés ne constitue pas une négation des autres droits et libertés qui existent au Canada (article 26);
  • toute interprétation de la Charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens (article 27);
  • les droits et libertés mentionnés dans la Charte sont garantis également aux personnes des deux sexes (article 28);
  • les dispositions de la Charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la Constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles (article 29).

117. De plus, dans ses décisions rendues sous le régime de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour suprême du Canada a dégagé des règles d'interprétation qui ont orienté l'évolution de la jurisprudence à son sujet. Les tribunaux doivent prendre en considération le but recherché par le droit ou la liberté garantie pour déterminer sa portée. Selon la méthode contextuelle, ils doivent examiner le contexte particulier dans lequel la question de la Charte est soulevée pour établir si et comment la Charte s'applique dans la situation visée. La Cour suprême du Canada a également insisté sur l'importance de tenir compte des normes internationales relatives aux droits de la personne particulièrement celles prévues dans les traités ratifiés par le Canada pour interpréter et appliquer la Charte.

Le champ d'application de la Charte canadienne des droits et libertés

118. Certains droits reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés tels les droits électoraux (article 3), la liberté de circulation et d'établissement (article 6 (1)) et les droits à l'instruction dans la langue de la minorité (article 23) sont garantis uniquement aux citoyens canadiens. En revanche les alinéas 2 et 3 de l'article 6 accordent aux citoyens et aux résidents permanents la liberté de circulation et d'établissement. Toutefois, dans la plupart des cas prévus à la Charte, les droits sont reconnus en faveur de «chacun», de «tous» ou de «toute personne», de sorte qu'ils sont conférés à toutes les personnes se trouvant au Canada, y compris aux étrangers.

119. L'article 32 de la Charte canadienne des droits et libertés dispose que celle-ci s'applique aux législatures ainsi qu'aux autorités gouvernementales fédérales, provinciales et territoriales. Par conséquent, la Charte protège les individus contre la violation, par le gouvernement, de leurs libertés et droits fondamentaux. S'appuyant sur cette disposition, les tribunaux ont interprété la Charte de sorte qu'elle s'applique à l'éventail des activités gouvernementales, notamment les pratiques administratives des fonctionnaires, les actes accomplis par le pouvoir exécutif et l'administration gouvernementale, ainsi que les textes législatifs adoptés par le Parlement fédéral ou les législatures provinciales. La Charte s'applique également à l'exercice du pouvoir législatif délégué (par exemple, aux municipalités) de même qu'aux intervenants non gouvernementaux qui, d'après des critères tels le degré de contrôle gouvernemental, sont considérés comme accomplissant une fonction gouvernementale.

Les restrictions et les dérogations aux droits reconnus

120. L'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés circonscrit les situations dans lesquelles les droits et libertés garantis par la Charte peuvent être restreints. Il précise qu'ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites raisonnables et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. La Cour suprême du Canada a dit que, pour respecter les exigences prévues par l'article premier, ces limites doivent avoir un objectif suffisamment important et les moyens choisis pour y parvenir doivent être proportionnés à la fin recherchée. Plus particulièrement, ces moyens doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif visé, être de nature à porter le moins possible atteinte aux droits et libertés de la Charte et avoir un effet qui est proportionnel à l'objectif visé. De plus, toujours selon la Cour suprême du Canada, il appartient au gouvernement qui défend une restriction à un droit de la Charte d'établir que l'article premier est respecté.

121. Certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés comportent leurs propres limitations, tacites ou expresses. Par exemple, l'article 8 donne à chacun droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies «abusives»; de même, la liberté d'expression, garantie à l'alinéa 2 b) a été interprétée comme ne s'étendant pas aux formes d'expression par la violence. Seuls les principes de justice fondamentale peuvent limiter l'application des droits à la liberté prévus à l'article 7.

122. L'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés autorise le Parlement du Canada ou la législature d'une province ou d'un territoire à adopter une loi où il est déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment de l'article 2 (les libertés fondamentales), des articles 7 à 14 (les garanties juridiques) ou de l'article 15 (les droits à l'égalité) de la Charte. Une déclaration de cette nature cesse automatiquement d'avoir effet après cinq ans, mais elle peut être réadoptée. L'article 33 ne s'applique pas aux droits démocratiques, à la liberté de circulation et d'établissement, aux droits au titre des langues officielles ni aux droits à l'instruction dans la langue de la minorité.

123. La Loi sur les mesures d'urgence fédérale, qui permet au gouverneur en conseil de prendre des mesures extraordinaires dans les situations de crise nationale, n'autorise pas les dérogations aux droits reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés. Le préambule de la Loi dit que, en prenant de pareilles mesures, le gouverneur en conseil est assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'à la Déclaration canadienne des droits et qu'il a à tenir compte du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, «notamment en ce qui concerne ceux des droits fondamentaux auxquels il ne saurait être porté atteinte même dans les situations de crise nationale». En outre, l'alinéa 4 b) de la Loi porte qu'elle ne confère aucun pouvoir de prendre des décrets ou des règlements prévoyant, dans le cas d'un citoyen canadien ou d'un résident permanent, toute détention ou tout emprisonnement ou internement qui seraient fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Droits des peuples autochtones du Canada

124. Les peuples autochtones du Canada (c'est-à-dire les Indiens, les Inuit et les Métis) ont les mêmes droits que l'ensemble des Canadiens. En outre, l'article 35 de la Partie III de la Loi constitutionnelle de 1982, qui s'intitule Droits des peuples autochtones du Canada, reconnaît et confirme les droits existants ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada. Les «droits issus de traités» sont définis à l'article 35 comme comprenant les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis. Les droits ancestraux ou issus de traités sont garantis également aux personnes des deux sexes.

125. Le gouvernement du Canada a déclaré vouloir agir en présumant que le droit inhérent ou naturel à l'autonomie des peuples autochtones du Canada est un droit existant aux termes de l'article 35, et vouloir assurer la mise en oeuvre de ce droit par la voie d'accords négociés par toutes les parties intéressées. Ces arrangements négociés différeront selon la situation particulière des divers peuples autochtones du Canada.

126. Il n'existe aucune disposition de la Loi constitutionnelle de 1982 qui permette de déroger aux droits ancestraux ou issus de traités existants. La Cour suprême du Canada, interprétant l'article 35, a jugé que ces droits pouvaient être limités lorsque la limitation était justifiée.

Péréquation et inégalités régionales

127. En vertu de l'article 36 de la Partie III de la Loi constitutionnelle de 1982, intitulée Péréquation et inégalités régionales, les gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent à promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être, à favoriser le développement économique pour réduire l'inégalité des chances et à fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels. En outre, aux termes de cette disposition, le gouvernement fédéral prend l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables. Cette disposition revêt une pertinence particulière compte tenu des obligations internationales du Canada en matière de protection des droits économiques, sociaux et culturels.

ii) Les déclarations de droits et les législations et codes des droits de la personne

La Déclaration des droits

128. Avant l'adoption en 1982 de la Charte canadienne des droits et libertés et son insertion dans la Constitution du Canada, la Déclaration canadienne des droits avait été adoptée dans l'ordre fédéral en 1960. Elle s'applique aux lois et aux politiques qui relèvent des compétences fédérales; les droits et les libertés qu'elle reconnaît sont semblables à ceux que l'on retrouve dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les lois fédérales qui enfreignent la Déclaration canadienne des droits sont inopérantes dans la mesure de leur incompatibilité, à moins qu'il ne soit prévu dans la loi en cause qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration des droits. Il n'y a que très peu de cas où des lois ont été déclarées inopérantes pour cause d'incompatibilité avec la Déclaration canadienne des droits, contrairement aux nombreuses instances introduites sur le fondement de la Charte canadienne des droits et libertés.

129. Il existe également un Alberta Bill of Rights, adopté en 1972, pour faire en sorte que les droits et libertés reconnus dans l'ordre fédéral par la Déclaration canadienne des droits soient de même reconnus dans les matières de compétence albertaine. Le Bill of Rights de l'Alberta reconnaît le droit à une application régulière de la loi, le droit à l'égalité et les libertés fondamentales (de religion, de parole, de réunion et d'association, et la liberté de la presse). De plus, le Québec a adopté en 1975 la Charte des droits et libertés de la personne pour protéger les droits et libertés fondamentaux dans ses domaines de compétences.

Les législations et codes des droits de la personne

130. Un grand nombre d'instruments internationaux portant sur les droits de la personne ratifiés par le Canada visent à contrer la discrimination ou, lorsqu'ils sont d'une nature plus générale, exigent que les droits qui y sont reconnus soient respectés sans discrimination. La législation sur les droits de la personne (ou les codes des droits de la personne), est un moyen important de mise en application de cet aspect des obligations internationales. Toutes les autorités gouvernementales au Canada fédérales, provinciales et territoriales ont adopté une législation interdisant la discrimination fondée sur divers motifs : dans l'emploi, dans la fourniture de biens, d'installations et de services habituellement offerts à la population et dans l'hébergement. La portée de ces textes législatifs est différente de celle de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés sur les droits à l'égalité en ce qu'ils offrent une protection contre la discrimination dont font preuve non seulement les autorités gouvernementales, mais aussi les individus, dans leurs rapports privés.

131. En général les codes des droits de la personne interdisent la discrimination fondée sur les motifs qui suivent : la race ou la couleur, la religion ou la croyance, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, la situation de famille ou l'état matrimonial, la déficience ou l'incapacité physique ou mentale, l'origine nationale ou ethnique et l'ascendance ou le lieu d'origine. Dans certains codes, les motifs de distinction illicite suivants sont également inclus : les convictions politiques, l'association, la condamnation graciée, le casier judiciaire, la source de revenu, le lieu de résidence, la saisie-arrêt de salaires, la condition sociale ou l'origine et la langue.

132. La Cour suprême du Canada a dit que les tribunaux judiciaires et administratifs canadiens devaient interpréter la législation interdisant la discrimination de manière à favoriser l'objectif général visé par celle-ci, soit garantir l'égalité des chances pour tous. Sur le fondement de cette approche interprétative, la Cour suprême a rendu certaines décisions qui ont élargi la portée de ces lois.

133. Ainsi, la Cour suprême a dit que les codes et les lois sur les droits de la personne prévalaient sur la législation générale. En d'autres termes, des pratiques discriminatoires peuvent être contestées sur le fondement de ces instruments juridiques même si elles semblent autorisées par d'autres dispositions législatives. De plus, la Cour suprême a jugé que la législation sur les droits de la personne interdit autant la discrimination consécutive à un effet préjudiciable que la discrimination directe. Ainsi, si une politique ou une pratique a un effet préjudiciable pour des groupes que protègent les codes des droits de la personne, elle peut être considérée discriminatoire même si aucune discrimination intentionnelle n'est en cause ou même si de prime abord elle ne discrimine pas expressément sur le fondement des motifs illicites. Pour empêcher cette discrimination consécutive à un effet préjudiciable, les employeurs ont l'obligation de prendre des mesures raisonnables pour accommoder les besoins de ceux que la loi protège. L'obligation de prendre de telles mesures exige des employeurs qu'ils fassent de véritables efforts sauf dans les cas où cela leur causerait des difficultés excessives pour répondre aux besoins particuliers des membres des groupes visés. Il est même acceptable qu'elles entraînent des inconvénients mineurs pour les autres employés. Certains codes des droits de la personne exigent expressément que des mesures raisonnables d'accommodement soient prises en matière de discrimination tant directe qu'indirecte.

134. Les codes ou les lois sur les droits de la personne autorisent les distinctions fondées sur des motifs illicites de discrimination dans le domaine de l'emploi s'il s'agit de conditions ou d'exigences professionnelles normales et raisonnables et, dans le secteur des services et du logement, si ces distinctions ont une justification légitime. La Cour suprême du Canada a défini le concept d'exigence professionnelle normale comme étant une condition imposée de bonne foi et ayant objectivement un rapport avec l'exécution de la tâche en cause.

135. Certains codes ou lois sur les droits de la personne contiennent des garanties ayant un rapport avec divers droits reconnus par les instruments internationaux des droits de la personne, outre l'interdiction de la discrimination. Le Code des droits de la personne de Saskatchewan reconnaît les libertés de conscience, d'expression et d'association, le droit à la protection contre les emprisonnements arbitraires et le droit à des élections. La Loi sur les droits de la personne du territoire du Yukon garantit les libertés de religion et de conscience, d'expression, de réunion et d'association, et le droit à la propriété privée et celui de l'aliéner, en conformité avec la loi. Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne garantit des libertés et des droits fondamentaux comme la liberté de religion, le droit à la vie, le droit au respect de la vie privée. La Charte québécoise reconnaît également le droit à l'égalité dans la reconnaissance et l'exercice des droits et libertés de la personne, des droits politiques, des droits judiciaires ainsi que des droits économiques et sociaux. L'article 9.1 de la Charte québécoise stipule qu'en exerçant ses droits et libertés fondamentaux, une personne doit avoir égard aux valeurs démocratiques, à l'ordre public et au bien-être général des citoyens du Québec et que, à cet égard, le législateur peut édicter des limites à l'exercice de ces droits.

d) Comment les instruments relatifs aux droits de la personne sont-ils incorporés au droit national?

136. C'est le gouvernement du Canada (ordre fédéral) qui a le pouvoir de ratifier les conventions internationales. Celui-ci consulte les provinces et les territoires avant de ratifier une convention internationale relative aux droits de la personne, ou un autre traité portant sur des matières relevant de leur compétence, et il recherche leur appui. Les conventions internationales sur les droits de la personne que le Canada a ratifiées s'appliquent dans tout le Canada.

137. Les conventions internationales que le Canada a ratifiées n'acquièrent pas ipso facto force de loi au Canada. Les traités qui ont une incidence sur les droits et les obligations des individus doivent être mis en oeuvre en droit interne. Dans une certaine mesure, la Constitution canadienne, qui comprend la Charte canadienne des droits et libertés, et qui s'applique à tous les gouvernements au Canada, protège les droits de la personne reconnus par les conventions et pactes internationaux. Dans une mesure beaucoup plus considérable, ceux-ci sont mis en oeuvre par des mesures législatives et administratives.

138. Certains droits de la personne sont une matière de compétence fédérale, d'autres de compétence provinciale et territoriale. Par conséquent, les traités sur les droits de la personne sont mis en oeuvre par des mesures législatives et administratives adoptées par les autorités compétentes. La pratique ne consiste pas à adopter un seul texte législatif afin d'intégrer une convention internationale particulière sur les droits de la personne en droit interne (si ce n'est, dans certains cas, au sujet de traités portant sur certaines questions particulières se rapportant aux droits de la personne comme les Conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes de la guerre et des conflits armés). Ainsi de nombreuses lois et politiques, adoptées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, jouent un rôle dans l'exécution des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

139. Avant toute ratification, les autorités fédérales et provinciales vérifient la conformité d'une convention relative aux droits de la personne à la législation en vigueur. Afin d'assurer la conformité des lois des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, ceux-ci peuvent devoir apporter des modifications aux lois existantes ou adopter de nouvelles lois. Après la ratification, il est tenu compte des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne au moment de la rédaction des nouvelles lois.

140. Dans un État fédéral comme le Canada, il peut parfois y avoir certaines différences dans la manière de mettre en oeuvre des droits selon les juridictions. Ces différences peuvent être le reflet de conditions particulières locales. Les aspects suivants du système de droit canadien permettent d'éviter que des divergences importantes ne surgissent dans la protection que reçoivent les droits de la personne :

  • Toutes les mesures adoptées par toutes les administrations gouvernementales au Canada sont soumises au contrôle judiciaire au regard de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela assure l'uniformité de la protection, dans tout le Canada, des droits civils et politiques reconnus par la Charte, et également que les mesures économiques et sociales, et celles se rapportant aux enfants ou aux autres matières que couvrent les conventions sur les droits de la personne, satisfassent aux mêmes critères fixés dans la Charte au regard des questions de discrimination et d'application régulière de la loi.
  • La Cour suprême du Canada interprète et applique les lois adoptées dans tout le Canada, contribuant ainsi à une certaine harmonisation. Par exemple, les principes de base que la Cour suprême a élaborés au sujet de la portée de la législation sur les droits de la personne les théories de la prépondérance, de la discrimination par effet préjudiciable, de l'obligation de mesures raisonnables d'accommodement s'appliquent à tous les codes et lois sur les droits de la personne.
  • Le financement fédéral de certains programmes provinciaux ou territoriaux peut être accordé sous condition que certaines normes nationales seront respectées. Par exemple, en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, les provinces et territoires ne sont admissibles aux pleines contributions fédérales que s'ils se conforment aux critères nationaux prévus dans la Loi canadienne sur la santé, dont les critères d'administration publique, d'intégralité, d'universalité, de transférabilité et d'accessibilité.
  • Les fonds fédéraux versés à certains programmes provinciaux ou territoriaux sont particulièrement utiles aux provinces et aux territoires moins prospères; ils aident à prévenir les disparités régionales de reconnaissance et d'exercice des droits.
  • Il existe des mécanismes qui font en sorte que les divers gouvernements au Canada échangent des informations sur les questions des droits de la personne et favorisent la coordination à cet égard (voir plus loin).

141. Le caractère fédéral du Canada contribue positivement à la protection des droits de la personne au pays, en raison de la diversité de perspectives dans lesquelles les questions des droits de la personne sont perçues, et de la capacité des gouvernements de tenir compte des conditions particulières prévalant dans leur ressort lorsqu'ils décident des modes appropriés de leur mise en oeuvre. De plus, l'interaction entre les diverses formes de protection des droits de la personne constitutionnelle, légale et administrative ont accru cette protection au Canada. Par exemple, les tribunaux ont eu tendance à interpréter l'article 15 (les droits à l'égalité) de la Charte canadienne des droits et libertés de la même manière, progressiste, qu'ils avaient adoptée dans le cas des codes ou les lois sur les droits de la personne, et les motifs illicites de discrimination donnés par ces codes ont été élargis par le fait de contestations judiciaires fondées sur l'article 15 de la Charte.

142. De la façon décrite précédemment, le Canada remplit son obligation (pour reprendre les termes de l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) de «prendre, en accord avec ses procédures constitutionnelles, ... les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits» reconnus dans une convention ou un pacte particulier relatif aux droits de la personne.

e) Les dispositions des divers instruments relatifs aux droits de la personne peuvent-elles être invoquées devant les instances judiciaires ou les autorités administratives et appliquées directement par celles-ci, ou doivent-elles être reprises dans le droit interne ou dans les règlements administratifs pour pouvoir être appliquées par les autorités compétentes?

143. Comme il a été dit plus haut, les traités internationaux sur les droits de la personne ne font pas ipso facto partie du droit canadien et, par conséquent, ils ne peuvent être appliqués directement par les tribunaux canadiens. Il est nécessaire plutôt de s'en remettre aux diverses voies de recours internes existantes dans les cas de violations du droit interne pertinent.

144. Les traités internationaux sur les droits de la personne que la Canada a ratifiés ont une incidence sur l'interprétation du droit interne. Cette règle revêt une importance particulière lorsqu'il s'agit de la Charte canadienne des droits et libertés, de deux façons. En premier lieu, il est tenu compte des traités sur les droits de la personne dans la détermination de l'étendue des droits reconnus par la Charte. Ainsi la Cour suprême a dit qu'il devrait en général être présumé que la Charte offre une protection au moins aussi grande que celle qu'offrent les dispositions semblables des textes internationaux sur les droits de la personne que le Canada a ratifiés. Par exemple, pour déterminer l'étendue du droit à l'assistance d'un avocat reconnu à l'article 10 de la Charte, la Cour suprême s'est référée notamment à l'alinéa 14 (3)d) du Pacte relatif aux droits civils et politiques. En outre, les tribunaux canadiens estiment que là où il y a ambiguïté dans la loi, le Parlement a dû avoir l'intention que la loi soit conforme aux obligations du Canada en droit international.

145. En second lieu, les instruments internationaux sur les droits de la personne sont un élément dont il est tenu compte quand il s'agit de déterminer si les conditions de l'article premier (des limitations raisonnables) de la Charte canadienne des droits et libertés sont respectées. Comme il est dit ci-dessus, l'une des conditions que pose l'article premier est que la loi contestée doit poursuivre une fin légitime d'une importance suffisante. La Cour suprême du Canada a déclaré que, si l'objet de la loi correspondait à un droit reconnu par un instrument international des droits de la personne, par exemple le droit au travail, reconnu par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ou le droit à une protection contre la propagande haineuse, reconnu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il s'agissait alors d'une fin revêtant une importance suffisante pour justifier une limitation d'un droit ou d'une liberté de la Charte aux termes de l'article premier.

146. En outre, les tribunaux ont parfois affirmé que, lorsque l'objet de la loi contestée correspondait à l'un des objectifs déclarés des clauses limitatives des articles des pactes internationaux sur les droits de la personne, par exemple la santé publique, mentionnée dans plusieurs articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, cela indiquait qu'il s'agissait d'une fin revêtant une importance suffisante pour les besoins de l'article premier.

147. De cette façon, par leur pertinence en matière d'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés, les traités internationaux ont un rôle à jouer quand il s'agit d'établir si une loi est valide ou invalide au regard de la Constitution du Canada.

148. Les tribunaux canadiens invoquent de plus en plus les dispositions pertinentes des conventions internationales sur les droits de la personne dans les cas liés à la Charte canadienne des droits et libertés, en particulier dans le domaine de l'immigration et du droit familial.

f) Existe-t-il des institutions ou des organismes nationaux chargés de veiller au respect des droits de la personne?

Instances fédérales, provinciales et territoriales

149. En 1975 a eu lieu la première Conférence fédérale, provinciale et territoriale des ministres responsables des droits de la personne, afin de convenir d'une procédure de ratification et de mise en oeuvre des conventions internationales relatives aux droits de la personne. Par la suite, en 1976, le Canada a adhéré aux deux Pactes. Depuis lors, plusieurs conférences ministérielles ont eu lieu.

150. à la Conférence des ministres de 1975, il a été convenu que devrait être formé le Comité permanent fédéral, provincial et territorial des fonctionnaires responsables des droits de la personne. Ce comité permanent a pour mandat d'assurer la consultation et de maintenir la collaboration entre les gouvernements relativement à l'exécution et à la mise en oeuvre en droit interne des conventions relatives aux droits de la personne. Il sert également de mécanisme de consultation entre les gouvernements du Canada sur d'autres questions en matière de droits de la personne, sur les plans intérieur et international, relativement aux instruments internationaux des droits de la personne.

151. Le Comité permanent exerce notamment les fonctions particulières suivantes : il sert de mécanisme de consultation entre les gouvernements au Canada au sujet de la ratification des conventions internationales relatives aux droits de la personne; il encourage les échanges d'information entre ces gouvernements au sujet de l'interprétation et de la mise en oeuvre des instruments internationaux sur les droits de la personne et d'autres questions s'y rapportant; il facilite la préparation et la rédaction des rapports sur les conventions qui ont été ratifiées, de même que celles d'autres rapports requis par les Nations Unies ou d'autres organisations sur des questions de droits de la personne; il encourage les échanges d'informations et la recherche sur les questions, relatives aux droits de la personne, qui revêtent un intérêt commun; il discute des positions que devrait adopter le Canada sur les questions internationales de droits de la personne; et il organise les conférences ministérielles sur les droits de la personne et en assure le suivi.

152. Il existe également de nombreux autres comités fédéraux, provinciaux et territoriaux ayant un mandat en rapport avec les questions des droits de la personne. Par exemple, l'Association canadienne des commissions et conseils des droits de la personne réunit des commissions des droits de la personne et facilite la consultation et la collaboration entre celles-ci. Les ministres responsables de la condition féminine se rencontrent chaque année pour débattre de questions d'intérêt commun, et la Réunion fédérale-provinciale-territoriale des hauts fonctionnaires responsables de la condition féminine a lieu habituellement trois fois par année. Il existe un comité du droit de la famille, composé de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux qui se réunit régulièrement dans le but d'élaborer et de coordonner des politiques en matière de droit de la famille intéressant l'ensemble de la fédération, et de donner des avis aux sous-ministres.

ii) Autres mécanismes

153. Au sein de chacun des gouvernements, il existe des mécanismes de coordination des questions se rapportant aux droits de la personne. Par exemple, dans l'ordre fédéral, il existe un comité interministériel sur la Convention relative aux droits de l'enfant, dont les travaux guident la rédaction des rapports sur la Convention et qui assure le suivi des observations et conclusions du Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant au sujet des rapports remis par le Canada.

154. Dans l'ordre fédéral, il existe un comité permanent de la Chambre des Communes sur les droits de la personne et la condition des personnes handicapées qui se penche sur les questions qui se posent dans ce domaine. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international ainsi que le Sous-Comité sur le développement humain durable considèrent également des questions relatives aux droits de la personne. Ils peuvent assigner des témoins, y compris des fonctionnaires et des organisations non gouvernementales; les ministres peuvent être appelés à comparaître devant eux. Les comités remettent des rapports à la Chambre des Communes.

155. Les commissions des droits de la personne ont un rôle à jouer en déterminant quels problèmes posent et quelles préoccupations soulèvent les droits de la personne au Canada. Plusieurs d'entre elles se sont vu confier, à divers degrés, la responsabilité de la «supervision» de la mise en application des droits de la personne, énoncés dans les diverses lois des droits de la personne. Par exemple :

  • la Commission canadienne des droits de la personne peut recevoir et étudier des recommandations relatives aux droits et aux libertés de la personne et elle peut, dans les cas où elle le juge opportun, les intégrer à son rapport annuel;
  • à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, la Commission des droits de la personne est chargée notamment de donner des avis et de prêter son concours aux ministères et aux institutions du gouvernement et de coordonner leurs activités lorsqu'ils sont en rapport avec les droits de la personne;
  • la Commission des droits de la personne de l'Ontario peut examiner et contrôler toute loi, tout règlement, programme ou politique et faire des recommandations au sujet de toute mesure, qui, à son avis, entre en conflit avec l'intention recherchée par le législateur lors de l'adoption de sa loi habilitante;
  • la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec peut faire l'analyse de toutes les lois québécoises qui pourraient entrer en conflit avec la Charte québécoise des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse et faire les recommandations appropriées au gouvernement québécois; elle peut également recevoir des suggestions, des recommandations et des demandes au sujet des libertés et des droits de la personne, les étudier et faire les recommandations appropriées au gouvernement.
  • la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique peut soumettre un rapport spécial au ministre au sujet de toute question ayant trait aux droits de la personne que la Commission juge d'une telle urgence ou importance qu'on ne peut attendre le rapport annuel suivant.

iii) Les organisations non gouvernementales et les associations autochtones

156. Les organisations non gouvernementales canadiennes jouent un rôle important dans la protection et la promotion des droits de la personne au Canada. Elles surveillent les actes des gouvernements, aident les particuliers à obtenir réparation en cas de violation des droits de la personne et mettent en application des programmes d'éducation. Les organisations non gouvernementales agissent en toute liberté au Canada et reçoivent parfois un soutien financier du gouvernement. Le gouvernement du Canada tient des consultations annuelles avec les organisations non gouvernementales et des associations autochtones pancanadiennes ou autres avant les sessions annuelles de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Il consulte les organisations non gouvernementales au moment de la ratification des conventions internationales relatives aux droits de la personne et de la rédaction des rapports sur celles-ci.


Quatrième Partie : Information et publicité

A. Efforts particuliers pour faire connaître les droits énoncés dans les divers instruments relatifs aux droits de la personne

157. Tous les gouvernements du Canada mettent en oeuvre des programmes d'éducation du public en matière de droits de la personne. Au sein du gouvernement fédéral, les principaux ministères et organismes qui jouent un rôle dans ce domaine sont les ministères du Patrimoine canadien et de la Justice ainsi que la Commission canadienne des droits de la personne.

158. Le ministère du Patrimoine canadien a pour mandat, selon la loi, de promouvoir une meilleure compréhension des droits de la personne, des libertés fondamentales et des valeurs qui en découlent. à cette fin, le Ministère offre des subventions et des conseils techniques aux organismes oeuvrant dans le domaine des droits de la personne ainsi qu'à d'autres groupes communautaires. Il publie et met gratuitement à la disposition du public de la documentation relative aux droits de la personne, notamment la Charte canadienne des droits et libertés, les rapports du Canada sur l'application des divers instruments internationaux relatifs aux droits de la personne ainsi que des documents des Nations Unies, comme les pactes internationaux et les autres conventions importantes touchant les droits de la personne ainsi que les Fiches d'information publiées par le Centre pour les droits de l'homme des Nations Unies.

159. Le ministère de la Justice accorde son appui aux projets des organisations non gouvernementales et des particuliers qui portent sur les droits de la personne et l'application de la loi. Le ministère accorde des subventions et des contributions aux projets qui favorisent une plus grande sensibilisation aux questions, aux lois et aux institutions liées aux droits de la personne, au pays comme à l'étranger, au sein du système judiciaire et de l'ensemble de la communauté.

160. La Commission canadienne des droits de la personne est chargée, selon la loi, d'élaborer et d'exécuter des programmes de sensibilisation publique touchant la Loi canadienne sur les droits de la personne, le rôle et les activités de la Commission, ainsi que le principe de l'égalité des chances énoncé à l'article 2 de la Loi.

161. Les commissions des droits de la personne de chaque province et territoire doivent s'acquitter de responsabilités semblables selon les lois respectives qui les régissent. Souvent, les lois renvoient de façon explicite à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à d'autres instruments des Nations Unies.

162. Des organisations non gouvernementales participent aussi aux efforts de sensibilisation du public aux droits de la personne et aux instruments internationaux.

163. Les campagnes de promotion atteignent habituellement leur point culminant lors d'événements comme la Journée des droits de la personne, la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, la Journée internationale de la femme, la Journée nationale de l'enfant, ou encore lors d'activités commémoratives des décennies des Nations Unies. Les organismes gouvernementaux, les commissions des droits de la personne, les organisations non gouvernementales et les médias unissent leurs efforts en ces occasions.

B. Processus de préparation des rapports

164. Les rapports du Canada aux Nations Unies sur l'application des dispositions des traités multilatéraux sont préparés par les autorités fédérales en collaboration avec les provinces et les territoires. L'entente fédérale-provinciale conclue en 1975 accorde aux provinces et territoires le droit de préparer des rapports sur leurs propres activités, et ils exercent habituellement ce droit. Leurs rapports sont insérés dans le rapport global présenté par le Canada.

165. C'est au ministère fédéral du Patrimoine canadien qu'incombe la responsabilité générale de coordonner la préparation des rapports et la tenue de consultations auprès des provinces et des territoires. De nombreux autres ministères et organismes l'aident à s'acquitter de cette tâche, notamment le ministère de la Justice, Condition féminine Canada, le ministère du Développement des ressources humaines et Statistique Canada. La Commission canadienne des droits de la personne est invitée à fournir son point de vue au moment de la rédaction des rapports et à commenter les versions provisoires de ces derniers.

166. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est chargé de présenter les rapports aux Nations Unies et de diriger les délégations qui participent aux réunions au cours desquelles les rapports sont examinés. Ces délégations sont composées de représentants des ministères compétents dans les matières visées par les rapports ainsi que de représentants des provinces et (ou) des territoires.

167. Le processus de préparation de rapports donne toujours lieu à des consultations poussées à chaque niveau de gouvernement. On croit que ce processus dynamique amène chaque gouvernement à remettre en question sa performance et à prendre des initiatives pour apporter des changements. 168. Des consultations auprès de sources autres que gouvernementales ont lieu au besoin. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a consulté des organisations non gouvernementales dans la préparation de sa propre partie des rapports majeurs. Les observations formulées par des sources externes sont prises en compte lors de la préparation des rapports. Tous les rapports sont mis gratuitement à la disposition du public, notamment les bibliothèques, les établissements d'enseignement et les organisations non gouvernementales, les entreprises et les particuliers. Les questions traitées dans les rapports sont des thèmes qui reviennent constamment dans les discussions d'intérêt public.



Date de modification : 2003-11-28
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