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Programme de traitement non judiciaire de certaines infractions criminelles commises par des adultes

Document d'information

Introduction
Fonctionnement
Les contrevenants visés par le programme
Les infractions visées par le programme
Les mesures de traitement non judiciaire des infractions
   • La lettre d'avertissement
   • La mise en demeure
   • Les mesures de rechange
Mise en œuvre du programme


Introduction

Le droit criminel comporte un ensemble de règles qui visent à réprimer les comportements qui portent atteinte à des valeurs fondamentales telles que la vie, la sécurité et l'intégrité de la personne ainsi que le respect des institutions démocratiques ou qui nuisent à la jouissance paisible des biens et des services.

Si les crimes graves qui portent atteinte à ces valeurs méritent d'être réprimés sévèrement et, pour ce faire, doivent être traités judiciairement, il doit en être autrement des infractions mineures.

On doit reconnaître, en effet, que certains comportements illégaux ne sont souvent qu'un écart de conduite d'un citoyen, un fait isolé en quelque sorte qui ne perturbe en rien l'ordre social et qui ne compromet pas ces valeurs. Dès lors, on peut songer à mettre fin à ce genre de manquements sans qu'il soit nécessaire de faire appel à l'appareil judiciaire.

Le recours aux procédures criminelles doit être de plus en plus conçu comme le moyen ultime dont dispose la société pour protéger ces valeurs et on doit en faire usage avec modération et discernement pour ne pas engorger les tribunaux ni restreindre indûment le temps qu'ils peuvent consacrer à la répression des crimes graves.

Il faut également prendre en considération les inconvénients que les poursuites judiciaires occasionnent aux victimes et témoins sans que ceux-ci puissent souvent en retirer quelques bénéfices personnels.

Enfin, le recours systématique aux poursuites criminelles afin de sanctionner des manquements peu graves tend à banaliser la comparution des contrevenants devant les tribunaux et risque de compromettre l'impact dissuasif qu'elle peut avoir sur eux. Il convient donc d'adopter une nouvelle approche à l'égard de ce type de manquements.
Déjà en 1975, la Commission de réforme du droit du Canada préconisait une approche désignée sous le nom de « déjudiciarisation » concernant le traitement des infractions qui ne constituent pas une menace véritable pour la société. Elle concluait :

« Un examen approfondi du concept de déjudiciarisation et de l'intérêt pratique de ce concept dans l'administration de la justice pénale s'impose. En effet, le droit pénal s'est vu par trop confier, ces dernières années, la lourde tâche de conjurer les comportements sociaux dérogatoires. L'on doit mettre un frein à cette tendance, voire la renverser. Pour ce faire, l'on pourrait, en outre, procéder par voie de la « dépénalisation » de l'infraction, c'est-à-dire l'élimination de certaines infractions.

Cependant, à l'expérience, cette méthode n'a pas toujours brillé par ses succès. Malgré l'élimination de certaines infractions, règle générale les comportements correspondants demeurent et exigent une solution appropriée, et non pas leur « redressement » par le recours à d'autres chefs d'accusation. Dans cette optique, la déjudiciarisation des réactions sociales à la criminalité implique la reconnaissance de l'existence de tels problèmes et vise la recherche de solutions réduisant au strict minimum l'intervention des mécanismes accusatoires traditionnels en favorisant la conciliation et le règlement véritable des problèmes à l'origine des comportements dérogatoires à l'ordre social. Ainsi le processus pénal pourrait se dévouer entièrement au traitement des infractions qui soulèvent particulièrement la consternation du public. »1

Des représentations dans le même sens ont d'ailleurs été faites lors du Sommet de la Justice en février 1992 et le procureur général du Québec s'est alors engagé à favoriser le traitement non judiciaire des infractions criminelles mineures.

Il ne s'agit pas de « décriminaliser » certains manquements ni de « déresponsabiliser » leurs auteurs, mais bien d'apporter un traitement particulier à certaines infractions afin de mieux rationaliser l'utilisation des ressources imparties au système judiciaire et de ne pas stigmatiser indûment l'écart de conduite d'un contrevenant dont le comportement ne justifie pas une intervention judiciaire.

À cet égard, voici le cadre à l'intérieur duquel le procureur général du Québec permet le traitement non judiciaire de certaines infractions criminelles ainsi que les mesures qu'il favorise à cette fin.

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Fonctionnement

La décision de ne pas judiciariser une infraction commise par un contrevenant tient de la discrétion de poursuivre et relève du substitut du procureur général.

En effet, bien que l'agent de la paix, dont la fonction est de prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs, puisse à l'occasion fermer un dossier s'il s'agit de vétilles, c'est au substitut qu'incombe la responsabilité de décider s'il est opportun ou non d'intenter une poursuite et de déterminer, le cas échéant, le ou les chefs d'accusation qui doivent être portés.

Les tribunaux, quant à eux, ne peuvent prendre part à cette décision car ils doivent éviter de devoir juger les contrevenants à qui ils auraient refusé au préalable la non-judiciarisation et préserver ainsi leur impartialité. De même, on ne saurait laisser aux victimes la responsabilité d'une poursuite criminelle quoique le substitut du procureur général doive prendre en considération leur point de vue lors de la prise de décision de judiciariser ou non l'infraction.

Cette décision est prise par le substitut du procureur général une fois seulement qu'il a déterminé que la faute imputée au contrevenant constitue une infraction, qu'il peut en faire la preuve et qu'aucun obstacle juridique ne rend la poursuite irrecevable. On doit se garder, en effet, de traiter de façon non judiciaire une infraction qui n'aurait pu l'être judiciairement. Par ailleurs, la décision de ne pas judiciariser empêchera le dépôt d'une dénonciation et évitera ainsi aux victimes et témoins de devoir se présenter devant le tribunal.

Le traitement non judiciaire des infractions criminelles est avant tout une mesure d'exception qu'on applique à l'égard de certains actes commis par des contrevenants qui n'ont pas d'antécédents judiciaires significatifs. Le recours à une telle mesure ne vaut donc que pour un profil donné de contrevenants et pour certaines infractions seulement. Le substitut du procureur général doit donc procéder à l'examen de chaque cas en fonction de critères préétablis.

Les contrevenants visés par le Programme

Le traitement non judiciaire de certaines infractions est une mesure d'autant plus efficace et crédible que les contrevenants qui en font l'objet sont des personnes disposées à s'amender et sont objectivement les moins susceptibles de récidiver. À cette fin, nous estimons que ne doit pas bénéficier de cette mesure le contrevenant :

  • qui n'est pas citoyen canadien et qui ne réside pas en permanence au Canada;
  • qui refuse ou néglige de remettre à la victime une juste réparation pour les dommages subis;
  • qui a des antécédents judiciaires pertinents;
  • qui a des antécédents judiciaires récents en semblable matière;
  • qui fait déjà l'objet d'une ou plusieurs causes pendantes lorsqu'on lui impute une nouvelle infraction;
  • à qui l'on impute une ou plusieurs autres infractions judiciarisées ou en voie de l'être;
  • qui, à moins de circonstances particulières, a déjà bénéficié d'une mesure de non-judiciarisation au cours des cinq dernières années.

De plus, le substitut du procureur général doit être sélectif dans la détermination de la clientèle admissible de manière à n'accorder le bénéfice de cette mesure que dans les cas où cela est justifié à la lumière de l'ensemble des circonstances. Par conséquent, il doit tenir compte également des facteurs suivants au moment de prendre la décision de permettre à un contrevenant de bénéficier d'un traitement non judiciaire :

  • les circonstances particulières de la commission de l'infraction telles que le degré de préméditation, la gravité subjective notamment les conséquences de l'infraction à l'égard de la victime, le degré de participation de l'auteur présumé et l'intérêt de la justice;
  • le degré de collaboration manifesté par l'auteur présumé;
  • les risques de récidive;
  • le besoin de dissuasion du contrevenant notamment s'il a bénéficié, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, d'une mesure de rechange dans les deux dernières années.

Les infractions visées par le programme

Les infractions prévues au Code criminel pouvant faire l'objet d'un traitement par voie non judiciaire sont :

  • les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par poursuite sommaire;
  • les infractions « mixtes » passibles d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement;
  • les infractions « mixtes » suivantes passibles d'une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement : voies de fait et méfait public;
  • la possession simple de petites quantités de marijuana (30 grammes ou moins) ou de haschisch (un gramme ou moins).

Les infractions prévues à une loi autre que le Code criminel sont donc exclues du programme. Le sont également les infractions au Code criminel qui entrent dans l'une ou l'autre des deux premières catégories ci-haut mentionnées et qu'il convient de judiciariser parce qu'un traitement judiciaire demeure encore la mesure d'intervention la plus appropriée pour réprimer ces infractions et pour encadrer leurs auteurs. Au nombre de celles-ci, citons les infractions reliées à la violence conjugale et familiale, à la conduite avec facultés affaiblies, à la documentation et aux instruments pour l'utilisation de drogues illicites, au jeu et à la prostitution, ces dernières étant souvent associées au crime organisé, ainsi que, sauf exception, celles relatives au non-respect d'ordonnances judiciaires. Quant aux autres infractions graves prévues au Code criminel, dont les agressions à caractère sexuel, elles sont évidemment exclues du programme.

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Les mesures de traitement non judiciaire des infractions

Les mesures de traitement non judiciaire sont les suivantes: la lettre d'avertissement, la mise en demeure et les mesures de rechange. Les deux premières font essentiellement appel au sens des responsabilités du contrevenant alors que la troisième est davantage indiquée à l'égard des personnes requérant un plus grand encadrement.

La lettre d'avertissement

La lettre d'avertissement est un document informant le contrevenant :

  • qu'une demande d'intenter une poursuite contre lui a été acheminée à un substitut du procureur général;
  • qu'un programme de traitement non judiciaire de certaines infractions criminelles est en vigueur;
  • que le contrevenant est admissible à ce programme;
  • que son dossier ne fera pas l'objet d'une poursuite judiciaire à moins d'avis contraire de sa part;
  • qu'il a droit de consulter un avocat en tout temps.

Cet avertissement écrit qui émane du substitut du procureur général avise également le contrevenant qu'il ne pourra bénéficier de nouveau du programme de traitement non judiciaire s'il commet subséquemment une autre infraction criminelle.

La mise en demeure

La mise en demeure est une lettre que le substitut du procureur général envoie au contrevenant pour lui rappeler qu'il avait une obligation légale à remplir, que les délais pour ce faire sont expirés et que s'il ne s'exécute pas rapidement, une dénonciation sera déposée.

La mise en demeure est une forme de traitement non judiciaire qui est utilisée dans le cas de non-respect des deux seules ordonnances judiciaires suivantes à savoir l'ordonnance de probation prévoyant un remboursement ainsi que l'ordonnance enjoignant de se présenter pour la prise d'empreintes digitales. L'expérience démontre, en effet, que le manquement à ces ordonnances n'est généralement pas tant le fait d'une volonté marquée du contrevenant de se soustraire à ses obligations que d'une insouciance ou d'un oubli de sa part. L'envoi d'une mise en demeure permet de s'en assurer dans chaque cas particulier et si le contrevenant en fait fi, des accusations sont alors portées.

Enfin, la mise en demeure étant en quelque sorte un rappel au contrevenant d'une obligation qu'il doit remplir, on comprendra que cette mesure ne requiert pas l'application des critères permettant de recourir à la lettre d'avertissement et qu'une mise en demeure puisse être systématiquement envoyée en cas de défaut du paiement d'une somme d'argent, à moins que l'envoi de celle-ci ne soit rendu inutile en raison des circonstances de l'espèce.

Les mesures de rechange

Les mesures de rechange consistent en un ensemble de moyens par lesquels on pourra exiger du contrevenant une contrepartie sous forme notamment de dédommagement à la victime, de travaux communautaires au profit de la collectivité ou de sessions de formation en vue de lui faire prendre conscience des conséquences de ses actes et d'accroître son sens des responsabilités.

Un programme de mesures de rechange est présentement à l'étude à la Direction générale des affaires criminelles et pénales.

Mise en œuvre du programme

Les substituts du procureur général appliquent depuis le 1er janvier 1995 les mesures relatives au programme de traitement non judiciaire des infractions criminelles dans tous les dossiers admissibles qui leur sont soumis. De plus, des dispositions ont été prises pour permettre un suivi informatisé des dossiers et s'assurer ainsi que seuls les contrevenants admissibles au programme bénéficient de ces mesures.

Le bon fonctionnement d'un tel programme repose sur la collaboration des policiers et du public en général. Quant aux contrevenants qui bénéficient de l'application des mesures découlant de ce programme, ils doivent prendre conscience qu'ils bénéficient d'un traitement particulier mais qu'il en sera autrement s'ils ne modifient pas leur comportement.

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1. C.R.D.C., La déjudiciarisation, Document de travail no 7, 1975, p. 1.

Le contenu de ce document est uniquement informatif et n’a pas de valeur légale.

Si vous avez de la difficulté à comprendre certaines informations, n'hésitez pas à nous contacter. Toutefois, nous ne pourrons les interpréter pour répondre à une situation particulière.

Note : La forme masculine utilisée dans ce texte désigne aussi bien les femmes que les hommes.

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Dernière mise à jour : 6 août 2003



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