ALLOCUTION - M. PAGTAKHAN À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ILLICITE DES ARMES LÉGÈRES SOUS TOUS SES ASPECTS - NATIONS UNIES, NEW YORK
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE REY PAGTAKHAN,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (ASIE-PACIFIQUE),
À L'OCCASION DE LA CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES
SUR LE COMMERCE ILLICITE DES ARMES LÉGÈRES
SOUS TOUS SES ASPECTS
NATIONS UNIES, New York
Le 11 juillet 2001
Nous sommes réunis ici aujourd'hui, à un tournant historique, avec un objectif en tête : remédier aux
souffrances et à l'insécurité provoquées par l'accumulation excessive et déstabilisatrice et la prolifération
incontrôlée des armes légères. La communauté internationale doit, à la faveur de cette conférence, exprimer
son engagement et sa volonté politique de protéger les populations civiles et de mettre un frein à la
prolifération des armes légères dans le monde. Seule l'instauration d'un partenariat véritablement mondial
laisse espérer que nous viendrons à bout de ce problème.
Il s'agit véritablement d'armes de destruction massive. Du fait de leur grande disponibilité, il est maintenant plus
facile qu'avant de participer à des combats, qui sont aussi plus meurtriers, ce qui décuple le coût humain des
conflits. Les armes légères sont faciles à utiliser et à transporter. Elles permettent de transformer facilement
des enfants innocents en machines à tuer, dont l'efficacité donne froid dans le dos. Elles mettent en danger les
militaires, les policiers et les travailleurs humanitaires internationaux, dont le travail consiste à aider les victimes
des conflits. L'insécurité provoquée par l'abus de ces armes peut rendre le développement durable impossible.
Certes, les problèmes que pose leur contrôle sont complexes, mais se résument souvent à une question d'offre
et de demande et, pour tout dire, à la nécessité de mobiliser le courage politique nécessaire pour trouver une
solution.
C'est la première fois que les Nations Unies organisent une conférence internationale sur les armes légères.
Cette rencontre attirera de nouveau l'attention du monde entier sur ce problème jusqu'ici négligé. L'Afrique a
déjà montré la voie dans ce dossier en adoptant la Déclaration de Bamako, à l'instar de l'Amérique latine et des
Antilles en ce qui concerne la Déclaration de Brasilia. En novembre 2000, les pays de l'OSCE [Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe] ont fait un pas dans la bonne direction en s'engageant à prendre
des mesures contre les armes légères. Nous devons mettre à profit ces premiers efforts régionaux et les
intégrer à notre travail. À l'échelle mondiale, le Protocole des Nations Unies sur les armes à feu, qui vient d'être
approuvé, est un outil important qui permet aux pays de collaborer à l'application de la loi visant la lutte contre
le trafic d'armes à feu.
Le Canada croit que le document final de cette conférence devrait renfermer un programme d'action
international pour s'attaquer à tous les aspects du problème des armes légères. Selon le Canada, un plan
d'action efficace doit prévoir des normes pertinentes et une série de mesures concrètes. De cette façon, il aura
une véritable incidence sur la sécurité humaine, puisqu'il réduira le nombre d'armes légères en circulation dans
le monde, en empêchant les transferts d'armement qui posent problème et en favorisant la transparence et
l'ouverture. Le programme d'action devrait être mis en oeuvre aux niveaux international, régional, national et
local, tout en posant les jalons de l'action de la communauté internationale pour l'avenir.
Beaucoup de ces armes sont recyclées, transférées d'une région à l'autre, d'un conflit à l'autre, par des
marchands d'armes sans scrupules qui, dans de nombreux cas, tirent parti des lacunes de la législation ou de
structures nationales de surveillance et de coercition inadéquates. C'est pourquoi cette conférence revêt une
importance déterminante.
Selon nous, le programme d'action doit prévoir des mesures qui rendront plus stricts les contrôles régissant le
transfert licite des armes légères. Ces mesures permettront d'empêcher leur détournement vers des
destinations illicites ou non autorisées, de freiner leur prolifération et de réduire les risques de mauvaise
utilisation.
Il est maintenant généralement admis que les efforts internationaux pour prévenir et combattre le détournement
d'armes vers des marchés illicites se trouveraient renforcés par une amélioration de notre capacité collective
de retracer jusqu'à la source leur itinéraire et d'obtenir une représentation claire de la chaîne des transactions.
Cela permettrait de déterminer à quel moment le commerce licite devient illicite et, ce faisant, de prendre des
mesures énergiques. Selon le Canada, un système international efficace qui facilite le repérage doit comporter
trois éléments clés : des mécanismes pour le marquage adéquat et fiable de toutes les armes; la conservation
adéquate de dossiers sur la production, la possession et le transfert des armes; des accords internationaux
permettant aux autorités compétentes de retracer rapidement et avec certitude les sources
d'approvisionnement.
Aux Nations Unies, les problèmes liés aux armes légères se sont d'abord présentés à la fois comme une
question de désarmement et de maintien de la paix. Or, nous croyons fermement que, dans le cadre du
mandat des opérations de maintien de la paix onusiennes, il faut prévoir des dispositions claires en matière de
désarmement, y compris en ce qui a trait à la collecte des armes et à leur destruction. Dans ce contexte, le
Canada et l'Union européenne ont organisé, il y a deux mois à Ottawa, un atelier sur la destruction des armes
légères dans le contexte des opérations de soutien de la paix. Les participants ont fait des recommandations
concrètes sur la façon dont nous pourrions, avec le concours des Nations Unies et d'autres organisations
internationales, mieux planifier et mettre en oeuvre les activités de destruction. Je suis heureux de vous
présenter leurs recommandations, annexées au texte de mon allocution.
Le Canada croit qu'un plan d'action efficace visant à réduire les stocks excédentaires dans le monde, conjugué
à une gestion adéquate et sécuritaire des stocks nationaux, est essentiel à la réduction des armes légères et à
la prévention de leur trafic illicite.
Qui plus est, il est généralement admis que la majorité des armes légères sont fabriquées, transférées et
vendues dans le respect des lois; ce n'est que plus tard, au cours de leur cycle de vie, qu'elles se retrouvent
sur les marchés illicites. En conséquence, pour lutter avec succès contre le commerce illicite de ces armes,
nous devons nous attaquer au noeud du problème, c'est-à-dire le moment où des armes licites deviennent
illicites. Pour cela, il est essentiel que la communauté internationale ait la capacité de surveiller et de
réglementer leur transfert licite, que ce soit au niveau national, régional ou international.
Imaginez un enfant tué par balle. Imaginez un enfant tuant d'autres personnes. Dans les 10 dernières années,
2 millions d'enfants ont été tués par les armes légères. Quelque 3 millions d'enfants, ayant moins de 18 ans, se
battent activement comme soldats. Nous, Canadiens et Canadiennes, sommes particulièrement préoccupés
par ces réalités humaines.
La prise pour cible des civils, y compris des femmes et des enfants, est l'une des réalités tragiques des conflits
dans le monde d'aujourd'hui. En septembre dernier, lors de la Conférence sur les enfants touchés par la
guerre, tenue à Winnipeg au Canada, il a été convenu que les conséquences des armes légères pour les
enfants exigeaient une action internationale immédiate. Trop souvent, de nos jours, ce n'est pas grâce à un
écran d'ordinateur que les enfants ont leur premier contact avec la technologie du XXIe siècle, mais par
l'intermédiaire d'un canon de fusil. Nous savons que les armes légères menacent directement la vie des
enfants, que bien souvent elles les tuent ou les blessent ou provoquent chez eux un traumatisme psychosocial.
Nous constatons également avec horreur que, en raison des petites dimensions de ces armes et de leur facilité
d'utilisation, les enfants peuvent maintenant servir de combattants au sein de factions armées. C'est ainsi que
des millions d'enfants ne peuvent avoir accès à l'éducation ou à des soins de santé, pourtant essentiels à leur
développement et à leur bien-être. La prolifération et la mauvaise utilisation des armes légères ont en outre de
graves répercussions sur les principaux garants de la sécurité de l'enfant -- sa famille et sa communauté -- le
privant, au bout du compte, de sa liberté, voire de son droit à l'enfance.
Profondément préoccupé par cette réalité, le Canada a commandé une étude sur les conséquences des armes
légères pour les enfants. Les organisations non gouvernementales du collectif Biting the Bullet ont été
chargées de coordonner et de réaliser cette étude. Je suis heureux d'annoncer qu'elle sera rendue publique ce
soir et que tous pourront s'en procurer un exemplaire demain. Nous espérons que les recommandations qu'elle
contient apporteront une contribution utile aux vastes efforts internationaux déployés pour atténuer les effets
négatifs des armes légères sur les enfants.
Le Canada aimerait également saisir cette occasion pour remercier le Royaume hachémite de Jordanie, au
nom du Réseau de la sécurité humaine, qui distribuera une déclaration dans le cadre de cette conférence, qui
exprime la volonté du Réseau d'intensifier et de coordonner les efforts pour soulager les souffrances humaines
provoquées par la prolifération et la mauvaise utilisation des armes légères. Les membres du Réseau, dont le
Canada, considèrent que cette conférence offre une occasion sans précédent de faire avancer l'aspect
pratique de nos travaux et de recueillir le consensus des pays dans ce dossier. La déclaration encourage les
participants à adopter une approche globale et concertée, et à prendre des mesures concrètes. Il faut
maintenant passer à l'action.
Il sera essentiel d'assurer un suivi constant et concret de la mise en oeuvre du programme d'action pour
assurer la crédibilité de nos efforts. Cette conférence devrait conduire à la tenue de rencontres multilatérales
annuelles visant à promouvoir l'échange d'information, la coopération et un « examen orienté vers l'avenir »
des progrès accomplis dans la mise en oeuvre des normes et mesures sur lesquelles nous nous serons
entendus dans le programme d'action. Ce processus devrait être convivial et donner la possibilité de tirer profit
de l'expérience acquise de part et d'autre, ce qui devrait faciliter la mise en place de pratiques exemplaires en
vue d'une action efficace.
Le Canada croit que les organisations non gouvernementales et les autres représentants de la société civile
jouent un rôle primordial dans les efforts internationaux sur la question des armes légères. L'engagement
constructif et soutenu de l'industrie, de la société civile et de tous les acteurs est essentiel à la réussite de cette
conférence et, plus important encore, à la mise en oeuvre du programme d'action. Les problèmes que posent
les armes légères sont complexes et, pour y trouver des solutions, il faudra à la fois faire preuve d'ingéniosité
et de détermination. Les gouvernements ne parviendront pas à les résoudre seuls. Dans ce contexte, nous
préconisons une plus grande coopération entre les gouvernements et la société civile dans les efforts pour
freiner la prolifération des armes légères.
Cette conférence peut être un gage d'espoir pour les victimes du fléau que représentent ces armes. Il nous
incombe à tous d'élaborer un programme d'action qui répond à leurs appels à l'action comme d'agir et de parler
au nom de ceux qui ne peuvent le faire. Il faut que cette conférence débouche sur une action réelle et décisive.
De cette façon, je crois que nous pourrons vraiment changer la vie de millions de gens dans le monde entier.
Je vous remercie.
ANNEXE
Recommandations formulées à l'issue de l'Atelier Canada-Union européenne sur la destruction des
armes légères dans le contexte des opérations de soutien de la paix, le 16 mai 2001, à Ottawa
Les participants à l'Atelier Canada-Union européenne sur la destruction des armes légères dans le contexte
des opérations de soutien de la paix, qui s'est tenu récemment, ont formulé les recommandations suivantes en
vue de la Conférence.
Il est recommandé que :
• l'Organisation des Nations Unies, à la faveur de ses accords de paix négociés et de ses mandats, fasse la
promotion de la collecte et de la destruction rapides des armes légères dans le cadre de toutes ses opérations
de soutien de la paix, notamment à la faveur du désarmement, de la démobilisation et du processus de
réintégration;
• le Canada et les États membres de l'Union européenne recensent les capacités nationales qui leur
permettront de contribuer à la destruction des armes légères dans les opérations de soutien de la paix;
• le Canada et les États membres de l'Union européenne envisagent la création d'unités spéciales (y compris
sur une base bilatérale et multilatérale) pouvant être déployées sur court préavis et possédant les compétences
et le matériel opérationnels et techniques nécessaires; ces unités pourraient être mises à la disposition d'une
opération de soutien de la paix ayant le mandat de détruire les armes légères;
• en plus de commencer la destruction des armes et des munitions, les unités ainsi déployées entreprennent la
formation des membres du personnel de la mission ou de ceux recrutés sur place pour qu'ils puissent assurer
eux-mêmes cette tâche et, éventuellement, utiliser le matériel, et ce, dans les meilleurs délais;
• les initiatives mentionnées ci-dessus soient une contribution importante dans le prolongement de la
Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, qui doit se
tenir du 9 au 20 juillet 2001, à New York;
• conformément au Rapport du secrétaire général des Nations Unies sur les méthodes de destruction, les
Nations Unies élaborent un ouvrage de référence à l'intention des planificateurs et des gestionnaires en ce qui
concerne la destruction des armes légères.