NOTES POUR UNE ALLOCUTIONDE L'HONORABLE JOHN MANLEY,MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,À L'OCCASION D'UNE SESSION EXTRAORDINAIREDE LA CHAMBRE
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NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION D'UNE SESSION EXTRAORDINAIRE
DE LA CHAMBRE
OTTAWA (Ontario)
Le 17 septembre 2001
Monsieur le Président, chers concitoyens, chers amis,
Le 11 septembre 2001, la face du monde a changé -- pour le Canada et pour toute la planète. Notre ami et
plus grand allié a été sauvagement attaqué; des milliers d'innocents ont été assassinés, et c'est l'humanité
entière qui est aujourd'hui meurtrie.
Toutes les Canadiennes et tous les Canadiens, qu'ils se trouvent au pays ou à l'étranger, ont été touchés au
plus haut point par les événements. Nos vies sont marquées à tout jamais. Vendredi dernier, 100 000
Canadiens se sont rassemblés sur la colline du Parlement pour partager leur chagrin.
Je me trouvais dans un avion au-dessus de l'Atlantique lorsque l'équipe de bord m'a discrètement pris à l'écart
pour m'apprendre la terrible nouvelle au sujet des événements qui venaient de se produire à New York, à
Washington et en Pennsylvanie. Je n'ai pas de mots pour décrire ce que j'ai ressenti lorsque j'ai été mis au
courant de cette horrible catastrophe, qu'il fallait cacher à tout prix aux centaines de passagers assis avec moi
à bord du 747, sans mentionner le sentiment d'irréalité qu'a provoqué cette situation.
Nous partageons la souffrance, la tristesse et le deuil que vit la population américaine et nous partageons ces
mêmes sentiments avec les Canadiens qui ont été touchés de façon très directe. À l'heure actuelle, nous
estimons qu'entre 40 et 75 Canadiens sont portés disparus, victimes présumées de ces actes de lâcheté.
Notre peine est profonde et notre sympathie vient du fond de notre coeur. Notre solidarité est indéfectible, tout
comme l'est notre résolution à agir.
Les Canadiennes et les Canadiens ont réagi chacun à leur façon. Ils ont offert leur aide, ont fait parvenir des
fleurs et des cartes dans les ambassades et les consulats et ont cherché consolation dans les offices religieux.
On disait de ces attaques tragiques contre le World Trade Centre et le Pentagone, de même que du
détournement d'un autre avion qui, de l'avis de nombreuses personnes, devait s'écraser sur un édifice de la
capitale américaine, qu'il s'agissait d'actes perpétrés « au hasard » et « sans aucune signification ».
Mais ce n'était pas le cas.
La façon dont cette attaque sans pitié et extrêmement bien orchestrée a été planifiée et exécutée est à la fois
déconcertante et extrêmement inquiétante. C'était une attaque contre la démocratie même.
Nos valeurs fondamentales et nos principes les plus élémentaires ont été violés, et, pire encore, notre
population a été attaquée. Cela va à l'encontre de l'essence même de tout ce que les Canadiens chérissent.
C'est cela que les terroristes ont voulu détruire -- mais nous ne leur permettrons jamais d'y parvenir -- dans
notre société, au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord [OTAN] ainsi que dans la communauté
mondiale de nations justes et démocratiques et de peuples tolérants et respectueux des lois.
Nous sommes maintenant en guerre contre le terrorisme -- mais cette guerre diffère de toutes les guerres que
nous avons connues auparavant. Nous devons être précis, même froids dans nos actions et prêts à utiliser
toutes les ressources à notre disposition -- diplomatiques, juridiques, financières et militaires -- pour
combattre ce fléau. Dans notre détermination à punir les coupables, nous devons extirper les racines du mal
sans susciter la création d'une nouvelle armée d'ardents extrémistes.
Il faut répondre à l'outrage -- et nous y répondrons. Notre réponse doit être mesurée, bien pensée, mais elle
doit être aussi catégorique et très ferme.
Les attaques terroristes aux États-Unis ont des répercussions profondes sur la sécurité et la prospérité du
Canada, sur notre façon de nous gouverner et sur le mode de vie qui sera dorénavant celui des Canadiens.
Cependant, nous ne vivrons pas dans la peur et nous ne laisserons pas cette peur dicter nos actions et nos
réactions. Nous sommes une nation régie par des principes, et notre politique étrangère ainsi que nos
pratiques demeurent enracinées dans ces principes.
Néanmoins, nous ne pouvons nous bercer de l'illusion que la vie sera toujours la même.
Dans les jours et les semaines qui viendront, nous devrons essayer de voir au-delà de ces événements
horribles pour essayer de comprendre ce que tout cela signifie pour notre pays et pour le monde entier, à
compter de maintenant.
Pour notre démocratie, la question la plus pressante est de savoir comment atteindre, dans les nouvelles
circonstances, l'équilibre entre la liberté individuelle -- pilier de notre société démocratique -- et notre devoir
de protéger les citoyens. Notre réaction aura des répercussions dans tous les aspects de la vie.
Notre sécurité -- au sens le plus large, c'est-à-dire politique, économique et militaire -- est inextricablement
liée à celle des États-Unis. Pas seulement à cause de l'OTAN et de la Défense aérospatiale de l'Amérique du
Nord [NORAD], ni parce nous avons une frontière commune ou que nos liens commerciaux sont les plus
importants qui soient au monde. Nous sommes liés par des valeurs et des idéaux politiques communs. Et nous
entendons défendre ces valeurs qui nous unissent -- c'est-à-dire, nos sociétés elles-mêmes.
Le gouvernement et la population du Canada ont témoigné leur solidarité indéfectible avec les États-Unis.
Notre engagement est total, et nous leur apporterons un soutien sans faille.
De concert avec nos alliés les plus fidèles, nous avons décidé d'invoquer l'article V de la Charte de l'OTAN, et
ce pour la première fois en 52 ans depuis la création de l'Alliance. Cette démarche traduit bien la volonté
inébranlable de tous les membres de l'Alliance d'agir en légitime défense contre ce fléau.
Les auteurs de ces atrocités, ainsi que ceux qui les soutiennent ou les abritent, devront répondre de leurs
actes. Les Nations Unies et le Conseil de sécurité de l'ONU ont formulé ce point en condamnant avec force ces
attaques. Cette question figurera, sans aucun doute, parmi les principales priorités du programme d'action du
G8 l'année prochaine, alors que le Canada en assurera la présidence.
C'est là la voie du multilaréralisme.
Il est indispensable que la communauté internationale fasse cause commune. Il ne suffit pas de reconnaître
verbalement la primauté du droit. Ceux qui violent les règles les plus élémentaires du comportement humain
doivent en subir les conséquences.
Fondamentalement, il s'agit là aussi d'une crise humaine.
Dès les premières heures de la crise, nous avons apporté notre aide aux Canadiennes et aux Canadiens qui
se sont trouvés sur les lieux de ces événements tragiques. Le personnel du consulat à New York ainsi que les
employés d'Ottawa et d'ailleurs ont travaillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour répondre à leurs
inquiétudes. Je remercie tous les députés et tous les sénateurs pour leur aide, au nom de leurs électeurs
respectifs.
La réponse des Canadiennes et des Canadiens face à cette tragédie a été une source de fierté pour nous tous.
Les Canadiens ont affirmé leurs valeurs en faisant don de leur sang, en offrant leurs services, en accueillant
dans leurs villes et même dans leurs foyers plus de 40 000 voyageurs coincés et inquiets, qui ont été dirigés
vers le Canada la semaine dernière. Le président George Bush ainsi que le secrétaire d'État Colin Powell ont
exprimé à cet égard leur gratitude au peuple canadien.
Il s'agit d'un moment déterminant pour le Canada et pour le monde dans lequel nous vivons. La réaction à
cette tragédie sans précédent exigera un jugement sûr, une conviction inébranlable et un courage
extraordinaire.
Le moment est venu pour toutes les Canadiennes et tous les Canadiens de réfléchir, de réaffirmer nos valeurs
et d'agir.
De réfléchir -- aux conséquences de ces événements tragiques pour le Canada et pour toutes les nations de
la planète.
De réaffirmer -- nos valeurs, nos liens les plus étroits et nos alliances les plus importantes.
D'agir -- pour veiller à ce que les coupables répondent de leurs actes, et que le monde sorte de cette épreuve
plus sûr et plus pacifique.
Je vous remercie.