M. AXWORTHY - ALLOCUTION À LA CONFÉRENCE DES AMÉRIQUESDE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS - WASHINGTON, D.C.
98/13 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À LA CONFÉRENCE DES AMÉRIQUES
DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
WASHINGTON, D.C.
Le 6 mars 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Mesdames et Messieurs,
Je suis honoré d'avoir été invité à prononcer le discours de clôture de cette
conférence qui souligne le cinquantenaire de l'Organisation des États américains
[OEA]. C'est un grand plaisir de m'adresser à un auditoire aussi varié et
distingué.
Dans une ère nouvelle en évolution rapide, les institutions internationales
doivent s'affranchir de la façon de penser traditionnelle. Elles doivent se
repenser et se réinventer. Cet hémisphère est depuis longtemps un intervenant de
premier plan dans l'activité multilatérale. Je suis heureux de voir que l'OEA
profite de l'occasion de son cinquantenaire pour se positionner une fois de plus à
l'avant-garde du changement. Elle a réuni un groupe de réflexion pragmatique des
représentants des milieux gouvernementaux, du commerce et de la société civile, de
même que plusieurs lauréats du prix Nobel de l'hémisphère dans le dessein de
l'aider à préparer son avenir.
Faire de l'hémisphère notre chez-nous
Au Canada, nous nous intéressons aussi à notre avenir dans cette région. Dans une
de ses premières allocutions comme leader du Parti libéral, le premier ministre
Jean Chrétien a dit vouloir faire de l'hémisphère notre chez-nous. Dans le bref
intervalle depuis que le Canada a adhéré à l'OEA, nous n'avons ménagé aucun effort
pour transformer ce voeu en réalité.
Au plan économique, le Canada s'est de plus en plus intégré dans l'hémisphère par
le truchement des accords de libre-échange : l'Accord de libre échange nord-américain [ALENA], l'accord de libre-échange avec le Chili et bientôt, nous
l'espérons, un accord créant une zone de libre-échange des Amériques
[ZLEA]. Nous en voyons déjà les résultats. Nos échanges avec l'Amérique latine et
les Antilles ont plus que doublé par rapport à leur niveau d'il y a cinq ans. La
récente visite d'Équipe Canada en Amérique latine, effectuée sous la direction du
premier ministre, contribuera à actualiser les chances d'accroître le commerce
entre nos pays.
Mais l'engagement croissant du Canada dans l'hémisphère ne se limite pas au
commerce et à l'investissement. Notre pays est le deuxième contributeur financier
à l'OEA et à l'Organisation panaméricaine de la santé. Le premier ministre
Chrétien a participé au premier Sommet des Amériques à Miami, et il attend avec
grand intérêt le deuxième sommet, à Santiago, et le lancement des négociations qui
mèneront à la ZLEA.
Nous collaborons de façon de plus en plus soutenue avec bon nombre de pays de la
région, bilatéralement, dans des groupes politiques régionaux comme le Groupe de
Rio et au sein d'instances multilatérales. En Haïti et au Guatemala, le Canada
collabore avec l'Organisation des Nations unies [ONU], l'OEA et d'autres
organisations à la consolidation de la paix et au renforcement de la stabilité
régionale.
Mais, surtout, de plus en plus de Canadiens sont d'origine latino-américaine et
antillaise, et nos citoyens ont de plus en plus d'occasions d'apprendre à mieux se
connaître. Grâce au Programme canadien des stages internationaux pour les jeunes,
bon nombre de jeunes Canadiens travaillent aujourd'hui dans des pays membres de
l'OEA. Je suis heureux de vous dire que mon collègue Sergio Marchi, le ministre du
Commerce international, a annoncé aujourd'hui un nouveau projet dans le cadre de
ce programme. Par l'entremise du Centre de recherches sur l'Amérique latine et les
Antilles de l'Université York, le Canada placera 15 jeunes stagiaires canadiens au
Secrétariat de l'OEA.
Vous conviendrez donc avec moi que nous avons fait beaucoup de progrès pour faire
de l'hémisphère notre chez-nous. Et ce n'est pas fini. Comme je viens de Winnipeg,
j'attends avec impatience les Jeux panaméricains que ma ville accueillera en 1999.
Je me réjouis également de ce que le Canada soit l'hôte de l'Assemblée générale de
l'OEA en l'an 2000.
Une nouvelle politique étrangère pour une ère nouvelle
Bien plus que d'une série d'événements sans suite, il s'agit d'un phénomène qui
s'inscrit dans la redéfinition globale de la politique étrangère du Canada. Dans
un monde en évolution, nous avons jugé essentiel de développer de nouveaux
partenariats, tant au Canada qu'à travers le monde.
Nous avons décidé de conduire cette nouvelle diplomatie en raison de quatre
facteurs :
premièrement, le bouleversement du paysage international amené par la fin de la
guerre froide, les réalignements du pouvoir économique et politique et une
intégration mondiale croissante;
deuxièmement, l'importance accrue des enjeux de sécurité humaine dans l'ordre du
jour international, des enjeux qui touchent directement l'individu comme le trafic
illicite des drogues, les problèmes environnementaux et les violations des droits
de la personne;
troisièmement, l'entrée en scène de nouveaux acteurs puissants, y compris de
grandes sociétés, des organismes non gouvernementaux et des organisations
régionales comme le Groupe de Rio, le CARICOM et la Communauté andine;
quatrièmement, l'importance croissante de ce que Joseph Nye, intellectuel et
diplomate, appelle le « pouvoir discret », le pouvoir qui vient des idées
attrayantes, du partage des valeurs et du partenariat plutôt que de la puissance
militaire et économique.
La campagne qui a abouti à la signature, à Ottawa en décembre dernier, d'un traité
international d'interdiction des mines terrestres antipersonnel est, selon moi, un
excellent exemple du « pouvoir discret » en action. Une coalition ponctuelle mais
non moins efficace d'États et d'organismes non gouvernementaux a réussi à
mobiliser les gouvernements et l'opinion publique internationale en un temps
record. Cette coalition, au sein de laquelle les membres de l'OEA ont joué un rôle
crucial, est venue à bout de l'impasse dans certaines organisations multilatérales
existantes ainsi que du scepticisme affiché par plusieurs des grandes puissances.
Bon nombre de nations ont été sensibilisées à la nécessité de cerner et identifier
le rôle qu'elles entendent jouer dans cette nouvelle donne. C'est peut-être ce qui
explique la prolifération de nouveaux slogans nationaux, par exemple la « nouvelle
Grande-Bretagne » et les États-Unis en tant que « nation indispensable ».
Dans ce contexte, j'ai parlé du Canada comme de la « nation à valeur ajoutée ».
Par sa nouvelle approche de la politique étrangère, le Canada cherche à enrichir
la communauté internationale, principalement par l'exercice du « pouvoir
discret ». Les qualités qui caractérisent le Canada -- une tradition faite
d'engagement en faveur de la réconciliation et de la paix, de respect de toutes
les cultures et de tous les groupes ethniques, ainsi que de bilinguisme et de
fédéralisme souple -- lui permettent d'apporter une contribution spéciale sur la
scène internationale.
Ces qualités nous ont amenés à élargir nos horizons et à trouver de nouvelles
façons de conduire nos relations internationales. Par exemple,
nous faisons la promotion de la diplomatie publique au pays, grâce à des
initiatives comme le Forum national sur les relations internationales, et, dans le
monde;
nous formons de nouvelles alliances à l'étranger, dont certaines avec des
partenaires non traditionnels. Celles-ci vont de dialogues bilatéraux sur les
droits de la personne avec Cuba et la Chine à des relations de travail plus
étroites avec le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et des pays de l'Amérique
latine et des Antilles à l'ONU;
nous jouons un rôle actif dans la réforme et le renforcement des institutions
internationales, y compris l'ONU et l'OEA elle-même;
nous trouvons des façons d'amener les acteurs non étatiques à se conformer aux
normes internationales, par exemple en concevant des mesures de consolidation de
la paix qui engagent les groupes non étatiques impliqués dans des conflits
internes;
nous veillons à ce que des secteurs marginalisés de la société figurent en bonne
place dans l'ordre du jour international, en mettant l'accent sur des questions
comme le travail des enfants et les aspects sexospécifiques de la consolidation de
la paix dans des sociétés déchirées par des conflits.
Le Canada et l'OEA dans une ère nouvelle
Bon nombre des valeurs qui sous-tendent cette politique étrangère sont des valeurs
que nous partageons avec les autres membres de l'OEA : notre foi dans la
démocratie, les droits de la personne, la primauté du droit, la prospérité de nos
populations et la dignité fondamentale de l'être humain. Mais le Canada possède
une vaste expérience qui lui permet d'apporter à l'hémisphère une plus-value
particulière à divers égards, de la gouvernance sociale et urbaine au règlement
pacifique des conflits et à l'utilisation de technologies de pointe dans le
secteur de l'information.
Le Canada et l'OEA sont bien placés pour mettre, ensemble, le « pouvoir discret »
au service de nouvelles priorités et exigences dans une ère nouvelle. À mon avis,
ces priorités peuvent être regroupées dans trois grands domaines : le renforcement
des institutions régionales; le « nouveau » programme en matière de sécurité et de
désarmement et l'ordre du jour plus large de la sécurité humaine.
Dans ces trois domaines, nous devons nous assurer de mettre à contribution la
société civile pour qu'elle travaille de concert avec les gouvernements face à ces
nouveaux défis. Comme l'a montré la campagne contre les mines terrestres, c'est là
un élément crucial de l'exercice réussi du « pouvoir discret ». Nous devons faire
fond sur les mesures importantes prises par l'OEA, dans le cadre de sa stratégie
interaméricaine de participation publique aux questions de développement durable,
et par le processus du Sommet, au niveau du partenariat intergouvernemental.
Renforcement et transformation des institutions
Pour préparer l'OEA aux 50 années à venir, le moment est venu de jeter un regard
neuf sur l'Organisation. Nos institutions régionales ont-elles les mandats, les
ressources et l'architecture nécessaires pour être efficaces? L'Organisation ne
peut réussir dans cette entreprise que si elle a le plein appui de ses membres.
Ces derniers ne peuvent pas se permettre de laisser l'OEA reculer sur la liste de
leurs priorités. Si nous ne travaillons pas de façon constructive, si nous ne
payons pas nos contributions, nous ne serons pas en mesure de préparer l'avenir.
L'OEA change. Sous le leadership du secrétaire général César Gaviria, elle s'ouvre
à des perspectives et à des idées nouvelles et appuie de nouvelles initiatives
comme les discussions sur la ZLEA. Des réformes et des réaménagements majeurs sont
déjà en cours aux Nations unies et dans les institutions financières
internationales.
Des changements fondamentaux peuvent aussi se faire dans notre propre hémisphère.
Grâce à la restructuration et à une meilleure coordination, l'OEA, la Banque
interaméricaine de développement et l'Organisation panaméricaine de la santé
peuvent s'acquitter de leur mandat commun dans des domaines comme le développement
durable et équitable.
Le processus du Sommet des Amériques est un bon exemple d'une approche axée sur le
« pouvoir discret ». Il repose sur un partenariat dans le cadre duquel les leaders
mènent ensemble des actions convenues, aux plans national et multilatéral, pour
faire progresser la prospérité et la démocratie dans l'hémisphère. Forum politique
hémisphérique, l'OEA a un rôle central dans ce nouveau partenariat multilatéral.
Cette conférence du 50e anniversaire de l'Organisation est une première étape
importante dans le couplage des activités d'institutions interaméricaines comme
l'OEA et des objectifs du Sommet des Amériques.
Cuba et l'OEA
Au moment d'entamer les 50 prochaines années de l'Organisation, il est sûrement
temps que tous les membres de l'OEA examinent quand pourra être réintégré le 35e
membre de l'Organisation, Cuba.
Grâce aux efforts déterminés et concertés de tous ses membres, l'OEA peut jouer un
rôle crucial dans un dialogue plus large avec Cuba. Je suis encouragé par les
récents commentaires du secrétaire général Gaviria à cet égard. D'autre part, le
gouvernement de Cuba peut faciliter sa réintégration politique en montrant qu'il
est prêt à adopter les valeurs démocratiques qui ont cours dans la région.
Le temps est venu de renouer avec Cuba et d'engager avec lui le dialogue sur les
questions qui nous préoccupent, et promouvoir de la sorte des changements
positifs. Le Canada a établi un dialogue bilatéral avec Cuba relativement aux
droits de la personne et sur un vaste éventail d'autres questions. Tout récemment,
lors de la visite à Ottawa du vice-président Lage, nous avons renouvelé un accord
contre la piraterie aérienne et discuté de mesures qui amélioreraient la stabilité
régionale et mondiale. Dans le sillage de la visite historique du pape à Cuba, le
Canada a convenu en principe d'accepter 19 prisonniers d'opinion cubains qui,
autrement, n'auraient pas été libérés. Ce sont là, croyons-nous, les premiers
gestes qui nous mèneront au jour où l'OEA deviendra l'institution qui regroupera
tous les États de la région.
Les nouveaux enjeux de la sécurité
Nous touchons ici au deuxième des trois champs d'action prioritaires auxquels j'ai
fait référence, à savoir les nouveaux enjeux dans le domaine de la sécurité et du
désarmement. Il faut d'abord s'attaquer aux menaces que font peser sur la sécurité
des personnes, notamment sur la vie quotidienne de millions de gens, des armes
comme les mines antipersonnel.
Les membres de l'OEA ont joué un rôle de premier plan dans la lutte contre les
mines antipersonnel. En effet, 33 des 35 membres ont signé le traité interdisant
ces armes meurtrières. J'espère que cet impressionnant mouvement de solidarité
régionale se poursuivra et que les États membres ratifieront le traité aussi
rapidement que possible. Faisons une fois de plus preuve de leadership
international en devenant la première région du monde dont tous les signataires
auront ratifié le traité.
L'OEA peut exercer un leadership dans un autre domaine, soit dans le développement
d'une approche intégrée et coordonnée pour ce qui est de la destruction des
stocks, du déminage, de la réadaptation et de la réintégration des survivants
d'explosions des mines. Le Canada a promis qu'il verserait 100 millions de dollars
aux fins la mise en oeuvre du traité. De concert avec d'autres pays nous examinons
maintenant les moyens d'utiliser cet argent de la façon la plus efficace possible.
Au cours de la récente visite du premier ministre en Amérique latine, nous avons
signé avec l'Argentine, le Brésil et le Mexique des accords qui constituent un
cadre pour la coopération en matière de déminage dans des pays tiers.
Ce faisant, nous pouvons nous inspirer du rôle de l'OEA qui a fait œuvre de
pionnière en matière de déminage en Amérique centrale, ce qui permettra de
« débarrasser cette région des mines » d'ici à l'an 2000. Il s'agira d'une
réalisation dont nous aurons raison d'être fiers, et d'un exemple concret que
pourront suivre les autres régions du monde.
Les armes légères
Les armes légères, telles les mines antipersonnel, posent un problème qui déborde
le cadre des catégories traditionnelles, d'où les efforts déployés par nombre
d'institutions et d'organismes existants. Sans être purement un problème
humanitaire, ni purement une question qui touche au désarmement, la prolifération
des armes légères et bon marché n'en continue pas moins de dévaster, partout au
monde, les sociétés frappées par des conflits. Le AK-47 constitue une menace
réelle et immédiate pour la vie de millions de civils, dont de nombreux enfants,
au même titre que les mines antipersonnel.
L'OEA a entrepris une démarche novatrice en cherchant à résoudre un aspect
important de ce problème, à savoir le trafic illicite des armes à feu. En signant
la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites des
armes à feu, munitions, explosifs et autres matériels connexes, la première en son
genre au monde, les membres de l'OEA se sont attaqués au problème du commerce
illicite des armes à feu par un contrôle plus efficace du commerce licite. Il
s'agit d'une preuve tangible que les États membres sont résolus à prendre des
moyens d'action collectifs contre le crime et la violence dans les Amériques.
Le temps est maintenant venu de franchir une autre étape et de nous attaquer à
d'autres aspects de la question des armes légères, et ce grâce à des approches
pratiques conçues sur mesure pour traiter des problèmes réels sur le terrain, à
savoir le désarmement et la réintégration des enfants soldats, le rachat d'armes
dans des sociétés qui en sont saturées, enfin, le réapprentissage et
l'approvisionnement en nouvel équipement des gens au sein de ces sociétés, de
manière à ce qu'ils puissent mener une vie productive dans un contexte de paix.
Le commerce de la drogue
Mettre fin au commerce de la drogue est un autre objectif prioritaire de la
« nouvelle » stratégie en matière de sécurité. La perméabilité des frontières,
l'intégration économique mondiale et les possibilités de communiquer
instantanément profitent aussi bien au commerce illicite que licite. Ajoutez à
cela la faiblesse des institutions d'État, voire même, dans certains cas,
l'impuissance des États, le commerce illicite des armes légères, et les immenses
sommes d'argent engendrées par ce commerce, et vous vous retrouvez avec un
problème insoluble et universel.
Il est évident que la force « brute », à savoir les sanctions économiques et
l'intervention militaire, ne suffit pas à résoudre ce genre de problème. Le
commerce de la drogue se joue des frontières. Ses effets sont par surcroît étendus
et insidieux, que ce soit sur la société, l'économie, le développement et les
droits de la personne, ou le bon gouvernement. Pour s'attaquer à ce problème, il
faut compter non seulement sur la coopération entre les gouvernements, mais aussi
sur l'appui et la participation des acteurs qui ne relèvent pas de l'État.
L'OEA a pris d'importantes mesures pour s'attaquer au problème en établissant une
approche multilatérale et équilibrée par l'intermédiaire de la stratégie de lutte
contre la drogue de l'hémisphère et dans le travail de la Commission
interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, enfin, en travaillant à la
création d'un mécanisme multilatéral d'évaluation et de contrôle (MEMM).
Nous devons maintenant faire fond sur notre approche multilatérale, en
reconnaissant qu'il s'agit d'un problème commun
qui touche à la fois les sociétés d'où provient la drogue, celles où elle
transite, et celles où on l'a consomme. Nous devons éradiquer tant l'offre que la
demande. Pour cela, il nous faut un plan de coopération plus vaste, mis en branle
par de hautes sphères politiques et liant des stratégies intérieures et
multilatérales.
L'ordre du jour en matière de sécurité des personnes
Selon moi, le troisième champ d'action prioritaire de l'OEA doit être, dans une
perspective plus large, le plan d'action en matière de sécurité des personnes, qui
englobe les droits de la personne, la consolidation de la paix, ainsi que le
développement durable et équitable. La place prépondérante de ces questions dans
nos discussions, au cours des deux derniers jours, témoigne de leur importance.
Tous nos citoyens, y compris les femmes, les enfants, les personnes handicapées et
les autochtones, doivent pouvoir vivre dans des sociétés qui reflètent leurs
intérêts, répondent à leurs aspirations légitimes et garantissent une véritable
participation à la vie politique, économique et sociale de nos pays. Comme l'ont
déclaré nos dirigeants à Miami, « c'est à l'aune des droits dont jouissent ses
membres les moins influents que nous jugeons une démocratie ».
L'OEA joue un rôle de premier plan dans la promotion d'un système fondé sur des
règles, l'une des pierres angulaires de l'exercice d'un « pouvoir discret ». Elle
a déjà démontré sa compétence en ce domaine en créant le système interaméricain
des droits de l'homme, la Résolution 1080, les protocoles de Washington et de
Managua, et l'Unité pour la promotion de la démocratie. N'empêche que l'OEA fait
encore face à des défis de taille :
comment renforcer le rôle de la Commission et préserver son indépendance;
comment s'y prendre pour mieux associer les institutions régionales existantes,
les systèmes nationaux des droits de la personne et les défenseur des droits de la
personne;
comment s'y prendre pour compléter plus efficacement la défense des régimes
politiques démocratiques lorsqu'il s'agit de renforcer les institutions et les
valeurs démocratiques.
Les autochtones
Au chapitre des droits de la personne, les droits des autochtones figurent parmi
les dossiers qui préoccupent le Canada et de nombreux autres pays de l'hémisphère.
Ici encore, nous avons oeuvré à l'échelle multilatérale, régionale et bilatérale.
Aux Nations unies, le Canada a participé très activement à l'élaboration de la
Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Au sein de l'OEA, nous
souhaitons que soit élaborée, par l'entremise de la Commission des droits de
l'homme, une déclaration interaméricaine qui soit conforme à l'instrument des
Nations unies et qui le complète. Le fait que les autochtones fassent l'objet
d'une mention spéciale à l'ordre du jour du Sommet de Santiago, dossier que
coordonne le Canada, est un autre signe encourageant de l'engagement régional à
cet égard.
À l'échelle bilatérale, le Canada a été l'hôte au Mexique en 1996 d'une table
ronde économique à laquelle ont pris part des chefs d'entreprise et des dirigeants
autochtones des deux pays. Cet événement a marqué le début d'un processus
permanent de création de coentreprises prometteuses entre des gens d'affaires
autochtones du Canada et du Mexique. Nous sommes en train de planifier une seconde
table ronde.
Au début de l'année, j'ai annoncé que nous avions nommé M. Blaine Favel au poste
de conseiller du Canada pour les questions autochtones à l'échelle internationale.
M. Favel vient de terminer une visite bilatérale fructueuse au Guatemala, au
Nicaragua et au Costa Rica, et s'emploiera à accroître l'activisme du Canada
concernant les dossiers autochtones à tous les niveaux.
Les droits des personnes handicapées sont, eux aussi, une question relevant des
droits de la personne qui présente une importance particulière pour les Canadiens.
Le Canada soutient sans réserve le travail effectué à l'OEA en vue d'une
convention visant à éliminer toutes les formes de discrimination contre les
personnes handicapées. Nous déployons également des efforts à cet égard au sein de
l'ONU. Dans les deux institutions, notre objectif principal est de considérer les
droits des personnes handicapées non pas comme une simple question de
développement social, mais comme une question relative aux droits de la personne,
qu'il faut intégrer dans l'ensemble des activités de l'Organisation. Dans ce
contexte, nous sommes fiers d'avoir remporté récemment le prix international
Franklin D. Roosevelt, qui rend hommage aux efforts que nous déployons pour
intégrer les personnes handicapées à la société canadienne.
Consolidation de la paix
La défense des droits de la personne est intimement liée à la prévention des
conflits, ainsi qu'à la réconciliation dans les régions récemment marquées par des
troubles. L'OEA et le Canada peuvent tous deux ajouter une valeur spéciale grâce à
des approches favorisant la recherche d'un consensus et à la collaboration avec la
société civile, surtout au niveau local. Il y a maintenant un peu plus d'un an, le
Canada a mis en oeuvre une initiative et un fonds pour la consolidation de la
paix. Il peut, de la sorte, poursuivre des projets à l'étranger et renforcer nos
capacités au Canada même en vue de prévenir les conflits et de consolider la paix
une fois la paix revenue.
Le travail accompli en Haïti et au Guatemala nous démontre à tous, par
l'expérience, la nécessité d'une plus vaste coordination des efforts que nous
déployons ainsi que le besoin de nouveaux instruments et de nouvelles approches.
Il est vrai que les opérations de maintien de la paix au sens traditionnel sont
importantes, mais elles ne peuvent reconstruire des sociétés prises au piège dans
des cycles de violence interne de longue durée.
Par l'intermédiaire de l'OEA et d'autres organes régionaux, nous devons réorienter
nos efforts vers des domaines comme la démilitarisation, le désarmement des
combattants et le rachat des armes légères, la reconstruction des capacités au
sein du gouvernement, et l'appui au retour de la règle de droit dans le cadre d'un
système de justice effectif. C'est dans ce contexte que le premier ministre a
récemment indiqué que le Canada était intéressé à collaborer avec l'Argentine à la
mise sur pied de missions de « casques blancs » aux fins de la consolidation de la
paix.
Conclusion
Aujourd'hui, alors que nous en célébrons le 50e anniversaire, l'OEA a atteint un
point tournant. En raison des progrès réalisés au cours de ce demi-siècle
d'existence, mais aussi à cause des profonds changements qui ont marqué le monde
dans lequel l'Organisation est appelé à évoluer au cours des années à venir.
Les périodes de changement fondamental suscitent toujours des inquiétudes. Certes,
les défis à relever sont de taille. Mais je crois qu'il y a des occasions
considérables pendant une époque où le pouvoir discret joue un rôle sans cesse
croissant dans le domaine des relations internationales. Des occasions que les
capacités de l'OEA lui permettent très bien de saisir.
En coopérant, en faisant preuve de souplesse, en nous engageant à respecter une
échelle de valeurs claire et intéressante et en étant disposés à engager dans
l'action la société civile et d'autres joueurs qui se font jour à l'échelle
internationale, nous pouvons être efficaces. Nous avons la capacité, comme jamais
auparavant, d'instaurer la stabilité, la paix et la prospérité dans l'hémisphère.
Encouragés par nos atouts, prouvons que nous sommes à la hauteur.
Les Canadiens ont la réputation d'être des gens humbles et modestes. Sir Wilfrid
Laurier s'est démarqué de cet état d'esprit lorsqu'il a fait observer, au début de
notre siècle, que le Canada grandissait telle une étoile vers laquelle étaient
tournés les regards de tout le monde civilisé. J'espère que vous ne me taxerez pas
de vanité si je reprends ses paroles, car j'ai la conviction que dans une ère
marquée par le règne de pouvoir discret le Canada peut se joindre à d'autres
étoiles pour constituer une nouvelle galaxie dans l'hémisphère occidental. Une
galaxie qui, je l'espère, jette une nouvelle lumière sur le monde.
Merci.