M. AXWORTHY - ALLOCUTION LORS D'UN DÉBAT EXPLORATOIREDE LA CHAMBRE DES COMMUNESPARTICIPATION CANADIENNE À LA FORCE DE STABILISATION (SFOR) - OTTAWA (ONTARIO)
98/32 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
LORS D'UN DÉBAT EXPLORATOIRE
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
PARTICIPATION CANADIENNE À LA FORCE
DE STABILISATION (SFOR)
OTTAWA (Ontario)
Le 28 avril 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
L'an dernier, des membres du gouvernement et de l'opposition du Comité permanent
des affaires étrangères et du commerce international ainsi que du Comité permanent
de la défense nationale et des affaires des anciens combattants se sont rendus en
Bosnie-Herzégovine. Ils sont rentrés au Canada convaincus que la participation des
Forces canadiennes à la Force de stabilisation [SFOR] dirigée par l'OTAN
[Organisation du Traité de l'Atlantique Nord] dans cette région était nécessaire
et utile et qu'elle devait continuer. Le gouvernement partage tout à fait ce point
de vue. À ce moment-là, ils ont demandé un débat à la Chambre sur la poursuite
éventuelle de la mission de la SFOR au-delà de l'échéance prévue, en juin 1998.
C'est en réponse à cet appel que nous nous réunissons aujourd'hui.
Je me suis moi-même rendu en Bosnie le mois dernier pour rencontrer les dirigeants
bosniaques, rendre visite aux Forces canadiennes et lancer un programme canadien
de lutte contre les mines. Je peux maintenant affirmer que les progrès de la mise
en oeuvre des accords de Dayton depuis ma première visite en avril 1996 ont été
remarquables. Le commerce est en train de renaître. Il n'est plus nécessaire de
porter constamment un casque et un gilet pare-balles. Un nouveau groupe de
dirigeants politiques prêts à mettre en oeuvre de bonne foi le plan de paix semble
en train d'émerger. En Republika Srpska, le premier ministre Milorad Dodik, un
Serbe de souche, a formé le premier gouvernement vraiment acquis au processus de
paix et à la coopération multiethnique depuis la fin du conflit bosniaque, avec
l'appui de partenaires d'une coalition musulmane.
Pour citer M. Carlos Westendorp, haut représentant des Nations unies en Bosnie,
l'état de santé de la Bosnie est passé de « critique » à « stable ». Cette
évolution positive est attribuable en grande partie aux efforts multinationaux
dirigés par l'OTAN, qui ont mis fin aux hostilités, remplacé les champs de
bataille par des boîtes de scrutin et la destruction militaire par la
reconstruction économique. Mais en même temps, les progrès ont été inégaux et
graduels. Il y a parfois des reculs, notamment la semaine dernière lorsque la
violence a éclaté à Drvar, ville située dans le secteur canadien d'opérations.
Autrement dit, le patient est encore en réanimation. En 1998, nous devons faire en
sorte que la Bosnie puisse survivre sans appareils de survie.
Que la Chambre me permette de décrire brièvement le rôle du Canada dans les
progrès accomplis jusqu'ici, ce qui reste à faire et pourquoi une présence
continue de la SFOR est essentielle pour atteindre ces objectifs. Mon collègue, le
ministre de la Défense nationale, exposera ensuite à la Chambre la nature
particulière de la participation des Forces canadiennes pour assurer une présence
continue de l'OTAN en Bosnie.
Depuis les premiers déploiements des Nations unies dans l'ex-Yougoslavie,
déploiements qui se sont poursuivis sous les auspices de l'OTAN, les membres des
Forces canadiennes oeuvrent pour la paix en Bosnie avec dévouement et
professionnalisme. Les agents de la GRC [Gendarmerie royale du Canada] et les
civils canadiens apportent aussi des contributions importantes. Je profite de
l'occasion pour rendre hommage à leurs efforts et en particulier à ceux qui ont
payé le plus lourd tribut -- les 13 Canadiens tués et les nombreux blessés dans
l'exercice de leurs fonctions.
Les troupes canadiennes et les autres troupes étrangères participant à la SFOR
assurent la sécurité personnelle des citoyens en Bosnie-Herzégovine depuis près de
trois ans. Cela constitue en soi une réalisation importante dans une région qui
porte les cicatrices du nettoyage ethnique et des crimes de guerre effroyables qui
y ont été commis. Mais la SFOR a fait plus que cela. Oeuvrant côte à côte, les
soldats des 34 pays qui participent à la Force sont un exemple vivant de liberté,
de tolérance et de coopération pour la population locale. Les Forces canadiennes
ont appuyé des projets locaux de réadaptation et de reconstruction grâce au
financement de l'ACDI [Agence canadienne de développement international]. Les
collectivités locales ont ainsi vu les retombées de la paix et compris que la
communauté internationale vise à instaurer la paix, pas à punir.
Malgré ces efforts, il semblait au départ que nous ne voyions que les querelles
des dirigeants bosniaques, le retour au compte-gouttes des réfugiés, et les
individus inculpés de crimes de guerre en liberté. Il est facile de comprendre
pourquoi les Canadiens ont peut-être commencé à se demander ce que nous allions
faire en Bosnie. Au cours des réunions ministérielles qui se sont déroulées l'an
dernier en Bosnie, la communauté internationale, y compris le Canada, a exprimé sa
volonté renouvelée d'accélérer le rythme du processus de paix. Le haut
représentant a reçu le mandat clair de prendre les mesures nécessaires, la SFOR a
fourni un soutien utile et dynamique, et l'impasse a été forcée.
Dans ce nouveau climat, le haut représentant a réussi à imposer une loi provisoire
sur la citoyenneté, une monnaie provisoire et un drapeau national et il a fait
avancer une loi cruciale sur la propriété qui facilitera le retour des réfugiés.
Ce sont toutes des mesures importantes vers un État multiethnique vraiment uni. La
Bosnie-Herzégovine a aussi signé et ratifié la Convention d'Ottawa sur les mines
antipersonnel, témoignant ainsi de son désir de se débarrasser de cet héritage du
conflit.
La SFOR a joué un rôle crucial dans les importants progrès accomplis récemment
vers une paix durable. Malgré quelques difficultés, les élections municipales de
septembre 1997, organisées par l'OSCE [Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe] avec le soutien logistique de la SFOR, ont été dans
l'ensemble réussies. Par la SFOR, nous avons pu contrôler les forces de la
« police spéciale » et permis la réforme de la police en Bosnie.
Le développement d'une presse libre et objective qui ne prêche pas la haine
ethnique a créé un nouveau climat favorable. Ce facteur a grandement contribué à
la mise en place du gouvernement modéré actuel en Republika Srpska. Sans la
détermination et le professionnalisme de la SFOR, qui a saisi les installations de
télédiffusion en Republika Srpska, la réforme des médias aurait été impossible.
La SFOR joue aussi un rôle clé concernant les crimes de guerre. Elle assure la
sécurité lors de l'exhumation des charniers et détient directement des criminels
de guerre présumés. Devant la perspective d'une arrestation imminente par la SFOR,
10 Croates de Bosnie et trois Serbes de Bosnie se sont livrés au Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye et y ont été transférés avec l'aide
de la SFOR.
Les progrès réalisés en Bosnie ont été très bénéfiques pour la région immédiate,
pour l'Europe et pour le monde entier. La SFOR a été le symbole du désir de la
communauté internationale d'intervenir et de contribuer à la stabilité durant les
confrontations dans d'autres régions des Balkans, notamment au Kosovo. La
participation active de la Russie et de l'Ukraine à la SFOR a marqué un point
tournant dans le développement de la sécurité en Europe au lendemain de la guerre
froide. Grâce à cette expérience, il y a désormais des généraux russes au quartier
général de l'OTAN et il y aura bientôt des officiers supérieurs de l'OTAN au
ministère de la Défense de Russie.
Au niveau mondial, une foule d'acteurs internationaux ont trouvé de nouvelles
façons d'unir leurs forces en Bosnie pour contribuer à tous les aspects de la
reconstruction d'une société ravagée par un conflit armé. Les leçons apprises en
Bosnie seront très utiles à la communauté internationale dans le monde nouveau et
complexe qui nous attend.
Il y a eu des progrès importants, mais il reste encore beaucoup à accomplir. En
prolongeant le mandat de la SFOR, nous continuerons à soutenir le processus de
paix civil, afin que ce processus soit durable.
Les tâches qui attendent la force internationale consistent notamment :
à permettre aux réfugiés et aux personnes déplacées de rentrer chez eux sains et
saufs conformément au plan de paix de Dayton, de concert avec les Nations unies et
le groupe international de police;
à appuyer la décision de l'arbitre international sur Brko, ville d'importance
stratégique pour la Fédération et la Republika Srpska, qui doit être rendue au
début de 1999;
à assurer la sécurité lors de la deuxième phase des élections générales en
septembre, et à aider à l'application des résultats de l'an dernier;
à continuer d'exercer des pressions sur les personnes accusées de crimes de
guerre qui ne se sont pas encore livrées aux autorités;
pour le contingent canadien de la SFOR, à appuyer le Programme canadien de lutte
contre les mines.
Comme je l'ai annoncé le mois dernier, le Canada consacrera 10 millions de dollars
d'ici cinq ans au déminage en Bosnie. Il se concentrera au départ dans la région
qui relève du contingent canadien, au nord-ouest de la Bosnie. Dans le cadre de ce
programme intégré, les Forces canadiennes collaboreront avec la population et les
autorités locales ainsi qu'avec d'autres gouvernements et des organismes
internationaux. Seuls des efforts de déminage concentrés et coordonnés permettront
au développement économique de se poursuivre sans heurts et aux réfugiés de
rentrer chez eux sains et saufs.
Mais ce qui importe probablement le plus, c'est que la présence continue de la
SFOR assurera la sécurité et la stabilité générales nécessaires pour que puissent
se réaliser divers projets civils visant la reconstruction d'une société et d'un
gouvernement fonctionnels. Au cours de la prochaine année et par la suite, le
Canada fournira un soutien technique aux nouveaux députés élus démocratiquement,
et des émissions de qualité et impartiales aux diffuseurs indépendants et d'État
en Bosnie. Nous nous efforcerons de responsabiliser les organisations de la
société civile et de promouvoir les droits fondamentaux de la personne tels que la
liberté de mouvement et la propriété.
Nous nous appuierons sur les importants travaux de la GRC, sous les auspices du
groupe international de police des Nations unies, pour que les forces de police
locales cessent d'être des outils d'intimidation et deviennent des défenseurs de
la sécurité publique. Le Canada fera aussi tout son possible pour que le Tribunal
international et son procureur en chef, la juge canadienne Louise Arbour,
disposent des ressources nécessaires pour faire leur travail. La présence continue
de la SFOR créera les conditions de base qui rendront tous ces efforts possibles.
Mon collègue, le ministre de la Défense nationale, exposera en détail une vision
du mandat d'une SFOR prorogée ainsi que la contribution du Canada à ce mandat.
Mais permettez-moi d'aborder brièvement un aspect de ce mandat : sa durée. L'OTAN
propose d'évaluer la situation générale du processus de paix tous les six mois,
afin de réduire graduellement la taille de la force multinationale. L'objectif
visé consiste à évaluer le processus en fonction d'une série de critères
prédéterminés d'une paix durable, au lieu de fixer une date arbitraire qui
deviendrait la cible de nouvelles tactiques dilatoires. Le Canada participera
activement à ces évaluations. Et, comme nous l'avons fait à chaque étape
jusqu'ici, nous porterons les questions importantes à l'attention de la Chambre.
Ne vous méprenez pas : nous ne voulons pas que l'OTAN et ses partenaires, y
compris nos propres forces, restent en Bosnie une minute de plus qu'il ne faut.
Mais aujourd'hui, le gouvernement croit qu'il existe un besoin réel de la SFOR et
d'un contingent canadien au sein de cette force. Le Canada a investi suffisamment
en Bosnie pour vouloir aller jusqu'au bout. Nous n'oublions jamais notre objectif
ultime : instaurer un processus de paix doté d'une dynamique propre. La communauté
internationale peut donner des conseils, de l'aide et l'exemple, mais la paix ne
peut se faire qu'entre les Bosniaques et par les Bosniaques.
Merci.