Certains mots sont comme le phénix : ils renaissent
de leurs cendres. Cybernétique est un de ces mots-là : il
a connu, au cours des siècles, une série d'éclipses, mais il jouit
actuellement d'un engouement et d'une productivité remarquables,
à la faveur de la mondialisation de l'information et du développement
des réseaux de téléinformatique. Le nom féminin cybernétique,
qui peut aussi être adjectif, a été emprunté au grec par le physicien
français Ampère en 1834. Le mot grec kubernêtikê, qu'on retrouve
chez Platon, avait le sens d'« art de gouverner », et
c'est dans ce sens qu'il avait d'abord été repris en français, sans
beaucoup se répandre à l'époque. Au milieu du XXe siècle,
cybernétique est réapparu, sous l'influence de l'anglais cybernetics,
pour désigner l'« étude des processus de contrôle et de communication
chez l'être vivant et la machine, plus précisément dans les systèmes
technologiques, biologiques, sociologiques et économiques ».
Ainsi, c'est la cybernétique qui inspire la conception d'appareils
ou de machines aussi divers que les thermostats et les robots, où
on tient compte continuellement des effets obtenus pour atteindre
un résultat constamment adapté au but visé.
Mais le mot cybernétique était ensuite
sorti de mode, au profit de termes plus proches d'informatique.
Voilà qu'il ressurgit maintenant, en se multipliant, transporté
par les autoroutes de l'information! On parle désormais d'espace
cybernétique, ou cyberespace, lorsqu'on veut désigner le
« lieu imaginaire appliqué métaphoriquement au réseau Internet
et dans lequel les internautes qui y naviguent s'adonnent à des
activités diverses » : bref, c'est l'univers d'Internet
. Par ailleurs, l'élément cyber, qui à l'origine ne représente
que les deux premières syllabes du verbe grec kubernan, « piloter,
diriger, gouverner », est devenu un préfixe qui sert à créer
toute une série de mots dont l'idée de conduire dans l'espace n'est
pas absente. Ainsi, cybernovice, qui se dit newbie
en anglais, désigne l'internaute novice, celui qui est nouvellement
arrivé dans Internet; un cybercafé, ou café électronique,
est un établissement équipé de terminaux où on peut prendre des
consommations tout en naviguant sur l'autoroute de l'information;
journalistes et essayistes parlent de cyberdémocratie, de
cybernétique sociopolitique, voire de cyberculte, de
cyberjargon et de cyberculture. Mais si l'anglais
a le terme cybernaut, c'est l'appellation internaute
qui est préférée à [cybernaute] pour désigner les utilisateurs d'Internet.
Quant aux cybernéticiens et cybernéticiennes, ils semblent promis
à un brillant avenir!
Article déjà publié dans Les chroniques de la
cyberpresse
Recherche terminologique : Marcel Bergeron
Rédaction : Noëlle Guilloton
juin 1997
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