M. PAGTAKHAN - ALLOCUTION À L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE 2001 DU RÉGIME DE CONTRÔLE DE LA TECHNOLOGIE RELATIVE AUX MISSILES - OTTAWA (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE REY PAGTAKHAN,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (ASIE-PACIFIQUE),
À L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE 2001
DU
RÉGIME DE CONTRÔLE DE LA TECHNOLOGIE
RELATIVE AUX MISSILES
OTTAWA (Ontario)
Le 25 septembre 2001
Je suis heureux d'avoir le privilège de me joindre à vous cet après-midi. Le Canada est honoré
d'assumer la présidence du Régime de contrôle de la technologie relative aux missiles [RCTM] à cet
important moment de l'histoire du Régime. Nous nous engageons à prendre cette responsabilité très
au sérieux.
Nous vivons des temps troublés et difficiles. Il y a deux semaines aujourd'hui, l'impensable s'est
produit. Des terroristes ont détourné quatre avions de ligne aux États-Unis et les ont transformés en
instruments de terreur et de mort. À New York, à Washington et en Pennsylvanie, des milliers de vies
innocentes ont été perdues, des milliers de personnes ont été évacuées; le World Trade Centre s'est
écroulé; et le bâtiment du Pentagone a brûlé. Ces événements ont suscité un chagrin universel et
incommensurable.
La dimension et le barbarisme sans précédent de ces attentats haineux ont choqué la conscience
collective des nations civilisées et nous ont atteints au coeur. Mais ils n'ont pas entamé notre moral. Ils
ont au contraire galvanisé la détermination collective de la communauté internationale en faveur de ce
qui sera, nous le savons, une lutte à long terme et de tous les instants contre le terrorisme.
Les pays membres du RCTM ont un rôle spécial à jouer pour veiller à ce que terrorisme et missiles ne
s'associent jamais. Le Régime est la ligne de front dans la lutte contre la prolifération des missiles --
une véritable stratégie préventive. Et dans cette lutte, la coordination des contrôles nationaux à
l'exportation reste une de nos armes les plus puissantes.
Il est hors de tout doute que la coordination des activités nationales des pays du RCTM -- 7 à l'origine,
aujourd'hui 33 -- en matière de délivrance de licences d'exportation a réussi à entraver l'acquisition de
missiles et de technologies connexes par des pays préoccupants. Indéniablement, le RCTM a eu l'effet
désiré sur la cadence de la prolifération et, dans certains cas, il a joué un rôle déterminant dans les
efforts visant à convaincre des États clés d'abandonner leurs programmes de mise au point de
missiles balistiques.
Depuis 15 ans, les partenaires du RCTM restent vigilants dans leur surveillance du transfert des
systèmes de missiles capables de transporter des armes de destruction massive et du transfert de
l'équipement, des matériaux et des technologies utilisés pour mettre au point de tels systèmes. Mais le
RCTM peut faire plus -- et il le fera ici même à Ottawa.
Le RCTM peut résoudre des questions techniques qui se posent depuis longtemps, mieux coordonner
les efforts des partenaires dans des domaines clés, renforcer la coopération, le dialogue et la
communication avec les pays non-membres et avec le public, et adopter des approches multilatérales
et englobantes pour mettre au point, appliquer, faire connaître et accepter des systèmes internationaux
basés sur des règles.
Les partenaires doivent redoubler leurs efforts afin de résoudre les questions techniques qui se posent
depuis longtemps, comme la définition de « rayon d'action » et de « charge utile » à propos des
missiles balistiques.
Il est essentiel que tous les partenaires comprennent de la même façon ces concepts fondamentaux
pour que le RCTM atteigne son but, soit la non-prolifération des missiles.
En oeuvrant pour un but politique commun et avec une même détermination, nous sommes persuadés
que nous pourrons appliquer avec succès nos connaissances techniques -- incarnées par nos experts
techniques -- à la recherche d'une solution à ces problèmes et à d'autres difficultés complexes durant
nos travaux ici à Ottawa.
En tant que président, le Canada encouragera les partenaires du RCTM à renforcer leurs efforts de
coordination dans certains secteurs clés, notamment dans l'application des contrôles à l'exportation et
dans l'échange d'information. Dans ce dernier domaine, le Canada se réjouit qu'à la séance d'échange
d'information de cette année, on se soit penché, non seulement sur les profils de pays et sur les
tentatives faites par des pays préoccupants pour obtenir des articles restreints par le RCTM, mais aussi
sur la nature changeante de la menace de prolifération des missiles, la coopération entre les pays
touchés par la prolifération, les goulots technologiques et le recensement des voies de transport et des
pays de transit.
Le Canada encouragera les partenaires à poursuivre leur fort utile échange d'information entre les
séances. La mise en commun de l'information est fondamentale dans tout effort collectif face à une
menace. Nous sommes convaincus qu'un échange d'information plus intense permettra aux
partenaires de renforcer leurs contrôles nationaux et nous aidera tous à empêcher que nos
exportations d'articles contrôlés par le RCTM ne contribuent à la prolifération des missiles.
Le Canada se félicite particulièrement que l'assemblée plénière de cette année inclue pour la première
fois une conférence d'experts en application du RCTM. Les douaniers et les policiers qui surveillent
nos frontières sont notre première ligne de défense contre la prolifération des missiles. Nous comptons
sur eux pour intercepter toute technologie relative aux missiles et pour en empêcher le transfert non
autorisé.
Le Canada estime que cette assemblée inaugurale donnera aux experts en application du Régime une
occasion utile et productive de se rencontrer, d'échanger leurs expériences, de rendre compte de cas
et de tendances en matière d'approvisionnement et de discuter de l'évolution de l'application des
régimes de contrôle des exportations. Nous croyons qu'elle favorisera l'amélioration des contacts
entre les autorités chargées de l'application du Régime dans tous les pays partenaires et débouchera
ainsi sur une coopération plus efficace entre eux. Cette assemblée plénière voudra peut-être
encourager la tenue d'assemblées similaires à l'avenir.
Il ne suffit pas, cependant, de concentrer nos efforts sur le renforcement de la coopération entre les
pays du Régime. Il faut aussi intensifier notre coopération, notre engagement et notre communication
avec les pays non-partenaires et aussi avec le public. En fait, la présidence canadienne cherchera en
priorité à poursuivre et à élargir le dialogue sérieux avec les non-partenaires qu'ont ouvert nos
prédécesseurs. Nous continuerons d'informer les non-partenaires et le public sur les buts du Régime
et d'essayer d'en rendre les opérations plus transparentes. Ces efforts, nous en sommes convaincus,
aideront à dissiper les idées fausses concernant le RCTM.
Il faut insister sur le fait que les contrôles du RTCM ne visent pas à entraver les programmes
aérospatiaux pacifiques ou la coopération internationale à leur sujet.
Tous les partenaires du RCTM acceptent -- approuvent en fait -- le droit souverain des États à tirer
profit de l'utilisation commerciale de l'espace. Les contrôles du RCTM ne visent pas à limiter l'accès
aux technologies nécessaires au développement économique ou aux avantages de l'utilisation
pacifique de l'espace. Les Lignes directrices du RCTM contribuent plutôt à assurer aux fournisseurs
qu'ils peuvent ouvrir l'accès à leur technologie sans que celle-ci soit détournée vers des programmes
visant à constituer des systèmes de missiles balistiques capables de transporter des armes de
destruction massive.
C'est là le but fondamental du Régime, et il ne faut pas avoir peur de l'exprimer et de le défendre. Il ne
s'agit de rien de plus que d'un usage responsable de ces technologies par tous.
À titre de président, nous devons nous rappeler qu'il nous incombera de communiquer avec les pays
non-membres sur diverses questions, et notamment de les informer des résultats de cette assemblée
plénière. Mais nous estimons qu'il nous incombe également d'encourager les non-membres à se
rapprocher du Régime, y compris en observant les lignes directrices du RCTM sur les transferts de
missiles et de technologies connexes.
Dans cet ordre d'idées, le Canada estime que les activités de communication du Régime devraient
tendre à fournir aux non-partenaires une assistance pratique -- par des séminaires ou des ateliers
techniques -- pour leur permettre de prévenir la prolifération des missiles. Nous allons demander l'aval
des partenaires à l'assemblée plénière pour agir en ce sens.
L'importance que le Canada attribue aux activités de communication reflète notre attachement général
aux approches multilatérales et englobantes de la diplomatie et de la résolution des problèmes
auxquels nous faisons face en ce nouveau siècle. Sur le front de la non-prolifération, du contrôle des
armements et du désarmement, cela veut dire renforcer les systèmes internationaux basés sur des
règles, en assurer l'application intégrale, promouvoir l'acceptation des normes et renforcer les
mesures de transparence et de vérification, parce qu'elles sont les meilleurs moyens d'assurer notre
sécurité collective et de prévenir la propagation des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.
Il est particulièrement urgent d'agir au niveau multilatéral contre la prolifération des missiles.
Contrairement au cas des armes de destruction massive, où des traités et des conventions prescrivent
des normes qui sont appliquées au moyen de divers mécanismes de vérification et autres, aucun
instrument ou accord multilatéral ne définit la distinction entre les activités relatives aux missiles qui
sont acceptables et celles qui ne le sont pas.
On se penche depuis de nombreuses années sur ce problème, de manière formelle et informelle, dans
le cadre du RCTM. Le Canada espère qu'il sera bientôt résolu définitivement.
Plus récemment, depuis 1999, le RCTM délibère sur un cadre de principes, d'engagements, de mesures
de confiance et d'approches coopératives qui constituerait un code international de conduite contre la
prolifération des missiles balistiques. S'il était mis en vigueur, un tel code international de conduite
[CIC] serait le premier accord multilatéral normatif sur la restriction de la prolifération des missiles
balistiques. Depuis l'assemblée plénière d'Helsinki, l'an dernier, la présidence du RCTM et les pays
membres -- individuellement et collectivement -- discutent d'un projet de CIC avec les pays non-membres du RCTM dans l'espoir de les engager dans un vaste effort commun en faveur d'un accord
sur un instrument multilatéral ouvert à tous les États.
Il est maintenant temps de passer à l'étape suivante. Le RCTM doit mettre la dernière main au CIC ici à
Ottawa cette semaine, puis l'ouvrir à de véritables négociations internationales. Ces négociations
doivent être ouvertes à tous les pays et se dérouler sous le signe de l'égalité et de la transparence.
Le processus doit être ouvert, mais non indéfini. Il faut fixer une échéance pour la conclusion des
négociations. Il est plus urgent que jamais d'établir une norme universelle pour l'activité relative aux
missiles.
À ceux qui disent que le Code international de conduite ne suffit pas, qu'il ne réglera pas le problème
de la prolifération des missiles, je réponds : « J'en conviens. » Le Code de conduite, après tout, ne sera
pas un instrument légalement contraignant, et ne comportera pas de mesures d'application.
À ceux qui soulignent les lacunes du projet de code de conduite, cependant, je soulignerai à mon tour
tout ce qu'il nous apporterait que nous n'avons pas jusqu'ici. S'il était appliqué par un large éventail de
pays, il établirait une première norme internationale en matière d'activités relatives aux missiles,
améliorerait la transparence en ce qui a trait aux activités relatives aux missiles et aux véhicules de
lancement spatial et favoriserait la confiance entre les pays. Le résultat serait une sécurité accrue pour
tous.
Le Canada croit donc fermement que l'adoption d'un code international de conduite comme celui qui
est proposé serait un événement marquant dans le contexte mondial de la non-prolifération et du
désarmement. Ce Code comblerait un vide énorme dans notre régime de non-prolifération et
marquerait la première étape d'un exercice de normalisation à long terme.
En orientant les efforts futurs en faveur de la non-prolifération des missiles, nous ne devons pas nous
concentrer seulement sur le projet de code international de conduite ou le RTCM. Deux autres tribunes
sont apparues récemment qui encouragent l'examen multilatéral de la prolifération des missiles, et
l'action connexe.
La première est une proposition russe concernant un système de contrôle international, qui
comporterait une action concrète sur les plans de la notification préalable des lancements, des
mesures incitatives et un mécanisme de consultation permanente. La seconde est le groupe d'experts
gouvernementaux de l'ONU qui s'est réuni pour la première fois l'été dernier. Le Canada participe à ces
deux initiatives; nous croyons qu'elles créent des occasions utiles de faire collaborer un large éventail
de pays dans le dossier de la non-prolifération des missiles.
Je conclus par où j'ai commencé. Le RTCM est en première ligne dans la lutte contre la prolifération
des missiles. Le RCTM reste en effet le moyen multilatéral le plus efficace et le plus fiable de contenir la
prolifération des missiles balistiques et des missiles de croisière capables de transporter des armes de
destruction massive.
Je tiens à remercier nos partenaires du RCTM d'avoir confié au Canada la présidence du Régime pour
cette année.
Nous comptons sur votre partenariat, votre coopération, votre expertise et votre sagesse alors que
nous assumons la présidence et que nous nous préparons à avancer sur le plan pratique au cours de
l'année qui vient.
Les terribles événements d'il y a deux semaines nous ont appris plusieurs leçons. Ils nous ont appris
notamment que la coopération -- entre tous les gouvernements, toutes les collectivités, toutes les
cultures et tous les peuples -- est pour la communauté mondiale le seul moyen de relever les divers
défis auxquels nous faisons face dans notre recherche de la justice et de la paix, d'une mesure
préventive autant que d'un remède.
Un but commun, une résolution commune, une volonté ferme d'agir et un véritable partenariat, voilà ce
dont nous avons besoin en ces temps difficiles.
Nous avons du pain sur la planche pour les jours, les mois et les années à venir. Nous ne devons pas
sous-estimer les défis que pose la lutte contre la prolifération des missiles. Les enjeux sont si
considérables pour l'humanité et le prix éventuel d'un échec est si lourd. Puisons une force renouvelée
dans la récente vague de terreur que nous avons tous vécue il y a deux semaines. Faisons cause
commune et allons de l'avant, bien déterminés à nous montrer à la hauteur des circonstances.
Nous voulons collaborer avec vous dans cet esprit. Nous pourrons alors regarder l'avenir avec
optimisme et confiance, persuadés que la paix et la sécurité prévaudront.
Je vous remercie.