2004/34 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION DE L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU
PROCESSUS DE KIMBERLEY
GATINEAU (Québec)
Le 28 octobre 2004
C'est pour moi un grand plaisir de me joindre cet après-midi à ce rassemblement
important de représentants du gouvernement, de dirigeants de l'industrie internationale
du diamant et de délégués de la société civile, à l'occasion de l'Assemblée plénière
annuelle du Processus de Kimberley. Bien qu'il s'agisse de mon premier contact avec
le Processus en ma qualité de ministre des Affaires étrangères, j'ai été étroitement
associé au premier débat sur le sujet lorsque j'étais ministre du Commerce
international.
Le Processus de Kimberley est important pour le Canada. Au cours de ces deux
derniers jours, vous aurez constaté à quel point c'est un mécanisme efficace pour
combattre le commerce des diamants de la guerre et asseoir la crédibilité d'une
industrie dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs milliards de dollars. La façon dont
les pays participants ont négocié et mis en œuvre le Processus de Kimberley est un
exemple convaincant de coopération multilatérale réceptive et efficace.
Dès notre présidence du Comité des sanctions concernant l'Angola du Conseil de
Sécurité de l’Organisation des Nations Unies [ONU], jusqu’à notre actuelle présidence
du Processus de Kimberley, ce dernier a toujours revêtu à nos yeux une importance
allant bien au-delà des problèmes liés à la vente de diamants servant à financer les
conflits armés. Le Processus de Kimberley témoigne de la priorité accordée par la
communauté internationale à la prévention et au règlement des conflits violents, et à la
nécessité d'assurer la sécurité des populations civiles vulnérables. Il dénote en outre
une nouvelle approche de la diplomatie internationale selon laquelle on s'attaque aux
défis internationaux en créant des processus axés sur les résultats faisant appel à un
large éventail de partenaires internationaux. Bref, le Processus de Kimberley illustre le
concept de la sécurité humaine à l'œuvre.
Depuis le milieu des années 1990, le Canada préconise une nouvelle approche axée
sur la sécurité humaine en matière de relations internationales. La nécessité d'une
approche plus générale de la sécurité tient à la nature changeante des conflits armés,
et aux conséquences regrettables de la mondialisation.
Depuis quelques décennies, l'écrasante majorité des conflits armés éclatent à l'intérieur
d'un État plutôt qu'entre des pays, et une proportion de plus en plus importante des
victimes se trouve parmi les civils. La démarcation entre la guerre et la criminalité
s'estompe. Les groupes rebelles commettent des actes de brigandage organisé, et le
pillage sert à justifier la poursuite des combats.
Le monde interdépendant dans lequel nous vivons offre de nouvelles promesses, mais
présente également de nouvelles menaces. Des phénomènes transnationaux tels que
le terrorisme, la criminalité internationale et le trafic des armes légères et de la drogue,
et même la traite des femmes et des enfants ont des répercussions qui se font sentir
dans le monde entier.
Le Canada fait la promotion de la sécurité humaine en réaction à ces nouvelles réalités
mondiales. La sécurité humaine se caractérise par l'absence de menaces constantes à
l’encontre des droits et de la sécurité des personnes, voire de leur vie. Notre plan
d'action pour la sécurité humaine vise fondamentalement à élaborer de nouveaux
concepts, à adapter la pratique diplomatique et à moderniser les institutions sur
lesquelles repose le système international, le but étant d'accroître la sécurité de tous.
L'atténuation des incidences des conflits violents sur les civils est aussi à la base d'une
série d'initiatives prioritaires du programme canadien d'action pour la sécurité humaine.
Nous avons joué un rôle de chef de file en ce qui concerne l'interdiction des mines
terrestres ainsi que l'universalisation et la pleine mise en œuvre de la Convention
d'Ottawa. Nous avons préconisé la création d'une cour pénale internationale efficace
chargée de poursuivre les auteurs d'actes de génocide, de crimes contre l'humanité et
de crimes de guerre. Nous avons travaillé en vue d'obtenir un accord international
interdisant le recrutement et l'utilisation d'enfants-soldats. Et nous préconisons un
consensus international sur la responsabilité de protéger les populations civiles
vulnérables dans les situations comme celles du Rwanda, de Srebrenica et du Darfour.
La priorité accordée à la sécurité humaine colore le fond de notre politique étrangère,
mais aussi la forme de notre diplomatie. Bien que cette " nouvelle diplomatie " ne soit
pas exclusivement liée à notre programme d'action pour la sécurité humaine, ce
mélange d'idées porteuses de patiente persuasion, de défense des intérêts publics et
de partenariat avec la société civile s'est révélé remarquablement efficace.
L'établissement de partenariats mondiaux novateurs aide à créer des liens entre des
pays, des institutions, des organisations non gouvernementales, des industries et des
collectivités ayant des objectifs similaires. Ces partenariats sont les précurseurs de la
nouvelle diplomatie et montrent ce que les bonnes idées et la mise en commun des
ressources peuvent permettre d'accomplir.
Un exemple précis de ce type de diplomatie — qui fait intervenir plusieurs des pays
représentés ici — est le Réseau de la sécurité humaine, partenariat interrégional
regroupant 13 pays. Créé en 1999, le Réseau a pour objectif de dynamiser des
processus politiques destinés à attirer l'attention de la communauté internationale sur
les enjeux émergents et à promouvoir la prévention des conflits. Parmi les participants
au Processus de Kimberley, notons la Norvège, l'Afrique du Sud, la Suisse et la
Thaïlande, qui font partie du Réseau de la sécurité humaine, ainsi que l'Autriche, la
Grèce, l'Irlande, les Pays-Bas et la Slovénie, qui sont membres de la Commission
européenne.
Les menaces actuelles ne connaissent pas de frontières. Leur nature mondiale nous
force non seulement à élargir notre définition de la sécurité, mais aussi à établir de
nouveaux partenariats et processus. Et lorsque les défis ne cadrent plus avec des
mécanismes institutionnels bien définis, il faut des solutions novatrices. Dans certains
cas, l’ONU constitue le mécanisme approprié, et dans d'autres, l'ONU est appelée à
entériner des processus spéciaux.
Vous avez sans doute tous déjà remarqué les parallèles évidents à établir entre le
Processus de Kimberley et les idées dont j'ai parlé. Le Processus de Kimberley est
motivé par la volonté de prévenir et de régler les conflits violents et de mettre fin à la
souffrance inutile de civils innocents. Ce processus souple et dynamique est passé
rapidement de la phase de la négociation à celle de la mise en œuvre. Et il a été fondé,
d'entrée de jeu, sur un solide partenariat entre des gouvernements d'optique commune
et l'industrie du diamant.
Je souhaite souligner l'importance du rôle de l'industrie dans le Processus de
Kimberley. Alors que nous nous efforçons de parer aux menaces du XXIe siècle, je
prévois que les nouveaux partenariats avec le secteur privé seront plus souvent la
norme que l'exception. Le Processus de Kimberley est un important précédent. Le
mouvement visant à fournir aux pays africains des médicaments génériques contre le
VIH/sida à faible coût constitue un autre précédent marquant, où la collaboration avec
l'industrie est cruciale.
Il y a deux ans, en tant que président du G8, le Canada a contribué à l'élaboration du
Programme d'action du G8 pour l'Afrique. Ce Programme comportait la promesse
d'œuvrer avec les gouvernements africains, la société civile et d'autres intervenants
pour s'attaquer aux liens entre les conflits armés et l'exploitation des ressources
naturelles. Le Programme s’était fixé, notamment, les priorités suivantes :
• surveiller et empêcher l'exploitation et l'exportation illégales de ressources
naturelles africaines dont la vente sert à financer des conflits armés;
• encourager l'adoption volontaire des principes de responsabilité sociale des
entreprises par ceux qui participent à l'exploitation des ressources naturelles en
Afrique;
• inciter ceux qui participent à l'importation ou à l'exportation de ressources
naturelles africaines à mieux assumer leurs responsabilités et à être plus
transparents.
La concrétisation de ces éléments du Programme d'action pour l'Afrique nécessitera
une collaboration étroite avec le secteur privé. J'espère que la réussite du Processus
de Kimberley sera pour tous une source d'inspiration tandis que nous travaillons à ces
enjeux plus vastes.
Je vous remercie.