M. PETTIGREW - ALLOCUTION À L'OCCASION DU FORUM DIPLOMATIQUE DE 2001 - VICTORIA (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
AU FORUM DIPLOMATIQUE DE 2001
VICTORIA (Colombie-Britannique)
Le 23 novembre 2001
J'apprécie sincèrement, en tant que ministre du Commerce international du Canada, de pouvoir m'adresser à
des diplomates, autrement dit, à des femmes et à des hommes du monde entier qui travaillent au Canada au
nom de leur pays.
Nous sommes tous attachés à l'internationalisme et nous tenons tous à renforcer les idéaux que sont la
transparence, l'entente et la coopération entre les peuples et les nations.
Ces idéaux ont été attaqués le 11 septembre, avec des conséquences dévastatrices. En tant que personnes,
en tant que pays, nous sommes encore bouleversés par ces attentats déplorables et par leurs répercussions
déstabilisatrices. Et pourtant, même attaqués, ces idéaux, ceux-là même qui ont toujours servi de base au
travail diplomatique, restent plus inébranlables que jamais.
Un rassemblement comme celui-ci en est l'illustration parfaite. Il symbolise notre volonté commune de favoriser
une plus grande entente internationale. Et, fait tout aussi important, ce forum montre notre détermination à
accomplir notre travail en dépit de la nouvelle incertitude avec laquelle nous vivons tous.
Doha : Ce qui a été accompli et ce que cela signifie
Ce qui a été accompli la semaine dernière à Doha, au Qatar, à la réunion ministérielle de l'Organisation
mondiale du commerce, marque une nouvelle victoire pour celles et ceux qui sont favorables à une plus grande
entente et à une plus grande coopération internationale, ainsi qu'à la poursuite de la libéralisation des
échanges internationaux.
Il ne fait aucun doute que le succès de la réunion tenait au climat de coopération qui y régnait et qui a permis
aux gouvernements participants de faire passer les besoins de la communauté internationale dans son
ensemble avant leurs propres intérêts nationaux limités. De toute évidence, les pays membres de l'OMC
savaient qu'au lendemain des attentats du 11 septembre et au milieu de la récession économique actuelle, il
fallait faire savoir que l'OMC et le système commercial multilatéral sont importants pour notre bien-être
commun.
En outre, la crise afghane actuelle montre encore plus quel gouffre sépare les pays riches des pays pauvres, et
elle rappelle qu'il est urgent d'agir pour le combler. Tous ces facteurs ont fait du 14 novembre 2001 une
journée historique.
Ce jour-là, le Canada et les 141 autres pays membres de l'OMC ont convenu de lancer une nouvelle série de
négociations commerciales internationales qui aura pour objectif clair et primordial de veiller à ce que l'on
tienne compte des intérêts et des besoins des pays en développement dans la poursuite de la libéralisation
des échanges commerciaux.
Dans leur Déclaration, les ministres de l'OMC ont réussi à parler des principaux objectifs et préoccupations de
tous les membres. Ce consensus remarquable est aussi une victoire de l'inclusion, de la transparence et de la
coopération.
Accord historique sur les subventions agricoles
Pour parler clairement, nous avons réussi à clore le chapitre de Seattle parce que nous avons pris au sérieux
les leçons de cet épisode.
Nous avons aplani les différends entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest qui avaient entraîné l'échec de la
réunion de Seattle. Prenons tout d'abord le clivage Est-Ouest qui tourne autour de l'agriculture, dossier
controversé et brûlant.
En ce qui concerne cette question importante, la réunion au Qatar représente une étape historique. En effet,
pour la toute première fois, à Doha, les 142 pays membres de l'OMC se sont engagés à négocier afin de
réduire les subventions à l'exportation et ce, dans l'optique de leur suppression progressive éventuelle. Ils se
sont également engagés à réduire considérablement les subventions intérieures, qui déséquilibrent les
marchés, et à améliorer sensiblement l'accès aux marchés.
Je suis très fier que le Canada ait pu jouer un rôle constructif et positif en aidant à trouver la base du
consensus éventuel sur le texte sur l'agriculture.
Bien entendu, malgré les résultats positifs obtenus au Qatar, de difficiles négociations nous attendent. Doha ne
faisait que marquer le lancement d'un cycle et pas la conclusion de quoi que ce soit. Cependant, le lancement
d'une série de négociations générales signifie que nos efforts internationaux à l'OMC peuvent davantage porter
fruit que si aucun cycle n'avait été lancé, et cela est une très bonne nouvelle pour les agriculteurs canadiens.
Programme de développement de Doha : Aider les pays en développement
Sur le front Nord-Sud, les résultats se résument en quelques mots : Programme de développement de Doha.
Le Programme de développement de Doha, car c'est ainsi que nous avons appelé cette série de négociations
de l'OMC, contribuera à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté dans les pays en
développement. De plus, il répond aux inquiétudes de ces derniers en ce qui concerne l'accès aux marchés
pour les produits agricoles et industriels.
Une déclaration précise clarifie les règles de l'OMC en ce qui a trait à la propriété intellectuelle et confirme
qu'elles devraient donner plus de latitude aux pays confrontés à des crises de santé publique et faciliter l'accès
aux médicaments pour tous les pays membres de l'OMC.
Ces résultats vont dans le sens des objectifs relatifs à la croissance et au développement que le Canada avait
décidé de négocier à Doha. À mon sens, ils offrent amplement l'occasion aux pays en développement de
recueillir des avantages économiques importants.
Le Canada a atteint tous ses grands objectifs à Doha
En plus d'obtenir les résultats espérés sur le plan de la croissance et du développement et des engagements
en ce qui concerne la réduction des subventions agricoles, je suis heureux de dire que le Canada a atteint tous
ses autres grands objectifs à Doha.
En fait, les ministres de l'OMC se sont également engagés à négocier l'accès aux marchés non agricoles; à
tenir un calendrier ferme et réaliste en ce qui concerne les négociations sur les services; à négocier en vue
d'améliorer les disciplines relatives aux mesures antidumping, aux programmes de subventions et aux mesures
compensatoires; et à négocier afin d'améliorer le Mémorandum relatif au règlement des différends, selon un
calendrier accéléré.
De plus, les pays membres ont reconnu l'importance de la transparence dans le fonctionnement de l'OMC et
de la cohésion dans l'élaboration des politiques économiques internationales. Nous avons également réaffirmé
notre déclaration de Singapour sur les normes de travail minimales et exprimé notre soutien à l'Organisation
internationale du travail [OIT] dans sa tâche relative à la dimension sociale de la mondialisation.
Notre Déclaration contient également une réaffirmation vigoureuse de l'objectif de développement durable ainsi
que de notre volonté de mener des négociations équilibrées et de poursuivre le travail sur un certain nombre
de questions environnementales. Elle indique aussi que nous sommes d'accord pour prolonger jusqu'à la
cinquième réunion ministérielle le moratoire sur les droits de douane à percevoir pour les transmissions
électroniques.
Et enfin, notre gouvernement a démontré une fois de plus l'importance qu'il attache à la participation en
donnant aux Canadiens l'occasion de s'exprimer dans les mois qui ont précédé la réunion ministérielle.
À Doha, par exemple, divers intérêts étaient représentés parmi les conseillers de la délégation, et mon
collègue, le ministre de l'Agriculture Lyle Vanclief, et moi-même avons personnellement informé tous les jours
les gens d'affaires et les organisations non gouvernementales [ONG], à Doha et au Canada, et nous avons
reçu instantanément des commentaires sur nos progrès.
Quant à l'avenir, il est évident que le succès de Doha n'est qu'un commencement et qu'une tâche ardue nous
attend encore. Et, à mesure que nous avancerons, après ce moment historique, nous ne devrons pas oublier
que d'autres questions commerciales se poseront et qu'il faudra faire preuve de persistance et de
détermination pour les résoudre.
Bois d'œuvre
Le différend sur le bois d'œuvre qui nous oppose aux États-Unis est une de ces questions commerciales que le
Canada s'efforcera de régler dans les semaines et les mois à venir. J'aimerais saisir cette occasion pour vous
informer des derniers développements de ce différend qui se classe en tête de mes priorités depuis plusieurs
mois. J'aimerais aussi vous exposer brièvement la stratégie qu'applique le gouvernement du Canada avec
notre industrie du bois d'œuvre et avec le gouvernement de la Colombie-Britannique.
Je ne mâcherai pas mes mots. Les décisions américaines qui visent notre industrie du bois d'œuvre ne sont
pas fondées et elles sont injustement punitives. Il faut dire également qu'en ces temps difficiles, il est
particulièrement troublant de nous trouver confrontés une fois de plus à des mesures prises par les États-Unis
contre nos exportations de bois d'œuvre.
Si nous regardons la conjoncture économique nord-américaine, il est évident que le moment est mal choisi,
surtout après les attentats du 11 septembre, pour déstabiliser les marchés de ce secteur clé et les accabler de
droits injustifiés. Je suis également très conscient de l'effet que les droits américains ont sur les producteurs de
bois d'œuvre de la Colombie-Britannique, sur les travailleurs des scieries et sur les dizaines de collectivités de
cette province qui dépendent du libre-échange dans le secteur du bois d'œuvre.
Je suis tout particulièrement sensible au sort des milliers de familles qui dépendent du libre-échange dans ce
secteur pour gagner leur vie, payer leurs factures et élever leurs enfants.
De plus, aussi incroyablement punitives que soient les mesures commerciales américaines pour la Colombie-Britannique et, en fait, pour toutes les régions du Canada, elles touchent aussi les consommateurs américains
de bois d'œuvre canadien.
Elles nuisent également à ceux dont l'emploi aux États-Unis dépend de la construction résidentielle, par
exemple, et aux nombreuses familles qui souhaitent acheter une maison à un prix abordable. En fait, nous
savons tous trop bien que les mesures commerciales américaines nuisent à beaucoup et ne profitent qu'à un
très petit nombre.
En voyant ces mesures continues et les droits compensateurs et antidumping cumulés de 32 p. 100, on me
demande souvent quel est l'avenir de notre industrie. Pour répondre à cette question, j'aimerais expliquer ce
que fait le gouvernement fédéral conjointement avec nos gouvernements provinciaux et avec les dirigeants de
notre industrie pour défendre au mieux les intérêts de notre secteur du bois d'œuvre.
Personne au Canada ne se réjouit du différend qui nous oppose aux États-Unis, mais nous ne pouvons rester
les bras croisés à ne rien faire alors qu'un secteur d'activité clé de notre pays fait les frais de la situation. Avec
16 000 emplois perdus à ce jour et quelque 15 000 autres en suspens, nous devons nous défendre en utilisant
tous les moyens possibles.
Le gouvernement du Canada, en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et
notre industrie, suit une double stratégie pour défendre cette dernière.
Tout d'abord, nous contestons les mesures prises par les États-Unis et nous exerçons nos droits à l'OMC. Plus
précisément, nous contestons six dispositions de la politique et du droit américains qui concernent nos
producteurs, ainsi que les décisions récentes du Département américain du commerce que nous estimons
contraires aux règles du commerce international.
J'ai dit maintes fois que le Canada est partisan d'un système commercial où des règles claires et équitables
guident nos relations commerciales. Nous pensons, en l'occurrence, que les règles que nous avons négociées
dans le cadre de l'ALENA et de l'OMC montreront clairement que les allégations américaines ne sont pas
fondées, tout comme cela a été reconnu à trois reprises auparavant.
Après l'imposition des droits compensateurs, le 10 août dernier, j'ai annoncé que le gouvernement du Canada
continuerait d'utiliser tous les mécanismes à sa disposition, y compris toutes les mesures légales possibles en
vertu de l'OMC, pour combattre les mesures commerciales prises à l'encontre du bois d'œuvre par les États-Unis. Notre contestation est essentielle pour que les règles internationales s'appliquent aux mesures
américaines afin que les fondements juridiques de la position qui est depuis longtemps la nôtre en ce qui
concerne le bois d'œuvre puissent être fermement établis.
Nous entendons bien continuer de combattre les mesures commerciales américaines dans toutes les instances
juridiques possibles. Nous ne céderons pas devant des allégations injustifiées fondées sur le protectionnisme.
Notre industrie veut, exige et mérite le libre-échange dans le bois d'œuvre. Et donc, mon gouvernement
continuera d'agir le plus vigoureusement possible pour faire en sorte que les droits de notre industrie et les
emplois qui en dépendent soient préservés.
C'est pourquoi nous nous sommes battus pour le système réglementé de l'OMC et de l'ALENA et nous
poursuivons le même objectif à présent dans l'initiative de la Zone de libre-échange des Amériques.
Afin de trouver une solution durable à nos différends commerciaux et de ramener une paix commerciale en
Colombie-Britannique et dans tout le Canada, le deuxième volet de notre stratégie consiste à continuer de
dialoguer avec les États-Unis sur les questions relatives au bois d'œuvre.
En poursuivant ce dialogue avec les États-Unis, nos objectifs sont d'examiner les causes profondes de nos
différends dans le secteur du bois d'oeuvre et de trouver un règlement durable autre qu'une procédure, afin de
ne pas être confronté à ce différend commercial tous les cinq ans environ. Nous souhaitons une solution
durable des différends sur le bois d'œuvre.
Plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique, envisagent de modifier leur régime de gestion forestière, et
elles se sont jointes à nous dans l'examen de ces projets avec les États-Unis. L'industrie est consultée à
chaque étape, tant par les provinces concernées que par le gouvernement fédéral.
Ces discussions qui se déroulent dans la transparence avancent à un rythme établi par les provinces et les
associations industrielles elles-mêmes et portent essentiellement sur les pratiques provinciales. J'ai rencontré
dernièrement la Fédération canadienne des municipalités, à Ottawa. Étaient présents des maires et des
politiciens municipaux de tout le Canada, y compris de Colombie-Britannique, qui m'ont fait part de leur
inquiétude au sujet du différend commercial. Ils ont déclaré appuyer notre double stratégie, qui consiste à
obtenir le libre-échange dans le bois d'œuvre et à remettre leurs collectivités sur pied. Ensemble, nous avons
pris l'engagement de continuer à préconiser le libre-échange dans le bois d'œuvre à tous les niveaux aux
États-Unis.
La semaine dernière, au Qatar, j'ai rencontré l'ambassadeur Robert Zoellick et je lui ai fait part de ce que
j'entends dans nos collectivités. J'ai également rencontré, il y a peu, à Ottawa, Marc Racicot, le représentant
spécial du président Bush pour le bois d'œuvre, et je lui ai rapporté franchement ce que les représentants de
notre industrie me disent.
Selon lui, nous pourrions savoir d'ici la mi-décembre si un accord est possible. Je poursuivrai ce dialogue, tout
comme le premier ministre, qui a abordé le sujet avec le président Bush à plusieurs reprises au cours des
derniers mois. Lorsque je vois ces récents développements, je suis optimiste et je pense que la question du
bois d'œuvre pourra être réglée bientôt et d'une manière telle que nous finirons par instaurer le libre-échange.
La souplesse américaine était évidente à Doha
Je suis également encouragé par ce que j'ai vu à Doha. Là-bas, les États-Unis ont tracé la voie du succès très
rapidement en faisant savoir qu'ils étaient flexibles sur la question des mesures antidumping, dossier très
sensible pour eux depuis quelque temps et sujet qui est, évidemment, à l'origine du différend sur le bois
d'œuvre.
Les États-Unis ont également beaucoup évolué sur la question des aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce [APIC] et de la santé publique. L'ambassadeur Robert Zoellick s'est
montré actif et constructif tout au long de la réunion, y compris à des moments critiques pendant les débats qui
ont eu lieu le dernier soir. C'est exactement le type de leadership dont le système commercial international a
besoin.
Conclusion
Et la clé du succès se trouve dans cette attitude ouverte et souple. À Doha, les pays riches et développés ont
accompli l'inattendu; à savoir : ils ont accepté de faire des compromis sur des positions de longue date afin que
les pays en développement puissent retirer quelque chose de la libéralisation des échanges.
La communauté internationale a franchi une étape importante dans la construction d'un système commercial
international qui profite à tous les pays. À présent, dans les mois et les années à venir, nous devons tous faire
tout notre possible pour tenir la promesse de Doha, en honorant les engagements qui y ont été pris. C'est ainsi
que nous pourrons promouvoir les idéaux que sont la transparence, l'entente et la coopération.
Je vous remercie.