M. MANLEY - ALLOCUTION À LA RÉUNION DES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU G8 - ROME, ITALIE
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À LA RÉUNION DES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU G8
ROME, Italie
Le 18 juillet 2001
Je voudrais d'abord remercier le ministre des Affaires étrangères Ruggiero pour son accueil chaleureux. C'est
toujours pour moi un grand plaisir de revenir à Rome. Je suis impressionné par le travail que nous avons
accompli sous la présidence de l'Italie en prévision de la réunion de cette année. Nous avons un ordre du jour
très complet couvrant beaucoup des questions mondiales et des crises régionales les plus pressantes. Grâce à
nos efforts collectifs, je crois que nous pouvons apporter une contribution positive.
L'engagement des citoyens
Je suis certain de parler au nom de tous ceux qui sont présents à cette table en disant que l'engagement des
citoyens est une priorité clé. Le débat public et l'engagement avec la société civile sont utiles tant comme
moyen de renforcer la légitimité du processus du G8 que comme élément essentiel d'un processus
d'engagement et de partenariat indispensable au succès à long terme de nos initiatives.
Le G8 devrait encourager une discussion ouverte des grands thèmes et questions du Sommet ainsi que des
choix politiques que nous devons faire. Nous devrions tous nous engager à donner plus d'ouverture et de
transparence au processus du Sommet et à bâtir des partenariats forts et inclusifs avec le secteur privé, la
société civile et les pays en développement pour relever les grands défis mondiaux.
L'expérience du Canada au Sommet des Amériques de Québec, en avril dernier, a démontré qu'il est
nécessaire pour les dirigeants et les ministres de communiquer davantage avec les citoyens sur une vaste
gamme de sujets. Nous ne devrions pas chercher à nous soustraire à une discussion étendue des questions
de gouvernance à l'ère de la mondialisation. En acceptant le débat, nous pouvons faire en sorte que nos
propres institutions répondent mieux aux besoins de nos citoyens. Nous pouvons également nous assurer que
les institutions mondiales tiennent vraiment compte des préoccupations et des priorités des pays en
développement.
Au sein du G8, nous avons déjà constaté à quel point nous pouvons réussir à toucher et à rallier d'importants
partenaires. Le Groupe de travail sur les perspectives numériques est un excellent exemple d'étroite
collaboration entre les gouvernements du G8, les pays en développement, le monde des affaires et la société
civile, pouvant servir de modèle d'approche inclusive réussie pour s'attaquer à des priorités internationales.
Nos propres discussions sur la prévention des conflits se sont enrichies lorsque les responsables
gouvernementaux se sont entretenus avec des experts de la société civile.
La prévention des conflits
La prévention des conflits figure en tête de liste parmi les préoccupations internationales du Canada. Aucune
approche ne peut être aussi efficace pour réduire le prix humain de la guerre qu'une prévention préalable de la
violence.
Le G8 a réalisé globalement d'importants progrès dans la mise en œuvre des engagements pris l'année
dernière à Miyazaki. Nous avons travaillé pour un meilleur contrôle des exportations d'armes légères et avons
appuyé les efforts destinés à réduire les stocks actuels de ces armes. Nous avons accordé un soutien sans
équivoque à la Conférence des Nations Unies sur les armes légères qui est actuellement en cours. Nous avons
collaboré avec les Nations Unies pour renforcer ses capacités en matière de police civile internationale. Nous
avons cherché à déterminer le rôle positif que le secteur privé peut jouer en faveur de la prévention des conflits
et de la reconstruction après les conflits. Nous avons également exploré les effets de l'aide au développement
sur les conflits.
Le plan d'action élaboré l'année dernière par le G8 pour la prévention des conflits ainsi que le rapport
d'avancement que nous publions démontrent que nous sommes en mesure d'obtenir des résultats concrets.
Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. Ce sont là des questions dans lesquelles le G8 peut intervenir de
façon décisive. Je crois donc que nous devrions maintenir notre action en matière de prévention des conflits
dans l'avenir prévisible.
Je voudrais profiter de l'occasion pour faire le point sur les travaux de la Commission internationale sur
l'intervention et la souveraineté des États. Cette Commission qui est appuyée par le Canada a travaillé très fort,
organisant des tables rondes de consultation dans toutes les régions du monde ainsi que des séances
d'information bilatérales et multilatérales à Ottawa et à New York, commandant des études à des experts, des
universitaires et des praticiens et tenant des réunions dans chacune des capitales des cinq membres
permanents du Conseil de sécurité. Les membres de la Commission abordent maintenant la phase finale de
leur mandat et espèrent me remettre leur rapport en novembre 2001 au plus tard.
Le dialogue établi a été extrêmement inclusif et transparent. La Canada demeure déterminé à reprendre cette
question aux Nations Unies, où nous croyons qu'un débat plus formel devrait se tenir à ce sujet.
C'est pour cette raison que le Canada s'est engagé à remettre le rapport de la Commission au secrétaire
général Annan. Même si nous ne cherchons pas à en faire officiellement inscrire l'objet à l'ordre du jour de la
56e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, nous nous efforcerons d'établir des contacts avec les
États membres au cours de l'hiver pour déterminer s'il est possible de soulever à nouveau la question aux
Nations Unies l'année suivante.
Ce faisant, permettez-moi de vous dire que le Canada est conscient du fait qu'il faudra faire preuve d'une
grande prudence en passant du dialogue informel à la discussion officielle de cette question. Beaucoup de
préoccupations légitimes seront exprimées. En même temps, nous croyons qu'il est essentiel de lancer le
débat et de le faire progresser, aussi difficile que cela puisse être, pour garantir que la communauté
internationale ne se croisera pas les bras à l'avenir pendant que des atrocités sont commises.
J'attends avec intérêt vos points de vue et j'espère que nous pourrons poursuivre nos discussions à mesure
que ce processus évoluera.
Les armes légères
Je voudrais maintenant consacrer quelques instants à la question des armes légères. L'accès aux armes
légères est l'un des principaux facteurs d'instabilité et de conflit un peu partout dans le monde. Cette question
constitue également une partie intégrante de la politique canadienne de prévention et de gestion des conflits,
de maintien de la paix et de reconstruction après les conflits.
J'appuie fortement la conférence historique des Nations Unies sur les armes légères qui se tient actuellement à
New York. Il nous incombe à tous conjointement de chercher à remédier aux souffrances humaines et à
l'insécurité causées par l'accumulation excessive et déstabilisatrice et par la prolifération incontrôlée d'armes
légères. Il est important que le programme d'action qui découlera de la conférence soit exhaustif et mène à des
résultats concrets.
La non-prolifération, le contrôle des armements et le désarmement
Le G8 peut également faire preuve de leadership pour imprimer un nouvel élan aux questions mondiales de
désarmement et de non-prolifération. Notre détermination collective sera essentielle pour engendrer la volonté
politique nécessaire afin de surmonter les incertitudes actuelles et de progresser véritablement dans la mise en
œuvre des mesures pratiques énoncées l'année dernière par la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Nous devons atteindre un certain nombre d'objectifs : assurer une entrée en
vigueur rapide du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, reprendre, à la Conférence des Nations
Unies sur le désarmement, la négociation d'un Traité sur l'interdiction de la production de matière fissile, mettre
en œuvre START II et conclure START III.
La Convention d'Ottawa a eu une influence très sensible sur le problème des mines dans le monde et sur
beaucoup de vies humaines. Nous avons maintenant une norme universelle claire. Depuis 1997, 117 États ont
formellement accepté les obligations de la Convention en la ratifiant ou en y accédant. Vingt et un États parties
ont complètement détruit des stocks totalisant 11 millions de mines. Le commerce des mines terrestres est en
pratique éliminé et le nombre de producteurs est passé de 54 à 16. En 1999, sept des plus importants
programmes de déminage ont permis de dégager au total près de 170 kilomètres carrés de terrains minés. De
plus, le taux d'accidents dans plusieurs des pays les plus minés a considérablement baissé.
L'appui ininterrompu du G8 est essentiel au maintien de l'engagement des principaux donateurs à régler le
problème des mines terrestres. Plus de ressources sont nécessaires pour financer les programmes d'action
contre les mines. Les énormes stocks accumulés dans les pays de l'ex-Union soviétique posent un problème
que le G8 est bien placé pour affronter.
La conclusion, c'est que les structures que nous avons établies au cours des 30 dernières années sont
essentielles à nos intérêts dans le domaine de la sécurité. Nous sommes sur la bonne voie. Nous devons
persévérer. Il reste encore beaucoup à faire et le G8 peut mener ce processus si nous travaillons ensemble.
Le terrorisme
Le G8 continue à jouer un rôle important en coordonnant la lutte contre le terrorisme international, mais il faut
en faire plus. Nous avons établi un ensemble de lois internationales pour combattre le terrorisme, que nous
devons continuer à promouvoir. Nous devrions en outre renforcer notre coopération pour lutter aussi bien
contre les menaces traditionnelles que contre les nouvelles menaces découlant de l'utilisation par les
terroristes des technologies de l'information.
La coordination des efforts que nous consacrons aux principales questions régionales constitue l'un de nos
objectifs les plus importants.
Les Balkans
Je garde un certain optimisme prudent au sujet de la stabilisation à long terme de la région des Balkans. Je
suis très heureux, par exemple, des récents développements, et notamment de l'extradition de l'ancien premier
ministre Milosevic à La Haye. Nous devons maintenir une approche équilibrée, comprenant à la fois l'appui aux
réformes et à la reconstruction et l'encouragement constant d'une plus grande coopération avec le Tribunal
pénal international pour l'ancienne Yougoslavie.
En mai dernier, j'ai visité la République fédérale de Yougoslavie, la Bosnie et le Kosovo. Ces visites ont
confirmé ce que je pensais déjà : le Canada devra maintenir son engagement à consolider la paix et la stabilité
dans la région, notamment grâce à la présence de nos troupes de maintien de la paix en Bosnie. Il est
également clair que la méfiance et l'intolérance demeurent très fortes et que les tensions continuent à monter
dans les régions clés. Nous devrons être prêts à réagir rapidement pour éviter toute nouvelle escalade de la
violence.
Le Canada appuie fermement le cessez-le-feu négocié par l'OTAN [Organisation du Traité de l'Atlantique Nord]
et l'UE [Union européenne] en Macédoine. C'est une importante étape à franchir pour parvenir à un règlement
pacifique du conflit, mais il faut en faire davantage. Nous exhortons tant les insurgés que les forces de sécurité
macédoniennes à observer scrupuleusement les conditions du cessez-le-feu indéfini qui a été conclu.
Il ne peut pas y avoir de solution militaire au conflit. Seul un dialogue politique constructif permettra de définir
les conditions dans lesquelles les insurgés cesseront le combat et déposeront les armes. Nous espérons que
toutes les parties saisiront l'occasion que le cessez-le-feu leur offre de faire aboutir le dialogue politique à un
résultat positif. Nous exhortons toutes les parties à négocier de bonne foi et à accepter les concessions
nécessaires pour en arriver à un règlement pacifique. Nous encourageons le gouvernement macédonien à se
montrer ouvert en abordant les questions constitutionnelles et en assurant l'égalité en matière d'éducation et
de langue et une représentation appropriée dans les institutions publiques et de sécurité.
Le Canada discute avec ses alliés des meilleurs moyens de contribuer davantage au processus de paix en
Macédoine. Ces deux dernières années, le Canada a ouvert un petit bureau à Skopje et a fourni 5,7 millions de
dollars à la Macédoine, principalement pour la réforme économique et la démocratisation. De plus, depuis le
début de la crise, nous avons offert 700 000 dollars d'aide humanitaire aux personnes touchées par les récents
événements survenus dans le nord de la Macédoine. À l'heure actuelle, nous étudions différentes possibilités
d'aide à l'Université multiethnique de Tetovo. Nous envisageons en outre d'envoyer des experts pour aider le
pays à améliorer la gestion des affaires publiques. Enfin, grâce au travail de quelque 80 agents de police
canadiens en poste dans le Kosovo voisin, nous continuerons à contribuer à la sécurité des populations de la
région. Ce faisant, le travail de nos agents de police a des effets positifs sur la sécurité des gens en
Macédoine.
Le processus de paix au Moyen-Orient
La crise qui se poursuit entre Israël et les Palestiniens continue à provoquer un nombre intolérable de victimes.
Ma visite au Moyen-Orient en mai m'a permis de me rendre compte une fois de plus qu'il ne peut pas y avoir de
solution militaire à ce conflit.
Les deux parties doivent reconnaître que la force n'est pas le moyen qui convient et prendre immédiatement
des mesures pour mettre un terme à la violence et reprendre les négociations de paix. À cet égard, le rapport
de la Commission Mitchell, que les deux parties ont accepté, constitue le meilleur cadre disponible pour
progresser. Le Canada appuie la demande du G8 de nommer des observateurs internationaux afin de faciliter
le processus de paix. Le Canada continuera à travailler, notamment grâce à son rôle de leadership sur la
question des réfugiés, à une solution juste du conflit qui réponde aux aspirations légitimes des Israéliens et des
Palestiniens.
Les répercussions économiques de la crise menacent la stabilité de l'Autorité palestinienne, qui constitue le
partenaire d'Israël dans la paix, ce qui réduit la capacité des parties d'en arriver à un règlement juste et
durable. Nous demandons à Israël de remettre à l'Autorité palestinienne les droits de douane et les autres
recettes qui lui reviennent et de prendre d'autres mesures pouvant contribuer à garantir sa stabilité. Nous
saluons en outre les efforts de la communauté des donateurs destinés à fournir une aide d'urgence à l'Autorité
palestinienne en cette période de crise.
Israël, le Liban et la Syrie devraient rapidement reprendre les négociations selon le principe de l'échange de
territoires contre la paix, afin de régler pacifiquement leurs divergences. Nous demandons instamment à toutes
les parties de s'abstenir de toute action militaire l'une contre l'autre, afin d'empêcher l'aggravation des tensions
et les risques de conflit.
La péninsule coréenne
Le Canada a établi en février dernier des relations diplomatiques avec la République populaire démocratique
de Corée [RPDC], ce qui lui a donné de nouvelles occasions de s'entretenir directement avec le gouvernement
nord-coréen d'un vaste éventail de questions bilatérales et multilatérales. De plus, ce rapprochement avec la
RPDC peut contribuer au renforcement de la stabilité dans la région et nous permettra, je crois, d'ouvrir la voie
à des améliorations, aussi modestes soient-elles, des conditions intérieures.
Nous prévoyons continuer à fournir de l'aide humanitaire, à établir un modeste programme d'assistance
bilatérale et à engager un dialogue dans le cadre duquel nous exprimerons les préoccupations canadiennes au
sujet des missiles, de la prolifération et des droits de la personne.
Au cours des prochains jours, je dois me rendre à Hanoï pour assister aux réunions du Forum régional de
l'ANASE [Association des Nations de l'Asie du Sud-Est]. Ce sera une importante occasion de discuter encore
de cette question avec nos principaux partenaires dans la région.
La présidence canadienne du G8 en 2002
L'Italie continuera à assumer la présidence du G8 jusqu'à la fin de l'année. Nous attendons avec intérêt la suite
de nos discussions dans les prochains mois, sous la direction de l'Italie.
Même s'il est trop tôt pour parler des priorités canadiennes de l'année prochaine, il n'y a pas de doute que je
m'efforcerai de faire progresser les principales questions que nous avons débattues cette année sous
l'excellente direction de la présidence italienne. L'engagement des citoyens sera une priorité.
Le G8 demeure une grande priorité pour le Canada. Nous espérons poursuivre dans la lancée des réalisations
positives de cette année et nous nous réjouissons d'accueillir le Sommet du G8 ainsi que les réunions
ministérielles en 2002.
Je vous remercie.