M. AXWORTHY - ALLOCUTION DEVANT LA CHAMBRE DES COMMUNESÀ L'OCCASION DU DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL SUR LES EXPORTATIONS MILITAIRES - OTTAWA (ONTARIO)
96/31 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DEVANT LA CHAMBRE DES COMMUNES
À L'OCCASION DU DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL
SUR LES EXPORTATIONS MILITAIRES
OTTAWA (Ontario)
Le 18 juin 1996
Monsieur le Président,
En 1992, j'étais membre du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international qui a publié un rapport sur les améliorations à apporter aux contrôles
canadiens visant les exportations de marchandises militaires et sur les mesures à prendre pour diversifier nos industries de défense et promouvoir leur conversion à la
production civile.
C'était un bon rapport, et mes collègues du comité avaient travaillé fort pour produire des recommandations réalistes qui feraient progresser la politique du
gouvernement de manière originale. À titre de ministre des Affaires étrangères aujourd'hui, je puis dire qu'un certain nombre de ces recommandations sont maintenant en
voie d'être mises en application. Non pas toutes, en partie parce que les circonstances internationales ont changé, et en partie parce qu'aucun pays ne peut tout faire
seul dans ce domaine.
Mais si je cite les travaux du comité permanent, c'est pour souligner un point crucial : la Chambre des communes a un rôle réel à jouer, dans lequel elle est
irremplaçable, pour la formulation de notre politique étrangère. Le Parlement est en mesure de consulter les Canadiens et les Canadiennes et de recueillir des avis
divers comme aucune autre institution nationale ne peut le faire. Observant une tradition honorable, il suscite une participation et une prise de conscience du public
à l'égard des grands dossiers, et fait preuve d'un sens aigu des façons de promouvoir -- et même de provoquer -- de nouvelles idées sans abandonner le noyau pragmatique
qui distingue depuis longtemps notre politique étrangère.
Je veux m'adresser au Parlement encore une fois, pour lui présenter, à l'occasion du dépôt du rapport annuel sur les exportations militaires, certaines des
réalisations récentes et des initiatives actuelles de notre politique de sécurité qui appellent un examen des orientations futures.
Premièrement, je veux décrire le contexte international dans lequel nous opérons, et donner une idée de ce que nous faisons dans le domaine de la sécurité. Le Canada
est actif dans le monde. Nous nous sommes fixés des objectifs que nous atteignons par des initiatives précises.
Le Canada fait depuis longtemps de la sécurité internationale le point central de sa politique étrangère. Dans les années qui ont suivi immédiatement la Deuxième
Guerre mondiale, le général canadien MacNaughton a dirigé le mouvement qui tendait à assujettir la puissance nucléaire au contrôle multilatéral, à faire en sorte que
les atomes servent à la paix plutôt qu'à la guerre. Dans les années 1960, Tommy Burns était un des instigateurs d'une campagne visant à mettre sur pied le mécanisme
international des négociations sur le contrôle des armements et le désarmement. À la fin des années 1970, et au début des années 1980, Pierre Trudeau a mené le combat
pour la raison, notamment en proposant une « stratégie de suffocation » pour obvier aux risques de la prolifération nucléaire.
Depuis quelques années, cependant, la réalité prend une autre tournure, une tournure qui permet au Canada de mettre à profit ses traditions, ses qualités et ses
aspirations nationales propres.
La guerre froide terminée, les risques de conflits entre États diminuent rapidement. En revanche, nous avons de plus en plus à nous occuper de conflits intérieurs, qui
déchirent les peuples et, à l'occasion, menacent de déborder dans les pays voisins.
Lorsqu'un conflit intérieur éclate effectivement -- comme nous l'avons vu au Cambodge, en Bosnie, au Rwanda, en Haïti et ailleurs -- il peut s'avérer encore plus féroce
et meurtrier qu'une guerre entre États, et avoir un effet déstabilisateur considérable sur la sécurité mondiale.
Lorsqu'un conflit intérieur prend fin, d'énormes obstacles restent à surmonter pour réaliser la paix. Un cessez-le-feu entre États est beaucoup plus facile à
surveiller et à imposer qu'une trêve à l'intérieur d'un État. Il n'y a alors aucune frontière bien définie qui sépare les belligérants, aucune différence évidente
entre les populations qui permette de les isoler facilement jusqu'à ce que les esprits soient calmés.
Nous devons aussi faire face à de nouvelles menaces à la sécurité comme la criminalité et le trafic des stupéfiants, la dégradation de l'environnement et les
populations déplacées, la propagande haineuse et les migrations massives involontaires. Les récentes conférences de l'ONU sur l'habitat, le développement social, les
droits des femmes, etc., montrent que la sécurité de l'individu est maintenant un objectif clé de notre action internationale.
De nouveaux instruments sont en voie d'élaboration, qui réclament de nouvelles formes de coopération internationale. L'an dernier, par exemple, le Canada a présidé une
réunion des ministres du G-7 sur la lutte contre le terrorisme. Nos forces de police coopèrent de plus en plus, en effet, avec leurs collègues du monde entier pour la
lutte au grave problème posé par des organisations criminelles impitoyables qui disposent de l'argent et du pouvoir nécessaires pour défier les structures mêmes de
l'autorité légitime. Un corps de lois internationales est en train de se constituer sur les questions environnementales, et nos programmes d'aide deviennent de plus en
plus sensibles à leur propre impact sur les environnements locaux.
Dans le même ordre d'idées, nous savons que la démocratie, le gouvernement responsable et le respect des droits de la personne sont les pierres d'assise d'une
stabilité et d'une sécurité durables. Mais ce n'est pas en chahutant dans la galerie qu'il convient de défendre ces principes. C'est pourquoi nous avons pour mission
de collaborer avec les pays -- avec leurs gouvernements, leurs organisations non gouvernementales, leurs citoyens -- pour bâtir des institutions civiles démocratiques
et respectueuses des droits de la personne. Les Accords de Dayton reflètent cette approche. Le Canada joue un rôle majeur en Bosnie pour défendre les droits de la
personne et engage les ressources à cette fin.
La prévention des conflits est toujours l'option privilégiée, mais la glissade sur la pente de la guerre est parfois impossible à stopper. Que faire alors? Le maintien
de la paix est une des grandes réalisations des 40 dernières années, mais dans un nombre croissant de cas, les formes traditionnelles du maintien de la paix sont
inapplicables. Les unités militaires internationales ont été utilisées, ces dernières années, pour aider à livrer des secours humanitaires au milieu des guerres. Elles
servent actuellement à imposer la paix, comme celles de l'OTAN en Bosnie. Ou à former un bouclier derrière lequel la communauté internationale peut contribuer à
reconstruire les sociétés désintégrées, comme au Cambodge et en Haïti.
Le Canada répond ainsi de façon novatrice et, espérons-nous, efficace à de nouvelles formes de conflit. Par exemple, nous croyons que le déploiement précoce et rapide
de forces de l'ONU bien entraînées peut permettre d'étouffer les conflits naissants avant qu'ils n'échappent à tout contrôle. Nous avons mis sur pied à Cornwallis, en
Nouvelle-Écosse, un centre de formation en maintien de la paix. Nos soldats enseignent à leurs homologues d'Asie, d'Amérique latine, d'Europe de l'Est et d'autres
régions les techniques de maintien de la paix et nous avons constaté au cours des dernières années que ces nouveaux gardiens de la paix apportent une contribution de
plus en plus tangible.
Nous avons également réalisé une importante étude, et fait appel pour ce faire à des spécialistes du Canada et du monde entier, sur la capacité de l'ONU à amener
beaucoup plus rapidement des forces de maintien de la paix sur le terrain. Nous avons mis au point, à cet égard, une série de recommandations pratiques et abordables,
que nous défendons avec d'autres pays auprès de l'ONU.
Un troisième moyen d'intervention est celui de la consolidation de la paix. Nous avons appris qu'il ne suffit pas simplement de mettre fin aux conflits. Il faut
également consolider la paix. C'est précisément ce à quoi s'emploie le Canada en Haïti. Nous collaborons avec le gouvernement local à mettre sur pied des institutions
politiques et civiles aptes à répondre aux besoins de la population haïtienne. Des membres de la GRC et de la Sûreté du Québec assurent la formation d'une nouvelle
force de police haïtienne qui, pour la première fois dans l'histoire de ce pays, pourra aider la population plutôt que de l'opprimer.
Nous savons que la diffusion de messages haineux peut empoisonner une population et rendre toute paix impossible. C'est pourquoi le Canada a lancé dernièrement en
Europe une initiative visant à promouvoir l'existence de médias libres et démocratiques afin d'empêcher que puissent se répandre des messages déformés du genre de ceux
qui ont contribué à mettre le feu aux poudres dans l'ancienne Yougoslavie; des discussions ont cours actuellement afin de voir si nous pouvons aider le gouvernement de
Bosnie à mettre sur pied un système de radiodiffusion en fournissant de la formation et du matériel à cette fin. Nous commençons à envisager la possibilité de mettre
au service de notre politique étrangère la nouvelle technologie de l'information et nos compétences poussées en radiodiffusion.
Toujours en Bosnie, une autre initiative a été lancée ces derniers mois : on a en effet confié à une équipe dirigée par John Reid le soin d'organiser les élections de
la plus haute importance qui doivent se dérouler plus tard cette année.
De nouveaux domaines s'ouvrent où les Canadiens peuvent apporter de véritables améliorations en raison de ce qu'ils sont, de nouveaux domaines où les Canadiens à
l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement peuvent changer la situation également en raison de qui ils sont. Une concentration accrue sur les sources d'insécurité au
sein des pays et entre les pays est nécessaire depuis longtemps. Une plus grande compétence et de nouvelles techniques sont aussi nécessaires pour mettre fin au
conflit. La recherche d'approches originales pour consolider la paix met notre imagination et notre résolution à l'épreuve. Les Canadiens sont aux premiers rangs pour
mettre ces questions à l'ordre du jour et pour veiller à ce qu'elles se traduisent par de vrais changements dans les politiques et les pratiques internationales.
Ces trois volets de prévention des conflits, de réaction rapide et de reconstruction/consolidation de la paix sont distincts, mais ils se soutiennent et se renforcent
mutuellement. Un des enjeux clés consiste à les réunir en une approche générale efficace pour empêcher les conflits, non seulement en théorie, mais aussi dans la
pratique. Or, nos ressources sont limitées, et nous devons déterminer ce que nous pouvons faire et ce que nous devons laisser aux soins des autres. C'est un point où
l'opinion du Parlement serait la bienvenue.
Malgré ces changements, nous sommes toujours confrontés à une production mondiale d'armes de près de 200 milliards de dollars par année.
Soit, des progrès importants ont été réalisés ces dernières années en ce qui concerne la réduction des armes nucléaires par le programme START. Les États-Unis et la
Russie ont réduit leur arsenaux nucléaires de façon spectaculaire. Mais nous sommes maintenant confrontés à la perspective d'une capacité nucléaire (et dans la plupart
des cas chimique et biologique) dans d'autres États, particulièrement dans les soi-disant États délinquants qui ne reconnaissent aucune norme ou règle internationale.
Voilà qui représente une menace sérieuse à notre stabilité.
Pour cette raison, la prolongation du Traité de non-prolifération des armes nucléaires était cruciale. La prolongation indéfinie du TNP paraissait pour ainsi dire
irréalisable il y a quelques années. Pourtant, à force d'effort et de coopération Est-Ouest et Nord-Sud, elle s'est réalisée. À la conférence sur la prolongation, l'an
dernier, le Canada a joué un rôle central dans la rédaction d'une « Déclaration de principes et d'objectifs » et d'une « Déclaration d'examens approfondis », qui nous
ont fait sortir de l'impasse et ont rendu le succès possible. La deuxième déclaration revêt une grande importance parce qu'elle engage tous les signataires à examiner
tous les cinq ans les questions visées par le TNP. Ces rencontres fourniront une excellente occasion de faire progresser le programme des armes nucléaires. Les
préparatifs pour chaque réunion prendront plusieurs années, et c'est le moment d'exposer nos idées. Il n'est pas trop tôt pour commencer à envisager les objectifs du
Canada pour la réunion de l'an 2000.
Nous avons besoin de nouvelles approches pour les régions qui présentent les plus grands risques de prolifération. Il suffit de se souvenir de l'angoisse ressentie au
sujet de l'avenir des armes nucléaires en Ukraine. Après avoir hésité initialement, le gouvernement ukrainien s'est rendu compte que les armes nucléaires constituaient
un obstacle plutôt qu'une carte d'entrée dans la communauté des nations. Aujourd'hui, l'Ukraine n'a plus d'armes nucléaires. Ce n'est pas hasard qu'elle bénéficie
aussi d'une aide financière, technique et politique considérable de la part de l'Occident. Cette année, sous la présidence canadienne, le G-7 a conclu un accord avec
l'Ukraine en vue de fermer le réacteur de Tchernobyl et d'améliorer la sécurité nucléaire et l'accès à l'énergie pour tout le pays. Y a-t-il des mesures analogues qui
peuvent être prises dans d'autres régions dangereuses qui sont ouvertes aux préoccupations locales, mais qui appuient malgré tout le système plus large de
non-prolifération?
Nous devons consolider les progrès réalisés ces dernières années en vue de réduire les armes nucléaires. Mais un problème important subsiste. Il s'agit de la question
de savoir ce que l'on doit faire du plutonium pouvant être utilisé pour la fabrication d'armes nucléaires, lequel s'accumule après la destruction d'armes existantes
aux États-Unis et en Russie. Au sommet nucléaire de Moscou tenu au printemps, le premier ministre Chrétien a annoncé que le Canada était disposé à envisager de
convertir une certaine partie de ce plutonium pour produire de l'électricité nucléaire. Notre offre ne vaut naturellement que si le programme peut se conformer aux
normes strictes de protection de l'environnement et de sécurité. Cependant, si nous pouvons mettre notre projet à exécution, le programme réduirait considérablement le
stock de plutonium de qualité militaire que pourraient se procurer les pays déterminés à poursuivre un programme illégal d'armes nucléaires.
Il est tout aussi important, pour assurer la sécurité en matière de non-prolifération, de signer d'ici l'automne un traité d'interdiction complète des essais. Cette
démarche est nécessaire pour assurer le succès de la non-prolifération, et les pays du tiers monde y voient une question de bonne foi. Le Canada a joué un rôle de
premier plan en faisant avancer le traité aux négociations de Genève et en effectuant le travail scientifique nécessaire pour rendre la vérification possible.
Les armes de destruction massive soulèvent de très graves inquiétudes pour l'avenir de notre planète. Mais nous ne devons jamais oublier que ce sont les armes
classiques qui ont été et qui sont encore à l'origine du caractère meurtrier des conflits des cinquante dernières années. En fait, il est encore plus difficile
d'imposer des restrictions sur ce type d'armes que sur les armes nucléaires, chimiques et biologiques. À cet égard, la fin de la guerre froide a peut-être empiré les
choses. Nous sommes en présence d'une offre excédentaire : il peut arriver que les armes rendues inutiles depuis la fin de la compétition entre l'Est et l'Ouest
soient écoulées à bas prix au tiers monde. La demande d'armes de haute technologie est plus forte : les pays qui sollicitaient naguère la protection de l'une ou
l'autre des superpuissances s'estiment maintenant tenus de se donner leurs propres moyens de défense.
Des progrès modestes ont été accomplis, mais il nous faut insister sur le mot « modeste ». Le Registre des armes classiques établi par les Nations unies s'avère un
outil utile. Mais il existe des échappatoires et l'observation volontaire cause des problèmes réels. Nous tentons présentement de l'améliorer, mais le dossier
progresse lentement.
Fait plus encourageant, on constate certains signes prometteurs de la naissance d'une coopération et d'une coordination à l'égard du contrôle des armes classiques et
de la question connexe des exportations à double usage. Durant des décennies, une organisation relevant de l'OTAN, appelée le COCOM, a élevé de solides barrières
contre la circulation d'Ouest en Est des armes et des technologies avancées. Mais la guerre froide est chose du passé; la Fédération russe et les anciens membres du
Pacte de Varsovie en Europe de l'Est s'inquiètent désormais autant que nous des programmes d'armement déstabilisateurs des États délinquants. En décembre dernier, le
Canada, ses anciens partenaires du COCOM ainsi que ses anciens adversaires du Pacte de Varsovie se sont concertés pour annoncer un nouveau régime -- l'Arrangement de
Wassenar -- pour favoriser une plus grande transparence et une responsabilité accrue dans le commerce mondial des armements et des technologies à double usage. Ce
nouveau mécanisme offre les moyens d'interrompre l'approvisionnement des États susceptibles de déclencher un autre conflit semblable à la guerre du Golfe. Des nouveaux
membres y adhèrent, en provenance de pays en développement et émergents de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine, preuve s'il en est que les barrières tombent à
mesure que les pays se concertent pour poursuivre un objectif commun. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans la formulation de cette entente.
Le Canada a aussi pris la tête d'un mouvement international qui pourrait fort bien mener à une interdiction totale d'utiliser les mines antipersonnel. Nous avons pu
constater ces dernières années à quel point ces armes de guerre soi-disant légitimes étaient devenues de véritables instruments de terreur pour les civils.
Le 17 janvier, nous avons annoncé un moratoire sur la production, l'exportation et l'utilisation (sauf à des fins d'entraînement) des mines antipersonnel. Cette
annonce a déclenché un formidable mouvement international. La poignée de pays optimistes que nous étions il y a à peine un an a réussi à constituer un vaste réseau de
pays qui partagent les idées du Canada. Outre le Canada, 35 pays, dont les États-Unis, l'Allemagne et l'Afrique du Sud, se sont déclarés prêts à travailler pour
obtenir une interdiction totale. Le mois dernier, au cours de sa visite à Ottawa, M. Kinkel, ministre des Affaires étrangers de l'Allemagne, a accepté de collaborer de
près avec le Canada afin d'obtenir l'appui d'autres pays à cette interdiction, à l'instar du ministre mexicain des Affaires étrangères, M. Gurria. Nous avons convaincu
les présidents de l'Amérique centrale, de passage à Ottawa le mois dernier, de nous aider à obtenir l'appui des pays membres de l'OEA à l'égard d'une résolution en
faveur de l'interdiction des mines dans l'hémisphère occidental. Nous déployons également de grands efforts à l'OTAN, à l'ASEAN et en consultation avec nos partenaires
du G-7 pour gagner d'autres appuis.
L'automne prochain, nous innoverons en accueillant à Ottawa les participants à une séance internationale de stratégie visant à activer les travaux en vue de faire
interdire les mines antipersonnel. Nous réunissons actuellement des appuis en faveur d'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU. Nous nous réjouissons de
l'appui des gouvernements à notre initiative, mais nous sommes particulièrement heureux de l'appui sans réserve que nous a donné la communauté internationale des ONG,
dont bon nombre ont eu à traiter directement les victimes affreusement mutilées des mines antipersonnel.
Nous reconnaissons que les pays ont le droit de se défendre, de maintenir des forces militaires et de fournir à leurs soldats les armes dont ils ont besoin pour
assurer leur légitime défense. Sans parler des pays délinquants dont le comportement déroge à toute norme internationale raisonnable, il existe encore des pays dont
les achats d'armes semblent largement supérieurs à leurs besoins réels. Il faut s'interroger sur la « légitimité des besoins » en armes de même que sur le degré de
puissance et de perfectionnement que ces armes doivent avoir, ainsi que sur les dépenses nécessaires pour répondre à ces besoins légitimes.
La situation est particulièrement inquiétante dans les pays en développement qui n'hésitent pas à affecter les maigres ressources dont ils disposent pour le
développement économique à l'accroissement de leur arsenal militaire. Se pourrait-il que l'aide accordée libère des fonds et permette aux gouvernements d'affecter
leurs recettes intérieures à l'achat d'armes? Ou faut-il plutôt penser que même si l'aide est suspendue, ces gouvernements dépenseront leur argent pour se procurer des
armes de toutes façons, n'hésitant pas à priver leurs citoyens des secours pourtant limités que l'aide extérieure peut leur apporter?
Le rapport entre la politique d'aide et les achats à caractère militaire dans les pays bénéficiaires est désormais une question prioritaire. Le Canada a été l'un des
plus ardents promoteurs, à l'échelle internationale, de la réalisation d'études plus poussées et de l'adoption de mesures concrètes. Le Canada ne cesse de soulever
cette question sur les tribunes internationales telles que la Banque mondiale et le FMI; il a formé un groupe de pays animés des mêmes sentiments qui se réunissent
périodiquement pour définir des moyens innovateurs d'orienter en ce sens les efforts de coopération en matière de développement. Au sommet du G-7 tenu à Halifax l'an
dernier, les ministres ont adopté la proposition du Canada de presser les banques multilatérales de développement de tenir compte des dépenses militaires au moment
d'accorder de l'aide financière. Nous avons récemment proposé que l'OCDE réalise une série d'études de cas sur cette question. Ces études alimenteront un symposium
international de l'OCDE dont le Canada sera l'hôte l'hiver prochain. À la suite des consultations que nous avons tenues en mars dernier avec des experts et des
organisations non gouvernementales, nous avons préparé un document de stratégie qu'il me fait plaisir de déposer aujourd'hui au Parlement. J'invite les députés
intéressés à me faire connaître leur point de vue.
Pour renforcer notre engagement à l'égard du contôle des armes classiques, il suffit de regarder notre dossier en la matière. Le contrôle des exportations est le moyen
le plus important pour limiter les exportations militaires et la plupart des pays responsables y ont recours sous une forme ou sous une autre.
Les contrôles exercés par le Canada sont parmi les plus serrés au monde, mais je me propose de les resserrer encore davantage afin que nous puissions nous assurer,
dans toute la mesure du possible, que nos exportations ne tombent pas entre de mauvaises mains ou ne soient pas utilisées à des fins inacceptables. Voici les
directives que j'ai données à mes fonctionnaires :
procéder à des analyses plus rigoureuses de l'état de la sécurité régionale, internationale et intérieure dans les pays auxquels les armes sont destinées afin de
prévenir les effets déstabilisateurs possibles des ventes proposées;
interpréter de façon plus stricte les critères relatifs aux droits de la personne, notamment en augmentant nos exigences à l'égard des certificats d'utilisation et
des autres garanties fournies par les utilisateurs afin de minimiser le risque que du matériel militaire canadien soit utilisé contre des civils;
exercer les contrôles les plus rigoureux possibles à l'égard des exportations d'armes à feu et d'autre matériel possiblement meurtrier pour m'assurer que les lois et
pratiques concernant le contrôle des armes à feu dans les pays bénéficiaires puissent éviter que les armes à feu canadiennes ne fassent l'objet d'un commerce illicite
ou n'alimentent la violence locale.
J'ai déposé aujourd'hui le sixième Rapport annuel sur les exportations militaires du Canada. Il me fait plaisir de signaler que ces exportations ont diminué de 12 % en
1995 et que seule une faible proportion était destinée aux plus pauvres des pays en développement.
Je veux que le Canada joue un rôle encore plus responsable sur le marché mondial du matériel militaire et qu'il continue de faire figure de chef de file à l'égard de
l'entente multilatérale qu'est l'Arrangement de Wassenar. J'invite à nouveau le Parlement à s'intéresser activement à la définition de ce rôle.
J'ai parlé aujourd'hui de la façon dont les nouveaux principes et objectifs relatifs à la politique de la sécurité influent sur notre politique étrangère. Nous sommes
sur la bonne voie, je le sais, mais je veillerai à ce que nous continuions de progresser en misant sur les solides assises de notre passé.
J'ai mentionné plus tôt le travail des généraux MacNaughton et Burns, et de l'ancien premier ministre Trudeau en vue de ramener le monde à la raison, de mettre un
terme à cette course aux armements toujours plus puissants et plus destructeurs. À l'époque, beaucoup ont qualifié leurs efforts de rêves idéalistes ou pire encore.
Aujourd'hui, leurs idées sont des évidences, le point de départ de nos discussions actuelles.
Nous ne devrions jamais sous-estimer le pouvoir des idées, ni craindre d'entretenir des pensées audacieuses. Je serais très favorable à des discussions avec le Comité
permanent des affaires étrangères et du commerce international et d'autres députés intéressés sur les moyens que peut prendre le Parlement pour participer plus
activement à la formulation de la politique de sécurité, peut-être par l'entremise du Comité permanent ou même d'un comité spécial du Parlement.
Le travail du Parlement et les contributions des Canadiens intéressés s'inscrivent dans un effort sans relâche -- au Canada et ailleurs dans le monde -- en vue de
formuler des idées qui peuvent changer les mentalités, les comportements et le monde pour améliorer le sort de chacun d'entre nous.
Merci, Monsieur le Président.