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La variation dans la langue standard :
   compte rendu du colloque tenu au 70e congrès de l'Acfas

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La variation dans la langue standard

Au cours du 70e congrès de l'Acfas, qui s'est tenu à l'Université Laval à Québec les 13 et 14 mai 2002, un atelier portant sur la variation dans la langue standard (atelier C-315) avait été organisé conjointement par l'Office de la langue française et le Centre interdisciplinaire de recherches sur les activités langagières (CIRAL) de l'Université Laval. Il a réuni des universitaires ainsi que des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines, entre autres terminologues, linguistes, sociolinguistes et spécialistes de la communication. Les facettes d'une riche variation linguistique au sein du français parlé, notamment en Belgique, en France, en Suisse et au Québec, y ont été exposées par des universitaires québécois et étrangers. Ainsi, ce sont surtout la variation sociale et la variation géographique, mais aussi les tendances de standardisation dans chaque région ou pays francophone qui ont été abordées dans une vingtaine de communications.

Variation sociale et variation géographique

L'atelier a permis d'éclairer deux aspects constitutifs d'une variation linguistique au sein de la francophonie : la variation sociale et la variation géographique. S'agit-il surtout d'enregistrer et de décrire les variétés du français parlé dans toute la francophonie afin d'extraire et de comparer leurs spécificités? Une vaste banque de données surtout phonétiques (avec 30 points d'enquête dans l'espace francophone international) est en train de se constituer et d'être décrite : Jacques Durand, (U. de Toulouse-Le Mirail), Bernard Laks, (U. de Paris X), et Chantal Lyche, (U. d'Oslo, La phonologie du français contemporain (PFC) : présentation et premiers résultats). Un accès à ces données pour d'autres chercheurs semble probable. Ce survol géographique de la variation au sein de la francophonie a été complété par une perspective plutôt sociale sur la variation : Pierre Bouchard, (OLF-Montréal), Marie-Louise Moreau, (U. de Mons-Hainaut), Alexei Prikhodkine, (U. de Lausanne), et Pascal Singy, (U. de Lausanne, La hiérarchisation des variétés dans la francophonie). Les chercheurs ont demandé à des francophones belges, québécois et suisses de hiérarchiser différentes variétés de français. Ces données, recueillies avec un même dispositif expérimental, indiquent une convergence de tous les évaluateurs vers une nette préférence des variétés pratiquées par des personnes hautement scolarisées. La variation sociale devancerait-elle la variation géographique? Les Belges, Québécois et Suisses des échantillons, partageraient-ils au-delà de leurs variantes géographiques des références socioculturelles communes? Bref, la variation sociale se serait-elle étendue au-delà de la variation géographique? La francophonie tend-elle vers une même variété standard reconnue et commune, le fameux « français international »? Les chercheurs promettent d'étendre ultérieurement l'étude en y incluant d'autres variétés de la francophonie afin de pouvoir mieux répondre à ces questions. Les représentations de la variation ont aussi été l'objet des interventions de Wim Remysen (U. Laval, La variation linguistique et l'insécurité linguistique : le cas du français québécois) qui conclut à une insécurité linguistique bel et bien encore présente chez les Québécois et de Pierre Bouchard, Marie-Louise Moreau et Pascal Singy (La place du français de France dans la conscience normative des francophones belges, québécois et suisses : une erreur de perspective) qui s'interrogent sur la conscience normative. S'appuyant sur le constat que le supposé standard franco-français ne se reflète aucunement dans les usages des autres variétés, les auteurs soutiennent encore que la hiérarchisation sociale des variétés linguistiques semble façonner davantage la norme qu'une hiérarchisation géographique.

De quel standard parle-t-on?

L'usage linguistique produit ses propres standardisations selon les hiérarchies sociales et/ou géographiques qui règnent à une échelle locale ou internationale et qui se mesurent notamment à travers les représentations. Des exemples d'une standardisation multiple ont notamment été fournis par trois communications : Louise Péronnet et Sylvia Kasparian, (U. de Moncton, Processus de standardisation d'une langue régionale : le cas des prépositions en français standard acadien), Pascal Singy, (Normes prescriptives, normes subjectives et système numéral en Suisse) et Alexei Pridhodkine, (U. de Lausanne, Variation spatiale du lexique et hiérarchisation des régionalismes : l'insécurité linguistique en Pays de Vaud).

Parallèlement à cette standardisation inhérente à tout usage linguistique, une standardisation officielle et prescriptive continue d'exister. Les conceptions d'« écart à la norme »et de « faute » se sont encore une fois opposées au cours des discussions suivant la communication de Jacques Maurais (Conseil de la langue française, La variation linguistique chez les scripteurs de courriel). Tout comme la variation interne à l'usage, la variation observée dans les ouvrages visant la description du standard semble de moins en moins s'orienter vers des normes très prescriptives. Maintes communications ont fait état de cette variation au sein des instruments de standardisation eux-mêmes : Roda Roberts et Jacqueline Bossé-Andrieu (U. d'Ottawa, Présentation de la diversité lexicale : variations dans les pratiques dictionnairiques), Louise Guénette, (OLF-Québec, Variation morpho-syntaxique dans la langue standard : le cas de l'alternance avec/sans préposition dans les termes complexes), Pierre Rézeau, (CNRS-InaLF Nancy, Les variétés géographiques du français et les Français), Tuan Duc Tran, (U. Laval, La variation de la terminologie médicale standard), Jean-Louis Vaxelaire, (U. de Montréal, Nom propre et traduction : variations au sein d'une même langue), Louise L. Larivière, (U. Concordia, Conséquences de la variation en matière de féminisation linguistique), Noëlle Guilloton, (OLF-Montréal, La variation dans un guide linguistique : l'exemple du Français au bureau).

Face à la démultiplication des standards utilisés, les organismes chargés d'une standardisation officielle tendent de plus en plus à refléter cette variation normative. Les présentations de Robert Vézina, (OLF-Québec, La prise en compte de la variation lexicale dans la production terminologique et linguistique de l'Office de la langue française) ainsi que celle de Marcel Bergeron, (OLF-Québec, Le traitement de la variation terminologique dans les technologies de l'information à l'OLF ) témoignaient d'un changement dans les pratiques d'officialisation linguistique de l'Office de la langue française. Une autre ouverture à l'usage est invoquée par les chercheurs de la banque de données textuelles de Sherbrooke (BDTS) : Hélène Cajolet-Laganière, Pierre Martel, Michel Théoret, Jean-Claude Boulanger et Louis Mercier, (U. de Sherbrooke et U. Laval, La nomenclature d'un futur dictionnaire du français standard en usage au Québec : problématique et bilan des travaux) ainsi que Geneviève Labrecque et Chantal-Édith Masson, (U. de Sherbrooke, Modèle informatisé de traitement de réseaux sémantiques prenant en compte la variation linguistique québécoise au regard de la microstructure d'un dictionnaire usuel). Cette nouvelle banque de données représente un effort de description lexicographique qui reflèterait l'usage réel de l'écrit au Québec.

Un consensus limité

Comme l'ont montré notamment les discussions qui ont suivi la communication de Jacques Maurais et celle de Robert Vézina, plusieurs points de vue et positions restent très polarisés et donnent prise à la controverse. Quelle variation? Comment la standardiser?

« Qui dit variation, dit aussi standardisation. » Cette vérité trop souvent oubliée n'était peut-être pas aussi présente qu'on aurait pu le souhaiter lors des présentations et des discussions, mais les débats qui ont eu lieu dans le cadre de cet atelier ont néanmoins permis d'explorer les territoires vastes et peu balisés que couvre cette variation.

À notre avis, en envisageant variation et standard comme les composantes essentielles d'un même continuum, il serait plus aisé d'arriver à une convergence plus grande quant aux différents traitements possibles de la variation, phénomène inséparable du langage comme fait social inscrit dans la complexité des réalités géographiques, sociopolitiques et cognitives.

Elke Laur et Lise Harou
Service de la recherche et des ressources documentaires

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