M. MANLEY - ALLOCUTION DEVANT L'INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES ET L'ACADÉMIE DIPLOMATIQUE - KIEV, UKRAINEDU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DEVANT
L'INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES
ET L'ACADÉMIE DIPLOMATIQUE
DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
KIEV, Ukraine
Le 5 décembre 2001
Je suis reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée de visiter Kiev, une ville au passé riche d'histoire et à
l'avenir riche de promesses. Je suis honoré de pouvoir prendre la parole devant un auditoire distingué
composé des dirigeants actuels et futurs de l'Ukraine, notamment cette semaine, à l'occasion du 10e
anniversaire du référendum sur l'indépendance.
Je suis particulièrement heureux de prendre la parole devant les membres de l'Institut des relations
internationales et de l'Académie diplomatique de l'Ukraine, des institutions qui symbolisent les relations et la
coopération étroites entre nos deux pays, que nous célébrons aujourd'hui. Nous accueillons en outre, avec
beaucoup de satisfaction, le rôle de premier plan joué par l'Université York et d'autres partenaires canadiens,
qui, avec le concours de votre ministère des Affaires étrangères, ont aidé à former la prochaine génération
d'agents ukrainiens des Affaires étrangères.
Il faut admettre que le monde a bien changé, et qu'il continue à nous déconcerter, en changeant encore et
encore.
Il y a 10 ans, il connaissait de profonds bouleversements. Le 1er décembre 1991, une majorité écrasante
d'Ukrainiens a voté en faveur de l'indépendance. Cela confirmait, de façon éloquente, la renaissance de la
nation ukrainienne en des temps d'incertitude, à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique. Le lendemain,
le 2 décembre, dès que les résultats du vote ont été connus, le Canada a été le premier pays occidental à
reconnaître l'Ukraine en tant qu'État indépendant.
Cela était tout à fait indiqué, car les liens entre nos deux pays et, qui plus est, entre nos citoyens se sont
épanouis au fil des siècles. Les Canadiens d'origine ukrainienne, qui sont maintenant plus de 1 million et
forment l'une des communautés ethniques les plus anciennes et importantes au Canada, ont contribué à
nourrir le rêve de l'indépendance ukrainienne pendant de nombreuses années.
Les Canadiens d'origine ukrainienne ont aidé à façonner l'identité nationale du Canada et ils assument des
rôles de premier plan dans les domaines des sciences, des affaires, des arts, de la culture et du gouvernement
de notre pays. Leur présence, comme leur contribution, est très tangible. Ils comptent dans leurs rangs de
nombreux parlementaires, comme mon ami Walt Lastewka, député du Sud de l'Ontario, qui siège avec Mme
Lalonde et moi-même à la Chambre des communes, un ancien gouverneur général, le très honorable Ramon
Hnatyshyn, et l'ancien premier ministre de la Saskatchewan, Roy Romanow, qui préside actuellement une
commission nationale chargée d'examiner le système canadien de soins de santé. Je pourrais continuer
encore et encore, mais il ne resterait plus de temps pour l'allocution. Or, j'aimerais aborder un certain nombre
d'autres questions!
Je tiens à souligner toutefois que leurs activités, leur prestige et leur détermination confèrent une dimension
humaine à nos liens bilatéraux et ont beaucoup contribué à renforcer les liens étroits et durables entre nos
deux pays. La semaine dernière, j'ai appris que les villes de Lviv et Winnipeg, au Manitoba, venaient de
renouveler l'accord d'amitié qui les liait depuis 28 ans déjà et qui s'est traduit par une multitude d'échanges et
de projets de coopération. Le mouvement de visiteurs entre le Canada et l'Ukraine augmente de manière
constante depuis l'indépendance, un nombre croissant d'Ukrainiens se rendant au Canada pour faire des
affaires et y étudier. De la même façon, la présence importante des milieux d'affaires canadiens en Ukraine,
grâce à des entreprises comme Northland Power et Svit, dont les représentants sont parmi nous aujourd'hui, et
à de nombreuses autres, témoigne de notre réussite.
Je souhaite saluer le président Koutchma, le ministre des Affaires étrangères, M. Zlenko, et tous ceux qui ont
appuyé fermement, au fil des ans, l'épanouissement des relations entre nos deux pays.
Le Canada est fier d'avoir aidé, il y a 10 ans, l'Ukraine à prendre sa place au sein de la communauté
internationale. Cet anniversaire fournit une bonne occasion de réfléchir à l'orientation des affaires mondiales
depuis ces événements historiques. Le moment est également opportun pour examiner comment nous avons
évolué, tandis que nous envisageons de nouvelles orientations pour l'avenir.
L'édification d'un État indépendant représente un défi énorme et l'Ukraine a fait beaucoup de chemin au cours
des 10 dernières années. Les institutions publiques d'un État souverain ont été créées. L'Ukraine a établi des
relations diplomatiques avec d'autres pays et a signé des traités de coopération internationale. La
modernisation de l'économie avance et la privatisation est en cours, ce qui comprend, très récemment,
l'amorce d'un marché privé des terres. Des institutions démocratiques, comme la Verkhovna Rada, se sont
enracinées dans le paysage national. Lorsque nous nous souvenons de la situation de l'Ukraine il y a 10 ans,
l'importance de ces réalisations est indéniable.
Les changements intervenus au cours de la dernière décennie ont eu une incidence aussi bien au niveau
national qu'international. En tant que l'un des pays les plus grands et peuplés d'Europe, l'Ukraine revêt un
intérêt particulier pour les autres pays, et c'est à ce titre que nous suivrons de près les élections qui se
tiendront en mars. L'Ukraine pourra alors montrer clairement au reste du monde qu'elle est un État souverain
parvenu à maturité.
Des élections libres et démocratiques sont la marque distinctive de tout pays moderne et démocratique. Le
Canada et d'autres se réjouissent de l'invitation du gouvernement ukrainien à observer les élections de mars.
Non seulement la communauté internationale pourra-t-elle voir la façon dont l'Ukraine s'est développée au
cours des 10 dernières années, mais le déroulement de ces élections et les choix faits par les Ukrainiens feront
montre de la disposition de l'Ukraine à se diriger vers une plus grande coopération fondée sur des valeurs
communes.
Le Canada est fier d'être un des partenaires du développement social, politique et économique de l'Ukraine,
notamment à la faveur d'une coopération continue dans le cadre de la Déclaration pour un partenariat
privilégié. À cela s'ajoutent des instruments comme notre Commission économique intergouvernementale, nos
traités sur le commerce et l'investissement, et le programme de coopération technique du Canada en Ukraine.
Depuis l'indépendance, la coopération technique a mis l'accent sur l'encouragement du passage à une
économie de marché, le développement d'une saine gestion publique et la promotion d'institutions
démocratiques en Ukraine. À titre d'exemple, nous sommes très heureux d'avoir pu offrir un tel appui à
l'Ukraine, qui mettra en oeuvre cette semaine son premier recensement national depuis plus d'une décennie.
Ces efforts de coopération englobent également des projets pour promouvoir la sécurité nucléaire, dans le
cadre du Plan d'action pour la réalisation d'un massif de protection à Tchernobyl. Le Canada s'est félicité de la
décision, annoncée il y a près d'un an, de fermer la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le Canada est aussi l'un
des principaux pays ayant collaboré à la création du Centre des sciences et de la technologie de l'Ukraine. Et
nous sommes fiers que son directeur exécutif, M. Leo Owsiacki, soit un Canadien.
Nous sommes fiers en outre de parrainer le tout premier projet à grande échelle de destruction des stocks de
mines antipersonnel dans ce pays, suivant la signature d'un accord-cadre par le ministre ukrainien des Affaires
étrangères, M. Zlenko, et moi-même, en mars dernier à Ottawa. On peut espérer qu'ayant pris un tel départ,
l'Ukraine pourra bientôt se débarrasser des stocks de mines terrestres et se joindre aux 122 pays qui ont ratifié
la Convention d'Ottawa, et qu'elle a signée en 1999.
Avec autant de réalisations en si peu temps, force est de constater que cette coopération a donné des résultats
vraiment remarquables.
Toutefois, il faudra que nous travaillions davantage à l'épanouissement de nos relations commerciales, au
bénéfice de nos deux pays. En dépit de nos interventions collectives, les courants du commerce et de
l'investissement entre le Canada et l'Ukraine demeurent sous-développés. Au cours des 10 ans qui se sont
écoulés depuis l'indépendance de l'Ukraine, l'économie du pays s'est modernisée, mais le marché mondial a
changé, lui aussi, et continue à changer très rapidement. La concurrence pour le commerce et l'investissement
s'est intensifiée entre les pays du monde, et elle pose un défi encore plus grand lorsque l'expansion
économique ralentit, comme en ce moment.
Dans ces conditions, les réformes de l'économie et du marché en Ukraine sont tout aussi urgentes qu'il y a 10
ans. Le commerce et l'investissement entre nos deux pays iront croissant au fur et à mesure que les réformes
s'enracineront en Ukraine et que le contexte des affaires s'améliorera. Tous les pays ressentent les effets d'un
marché mondial concurrentiel. La prospérité à long terme appartiendra à ceux qui continuent de s'adapter à
ces réalités.
Le mois dernier, à Doha, les membres de l'Organisation mondiale du commerce ont convenu de lancer un
nouveau cycle de négociations qui débouchera sur une plus grande libéralisation du commerce international.
L'Ukraine a indiqué son intention d'adhérer à cette organisation et le Canada fournit de l'assistance pour aider
l'Ukraine à satisfaire aux conditions préalables de l'appartenance à cette institution économique clé.
Les développements qui ont débuté en 1991 offrent un défi à la fois politique et économique. Non seulement
les frontières de l'Europe ont changé du fait de l'établissement d'une multitude de nouveaux États, mais les
institutions euro-atlantiques, comme l'OTAN [Organisation du Traité de l'Atlantique Nord] et l'OSCE
[Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe], se sont adaptées au changement, qui ouvre de
nouvelles possibilités aux pays clairvoyants et déterminés.
Plus tôt cette semaine, le ministre des Affaires étrangères, M. Zlenko, et moi-même avons assisté à une
réunion du Conseil ministériel de l'OSCE. Plus tard dans la journée, nous nous rendrons à Bruxelles pour
participer à des réunions de l'OTAN. Le Canada se réjouit de la participation de l'Ukraine aux activités de la
communauté euro-atlantique et veillera à ce que celle-ci s'intensifie, et ce, en vue de trouver des moyens
concrets de renforcer la stabilité régionale et mondiale.
La caractéristique marquante du monde dans lequel j'ai grandi était la guerre froide. À cette époque, les
élections n'étaient pas libres et un rideau de fer séparait l'Est et l'Ouest. L'attention et les énergies d'une
génération ont été consommées dans les efforts faits pour tenter de gérer cette grande division mondiale. La
guerre froide était si dominante qu'on ne pouvait comprendre les événements mondiaux que par l'intermédiaire
de cette lentille.
Mais les réalités de la guerre froide, qui semblait destinée à se poursuivre à jamais, ont pris fin de manière
soudaine et imprévue. En 1991, le monde a changé.
Avec le passage de la guerre froide, certains observateurs ont présumé que notre système de sécurité
internationale avait franchi son dernier grand défi. Certains ont fait valoir que nous étions entrés dans une
nouvelle ère de paix et de sécurité mondiales, que c'était même la fin de l'Histoire, pour reprendre les mots de
l'universitaire américain Francis Fukayama. Les événements du 11 septembre -- au cours desquels des
milliers d'Américains de même que des Canadiens et des citoyens de quelque 80 pays ont été tués -- nous
rappellent douloureusement que chaque génération doit affronter de nouveaux et graves défis. Le
11 septembre, le monde a changé et la communauté internationale a de nouveau été appelée à s'adapter.
La communauté internationale salue la réaction de l'Ukraine aux événements du 11 septembre, à commencer
par une condamnation rapide des attaques terroristes, suivie par la coopération en matière de sécurité
internationale, l'action au chapitre du blanchiment d'argent et la mise à disposition de couloirs de vol pour les
appareils américains. L'Ukraine est un précieux partenaire dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans
le cadre de sa contribution en qualité de membre du Conseil de sécurité des Nations Unies au cours de cette
période troublée. La cohésion et l'efficacité des prises de décision qui ont caractérisé la réponse du Conseil et,
par le fait même, celle de la communauté internationale à ces événements montrent clairement ce que nous
pouvons accomplir ensemble lorsque nous mobilisons notre volonté politique.
La conduite des relations internationales a été dominée trop souvent par les mots plutôt que par les actes. Le
nouveau contexte mondial exige davantage des membres de la communauté internationale. Les promesses de
mettre fin aux différends doivent se traduire en une action pratique et concrète et non simplement générer
davantage de déclarations. Les engagements pris en vue d'améliorer les droits de la personne, de combattre la
pauvreté et d'améliorer les conditions sociales ne peuvent être simplement annoncés, il faut leur donner suite.
La détermination et un esprit décisif doivent remplacer l'autosatisfaction. Lorsque nous prenons la résolution
d'agir, nous devons le faire rapidement. Ce sont là des conditions du progrès vers un monde plus libre, plus
prospère et plus pacifique.
À l'heure où l'Ukraine célèbre l'affirmation de son indépendance, nous pouvons nous souvenir de l'optimisme
qui a déferlé sur le monde il y a 10 ans. Au fur et à mesure que les fondements du système soviétique
s'affaiblissaient, des hommes et des femmes de vision ont reconnu l'occasion que leur présentait l'Histoire. Il y
a 10 ans, le monde a surveillé le vote de l'Ukraine en faveur de l'indépendance et s'est émerveillé devant un
pays dont les objectifs étaient clairs.
Le monde sait ce que l'Ukraine peut accomplir lorsqu'elle est guidée par une vision et saisit l'occasion que lui
offre l'Histoire. Le potentiel national de l'Ukraine peut se réaliser à l'avenir en vertu de choix clairement définis
auxquels une suite est donnée.
À l'occasion de l'anniversaire de cette semaine, nous nous souviendrons des changements de 1991. Si ces
changements et leurs conséquences trouvent encore un écho dans le monde, ces événements font maintenant
partie de l'Histoire. En 2001, le monde est à nouveau aux prises avec des bouleversements spectaculaires. De
nouvelles pages de l'Histoire s'écrivent et nous serons jugés, à juste titre, par la profondeur et l'étendue de nos
actions face aux défis qui se présentent à nous.
Je vous remercie.