M. KILGOUR - ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE DU CONSEIL CANADIEN POUR LES AMÉRIQUES : LE CANADA DANS LES AMÉRIQUES - TORONTO (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE),
À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE
DU CONSEIL CANADIEN POUR LES AMÉRIQUES
« LE CANADA DANS LES AMÉRIQUES »
TORONTO (Ontario)
Le 27 mars 2001
L'attitude du Canada à l'égard des habitants et des pays des Amériques complète remarquablement la vision
des Amériques qu'avait Simón Bolívar il y a deux siècles. Vous vous souviendrez de Simón Bolívar comme
d'un libérateur et d'un visionnaire qui a lutté pour l'indépendance par rapport à l'Ancien Monde et aux
anciennes méthodes de colonisation et d'assujettissement. Bolívar respectait le caractère unique et la destinée
de chaque pays de notre hémisphère. S'il était en vie aujourd'hui, il serait d'accord avec la politique du
Canada, qui respecte toujours les principes démocratiques de l'égalité, de l'universalité et de la vie dans la
dignité. Comme Bolívar, le Canada prend le parti des démocraties qui favorisent les droits de la personne, la
primauté du droit, la prospérité partagée et l'accès de tous leurs citoyens aux services essentiels, comme
l'éducation et les soins de santé.
À l'époque de Bolívar, la mondialisation comme on la connaît aujourd'hui n'existait pas. Mais même en 1815, il
a dénoncé les restrictions au commerce imposées par les puissances coloniales. D'emblée, en tant que
président du Pérou, Bolívar a reconnu l'importance du libre-échange entre tous les pays des Amériques. La
plupart d'entre vous savent que cette vision allait à contre-courant de l'orientation prise par les États-Unis, qui
se fondait sur la doctrine de Monroe de 1823.
En règle générale, les Canadiens et la politique étrangère du Canada dans les Amériques n'ont pas été en
cause pendant l'évolution de ces positions contraires en matière de commerce. Notre vision s'est développée
d'est en ouest mais rarement au-delà de nos frontières.
Depuis peu, nous jouons un rôle plus actif dans les affaires internationales, mettant davantage l'accent sur la
sécurité humaine et le développement des sociétés civiles. Au cours des 25 dernières années, nous nous
sommes rendu compte qu'il ne suffit pas de prêcher la morale et la démocratie. Il faut aussi mettre la main à la
pâte.
Le Canada intervient maintenant sur chaque continent, sur des questions qui vont du partage des technologies
dans le domaine de l'éducation à l'élaboration de nouvelles tactiques pour régler les conflits civils.
Les Amériques représentent une occasion unique pour le Canada, car nous partageons non seulement de
nombreux dénominateurs communs dans notre histoire, mais aussi de nombreux défis dans notre avenir.
La tenue du troisième Sommet des Amériques est une conséquence tangible des efforts que nous déployons
pour participer plus efficacement aux affaires de l'hémisphère. Nous avons décidé d'adhérer pleinement à
l'OEA [Organisation des États américains] en 1990 seulement, prenant ainsi l'importante décision politique de
devenir membre actif de notre voisinage économique, politique et géographique.
Le Sommet constitue un élément important d'un processus décisionnel de coopération entre
34 gouvernements démocratiquement élus. Il a pour objectif de trouver des solutions aux problèmes que
connaissent les habitants de toutes les régions de l'hémisphère. Les taux élevés de chômage, la violence,
l'accès limité aux services d'éducation et de santé, probablement les plus grands écarts de revenus au monde
-- ce ne sont là que quelques-uns des problèmes les plus connus de notre région.
Le Sommet accueillera 34 chefs de gouvernement, 9 000 délégués ainsi que des représentants de la Banque
interaméricaine de développement, de l'OEA, de la Banque mondiale et de la Commission économique pour
l'Amérique latine et les Caraïbes. Nous attendons environ 3 000 journalistes de partout dans l'hémisphère.
Il s'agit manifestement d'un événement clé, si ce n'est de la manifestation la plus importante jamais tenue dans
notre pays. Les Canadiens ont maintenant la responsabilité d'assurer que le Canada joue un rôle de chef de
file dans la promotion de la démocratie, la création de la prospérité pour tous et l'investissement dans le
potentiel humain.
Faire partie des Amériques
Il nous faut encore parfois nous rappeler que le Canada fait réellement partie des Amériques. Il est souvent
facile de l'oublier, étant donné les importantes obligations que nous avons à l'égard de l'OTAN [Organisation
du Traité de l'Atlantique Nord], de l'APEC [Coopération économique Asie-Pacifique] et du G-7. Un nombre
accru de Canadiens s'identifient intensément à leurs racines latino-américaines ou caribéennes. Selon
Statistique Canada, en 1996, environ 2 millions de Canadiens ont déclaré être au moins partiellement d'origine
latino-américaine ou caribéenne.
En outre, nous faisons partie de ce que les Européens appellent le Nouveau Monde. Nous partageons avec
beaucoup d'autres personnes de notre hémisphère la diversité ethnoculturelle qui fait des Amériques un
endroit unique au monde.
Il existe une relation de plus en plus symbiotique entre les Canadiens et tous nos amis vivant au sud de notre
frontière. Nos ressources naturelles, notre habileté à transférer les technologies et le télé-enseignement sont
importants pour le bien-être économique et social d'un grand nombre de nos voisins. Il en est de même en
sens inverse. Tout ce qui se passe dans les Andes, que ce soit la production de coca ou de pavot ou un conflit
civil persistant, a souvent des répercussions dans les rues de Toronto, de Vancouver ou de Montréal.
Le Canada a établi des liens politiques solides dans l'hémisphère. Notre premier ministre sera le seul chef de
gouvernement ou d'État à Québec à avoir participé aux trois sommets. En 1998, lors du Sommet de Santiago,
il a saisi l'occasion pour réaliser un rapprochement entre le Canada et ses voisins, qu'il a désigné au moyen
d'une expression se son cru, « La gran Familia ».
Liens économiques de l'hémisphère
L'approfondissement de nos liens dans l'hémisphère offre d'excellentes occasions aux entreprises
canadiennes. La région compte un peu plus de 800 millions d'habitants et possède un PIB d'environ 17 billions
de dollars.
Cette réalité tire à conséquence parce que nous dépendons fortement de nos exportations. Une part d'environ
45 cents de chaque dollar produit au Canada est exportée. Un emploi sur trois au Canada est maintenant
tributaire des exportations. Le Canada est le plus grand importateur et exportateur par habitant au monde.
Notre bien-être et l'avenir de nos enfants reposent, en grande partie, sur notre capacité de vendre nos biens et
services dans d'autres pays.
De 1989 à 1999, nos échanges commerciaux avec les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes ont augmenté
de 173 p. 100, comparativement à seulement 60 p. 100 avec l'Asie et 66 p. 100 avec l'Europe au cours de la
même période.
Nos échanges commerciaux avec les Amériques nous donnent l'occasion de diversifier notre marché au-delà
des États-Unis et de prendre appui sur des investissements très importants en Amérique latine. En Colombie,
au Pérou, au Chili et au Brésil, nos investissements totaux se chiffrent maintenant à près de 25 milliards de
dollars. Depuis que nous sommes membres de l'OEA, notre investissement a quintuplé dans la région.
Les États-Unis demeurent le plus important marché de l'Ontario, qui effectue 92,2 p. 100 de ses échanges
commerciaux avec ce pays, par rapport à seulement 1,4 p. 100 avec l'Amérique latine. Les exportations
ontariennes vers l'Amérique latine ont totalisé 1,5 milliard de dollars l'an dernier.
Des entreprises ontariennes, comme Nortel Networks, Falconbridge, INCO, MITEL et Toronto Dominion, sont
déjà des investisseurs et des exportateurs actifs en Amérique latine. Il existe de nombreux débouchés à
l'horizon. Les exportations soutiennent la croissance d'un grand nombre des secteurs à valeur élevée en
Ontario, notamment ceux de la fabrication, de la haute technologie, de la construction et de l'exploitation
minière.
Pour le Canada, la Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA] offre un mécanisme sur lequel il peut appuyer
les réalisations qu'il a accomplies jusqu'ici, et ce dans un contexte de règles clairement établies, pour mener
des affaires à l'échelle internationale. Ce mécanisme s'accompagne des efforts que nous déployons pour
défendre la démocratie et l'égalité des chances pour tous, sans égard à la taille et au pouvoir économique.
Ceux qui s'opposent à la ZLEA devraient comprendre que le Canada, en tant que puissance moyenne, offre de
meilleures règles commerciales, de meilleures conditions à ceux qui fabriquent et consomment des produits
ainsi qu'un environnement naturel sain à tous.
Les ministres du Commerce de l'hémisphère se rencontreront en Argentine la semaine prochaine pour étudier
les progrès accomplis dans les négociations et faire des recommandations aux dirigeants sur la voie à suivre.
Après le Sommet, nous espérons que les chefs de gouvernement se mettront d'accord sur un Plan d'action qui
trouvera des appuis dans la plupart des grandes institutions financières des Amériques -- la Banque mondiale,
la Banque interaméricaine de développement et la Banque andine de développement. Ce Plan d'action offrira
de nouvelles possibilités aux entreprises canadiennes.
Avant le Sommet, se tiendront deux événements auxquels, en tant que gens d'affaires s'intéressant aux
Amériques, je vous invite à participer. Au début d'avril, il y aura le Forum des gens d'affaires des Amériques à
Buenos Aires, puis à Montréal, du 17 au 20 avril, la Conférence de Montréal organisera une grande réunion de
gens d'affaires. Vous aurez la chance d'y rencontrer quelques-uns des gens d'affaires les plus dynamiques de
l'hémisphère. Ce sera une excellente occasion d'établir des réseaux. De plus, il y aura une séance spéciale sur
la façon de faire des affaires avec les institutions financières internationales.
Pourquoi la coopération politique?
Les Canadiens estiment que travailler au sein d'institutions multilatérales peut contribuer à protéger et à
promouvoir des valeurs aussi nationales que les droits de la personne, la primauté du droit, et les principes
démocratiques véritables -- valeurs également de plus en plus appropriées dans les décisions que nous
prenons en matière de politique étrangère et commerciale.
Le Canada a besoin d'entretenir et d'établir des liens encore plus forts avec d'autres membres de l'OEA. Il
serait très intéressant de connaître votre point de vue sur la façon dont ces relations bilatérales pourraient
évoluer après le Sommet des Amériques. Par exemple, pouvons-nous tirer parti des segments de notre
population qui ont leurs racines dans des pays des Amériques? Leur connaissance profonde de langues et de
cultures différentes est un atout majeur pour nos entreprises, nos ONG et nos gouvernements. À Toronto, vous
profitez d'une diversité ethnoculturelle remarquable. Je suis persuadé que cette richesse en ressources
humaines a contribué au rôle prépondérant que vous jouez en ouvrant des portes à nos dirigeants
d'entreprises dans les Caraïbes et en Amérique latine.
Avantages du Sommet pour le Canada
Des personnes de toutes tendances politiques montrent beaucoup d'intérêt pour la réunion de Québec. Les
préparatifs du Sommet durent depuis trois ans, et sont à l'origine de forums d'universitaires, d'évaluations
médias et de réseaux de citoyens intéressés. Toutes ces activités se répercuteront en fin de compte sur les
discussions du Sommet de Québec.
Il y a deux semaines, j'ai eu le plaisir d'assister au Forum interaméricain des jeunes, qui a rassemblé à Québec
240 jeunes provenant de 20 pays de l'hémisphère et de tous les coins du Canada. Les ministres de
l'Environnement et les maires des grandes villes des Amériques se réuniront à Montréal cette semaine.
L'Assemblée des Premières nations est l'hôte du Sommet interaméricain des peuples autochtones cette
semaine à Ottawa. Les ministres des Finances se rencontreront au début d'avril ici à Toronto.
En fait, il y a maintenant une soudaine poussée d'activité qui confirme notre confiance dans la participation du
public -- la démocratie en action.
Consultation de la société civile
De nombreuses consultations ont été menées auprès de la société civile en vue du Sommet. Le représentant
personnel du premier ministre, M. Marc Lortie, et mes collègues, MM. John Manley et Pierre Pettigrew, ont tous
participé au dialogue avec des représentants de la société civile.
J'ai rencontré récemment des représentants d'organisations de la société civile à Calgary, à Vancouver, à
Edmonton, à Montréal et à Québec. À mesure que le Sommet approche, nous continuerons de rencontrer des
défenseurs de la société civile, pour veiller à ce qu'ils soient entendus.
Toutefois, peu importe le nombre de consultations qui seront tenues, l'opposition à la mondialisation et les
peurs engendrées par le projet de Zone de libre-échange des Amériques existeront toujours. Ce qui ne
compromettra pas le respect que nous avons pour la société civile et la participation de cette dernière à la
promotion d'une plus grande coopération entre nos voisins de l'hémisphère. Nous avons rencontré des
représentants de la société civile qui ont contribué à mieux faire connaître les questions à l'ordre du jour du
Sommet. Nous sommes conscients que certaines personnes prennent les choses tellement à coeur qu'elles
seront tentées d'utiliser des moyens extraordinaires pour exprimer leurs points de vue. Les gens qui désirent
manifester ont le droit de le faire, pourvu qu'ils le fassent pacifiquement. Nous nous attendons à des
manifestations des différentes parties.
Conclusion
C'est un moment passionnant pour les Canadiens. Pendant une courte période de temps à Québec, tous les
yeux seront tournés vers nous, en tant qu'hôtes, défenseurs et champions. Notre histoire est émaillée de
controverses et de compromis, mais toujours dans l'intérêt d'un monde meilleur pour chaque citoyen. Il nous
faudra maintenant faire nos preuves et montrer à quel point nous pouvons nous adapter à la diversité et
traduire la rhétorique en une réalité pratique qui apporte une prospérité durable pour tous.
En fin de compte, il existe seulement trois genres de personnes dans ce monde : celles qui observent, celles
qui agissent et celles qui se demandent ce qui est arrivé.
Je sais quel genre de personnes sont les Canadiens!
Je vous remercie.