M. PETTIGREW - ALLOCUTION À L'OCCASION DU SOMMET DE 2001 DES DIRIGEANTS DES PAYS DE L'APEC : « UN CYCLE AXÉ SUR LA CROISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT » - SHANGHAI, CHINE
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'OCCASION
DU SOMMET DE 2001 DES DIRIGEANTS DES PAYS DE L'APEC
« UN CYCLE AXÉ SUR LA CROISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT »
Shanghai, Chine
Le 19 octobre 2001
Introduction
À titre de ministre du Commerce international du Canada, je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler aux
dirigeants des pays de l'APEC [Coopération économique Asie-Pacifique].
Des réunions telles que celle-ci constituent d'excellentes occasions pour les représentants des gouvernements
et les chefs d'entreprise des différents pays d'échanger leur point de vue sur les enjeux cruciaux du jour.
Certes, au cours des dernières semaines, aucune question n'a revêtu une plus grande importance que les
tragiques événements du 11 septembre, la guerre mondiale contre le terrorisme déclenchée en réponse à ces
attaques et le climat d'incertitude qui en a résulté. Je pense que les attaques contre New York et Washington
ne visaient pas seulement les États-Unis, mais chacun d'entre nous. Ces actes barbares ont causé la mort de
ressortissants de 60 pays, y compris plusieurs centaines de musulmans. Ces attaques étaient menées contre
toutes les sociétés ouvertes, toutes les nations qui prônent le pluralisme et la tolérance religieuse, tous les
pays qui sont en faveur des économies ouvertes et qui considèrent le libre-échange comme un élément
important des échanges pacifiques entre les pays. C'étaient des attaques contre nos valeurs.
Dans ce contexte, cette rencontre est doublement importante, car elle symbolise notre engagement à l'égard
du dialogue, des échanges internationaux et de l'établissement de relations commerciales plus solides, ainsi
que notre détermination à renforcer le système commercial multilatéral malgré cette agression injustifiée. Je
remercie chacun d'entre vous d'être ici pour montrer votre soutien envers ces objectifs.
Efficacité et équité : l'essence de la mondialisation
J'aimerais aussi remercier les organisateurs de l'événement d'aujourd'hui d'avoir choisi de mettre l'accent sur
l'équilibre entre l'efficacité et l'équité. Il s'agit d'une discussion extrêmement importante et opportune puisque
l'avenir du système commercial multilatéral dépend, à mon avis, de notre succès à réaliser cet équilibre.
Certaines personnes présentent ce débat comme étant un choix entre deux objectifs opposés -- entre des
buts incompatibles ou contradictoires. Le thème de cette conférence est une bien meilleure description de la
question -- certes, on peut parler d'équilibre, mais de celui entre des forces réciproquement solidaires. Il ne
s'agit pas de choisir entre la croissance économique et un partage plus équitable des avantages de cette
croissance économique. Le choix consiste à trouver comment on peut parvenir à la croissance aussi bien qu'au
développement. La croissance économique fournit, grâce à l'efficacité, le moyen d'obtenir l'équité, grâce au
développement.
L'histoire a prouvé à maintes reprises que là où il y a « équité » -- autrement dit, là où règne la primauté du
droit, l'enseignement public, les soins de santé, le bien-être social et d'autres avantages semblables -- il y a
plus de chance que l'« efficacité » -- autrement dit, une économie forte et prospère -- soit également
présente.
Par ailleurs, l'« efficacité » -- ou la croissance économique -- est une condition préalable à l'« équité » -- ou à
un niveau de vie plus élevé pour les citoyens locaux. Cela ne signifie toutefois pas que la croissance
économique suffise pour assurer le développement et la répartition équitable des richesses -- qui dépend de la
gouvernance -- mais elle demeure un élément essentiel de l'équité.
Pourtant, certaines personnes soutiennent que la mondialisation est, par définition, une force négative. Elles
prétendent que celle-ci élargit l'écart entre les riches et les pauvres et entraîne la dégradation de
l'environnement, parmi d'autres maux.
Ces personnes ont tout simplement tort.
Prenons le présumé lien entre la mondialisation et la pauvreté.
Une étude récente de la Banque mondiale a examiné des données concernant le commerce et le revenu pour
un groupe de 101 pays depuis les années 1970. Cette étude a recensé un groupe de pays en développement
prospères -- désignés comme les « mondialistes » dans l'étude -- lesquels ont réduit considérablement les
tarifs douaniers et ont enregistré une grande augmentation du volume réel de leurs échanges commerciaux
depuis 1980.
Les résultats étaient fort intéressants. Selon l'étude, les mondialistes ont rattrapé les pays riches alors que les
protectionnistes se laissent distancer.
Durant les années 1990, le PIB [produit intérieur brut] par habitant de ces pays en développement partisans de
la mondialisation a augmenté de 5 p. 100. Dans les pays riches, il s'est accru de 2,2 p. 100, soit moins de la
moitié de l'augmentation enregistrée par les mondialistes. Enfin, dans les pays en développement qui
s'opposent à la mondialisation, il n'a été majoré que de 1,4 p. 100.
Nous assistons à d'importants progrès dans les efforts déployés pour relever le niveau de vie des peuples du
monde entier.
Au cours des dernières décennies, la durée moyenne de vie dans de nombreux pays en développement s'est
allongée de 45 à 64 ans. Le taux d'alphabétisation a presque doublé. Le pourcentage de la population
mondiale disposant d'eau potable est passé de 45 à 70 p. 100. Par ailleurs, d'après une étude du
PNUD [Programme des Nations Unies pour le développement] -- citée par mon collègue, l'ambassadeur
Zoellick, le représentant au commerce des États-Unis, lors de nos débats pendant la conférence de l'APEC --
on a enregistré au cours des 50 dernières années une plus grande réduction de la pauvreté qu'au cours des
500 dernières et le volume du commerce international s'est multiplié par 17 en 50 ans, dans le cadre du GATT
[Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce] et de l'OMC [Organisation mondiale du commerce].
Il en va de même pour l'environnement. L'indice de durabilité écologique dans 122 pays, qui a été préparé
cette année pour Le Forum économique mondial, a montré qu'il existe une corrélation très nette entre
l'engagement d'un pays à l'égard de l'environnement et sa prospérité générale.
Je pourrais citer d'autres exemples, mais le fait est que, comme l'a écrit récemment Clive Crook dans The
Economist, « l'intégration économique est une force positive; […] la mondialisation, loin d'être la plus grande
cause de la pauvreté, en est le seul remède réalisable. »
Vous et moi, ainsi que nos collègues et homologues au sein des gouvernements et du milieu des affaires,
devons accepter ce message et en devenir les champions.
En ce moment, le grand public a tendance à n'entendre qu'un seul volet du débat. Alors que les anti-mondialistes font la une des journaux avec leurs manifestations de colère dans la rue, ceux qui sont en faveur
de relations commerciales plus solides tendent à offrir un soutien silencieux.
Comme Woody Allen l'a dit une fois : « Quatre-vingts pour cent du génie consiste à faire acte de présence! ».
Nous devons intervenir avant qu'il ne soit trop tard. Si nous ne réussissons pas à faire progresser la
libéralisation du commerce et à renforcer un système commercial international basé sur des règles, nous
risquons de prendre beaucoup de retard. Ce serait une catastrophe. De plus, nous raterons l'occasion
d'envoyer un signal clair de confiance et de détermination à un moment où l'économie mondiale connaît un
ralentissement.
Or, le plus regrettable de cette situation, c'est qu'un recul par rapport à la mondialisation porterait surtout
préjudice aux pauvres dans le monde. Ces pays qui ont les moyens -- principalement les pays développés --
privilégieront alors les accords commerciaux régionaux et bilatéraux. Et, comme Kofi Annan l'a constaté, les
pays où la pauvreté s'est aggravée ne souffrent pas de la mondialisation, mais du manque de mondialisation
ou de la marginalisation par rapport au système commercial mondial.
Le prochain cycle de l'OMC
Nous devons agir, résolument et rapidement. La prochaine réunion des ministres du Commerce de l'OMC
devrait commencer dans moins d'un mois.
À la suite des entretiens que j'ai eus avec les ministres du Commerce du monde entier, j'en viens à la
conclusion que les appuis en faveur du lancement de nouvelles négociations deviennent plus solides. Il est
évident qu'il reste des divergences quant à l'ampleur et à la portée des priorités des négociations et que
certains pays ne sont pas encore tout à fait convaincus des bienfaits qui pourraient découler de nouvelles
négociations. Néanmoins, je crois de plus en plus que nous parviendrons à un consensus d'aller de l'avant à la
prochaine réunion ministérielle.
Le signe le plus concret de nos progrès vers un consensus est apparu le 26 septembre dernier, lorsque le
président du Conseil général de l'OMC, M. Stuart Harbinson de Hong Kong, en Chine, a distribué aux
membres un projet de déclaration ministérielle.
Ce texte fournit, avec des discussions plus poussées, une base solide pour lancer des négociations élargies à
la prochaine réunion ministérielle.
Une des vertus manifestes de ce texte tient au fait qu'il compte 42 paragraphes, comparativement au texte de
34 pages, comprenant de nombreux passages entre crochets, que nous avons eu à Seattle. Je me réjouis
particulièrement du fait que le projet de déclaration reflète le genre de programme équilibré et réaliste que le
Canada appuie depuis Seattle. Je me félicite aussi qu'il renferme la base du « cycle axé sur la croissance et le
développement » que le Canada a demandé.
Le partage des retombées de la croissance
L'accent mis sur la croissance et le développement découle du fait que les gouvernements des nations
industrialisées ont reconnu les lacunes recensées dans de nombreuses institutions commerciales
internationales et prennent des mesures concrètes pour renouveler le système dans l'intérêt de tous les
peuples.
On peut d'ailleurs constater cette même résolution de partager plus équitablement les avantages de la
croissance dans la clause sur la démocratie adoptée au Sommet des Amériques, à Québec, en avril dernier,
ainsi que dans l'attention accordée par les pays du G-8 aux pauvres du monde, et particulièrement à la
situation en Afrique.
Je crois que cet esprit de solidarité mondiale revitalisera aussi le prochain cycle de l'OMC, qui examinera aussi
bien l'avenir que le passé. Un objectif principal consiste à rectifier le dernier cycle -- autrement dit, de s'assurer
que les pays en développement peuvent profiter pleinement de leur adhésion à l'OMC.
Il s'agira d'un cycle qui répondra aux besoins évidents du Sud, aux attentes arrêtées du Nord et aux meilleurs
espoirs de tous.
Les progrès en matière de développement, qui permettent de relever le niveau de vie et d'alphabétisation et
d'augmenter la liberté politique, dépendent des recettes générées par la participation à l'économie mondiale. Si
on ne s'engage pas à garantir une base économique solide, parler de justice sociale risque de n'être rien
d'autre qu'une figure de rhétorique.
La nécessité de la transparence
Les gouvernements peuvent aussi renforcer le soutien et la compréhension des liens entre la croissance et le
développement en améliorant la transparence de ces institutions multilatérales.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, le Canada figure en bonne place parmi ceux qui veulent voir
mentionner dans la Déclaration ministérielle, la transparence et une ouverture accrue, à la fois entre les
membres de l'OMC et entre l'OMC elle-même et le public.
Récemment, nous avons proposé que les membres de l'OMC chargent le secrétariat de l'organisation de
rendre publics le projet de Déclaration et ses versions ultérieures. Une telle ouverture s'est révélée bénéfique
pour nous dans le contexte de la Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA].
Le Canada -- et moi-même personnellement -- avions insisté, depuis un certain temps, auprès de nos
33 partenaires de la ZLEA sur la question de la transparence et je suis très heureux de dire que nos efforts ont
été couronnés de succès.
L'expérience m'a appris que nous n'avons rien à craindre de l'examen du public. Bien au contraire, la décision,
prise plus tôt cette année, de diffuser les avant-projets de textes de négociation de la ZLEA a eu pour effet de
démythifier les discussions commerciales et de faire disparaître un des principaux objets de critique -- c'est-à-dire le caractère secret des négociations -- qui avait permis aux ONG de marquer des points par le passé.
Cette décision a également empêché les détracteurs de semer la crainte quant au contenu possible des textes
de négociation.
La transparence ne complique pas notre travail, elle le facilite. La transparence permet de renforcer le soutien
du public pour la libéralisation du commerce et non de l'affaiblir.
Les objectifs du Canada
Mais qu'est-ce que le Canada attend du prochain cycle?
Premièrement, comme presque tous les autres membres de l'OMC, qu'il s'agisse des économies développées
ou en développement, le Canada vise une réforme significative du commerce des produits agricoles. Il faut que
l'agriculture soit assujettie davantage aux règles commerciales multilatérales, que les subventions faussant les
échanges soient réduites -- et du point de vue du Canada, de façon draconienne -- et que les marchés soient
plus ouverts. Tous les membres en tireraient profil : les pays en développement auraient accès à de nouveaux
marchés dans un secteur où ils seraient concurrentiels et les pays développés réduiraient les dépenses
publiques et favoriseraient les consommateurs grâce à un choix accru de produits et à des prix plus bas.
Le deuxième point d'intérêt du Canada est de favoriser l'innovation et la nouvelle économie. Le commerce ne
se limite plus à la circulation de biens durables. Il concerne de plus en plus les services, le cheminement de
données, les mouvements de capitaux et la propriété intellectuelle. Il reste encore beaucoup à faire pour
adapter les règles au commerce de l'avenir relativement aux règles de l'AGCS et aux engagements concernant
l'accès aux marchés, aux règles en matière d'investissement, à la clarification de l'application des règles sur le
commerce électronique, à l'utilisation efficace de nouvelles technologies pour réduire le coût du commerce, par
exemple.
Le Canada a, certes, quelques réserves bien connues au sujet de ces nouveaux enjeux. Comme tous les
membres de l'OMC, il défendra vigoureusement son droit de fournir des services publics et de réglementer
dans l'intérêt public. Il fera en sorte que rien n'entrave son pouvoir de promouvoir et préserver sa diversité
culturelle ainsi que d'établir des programmes et des politiques pour stimuler la diversité d'expression culturelle.
Il ne compromettra pas ses systèmes de soins de santé ou d'éducation. Par contre, il soutiendra l'élaboration
de règles et maintiendra toujours son engagement en faveur du libre-échange, conformément à ses objectifs
de politique sociale.
Le Canada est en faveur de négociations visant à améliorer la transparence dans les marchés publics. Il
espère avoir l'occasion d'élaborer des directives qui faciliteraient le commerce et qui serviraient de référence à
la loi sur la concurrence. Il soutient l'élaboration de règles limitées sur l'investissement étranger à condition qu'il
y ait suffisamment d'appui de la part des économies en développement, lesquelles devraient être les
principales bénéficiaires de la protection des investissements. De plus, le Canada appuie bien sûr de nouvelles
réductions des droits de douane sur les marchandises -- le sujet prédominant au sein de l'OMC.
La Chine et l'OMC
Lors de la prochaine réunion ministérielle, nous discuterons bien sûr de l'adhésion prévue de la Chine à l'OMC.
Ce pays a adopté l'économie de marché et le marché mondial. La libéralisation économique a été la source de
sa prospérité croissante. Le récent développement économique de la Chine n'a pas son pareil au cours du
siècle passé, tant pour ce qui est de l'ampleur que de la complexité. D'ailleurs, les dirigeants chinois ont
maintenant passé à l'étape suivante, une étape logique et combien enrichissante. J'aimerais dire à quel point
je suis heureux que la Chine soit enfin membre de l'OMC. Il est bon de voir un acteur économique aussi
important franchir une étape déterminante au sein de l'économie mondiale. Au nom du Canada, permettez-moi
de souligner que nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec la Chine pour que cette période de
transition se déroule sans heurt.
L'APEC
Je suis, toutefois, convaincu que la Chine abordera cette tâche avec le même enthousiasme dont elle a fait
preuve en accueillant cette réunion de l'APEC. De concert avec les autres économies de cet organisme, la
Chine s'est déjà efforcée d'encourager les échanges dans la région de l'Asie-Pacifique. Qu'il s'agisse de
biotechnologie, d'énergie, du commerce électronique ou de la promotion de jeunes entrepreneurs, l'APEC est
le forum où les économies d'Asie-Pacifique peuvent coopérer pour réaliser un consensus sur des initiatives
ayant trait à la libéralisation du commerce, notamment le lancement d'un nouveau cycle de l'OMC. C'est la
raison pour laquelle, à l'instar des entreprises qui participent activement à la mondialisation, vous êtes ici
aujourd'hui.
Conclusion
Employons-nous de concert à faire de ce nouveau cycle de négociations un succès retentissant. Grâce à notre
appui enthousiaste pour la coopération internationale, que nos nations rejettent le message du terrorisme et
qu'elles s'efforcent ensemble d'établir une plus grande compréhension, des rapports internationaux solides,
des avantages économiques mutuels et la paix.
Ce sont toutes des valeurs qui découlent du commerce entre les peuples. Il s'agit des valeurs que nous devons
instaurer dans le monde, pour le bien de tous nos peuples.
Je vous remercie.