M. MANLEY - ALLOCUTION AU FORUM INTERPARLEMENTAIREDES AMÉRIQUES - OTTAWA(ONTARIO)
2001/10 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
AU FORUM INTERPARLEMENTAIRE DES AMÉRIQUES
OTTAWA (Ontario)
Le 9 mars 2001
(20 h HNE)
Je suis très honoré de vous adresser la parole ce soir, et de me trouver devant une
assemblée aussi exceptionnelle de collègues parlementaires de 26 pays des
Amériques.
À titre de ministre des Affaires étrangères, je vous souhaite la bienvenue au Canada. Et
en qualité de parlementaire, j'ai le plaisir de vous accueillir dans ma ville natale, où j'ai
le privilège de représenter la circonscription d'Ottawa-Sud depuis 1988.
Je signale la présence des distingués présidents des parlements du Belize, de la
République dominicaine, de la Grenade, de la Jamaïque et de Sainte-Lucie.
Je remercie le président du Sénat, M. Hays, et le président de la Chambre des
communes, M. Milliken, ainsi que le Parlement canadien pour l'appui financier et
logistique qu'ils ont prêtés à la conférence et pour les services fort appréciés de leur
dévoué personnel.
Je salue Bill Graham, votre distingué président, solide pilier du Forum
interparlementaire des Amériques et défenseur infatigable des relations
interparlementaires dans les Amériques, tout comme la sénatrice Céline Hervieux-Payette. J'ai été impressionné par l'enthousiasme que les parlementaires d'un bout à
l'autre des Amériques ont apporté à la conférence.
Je tiens à signaler en outre l'assistance de l'Organisation des États américains,
symbolisée par la présence du secrétaire général adjoint Luigi Einaudi. Je souhaite
beaucoup de succès au sénateur Silvia Hernandez Enriquez et à la délégation
mexicaine, dont le pays s'est engagé à accueillir la seconde conférence du Forum
interparlementaire des Amériques en 2002.
J'accorde une très grande importance à la séance inaugurale du Forum
interparlementaire des Amériques. Elle a un rôle appréciable à jouer pour développer
les liens entre les institutions démocratiques de l'hémisphère et pour renforcer les
valeurs démocratiques des Amériques.
J'y vois même un élément important d'un mouvement permanent par lequel le Canada
assume son identité hémisphérique.
Bien entendu, le point culminant de notre programme pour l'hémisphère se produira
dans un mois à peine, lorsque le Canada accueillera les chefs démocratiquement élus
des gouvernements des Amériques à Québec pour le troisième Sommet des
Amériques.
J'ai suivi avec intérêt les progrès que vous avez accomplis dans vos délibérations des
deux derniers jours, et je suis très impressionné par les résultats.
Le succès de la séance inaugurale du Forum confirme le fait que les Amériques sont
reliées par autre chose que la géographie. Nous avons de plus en plus le sentiment
d'être davantage que des voisins et des partenaires commerciaux.
Chacun et chacune d'entre nous représentent un pays fier, fort de son identité propre,
de sa culture et de sa souveraineté. Mais à un niveau supérieur, nous sommes des
partenaires égaux dans une communauté de démocraties.
Nous partageons des aspirations et des valeurs, un engagement commun en faveur
d'institutions représentatives et responsables. Nous avons la conviction commune qu'un
dialogue démocratique structuré est essentiel pour progresser dans le sens des
objectifs qui consistent à instaurer des marchés libres et la justice sociale, et à
rehausser la qualité de vie de toutes nos populations.
Ces intérêts économiques, sociaux et politiques communs sont étroitement liés et
s'étayent mutuellement. Afin de progresser dans l'un ou l'autre, il est nécessarie d'avoir
des régimes de gestion des affaires publiques fondée sur des principes démocratiques,
la primauté du droit et le respect pour les droits de l'individu.
Nous croyons, par exemple, que les différents procédés juridiques basés sur des règles
auxquels nous aspirons pour susciter la transparence, la prévisibilité et l'équité dans
nos rapports commerciaux concordent avec les formes de systèmes de justice pénale
requises pour assurer le respecter des droits de la personne et permettre aux individus
de réaliser leur potentiel libres des entraves de la discrimination ou de la persécution.
Nous pouvons et nous devons veiller à ce que ces programmes soient exécutés avec
suite et de façon coordonnée.
Au cours d'entretiens avec certains de mes homologues de la région, j'ai suggéré
comment nous, dirigeants et parlementaires, pouvons faire avancer la cause du progrès
humain et de la prospérité commune.
Aujourd'hui, je voudrais exposer comment, du point de vue du Canada, se présentera
ce programme au Sommet des Amériques de 2001, qui aura lieu à Québec du 20 au
22 avril. Le travail que vous aurez accompli à cette séance inaugurale du Forum
interparlementaire des Amériques alimentera l'ordre du jour du Sommet et soutiendra
les efforts que nous poursuivons pour promouvoir la coopération et l'intégration
hémisphérique au moyen du système interaméricain.
Je reconnais d'emblée que des problèmes sérieux et de graves difficultés nous
séparent encore de nos buts.
Le fossé entre les riches et les pauvres est encore trop large, partout dans
l'hémisphère. Il nous faut coopérer pour mettre en place des politiques sociales plus
vastes et plus efficaces, et pour trouver des moyens d'augmenter et de maintenir les
investissements dans les services sociaux.
Les Amériques forment aujourd'hui, dans leur immense majorité, une communauté de
démocraties, et nous assistons depuis 25 ans à une impressionnante transformation du
paysage politique de l'hémisphère. Mais le progrès n'est pas toujours égal ni constant.
Dans certains pays, les institutions démocratiques restent fragiles et ont besoin d'être
renforcées.
Nous vivons dans un monde complexe où le rythme du changement dépasse souvent
la capacité des individus de le comprendre et de s'y adapter. Certains voient dans les
grandes forces de la mondialisation économique et de l'innovation technologique la
cause unique de ces problèmes profonds. Je ne crois pas pour ma part qu'il en soit
ainsi.
Au cours de la dernière décennie, des progrès rapides ont ouvert la perspective
d'introduire les technologies de l'information et des communications dans tous les
segments de nos sociétés. Le Canada est fermement résolu à tirer parti de ces
nouvelles technologies, et il a dressé pour le Sommet un programme d'action pour la
connectivité qui les utilise de manière à combler le fossé numérique dans les
Amériques.
Outre les écarts à réduire sur le plan de la richesse et de l'infrastructure, nous devons
éliminer le déficit de la connaissance, qui se traduit par un déficit des possibilités dans
notre hémisphère et dans le monde entier.
Dans cette révolution de l'information qui se poursuit, les gouvernements ont un rôle
central à jouer pour déterminer comment évolueront ces nouvelles technologies et pour
faire partager équitablement leur pouvoir de franchir de grandes distances, d'élargir
l'accès à la connaissance et d'augmenter la productivité économique.
Au Canada, nous avons accompli de grands progrès dans ce domaine en formant des
partenariats créatifs qui nous permettent de relier toutes nos écoles publiques et nos
collectivités, à un coût relativement modéré.
Le Sommet de Québec exploitera les acquis du Sommet de Miami de 1994 et du
Sommet de Santiago de 1998. Il signalera une détermination et un engagement
politique à façonner notre avenir commun dans l'hémisphère et dans le monde.
Les gouvernements des Amériques ont adopté les thèmes suivants pour le Sommet
des Amériques de 2001 : renforcer la démocratie, créer la prospérité et réaliser le
potentiel humain. Ces thèmes sont complémentaires et le plan d'action -- qui traduit les
principes en actions concrètes -- tracera la voie de la coopération dans les Amériques
au cours des années à venir.
Nous jugeons qu'il est crucial de prendre un engagement clair et irréductible en faveur
du renforcement de la démocratie et de l'inclusion sociale au Sommet de Québec. Cet
engagement aidera à consolider les institutions démocratiques et imprimera un élan
supplémentaire à la coopération pour l'amélioration des mécanismes électoraux. Cela
nous aidera à promouvoir et à protéger les droits de la personne, et à garantir
l'impartialité de la justice.
Un vigoureux engagement en faveur de la démocratie instaurera aussi la
compréhension et l'orientation communes qui nous aideront à lutter contre le trafic des
stupéfiants et la corruption.
Il habilitera davantage les administrations locales et protégera mieux les droits des
minorités, des peuples autochtones, des migrants et des personnes handicapées. Il
renforcera l'égalité juridique, économique et sociale des femmes et des hommes.
Cet engagement est nécessaire pour que nos enfants jouissent de la meilleure
protection possible dans la société d'aujourd'hui et pour qu'ils grandissent dans des
sociétés plus libres et plus justes, qui leur offriront plus de choix et de meilleures
possibilités.
La démocratie et la primauté du droit sont garantes de la sécurité des États et de la
sécurité humaine. Mais une véritable sécurité ne peut guère durer dans des conditions
de pauvreté et d'inégalité des chances.
Réaliser le potentiel humain -- donner à tous les citoyens des Amériques les mêmes
possibilités d'acquérir des connaissances, de jouir d'une bonne santé et de participer
pleinement à tous les aspects de la vie en société -- tout cela nécessite des politiques
sociales efficaces. C'est le fondement sur lequel s'épanouiront la démocratie et la
prospérité.
Le Canada est convaincu que le renforcement des institutions démocratiques et
l'accroissement de la prospérité dans la nouvelle économie doivent aller de pair avec
une action en faveur de l'inclusion sociale.
Il faut améliorer l'accès à l'éducation et au développement des connaissances,
promouvoir l'apprentissage permanent, élargir l'accès à des services de santé de
qualité et à des programmes efficaces de prévention des maladies dans les Amériques.
Et cela doit se faire dans le respect des valeurs de nos collectivités ethniques,
culturelles, linguistiques et religieuses. Nous devons aussi trouver des moyens de
consolider notre engagement à l'égard de l'égalité des sexes.
Nous devons trouver des moyens de promouvoir les droits et les perspectives de
développement des peuples autochtones des Amériques, et de reconnaître l'ampleur
de la contribution que ces Premières nations des Amériques apportent à nos sociétés
aujourd'hui.
Le Canada est déterminé à faire en sorte que la Zone de libre-échange des Amériques
[ZLEA] devienne réalité en 2005.
Nous comprenons le lien qui existe entre libéralisation des échanges, prospérité et
progrès social. Et nous voyons dans la ZLEA -- moyennant une plus grande
transparence et des règles plus claires -- le meilleur moyen de tisser ce lien dans
l'ensemble de l'hémisphère, pour tous les pays, qu'ils soient grands ou petits,
développés ou en développement.
Mais la vraie prospérité et l'amélioration du niveau de vie et de la qualité de vie ne sont
pas réalisables par la seule libéralisation du commerce. L'accord sur la ZLEA doit être,
d'abord et avant tout, un accord entre les peuples et pour les peuples. Il faut que ce soit
un accord foncièrement holistique. Il doit ouvrir des possibilités pour tous et pour toutes,
et n'oublier personne.
C'est pourquoi le Canada collabore étroitement avec ses partenaires du Sommet pour
faire inclure dans le plan d'action du Sommet de Québec l'amélioration de l'efficacité
des marchés financiers, la protection des droits des travailleurs et de l'environnement,
la résolution du problème des inégalités économiques et la promotion de la croissance
dans l'équité.
Nous devons par ailleurs faire participer le secteur privé, les organisations régionales et
internationales, les banques multilatérales de développement et la société civile à un
dialogue visant à encourager une plus grande responsabilité sociale des entreprises de
l'hémisphère.
Nous avons promis aux Canadiens et aux Canadiennes de rendre les politiques et les
activités du gouvernement plus ouvertes et plus transparentes, y compris en ce qui
concerne nos relations internationales. Nous jugeons cela essentiel pour gagner la
confiance du public et pour faire mieux comprendre et accepter nos initiatives.
En prévision du Sommet, le Canada a entamé un dialogue avec les organismes de la
société civile aux niveaux national et hémisphérique. Nous favorisons aussi les
consultations par l'entremise d'organisations sérieuses et engagées, dont le Forum
interparlementaire des Amériques.
Jusqu'à présent, nous avons rencontré les représentants de plus de 1000 groupes et
réseaux de la société civile (ONG, syndicats, gens d'affaires et universitaires, entre
autres) tant au Canada qu'à travers les Amériques. Nous avons écouté leurs
préoccupations et leurs recommandations, nous avons fourni un soutien financier à des
organisations telles que le Forum jeunesse ou le Sommet des peuples, et nous avons
pris en compte leurs vues au cours du développement du Plan d'action pour le
Sommet. Nous allons poursuivre ce dialogue jusqu'au Sommet et durant celui-ci : mes
collègues ministres et moi-même avons prévu de rencontrer une cinquantaine de
représentants des principaux groupes et réseaux de la société civile.
Vous, parlementaires des Amériques, êtes la voix de vos électeurs et la représentation
la plus concrète de leurs intérêts et de leurs aspirations. Le dialogue que vous
établissez avec vos électeurs sur les questions qui domineront le Sommet est essentiel
au succès du processus interaméricain.
Pour qu'il s'agisse véritablement d'un sommet des peuples et pour les peuples, nous
avons le devoir, en tant que représentants de nos peuples, d'y faire participer nos
électeurs. Nous devons veiller à ce qu'ils soient bien renseignés sur le Sommet et à ce
que leurs opinions sur les dossiers du Sommet soient bien intégrées dans le processus.
Mes amis, la coopération avec les parlementaires des Amériques pour créer un réseau
démocratique de l'hémisphère est la pierre angulaire de la politique étrangère
canadienne pour les Amériques. Vous êtes un élément clé de notre dialogue permanent
sur la démocratie dans l'hémisphère.
Et je vous assure que le premier ministre Chrétien, à titre de président du Sommet des
Amériques, transmettra les conclusions de votre séance inaugurale aux dirigeants
présents au Sommet des Amériques de 2001.
Retournons maintenant à nos parlements respectifs pour continuer de construire dans
les Amériques un nouveau millénaire digne de la confiance qu'ont placée en nous nos
citoyens et électeurs.
Je vous remercie.