LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE SE DÉCLARE INCOMPÉTENTE DANS L'AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE EN MATIÈRE DE PÊCHERIES (ESPAGNE C. CANADA)
Le 4 décembre 1998 (6 h 10 HNE) Nº 284
LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE SE DÉCLARE INCOMPÉTENTE DANS
L'AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE EN MATIÈRE DE PÊCHERIES (ESPAGNE c. CANADA)
La Cour internationale de Justice, aujourd'hui, s'est déclarée incompétente dans l'affaire de l'arraisonnement,
en 1995, du navire de pêche espagnol Estai. La Cour a jugé ne pas pouvoir connaître de la demande faite par
l'Espagne contre le Canada dans ce litige. Elle a accepté l'exception préliminaire à sa compétence présentée
par le Canada. L'arrêt de la Cour signifie que l'Espagne est déboutée; sa demande ne sera pas instruite.
La Cour a jugé qu'elle ne pouvait connaître de la demande parce que le différend est couvert par la réserve que
le Canada a faite à sa déclaration générale d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. Chaque État a
le droit de faire une réserve concernant les différends à l'égard desquels la Cour ne sera pas compétente. En
1994, avant même que l'Espagne ait déposé sa requête auprès de la Cour concernant l'affaire de l'Estai, le
Canada avait émis une telle réserve en vertu de laquelle la Cour ne peut connaître des différends auxquels
pourraient donner lieu les mesures de gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les navires
étrangers qui pêchent dans la zone de réglementation de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest
(OPANO) et l'exécution de telles mesures.
« L'arrêt de la Cour est bienvenu. Il réaffirme l'importance du consentement des États en matière d'acceptation
de la compétence de la Cour internationale de Justice de La Haye » a déclaré le ministre de la Justice et
Procureur général du Canada, Mme Anne McLellan.
« La Cour internationale de Justice constitue un outil excellent pour régler les différends entre États, mais il
nous convient mieux de négocier un bon accord comme nous l'avons fait pour les pêcheries de l'Atlantique
nord-ouest avec l'Union européenne » a déclaré le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, «
Meilleur encore est de convenir de règles appropriées pour assurer la conservation des stocks de poissons
chevauchants afin d'éviter des différends. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en négociant un accord
multilatéral sur les stocks chevauchants, conclu sous l'égide des Nations Unies, que le Canada espère ratifier
prochainement. »
Le Parlement est saisi actuellement d'un projet de loi de mise en oeuvre de l'accord des Nations Unies sur les
stocks de poissons chevauchants.
On trouvera l'arrêt sur le site internet de la Cour internationale de Justice : http://www.icj-cij.org
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Un document d'information figure en annexe.
Pour de plus amples renseignements, les représentants des médias sont priés de communiquer avec :
Pierre Gratton
Bureau de la Ministre de la Justice
et Procureur général du Canada
(613) 992-4621
Division des affaires publiques
Ministère de la Justice
(613) 957-4207
Debora Brown
Bureau du Ministre des Affaires
étrangères
(613) 995-1851
Service des relations avec les
médias
Ministère des Affaires étrangères et
du commerce international
(613) 995-1874
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Document d'information
Le 10 mai 1994, le Canada a émis une nouvelle réserve à son acceptation générale de la juridiction obligatoire
de la Cour internationale de Justice ; cette réserve exclut de la compétence de la Cour les « différends
auxquels pourraient donner lieu les mesures de gestion et de conservation adoptées par le Canada pour les
navires pêchant dans la zone de réglementation de l'OPANO... et l'exécution de telles mesures ».
Le même jour, un projet de loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières a été déposé au Parlement
; il avait pour but d'autoriser l'exécution des mesures de conservation et de gestion prises par le Canada dans
la zone de réglementation de l'OPANO. Cette zone de l'Atlantique nord-ouest, où la réglementation de
l'Organisation des pêcheries de l'Atlantique nord-ouest s'applique, jouxte la zone de 200 milles du Canada. Le
projet de loi a été adopté par le Parlement et il a reçu la sanction royale le 12 mai 1994.
Le 3 mars 1995, l'Espagne et le Portugal ont été ajoutés à la liste des pays dont les navires tombaient sous
l'emprise de la Loi sur la protection des pêches côtières. Le 9 mars 1995, le navire de pêche espagnol Estai a
été saisi et son capitaine arrêté par des autorités canadiennes dans la zone de réglementation de l'OPANO,
pour violation de la Loi sur la protection des pêches côtières.
L'Espagne a alors poursuivi le Canada devant la Cour internationale de Justice, soutenant que la Cour était
compétente en vertu de l'acceptation générale par le Canada de la compétence obligatoire de la Cour. Le
Canada a immédiatement opposé une exception préliminaire à la demande espagnole, contestant la
compétence de la Cour sur le fondement de la réserve qu'il avait faite à sa déclaration d'acceptation de la
compétence de celle-ci.
Les noms de l'Espagne et du Portugal ont été retirés de la liste des pays qui tombent sous l'emprise de la Loi
sur la protection des pêches côtières en mai 1995 à la suite d'un accord intervenu avec l'Union européenne.
Les accusations portées contre le capitaine de l'Estai ont également été suspendues.
Avec l'accord des parties, la Cour a jugé que la première phase de l'instruction de l'Affaire de la compétence en
matière de pêcheries (Espagne c. Canada) serait consacrée à la question de la compétence de la Cour.
L'Espagne a produit son mémoire en septembre 1995 ; le Canada, son contre-mémoire, en février 1996. La
Cour a rejeté la requête de l'Espagne où celle-ci demandait qu'une seconde phase de plaidoiries écrites soit
autorisée. La procédure orale s'est déroulée en juin 1998.
Tout au long de la procédure écrite et de la procédure orale, le Canada est resté sur la même position : la Cour
est incompétente, en raison de la lettre même de la réserve qu'il a faite à sa déclaration d'acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour. L'Espagne, quant à elle, a soutenu que sa demande échappait à la réserve
canadienne parce que, principalement, il ne s'agissait pas d'un litige au sujet de mesures de conservation et de
gestion, et de mesures prises pour les faire respecter ou exécuter, mais bien au sujet des droits ou des
pouvoirs du Canada de réprimer les infractions à ses lois en haute mer et de l'usage illicite de la force en haute
mer.