NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW, MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL, À L'ASSOCIATION DES ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉ LAVALAUX ÉTUDES SUPÉRIEURES
2001/1 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'ASSOCIATION DES ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉ LAVAL
AUX ÉTUDES SUPÉRIEURES
QUÉBEC (Québec)
Le 2 février 2001
(12 h HNE)
Merci beaucoup de m'avoir invité ici aujourd'hui. Ce genre de dialogue est toujours très enrichissant. De plus,
voilà pour moi une tribune sans égale pour échanger des idées avec les penseurs, les chercheurs et les
architectes de la société de demain.
Après tout, vous avez une perspective sur le monde qui est très différente de celle de ma génération. Vous
êtes venus au monde à un moment où les merveilles technologiques des générations antécédentes étaient
devenues banales. Vous avez grandi à une époque où les frontières ont perdu leur importance -- tant celles
géographiques que celles de l'imagination.
Vous pouvez donc enrichir nos grands débats de société de votre vision nouvelle. En tant que membre d'un
gouvernement voué à poser les jalons du XXIe siècle, je vous assure que nous avons besoin de vos idées, de
votre énergie et de votre créativité.
Car, que l'on approuve ou que l'on conteste le phénomène de mondialisation, une chose est certaine : nous
sommes maintenant tous des « citoyens du monde ».
Un très grand nombre de jeunes appuient le commerce international avec enthousiasme. Grâce à Équipe
Canada, j'ai eu la chance de rencontrer des jeunes entrepreneurs québécois et canadiens qui rivalisent de
belle façon avec leurs compétiteurs de partout à travers le monde. Ils savent que le développement du
commerce international leur offre des occasions incroyables aux quatre coins du globe. Et ils en profitent pour
réaliser des rêves qui, hier encore, semblaient impossibles.
Sincèrement, je crois que leur optimisme est tout à fait justifié.
Dans l'espace d'une décennie, les exportations du Canada sont passées de 25 p. 100 du PIB à 43 p. 100. En
termes relatifs à la population, cela veut dire que nous exportons environ quatre fois plus que les États-Unis et
trois fois plus que le Japon.
Actuellement, un emploi sur trois au Canada est lié au commerce international. Et la tendance indique que ce
pourcentage augmentera au cours des années à venir. En fait, 80 p. 100 des 2 millions de nouveaux emplois
créés au Canada depuis 1993 sont attribuables à la croissance spectaculaire des échanges commerciaux avec
les autres pays.
Au Québec, l'impact du commerce international a été tout aussi positif. En 10 ans, les exportations
internationales du Québec sont passées de 34 milliards de dollars à près de 78 milliards de dollars par année.
Parmi les 162 300 nouveaux emplois créés au Québec en 1998 et 1999, on estime que la moitié est due à la
croissance fulgurante des exportations.
Toutefois, lorsqu'on discute de la mondialisation des marchés, on oublie souvent de mentionner que les
avantages sont réciproques pour les parties impliquées. En effet, si le commerce international est bénéfique
pour nous, son impact est encore plus avantageux dans les pays avec lesquels nous faisons affaire.
Prenons en exemple le Mexique. En 1994, lorsque nous avons signé l'ALENA, plusieurs experts prédisaient
qu'il faudrait 20 ans avant que l'économie mexicaine puisse rivaliser avec celle du Canada. En réalité, à peine
cinq ans ont suffi pour que le Mexique devienne un concurrent de taille.
De plus, grâce à la prospérité qu'a engendrée l'ALENA, l'économie mexicaine s'est stabilisée, permettant
d'importantes réformes politiques. L'an dernier, une nouvelle formation politique a même battu le parti
traditionnellement au pouvoir, une première en plus de 70 ans. On peut se demander si le Mexique aurait
réalisé de tels progrès s'il n'avait pas été membre de l'ALENA.
Le Chili, avec qui nous avons signé un accord de libre-échange en 1997, a suivi sensiblement le même
parcours.
Voilà des exemples concrets qui démontrent que le commerce international permet de créer des situations où
tout le monde gagne. Le commerce crée la prospérité. La prospérité donne aux gens les outils nécessaires
pour améliorer leur sort, tant au niveau de l'environnement que des conditions de travail ou des droits civils.
Et n'oublions pas l'aspect immatériel du commerce international : les échanges d'idées et de valeurs qui ont
lieu lorsque deux cultures différentes se rencontrent pour acheter ou vendre des produits et services. Le
commerce international nous permet donc de faire rayonner les valeurs de notre société démocratique aux
quatre coins du globe.
Ce lien étroit entre le commerce et l'évolution sociale ne date pas d'hier. Souvenons-nous que c'est le
commerce entre les différentes villes de l'Europe qui a nourri ce phénomène culturel et social que nous
appelons la Renaissance. Et sans les profits énormes du commerce du textile, les manufacturiers anglais
n'auraient jamais eu les ressources nécessaires pour se lancer dans la construction de chemins de fer,
élément déclencheur de la révolution industrielle.
À mes yeux, il est évident que le commerce peut faire progresser considérablement nos sociétés.
Néanmoins, malgré toutes les preuves qui démontrent les bienfaits des échanges commerciaux, il y a quand
même des gens qui s'opposent à différents éléments qu'ils associent au commerce.
Par exemple, plusieurs groupes de la société civile -- des syndicats, des environnementalistes, des militants
des droits de la personne -- réfléchissent sérieusement sur l'impact du libre-échange dans nos pays.
Il est donc important de suivre de près leur réflexion. Voilà pourquoi mon gouvernement a amorcé un dialogue
constructif avec eux.
Malheureusement, il existe aussi des groupes irresponsables, plus radicaux et parfois même violents qui
tendent à se greffer aux grandes manifestations. Ce qui est désolant, c'est que trop souvent le message
raisonnable des groupes crédibles est perdu dans les invectives de leurs confrères plus véhéments.
Notre société subit actuellement des changements fondamentaux, à tous les niveaux. Plus que jamais, tous les
pays, qu'ils soient industrialisés ou en voie de développement, doivent travailler ensemble pour relever ces
nouveaux défis. C'est seulement ensemble que nous pourrons nous assurer qu'à la fin de cette période
mouvementée, notre position sera plus forte que jamais.
Pour réussir, nous n'avons pas besoin de slogans colériques, mais plutôt d'un dialogue constructif. Voilà
pourquoi je suis heureux de participer avec vous aujourd'hui à ce débat.
Mme Lacasse, le professeur Brunelle et moi, avons tous des visions différentes sur la question de la coopération
hémisphérique et de la Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA]. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de
présenter nos positions de façon constructive et intelligente.
Ma position est très simple : je crois que le Canada a le devoir d'humaniser la mondialisation.
Soyons clairs. Accroître notre part du commerce mondial est un objectif légitime et souhaitable. Mais il ne peut
pas être le seul. En réalité, son importance tient à ce que celui-ci est nécessaire à la réalisation d'autres
objectifs encore plus importants.
Après tout, les gains économiques ne constituent pas des fins en soi ou, du moins, ne devraient pas en
constituer. Le gain économique est un instrument au service d'objectifs plus élevés, comme le respect des
droits, l'amélioration du niveau d'éducation, la bonification des services de santé, le progrès de la justice et
l'enrichissement de notre culture. Bref, l'amélioration de la qualité de la vie ici et partout dans le monde.
Il convient de reconnaître que les valeurs canadiennes ont un rôle absolument déterminant à jouer dans
l'humanisation de la mondialisation.
Depuis la création des Casques bleus de l'ONU [Organisation des Nations Unies] par le premier ministre
Pearson, les valeurs canadiennes sont mondialement reconnues et appréciées. Fier de cet héritage, le Canada
doit aujourd'hui s'assurer que ces nobles valeurs servent de fondation pour la création de la Zone de libre-échange des Amériques.
Voilà pourquoi un de mes objectifs fondamentaux est de travailler en étroite collaboration avec les
organisations de la société civile et de leur faire une place à la table où les décisions sont prises.
J'ai le plus grand respect pour ces organismes qui accomplissent souvent l'impossible avec très peu de
ressources. Ils défendent également les intérêts des membres les plus vulnérables, et jouent un rôle
humanitaire crucial dans notre société.
C'est pour cela que je suis fier que les négociations sur la ZLEA sont en train de créer des précédents en
matière de consultations auprès de la société civile. En effet, tout au long des négociations, le gouvernement a
multiplié les échanges avec des groupes de la société civile.
C'est ce que nous avons fait à Toronto, en novembre 1999, lors d'une réunion ministérielle de la ZLEA, qui
regroupait plusieurs pays des Amériques. J'ai invité mes homologues à rencontrer les participants au Forum de
la société civile des Amériques. En tout, 22 ministres du Commerce international se sont entretenus avec les
représentants de la société civile. Tout le monde était d'accord pour dire que cette discussion fut fort
enrichissante.
Ce qui est évident, c'est que les organismes de la société civile peuvent nous aider à élaborer de meilleures
politiques.
Cela me rappelle la troisième et dernière raison pour laquelle je suis content d'être ici : parce que nous
sommes à Québec, ma ville natale. Une ville où je me suis toujours senti chez moi. Une ville qui, dans
quelques semaines, sera l'hôte de la plus grande rencontre internationale jamais présentée au Canada, c'est-à-dire le Sommet des Amériques.
Cet événement grandiose réunira pas moins de 34 chefs d'États élus démocratiquement en Amérique du Nord,
en Amérique du Sud, en Amérique centrale et dans les Caraïbes.
Les pays participants s'attarderont à trouver des moyens d'action dans trois secteurs étroitement liés les uns
aux autres :
• le renforcement de la démocratie;
• la création de la prospérité;
• la réalisation du potentiel humain.
Comme vous pouvez le constater, le Sommet des Amériques est beaucoup plus large qu'une simple
discussion sur le commerce international.
En fait, les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques ne représentent qu'une composante d'un
vaste programme de coopération.
Pour vous donner une idée de l'étendue du Sommet, je vous souligne que les ministres de l'Environnement, du
Travail, de l'Énergie, des Transports, des Mines, des Affaires étrangères et de la Justice participent aussi à la
rencontre.
De plus, la société civile est également engagée dans le processus. En tant que pays hôte, le Canada a pris
l'initiative d'inviter ses représentants aux rencontres de la Commission spéciale de l'OEA [Organisation des
États américains] sur la gestion des Sommets interaméricains.
Ces rencontres ont permis à la société civile de prendre connaissance des engagements du Sommet, de
présenter ses positions en ce qui concerne la mise en application de ces engagements, et de formuler des
recommandations relativement à la préparation du prochain Sommet.
Leurs commentaires sont ensuite transmis aux organisateurs en chef des 34 pays participant au Sommet.
La ZLEA est en voie de créer la plus importante région de libre-commerce au monde : sa population de 800
millions d'habitants et son produit national brut total de 10 000 milliards de dollars américains représentent un
potentiel qui défie l'imagination.
Cependant, l'intérêt de la création de vastes regroupements comme la ZLEA réside dans la portée civilisatrice
d'une telle entreprise. À s'en tenir aux seuls aspects commerciaux et financiers, l'essentiel serait esquivé.
Au jeu de la libéralisation et de la mondialisation, il faut éviter coûte que coûte que les gagnants soient toujours
les « déjà-riches », les « déjà-forts », les « déjà-avantagés ». Il faut l'éviter à l'intérieur de chaque pays et
encore davantage à l'échelle planétaire.
Le rôle du Canada lors des travaux de la ZLEA est de faire progresser des valeurs qui lui sont chères. Car plus
que tout, le Canada a des valeurs à partager et à exporter.
Je vous remercie.