PAGTAKHAN - LE CANADA ET LA PÉNINSULE CORÉENNE : DES RELATIONS EN EXPANSION - SÉOUL, CORÉE DU SUD
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE REY PAGTAKHAN,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (ASIE-PACIFIQUE),
DEVANT LA CHAMBRE DE COMMERCE DU CANADA EN CORÉE
« LE CANADA ET LA PÉNINSULE CORÉENNE :
DES RELATIONS EN EXPANSION »
SÉOUL (Corée du Sud)
Le 12 avril 2001
C'est un honneur et un plaisir pour moi de prendre la parole devant un auditoire de gens d'affaires
aussi distingué que les membres de la Chambre de commerce du Canada en Corée. Un honneur, parce
que vous êtes les agents du progrès et les moteurs de la croissance dans les relations économiques et
commerciales dynamiques qui unissent la République de Corée et le Canada. Et un plaisir, parce que je
suis personnellement résolu à aider les gens d'affaires canadiens à développer leur présence dans la
région Asie-Pacifique et à renforcer leurs liens avec des partenaires dans la région, dont la Corée forme
une importante partie.
Les relations du Canada avec la Corée remontent à la fin du XIXe siècle, c'est-à-dire à l'époque où de
nombreuses organisations non gouvernementales canadiennes, notamment des universités, des
collèges et des organisations religieuses, ont lancé des activités en Corée. Ces relations avec l'Asie se
sont intensifiées récemment à la faveur d'une immigration à grande échelle au Canada et grâce aux
Canadiens et aux Canadiennes qui vivent et travaillent en Asie. Malgré la crise économique asiatique, le
Canada réalise plus de commerce et d'investissement outre-Pacifique qu'outre-Atlantique. Ces liens
commerciaux continuent de s'accroître dans les secteurs de la haute technologie et des finances, avec
les avantages que cela comporte à long terme. Depuis 1997, des entreprises canadiennes ont investi
quelque 2,53 milliards de dollars américains dans des acquisitions en Asie, principalement dans les
secteurs de la fabrication et des finances.
Membre de la florissante communauté Asie-Pacifique, le Canada se soucie aujourd'hui de sa
responsabilité de contribuer à la sécurité et au bien-être général de cette communauté. Il est motivé en
cela, non seulement par un altruisme éclairé, mais aussi par les intérêts très réels du Canada et des
Canadiens et Canadiennes, qui coïncident souvent avec ceux d'autres intervenants dans la région. Le
Canada mène déjà des activités fort diverses dans la région, tant pour poursuivre ses intérêts et ses
valeurs que pour contribuer au processus de développement de la communauté.
La transformation constante de la région, qui a été accélérée et rendue plus significative par la crise
économique asiatique, suscite des revendications en faveur de la démocratisation et d'une plus grande
participation aux décisions de la part des peuples d'Indonésie, de Thaïlande, de Corée du Sud, des
Philippines et de Taïwan. Les relations économiques et la diplomatie sont maintenant prioritaires en
politique étrangère, comme le sont depuis toujours la diplomatie politique et de sécurité. De plus en
plus, la question fondamentale que se posent beaucoup de pays de l'Association des Nations de l'Asie
du Sud-Est [ANASE] est de savoir comment adhérer à la mondialisation sans perte de cohésion sociale
et politique, de souveraineté ou d'indépendance dans les choix économiques.
L'importance de la Corée ne fait pas de doute pour le Canada : elle est en effet notre sixième partenaire
commercial, et notre troisième en Asie. Mais les Coréens ont peut-être besoin qu'on leur rappelle
l'importance du Canada pour la Corée, laquelle est peut-être éclipsée par vos importantes relations
avec les États-Unis. Or, la position géographique du Canada et son adhésion à l'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA] ouvrent l'accès non seulement aux États-Unis, première économie
mondiale, mais aussi au dynamique marché mexicain.
J'apprends avec plaisir que les nouvelles économiques sont relativement bonnes en Corée, et que la
Corée a été le premier pays à se relever de la crise économique asiatique. Malgré certaines
préoccupations exprimées par la presse, le redressement prévu pour le second trimestre devrait se
traduire par des affaires plus prospères pour les Canadiens en Corée et pour les Coréens au Canada, et
à terme par des liens plus forts entre nos deux communautés de gens d'affaires.
Nos deux pays sont influencés par les tendances mondiales : changement technologique rapide,
intense concurrence internationale et nouveaux accords commerciaux. Tous deux font face de plus en
plus à des menaces transnationales et à des problèmes environnementaux, ainsi qu'à de nouvelles
sources de conflit international et de tension.
Je crois que ces énormes défis sont aussi des occasions exceptionnelles de forger de nouveaux
partenariats entre nos deux pays. Mais aujourd'hui, je voudrais situer le décor en parlant un peu du
Canada.
En Corée, comme dans bien d'autres parties du monde, on voit communément le Canada comme un
vaste territoire doté d'une grande beauté naturelle et de ressources abondantes. Or, beaucoup de
choses ont changé, et le Canada n'est plus aussi tributaire qu'autrefois de ses exportations de
ressources naturelles. Par exemple, en 2000, le premier produit d'exportation du Canada était
l'automobile : nos ventes à l'étranger se sont élevées à 87 milliards de dollars, soit une augmentation
de près de 24 p. 100 par rapport au chiffre de 70 milliards enregistré en 1998.
Au terme du 21e trimestre consécutif de croissance économique du Canada, les prévisionnistes
internationaux s'entendent pour dire que le taux de croissance du Canada en 2001 sera au-dessus de la
moyenne de celui du Groupe des sept pays les plus industrialisés [G-7] et qu'il sera de nouveau au
premier rang l'an prochain. Notre taux de chômage est au niveau le plus bas observé depuis 25 ans;
notre taux d'inflation se situe en moyenne à 1,7 p. 100 pour les cinq dernières années, soit bien au-dessous de la moyenne des pays du G-7. Et notre excédent courant atteint un record absolu.
Cependant, les cycles économiques existent toujours, et aucun pays n'est à l'abri des hauts et des bas
de l'économie mondiale. Grâce à ses fondements solides, le Canada est mieux placé que jamais pour
gérer les turbulences économiques qui pourront survenir. Nous sommes entrés dans l'économie de la
connaissance et la mondialisation; comme on dit dans l'industrie, nous nous sommes restructurés et
rééquipés. Le résultat net est que le Canada est en position gagnante et à la fine pointe de l'économie
de demain.
Nos statistiques commerciales sont éloquentes. La part des produits de base dans nos exportations
est passée de près de 60 p. 100 en 1980 à environ 30 p. 100 en 1999. L'an dernier, plus des deux tiers
des exportations du Canada consistaient en machines, articles d'équipement et autres produits à forte
valeur ajoutée. Par ailleurs, les services à base de connaissances représentent un des segments les
plus dynamiques de nos exportations et déterminent la forte performance économique du Canada. Par
conséquent, les nouvelles sont bonnes pour les Canadiens, et aussi pour nos partenaires économiques
et commerciaux.
Il est un autre trait de la personnalité canadienne que les Coréens auraient intérêt à mieux connaître. Le
Canada a redéfini son image de marque à l'enseigne de la « créativité », ce qui est crucial pour l'avenir
de nos relations. C'est en comparant cette nouvelle image de marque du Canada avec les changements
qui se produisent en Corée que nous pouvons espérer trouver de nouvelles voies pour développer et
approfondir nos liens bilatéraux.
Depuis le XIXe siècle, l'immense étendue de leur pays oblige les Canadiens à faire preuve de créativité
dans les transports et les communications pour survivre. Cette expertise se traduit depuis par de
multiples innovations dans les domaines de l'habitation, de la gestion de l'environnement et des
sciences médicales. Nos universités, nos écoles techniques et nos services linguistiques comptent
parmi les meilleurs du monde, alors qu'ils demandent une fraction des frais de scolarité exigés par de
nombreux établissements des États-Unis et d'ailleurs. Dans le domaine des relations internationales,
notre créativité nous permet d'exercer une influence bien supérieure à notre statut de puissance
moyenne et de faire figure de chef de file sur la scène internationale en faisant valoir notre expérience
du maintien de la paix et de la démocratie libérale.
Développements récents en Corée
À son arrivée au pouvoir, le président Kim Dae-jung a hérité de deux grandes priorités : faire sortir la
Corée d'une grave crise financière, et opérer la réconciliation avec le Nord, la République populaire
démocratique de Corée. Il s'en est fort bien tiré sur les deux plans. En outre, il a solidement enraciné la
tradition démocratique dans le sol sud-coréen, où elle s'épanouit et constitue un exemple éclatant pour
les pays voisins. Nous, au Canada, sommes très heureux de féliciter nos amis et partenaires coréens
tant du secteur privé que de l'administration publique pour ces remarquables réalisations.
Sur le plan économique, le président Kim a entrepris un ambitieux programme de restructuration qui a
tonifié la confiance et provoqué un spectaculaire revirement économique. Le Canada réaffirme son
appui ferme au programme de restructuration du président Kim, qui encourage l'investissement
étranger. Grâce aux efforts soutenus du président Kim, la Corée est passée d'une croissance de son
PIB de moins 5,8 p. 100 en 1998 à une hausse de 10,7 p. 100 en 1999. Cette croissance a ralenti quelque
peu sous l'effet du fléchissement de l'économie internationale (spécialement aux États-Unis et au
Japon), mais le taux de croissance de 5 p. 100 qui est prévu représente encore une performance
appréciable en comparaison de la croissance probable du PIB canadien, soit environ 2,7 p. 100.
La politique d'ouverture du président vis-à-vis de la Corée du Nord a réussi dans une large mesure à
réduire la menace que posait celle-ci. Les efforts qu'il a patiemment déployés pour aplanir les
différends entre les deux États coréens ont abouti à l'historique sommet de juin 2000, où les dirigeants
des deux Corées se sont rencontrés à Pyongyang, ce qui lui a valu le prix Nobel de la paix.
La République populaire démocratique de Corée
Jusque récemment, la République populaire démocratique de Corée était une société staliniste repliée
sur elle-même, dont les dirigeants, après avoir réussi à isoler leur population de toute influence
extérieure, recouraient à l'occasion au terrorisme, à l'infiltration et à la politique de l'abîme dans leurs
relations avec le monde extérieur. En réponse à un nouveau contexte intérieur et international, elle a
effectué un virage, s'ouvrant davantage au monde et répondant aux ouvertures du président Kim. La
dynamique amorcée par le sommet historique a débouché sur une série de pourparlers au niveau des
ministres entre les deux Corées et à trois campagnes de réunion des familles. Du point de vue du
Canada, les retards qu'ont subis certains de ces échanges Nord-Sud semblent avoir été causés par les
insuffisances des institutions du Nord et non par une volte-face. Bien que la date de sa visite à Séoul
reste imprécise et qu'il soit permis de douter de sa vision et de ses objectifs à long terme, Kim Jong Il
semble avoir décidé de permettre un resserrement limité des liens économiques internationaux de la
Corée du Nord, ce qui constitue un pas en avant.
Malheureusement, les pénuries de vivres et d'énergie restent extrêmes, et la Corée du Nord va
continuer encore longtemps de dépendre de l'aide alimentaire. Pour l'immédiat, le principe de juche,
c'est-à-dire d'autosuffisance, reste insaisissable.
Le Canada a établi des relations diplomatiques avec la République populaire démocratique de Corée en
février 2001. Sa politique pourrait être qualifiée d'« ouverture sans illusions ». Le Canada considère que
l'ouverture vis-à-vis de la Corée du Nord favorise la stabilité de la région et qu'elle ouvre la porte à
l'amélioration, si graduelle soit-elle, des conditions intérieures.
Le Canada s'attend à poursuivre son aide humanitaire et à ouvrir avec la Corée du Nord un dialogue où,
entre autres, il exprimera ses préoccupations au sujet des missiles, de la prolifération des armements
et des droits de la personne. À titre de puissance moyenne et de promoteur des approches
multilatérales en matière de paix et de sécurité, nous nous attendons à jouer un rôle positif dans la
péninsule coréenne, de concert avec les pays ayant une optique commune. Les échanges personnels
restent un thème central du développement de nos relations avec la Corée du Nord.
La situation appelle un optimisme prudent, car elle augure un nouveau départ sur le long et difficile
chemin de la réconciliation dans la péninsule coréenne. Toutefois, et en partie grâce au courage et à la
vision dont a fait preuve le président Kim dans sa politique d'ouverture, de nombreux pays occidentaux
industrialisés, dont le Canada, ont établi des relations diplomatiques avec la Corée du Nord. Ces pays
partagent tous la conviction, qui se répand à l'échelle internationale, que l'isolement de la Corée du
Nord entrave plutôt qu'elle ne facilite la recherche de solutions à des problèmes comme la famine, la
mise au point de missiles et les droits de la personne. C'est cette conviction qui porte le Canada à
croire qu'une plus grande ouverture vis-à-vis de la Corée du Nord est dans l'intérêt du Canada et dans
l'intérêt du monde.
Aux États-Unis, la nouvelle administration Bush semble avoir mis en veilleuse la politique de
l'administration Clinton vis-à-vis de la Corée du Nord, en attendant d'arrêter la sienne. On a aussi
beaucoup conjecturé que la nouvelle politique risque de miser plus sur le bâton que sur la carotte pour
influencer la Corée du Nord, tout en exigeant des vérifications plus serrées du respect du moratoire sur
la mise au point de missiles. Nous ne pouvons qu'attendre pour voir quelle politique la nouvelle
administration adoptera, si elle gardera le cap ou si elle innovera. Entre-temps, le Canada va continuer
de raffiner et de développer ses propres relations avec la Corée du Nord.
Conclusion
La République de Corée a toujours été un important partenaire commercial et financier du Canada, et
cela n'a pas changé. Ce qui a changé, c'est le Canada. Notre industrie s'est transformée et revitalisée.
Notre pays est énergisé et réorienté par la révolution de la connaissance. Nous avons la conviction que
les entreprises ne sont limitées ni par les distances ni par les frontières. Ce changement fondamental
appelle les Coréens à changer leur vision du Canada.
Nous croyons qu'il est temps pour les Coréens de redécouvrir le Canada et ses points forts : une
société dynamique, moderne, multiculturelle et à la fine pointe de la technologie, éminemment bien
placée pour répondre aux besoins de l'Asie-Pacifique et plus précisément de la Corée du Sud, tout en
servant les intérêts canadiens à notre avantage mutuel. Nous vous invitons à renforcer et approfondir
vos relations avec le Canada et à investir dans l'esprit d'entreprise canadien.
Ma porte est ouverte et je tiens à connaître vos problèmes et vos réalisations. Je compte coopérer avec
vous pour qu'ensemble nous puissions trouver de nouveaux moyens innovateurs d'enrichir les
relations bilatérales entre le Canada et la Corée.
Je vous remercie.