M. MANLEY - ALLOCUTION - À LA CONFÉRENCE DU CONSEIL DE L'ATLANTIQUE NORD - BUDAPEST, HONGRIE
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À LA CONFÉRENCE DU CONSEIL DE L'ATLANTIQUE NORD
BUDAPEST (Hongrie)
Le 29 mai 2001
Tout d'abord, je tiens à remercier le ministre des Affaires étrangères Martonyi, qui nous a donné un bel
exemple de l'hospitalité hongroise bien connue, par son accueil chaleureux et par les excellentes dispositions
qu'il a prises pour notre conférence, dans une des plus belles villes d'Europe. Sur les 250 000 Hongrois qui se
sont établis au Canada, un bon nombre sont originaires de Budapest, et je comprends leur passion pour cette
magnifique cité. Phare du dynamisme hongrois, Budapest est un excellent choix pour la première conférence
ministérielle de l'OTAN organisée chez un des nouveaux membres de l'Alliance.
Les Balkans
Je reviens tout juste d'un voyage dans les Balkans, où j'ai pu constater à la fois les progrès qui ont été réalisés
en Bosnie et au Kosovo, et les vulnérabilités qui y subsistent. J'ai pu rencontrer des membres des Forces
canadiennes stationnées en Bosnie qui m'ont fait part de leur perception de la situation qui existe sur le terrain.
J'ai été frappé du besoin persistant d'une forte présence de l'OTAN à ces deux endroits.
La violence ethnique observée récemment en Bosnie est préoccupante, de même que les efforts de groupes
nationalistes croates qui cherchent à former une troisième entité. Le Canada condamne sévèrement la violence
qui a éclaté le 7 mai à Banja Luka à l'occasion de la mise en chantier d'une nouvelle mosquée. Ce genre
d'incident montre tout le travail qu'il reste à faire dans la région pour instaurer une paix juste et durable. Les
dirigeants de la République serbe doivent assumer leur responsabilité en procurant un environnement sûr à
tous les groupes ethniques de leur territoire.
La violence qui sévit depuis quelque temps en Macédoine et dans le sud de la Serbie est également
inquiétante. Nous devons empêcher les extrémistes de toutes les parties de la région d'effacer les progrès que
nous avons réalisés. Nous devons continuer à collaborer avec les dirigeants régionaux pour faire comprendre à
toutes les parties que les menaces à la stabilité de la région ne peuvent pas être tolérées. À ce sujet, les
propos des dirigeants albanais de souche du Kosovo, de Macédoine et d'Albanie même qui ont condamné ces
actes de violence sont fort bienvenus.
La formation en Macédoine d'un gouvernement d'unité nationale qui inclut les deux partis albanais est un geste
fort positif. J'espère que cette nouvelle coalition répondra aux préoccupations légitimes de la communauté
albanaise. Nous engageons le gouvernement à faire preuve de modération dans sa réaction aux forces
rebelles.
Dans le sud de la Serbie, les efforts accomplis par le gouvernement yougoslave pour cultiver la confiance des
Albanais de souche sont encourageants, de même que l'action modérée des forces de la RFY lors de leur
rentrée dans la zone de sécurité terrestre, y compris la partie sensible, le secteur B. L'accord conclu
récemment avec les rebelles de la région, prévoyant que ceux-ci se dissoudront et déposeront leurs armes, est
extrêmement bienvenu. Nous encourageons tous les rebelles à déposer les armes. Cependant, il est tout aussi
important que le gouvernement Kostunica contribue positivement à la mise en oeuvre des accords de Dayton
et de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, et coopère sans réserve avec le Tribunal
pénal international pour la Yougoslavie afin de faire traduire en justice les individus accusés de crimes de
guerre. L'arrestation de Milosevic par les autorités yougoslaves fait avancer la cause de la justice et de la
stabilité dans la région, mais la Yougoslavie a aussi l'obligation internationale d'extrader Milosevic à La Haye.
Au sein de la République fédérale de Yougoslavie, les récentes élections ont montré que les Monténégrins
sont divisés au sujet de leur avenir politique. Une approche négociée est essentielle. De même, le statut du
Kosovo devra se régler par la négociation entre Kosovars et Yougoslaves. Les Serbes et les autres minorités
du Kosovo devront participer pleinement à la détermination de leur avenir.
Tant en Bosnie qu'au Kosovo, il faut préserver la structure militaire nécessaire au maintien de la paix tant que
les institutions civiles n'auront pas été constituées et renforcées de manière à pouvoir jouer leur rôle.
La politique européenne de sécurité et de défense
Depuis six mois, des progrès constants ont été réalisés dans la définition détaillée des relations entre l'OTAN et
l'Union européenne [UE]. Il est fastidieux de régler les points juridiques, de décider comment les organisations
partageront l'information classifiée et de déterminer quels équipements l'OTAN pourrait mettre à la disposition
d'une mission dirigée par l'UE, mais c'est un travail nécessaire. Il faut prendre le temps de bien établir les
relations entre les deux organisations. Les enjeux sont considérables.
Pour le Canada, l'OTAN restera le meilleur instrument d'action politique et militaire dans la région euro-atlantique. Sa force et sa vitalité sont des éléments centraux de notre politique de sécurité. Par ailleurs, nous
croyons qu'une Europe plus forte et plus capable contribuera aussi à la vigueur de l'OTAN. Il faut veiller à ce
que les deux organisations soient complémentaires plutôt que concurrentielles.
En ce qui concerne la planification de défense, par exemple, il faut définir un arrangement de coopération
OTAN-UE étroite qui nous permette de tirer le meilleur parti de nos ressources en matière de défense. Nous
devons aussi définir un processus pratique de consultation en temps de crise. Ce n'est pas dans l'atmosphère
surchauffée d'une crise, en effet, qu'il convient de décider qui doit parler à qui, quand et à quel sujet. Il faut
établir des procédures propres à faciliter la transparence et la coopération, et qui ne risquent pas de s'écrouler
sous leur propre poids. Nous ne pouvons pas nous permettre d'agir dans la confusion et la discorde en temps
de crise. En fait, l'expérience pratique qu'ont acquise l'OTAN et l'Union européenne en coopérant durant les
récentes flambées de violence en Serbie et en Macédoine est précieuse, non seulement lorsqu'il s'agit de
nouer les nombreux contacts humains nécessaires pour ouvrir des voies de communication, mais aussi de faire
la démonstration de certaines approches sensées de la consultation en pareilles circonstances.
Il reste un certain nombre de questions épineuses à résoudre. Le Canada cherche encore des arrangements
satisfaisants pour la participation d'alliés non membres de l'Union européenne aux missions dirigées par l'UE
qui recourent aux équipements et aux compétences de l'OTAN, mais nous sommes prêts à garantir à l'Union
européenne l'accès aux moyens de planification de l'OTAN. Cette mesure est fondamentale parce qu'elle
permet de nouer les liens de coopération étroite qui sont nécessaires entre les deux organisations.
Depuis que nous nous sommes rencontrés en décembre dernier, le Canada et l'Union européenne ont
convenu d'établir un mécanisme de consultation trimestrielle sur les questions de défense et de sécurité. Deux
réunions ont déjà eu lieu sous la présidence de la Suède. Du point de vue du Canada, ces rencontres se
révèlent utiles pour l'échange d'informations et d'idées sur les dossiers de la PEDS, et aussi sur d'autres
sujets, comme les Balkans, les dimensions civiles de la gestion des crises et le maintien de la paix dans le
cadre de l'ONU. Nous envisageons une intensification des échanges et de la coopération sur ces questions.
Les initiatives américaines de cadre stratégique et de défense antimissiles
Permettez-moi de dire d'emblée que le Canada se réjouit du processus de consultation que suivent les États-Unis, aussi bien ici à l'OTAN que sur le plan bilatéral avec nous et avec d'autres. Le nouveau cadre
stratégique, y compris la défense antimissile, que le président Bush a proposé dans son discours du 1er mai
ouvre un débat sur les prémisses fondamentales de notre sécurité internationale et sur nos politiques de non-prolifération, de contrôle des armements et de désarmement. Ce sont là des sujets sérieux pour le Canada,
pour l'Alliance et pour la sécurité mondiale.
Il est approprié que ces sujets soient abordés ici, et le Canada est prêt à participer à un échange mesuré et
constructif. Depuis des décennies, le Canada fonde sa politique de sécurité sur la défense collective et la
sécurité coopérative, spécialement à l'OTAN, aux Nations Unies et à l'OSCE [Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe], parce qu'il y voit les garanties d'un monde plus sûr pour tous. Nous accordons aussi
beaucoup d'importance au fait que la non-prolifération, le contrôle des armements et le désarmement sont
cruciaux pour notre sécurité dans cette Alliance. Individuellement et collectivement, les alliés ont joué un rôle
clé en dressant un cadre de règles, défini dans des accords multilatéraux et bilatéraux comme le TNP [Traité
de non-prolifération] et le traité ABM [missile antimissile balistique], qui freinent la course aux armements et
favorisent la stabilité stratégique. Ces accords ont instauré les obligations légales, la transparence et les
mesures de vérification qui facilitent les réductions d'armements et garantissent leur caractère irréversible. En
particulier, tous les alliés sont parties au TNP, qui comporte l'engagement de rechercher l'élimination des
armes nucléaires.
Nous constatons que dans l'environnement de sécurité de l'après-guerre froide, certaines menaces se sont
dissipées alors que d'autres sont apparues ou se sont intensifiées, non pas seulement en ce qui concerne les
armes de destruction massive et les missiles balistiques, mais aussi le terrorisme, les menaces aux
infrastructures critiques et les conflits intérieurs et régionaux. Nous entretenons des préoccupations au sujet de
ces nouvelles menaces et jugeons nécessaire de collaborer pour les évaluer et pour élaborer des approches
globales permettant d'y faire face. Nous sommes prêts à chercher avec nos alliés des moyens de renforcer les
mesures diplomatiques propres à prévenir les conflits, à renforcer la confiance, à accroître la transparence et à
favoriser, avec les autres entités, des relations basées sur des règles adoptées d'un commun accord et
applicables à tous. Il est possible que les défenses antimissiles puissent jouer un rôle dans ce nouvel
environnement. Le bouclier antimissile n'est pas mauvais en soi. Tout dépend de ce qui sera proposé et de la
manière dont il sera poursuivi.
Nous devons discuter, entre nous et avec les autres pays touchés, des options à envisager, de la manière de
les poursuivre et de leur impact éventuel sur nos intérêts généraux en matière de sécurité, ainsi que sur ceux
d'autres pays. Dans une Alliance qui a affirmé l'« indivisibilité de la sécurité », il serait insensé de poursuivre
des options qui amoindriraient notre sécurité, qui ne préserveraient pas les acquis des 30 dernières années sur
les plans de la non-prolifération, du contrôle des armements et du désarmement. Il faut que le résultat de nos
calculs soit positif.
Il ne s'agit pas de précipiter les discussions sur des questions aux répercussions aussi considérables. Il s'agit
d'établir un processus mesuré et constructif à l'OTAN pour échanger des points de vue, pour explorer toutes
les répercussions des différentes options et pour élaborer un cadre stratégique propre à jeter les bases de la
sécurité et de la stabilité au XXIe siècle.
L'élargissement de l'OTAN
L'élargissement est une des adaptations les plus importantes de l'OTAN à l'environnement de sécurité de
l'après-guerre froide. Le plus récent élargissement a renforcé l'Alliance et étendu la zone de stabilité en
Europe. Que ce soit notre critère lorsque nous examinerons la prochaine vague d'élargissement à Prague. Je
tiens à souligner que le Canada préconise un nouvel élargissement de l'Alliance. Nous croyons qu'il faut
discuter maintenant de la nature de l'élargissement que nous souhaitons, et de la façon de procéder pour
préparer les sérieuses décisions qui nous attendent.
Je vous remercie.