M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION D'UN DÉJEUNER DONNÉ LORS DE LA TABLE RONDE SUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALEEN MATIÈRE DE POLITIQUE CULTURELLE - OTTAWA (ONTARIO)
98/48 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION D'UN DÉJEUNER DONNÉ LORS DE LA TABLE RONDE
SUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
EN MATIÈRE DE POLITIQUE CULTURELLE
OTTAWA (Ontario)
Le 30 juin 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Excellences, Mesdames et Messieurs, bienvenue à Ottawa! J'espère que vous avez eu
de bonnes discussions jusqu'ici. Je peux vous dire que la session que j'ai
présidée ce matin était très animée et intéressante.
J'ai expliqué brièvement lors de cette session pourquoi la culture est, à mon
sens, un élément qui gagne en importance dans la conduite de la politique
étrangère. J'ai parlé des changements que nous vivons présentement, de la manière
dont la mondialisation, la propagation de la démocratie et la révolution de
l'information refaçonnent les relations internationales, et j'ai dit comment, face
à cette nouvelle réalité, les biens intangibles d'un pays -- son image globale, sa
culture et sa capacité à rallier les autres à sa cause -- deviennent des leviers
dont on saurait difficilement se passer.
J'ai évoqué également la nécessité de répondre aux ouvertures et aux défis que
cette nouvelle donne présente, depuis la possibilité de joindre directement des
publics étrangers jusqu'aux dangers que fait peser sur l'identité nationale une
marée d'informations et de produits culturels venus d'ailleurs. Maintenant, si
vous me le permettez, j'aimerais passer brièvement en revue certains des moyens
que le Canada a choisis pour relever ces défis et qui, je l'espère, serviront à
alimenter la discussion et les échanges de vues sur les différentes approches que
nous avons adoptées dans le dossier de la culture internationale.
La réponse canadienne procède d'une approche intégrée -- au niveau des institutions
et des thèmes. Le Conseil des arts du Canada, Téléfilm, la Société Radio-Canada,
Héritage Canada, le ministère du Patrimoine canadien et le ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international [MAECI] touchent tous, d'une manière ou
d'une autre, aux questions culturelles internationales. Notre objectif est de
faire en sorte qu'il y ait coordination de ces questions dans un large éventail
d'activités.
Les activités culturelles ont certes une immense valeur intrinsèque -- mais, sur la
scène internationale, elles sont étroitement associées à d'autres dossiers
importants, comme la promotion des valeurs fondamentales, la diplomatie ouverte et
les communications, sans compter l'influence réelle qu'elles peuvent exercer.
Elles ont aussi pour effet de renforcer l'identité nationale et, parallèlement,
d'amener les gens à apprécier les autres cultures, et à s'y ouvrir.
Autrement dit, les relations culturelles ne sont plus seulement le violon d'Ingres
de la diplomatie. Elles font partie intégrante de la trousse à outils de la
politique étrangère. Au Canada, nous avons fait de la promotion intégrée de notre
culture et de nos valeurs le troisième pilier de notre politique étrangère. Nous
faisons la promotion de nos valeurs et de nos intérêts à l'étranger en montrant la
richesse et la diversité de notre culture. Cela contribue à l'image positive que
l'on a du Canada dans le monde, aide à nouer des relations durables et
productives, et facilite l'exportation de nos produits culturels.
Dans le cadre de ce troisième pilier que je viens d'évoquer, nous poursuivons avec
vigueur nos activités traditionnelles de promotion et d'échange. Les budgets
consacrés à la culture et aux relations avec les établissements d'enseignement et
de recherches ont été les seuls à n'avoir pas été touchés par les compressions
substantielles que le MAECI a subies ces dernières années. En même temps, nous
élaborons de nouvelles approches.
Comme de nombreux autres gouvernements, celui du Canada offre un modeste appui aux
artistes qui veulent explorer de nouvelles idées et de nouveaux marchés à
l'étranger. Le MAECI soutient pour sa part de 300 à 400 projets de la sorte chaque
année. Dans le seul domaine des arts de la scène, nous avons l'an dernier appuyé
80 tournées internationales, au cours desquelles près de 1 100 représentations ont
été données dans 42 pays, ce qui a généré près de 13 millions de dollars
d'activités économiques directes. Nous accordons en outre une aide financière à
10 festivals canadiens consacrés aux arts de la scène et au cinéma, dans le but
d'attirer des acheteurs étrangers. Dans le domaine des arts visuels, nous invitons
chaque année jusqu'à 10 directeurs de musées étrangers à visiter nos institutions.
Les bénéficiaires de ce soutien viennent de partout au Canada, et représentent
tous les segments de la société canadienne, y compris les groupes autochtones et
les jeunes.
L'aide que nous apportons ainsi permet à nos artistes de s'ouvrir à de nouvelles
cultures et de partager ce que nous faisons de mieux avec le reste du monde. Elle
contribue également à ce qui est devenu un secteur substantiel de notre économie.
Dans le cadre de notre mandat de développement du commerce international, nous
soutenons aussi les exportations de nos industries culturelles, exportations qui,
en 1997, ont atteint la somme de 1,5 milliard de dollars, soit le double de 1990,
et cela en excluant le film.
Nos missions ont toujours joué un rôle majeur dans le rayonnement de la culture
canadienne à l'étranger. Nous sommes actuellement à rénover certaines d'entre
elles, en sorte qu'elles puissent servir encore plus efficacement de plates-formes
technologiques et polyvalentes pour illustrer ce que le Canada fait de mieux en
matière de culture et d'information. Nous venons de rénover et de rouvrir la
Maison du Canada à Londres, un immeuble bien en vue et multifonctionnel grâce
auquel nous pouvons mieux faire connaître la renaissance de la culture canadienne
au Royaume-Uni. Le Centre culturel du Canada à Paris a eu droit à la même cure de
rajeunissement, et a rouvert ses portes il y a 18 mois. Dès que le gouvernement
allemand aura déménagé à Berlin, nous allons ouvrir notre nouvelle mission dans
cette ville. Elle sera également dotée d'installations culturelles haut de gamme.
Des postes d'information installés dans les zones publiques de nos ambassades à
l'étranger permettront aux gens qui n'ont pas accès à Internet de se familiariser
avec le Canada et sa culture.
Nous avons en outre fait d'énormes efforts pour accentuer la présence du Canada
sur Internet. Le Ministère a plusieurs sites pour lesquels il a mérité des prix et
qui contiennent, sur nos programmes et nos politiques, des renseignements
facilement accessibles aux Canadiens et aux étrangers intéressés. Nous avons par
exemple un site portant sur notre Programme de stages internationaux pour les
jeunes, et un autre sur l'interdiction des mines terrestres antipersonnel.
Ce sont là toutes des pièces importantes dans le puzzle culturel. Mais depuis
longtemps déjà j'ai le sentiment qu'il faut mettre en place une stratégie globale
pour conjuguer entre eux les efforts que nous déployons en matière d'information
et de culture sur la scène internationale. C'est pourquoi j'ai donné en décembre
1996 le coup d'envoi de travaux qui aboutiront à une Stratégie d'information
internationale sur le Canada.
Comme la ministre Copps l'a déclaré à notre Cercle national des journalistes plus
tôt ce mois-ci, le Canada est l'un des pays les plus ouverts à l'exploration de
nouvelles cultures. Bien au-delà de la moitié des émissions de télévision que nous
regardons, de la musique que nous écoutons et des livres que nous lisons sont
produits ailleurs que chez nous. Nous sommes toutefois des gens modestes, et nous
n'excellons pas autant que nous le pourrions lorsqu'il s'agit de partager notre
culture, nos valeurs et nos opinions avec le reste du monde.
Des sondages montrent en effet que les gens au Brésil, au Japon ou au Kenya nous
aiment bien, mais ne nous connaissent pas vraiment. Ils croient que Céline Dion,
Shania Twain, Bryan Adams, Oscar Peterson et Jim Carey sont des Américains. Que le
Canada exporte surtout du blé, du poisson et des minéraux.
Ils sont surpris d'apprendre que nous sommes le deuxième exportateur mondial
d'émissions de télévision. Ou que nous sommes un chef de file dans les
télécommunications, le développement de logiciels et l'animation. Ou encore que
nos écoles d'ingénieurs sont les meilleures. Ce ne sont là que quelques-unes des
raisons qui m'ont incité à lancer la Stratégie d'information internationale sur le
Canada. J'ai demandé au Ministère d'examiner comment le Canada peut utiliser les
technologies de communication modernes pour mieux faire connaître nos réussites et
nos expériences au reste du monde.
De nos consultations avec le secteur privé et celui du bénévolat, les provinces et
d'autres ministères, il est ressorti que le Canada devait être
« électroniquement » présent partout dans le monde. Ne vous inquiétez pas, nous
n'avons pas l'intention de noyer qui que ce soit! Mais nous entendons assumer
notre place dans cet univers aux mille canaux. Nous voulons continuer de parler à
ceux qui s'en remettent à la radio pour obtenir des informations fiables. Et nous
voulons que vous soyez capables de nous joindre par Internet.
Plus précisément, nous envisageons une combinaison stratégique entre les médias
que sont la radio, la télévision et Internet. Comme première mesure en ce sens, la
ministre Copps et moi-même avons veillé à ce que Radio Canada International -- la
voix du Canada à l'étranger depuis plus de 50 ans -- dispose des ressources voulues
pour se préparer au XXIe siècle. Mes collaborateurs ont rencontré ceux du ministère
du Patrimoine canadien ainsi que les dirigeants de l'industrie de la
radiotélédiffusion pour commencer à examiner comment diffuser sur une plus grande
échelle des émissions de télévision portant distinctement la marque du Canada, y
compris dans des langues autres que le français et l'anglais.
En ce qui concerne Internet, nous prévoyons créer une passerelle captivante et
facile à utiliser qui permettra à nos amis d'ailleurs de communiquer rapidement et
sans effort avec les artistes, scientifiques, gens d'affaires, défenseurs des
droits de la personne, universités, collèges et communautés autochtones du Canada.
Ce sera aussi un espace où vos citoyens et les nôtres pourront interagir sur des
questions d'intérêt commun : droits de la personne, élimination des mines
terrestres, protection de l'environnement et essais nucléaires, par exemple.
Par ailleurs, nous voulons également aider, si nous le pouvons, les ONG
[organisations non gouvernementales] et autres groupes de la société civile qui
désirent utiliser les nouvelles technologies pour transcender nos frontières et
partager leurs connaissances avec des groupes de même opinion dans d'autres pays.
Les avantages d'une stratégie internationale intégrée du type de celle que je
viens de décrire se feront sentir non seulement au pays, mais aussi à l'étranger.
La révolution de l'information présente de nouvelles possibilités pour exercer de
l'influence au niveau international. Mais des changements trop rapides créent
également des pressions sur la cohésion nationale. Appuyer l'expression culturelle
à l'étranger, c'est en même temps renforcer l'identité et la fierté nationales.
Les succès internationaux dans le domaine de la culture ont de fortes
répercussions au pays. Ils augmentent la confiance que nous avons en nous-mêmes,
nous rendent fiers et consolident notre sentiment d'appartenance à ce pays. Le
Canada a souvent senti peser sur lui l'ombre de la superpuissance que sont les
États-Unis, son voisin. Aussi, l'appréciation internationale de sa culture et de
ses produits culturels vient-elle renforcer chez lui la sensation d'être distinct,
et d'avoir ses propres mérites. Nos réussites aident à élargir l'espace national
de nos artistes.
Ensemble, la culture et les communications exercent un effet percutant en cette
époque d'interaction mondiale. Les technologies de communication modernes peuvent
éliminer les distances et rapprocher nos citoyens. Elles nous procurent également
de nouveaux moyens de célébrer notre diversité culturelle et linguistique. Mais
cela ne se fera pas tout seul.
Nous ne pouvons pas arrêter la marche de la technologie. Mais nous pouvons -- et
nous devons -- travailler ensemble pour en profiter au maximum et lancer des
dialogues positifs. Dans le « village global », il faut maximiser les
communications avec ses voisins.
Merci.