M. CHAN - ALLOCUTION DEVANT LE COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRESET DU COMMERCE INTERNATIONALDE LA CHAMBRE DES COMMUNES - OTTAWA (ONTARIO)
96/32 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE RAYMOND CHAN,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (ASIE-PACIFIQUE),
DEVANT
LE COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA (Ontario)
Le 13 juin 1996
La région Asie-Pacifique constitue l'un des principaux défis de la politique étrangère canadienne. Les économies de la région vivent de profondes transformations
sociales, économiques et politiques. Les revenus sont en hausse, les gens migrent vers les villes, et ils voyagent à l'étranger. Par voie de conséquence, la classe
moyenne qui émerge en Asie s'intéresse davantage à la liberté politique, à l'amélioration des infrastructures et des conditions de vie ainsi qu'au développement
économique durable. La région Asie-Pacifique a encore beaucoup de progrès à faire dans ces domaines, mais la volonté de sa classe moyenne naissante ne peut être
ignorée.
Depuis deux ans et demi, je sillonne la région pour y promouvoir les intérêts du Canada, qui se reflètent dans notre politique globale à l'égard de l'Asie. Cette
politique est basée sur trois piliers : la prospérité économique, la sécurité régionale ainsi que les droits de la personne et la primauté du droit. J'aimerais
m'arrêter un moment sur chacun de ces trois piliers.
Notre gouvernement a été élu en 1993 en promettant un programme d'action pour favoriser l'emploi et la croissance, dont l'un des objectifs clés est d'accroître
sensiblement l'activité commerciale du Canada dans la région Asie-Pacifique, une région à expansion rapide. Je suis heureux de rapporter que le Canada connaît de bons
résultats dans cette région, des résultats meilleurs qu'ils ne l'ont jamais été. Après s'être accrues de 20 p. 100 en 1994, les exportations ont progressé d'un autre
30 p. 100 en 1995 pour atteindre 26,5 milliards de dollars, soit plus de la moitié de nos exportations hors États-Unis.
L'an dernier, nos ventes au Japon se sont accrues d'un remarquable 24 p. 100 pour dépasser les 12 milliards de dollars en 1995. Les ventes à Hong Kong se sont accrues
de 50 p. 100, celles à la Malaisie de 96 p. 100, les ventes à l'Inde de 64 p. 100 (de près des deux tiers en une seule année), et celles au Pakistan de plus de 100 p.
100.
La région Asie-Pacifique renferme certains des marchés les plus dynamiques du monde. Ces marchés sont aussi diversifiés que les économies. Ils offrent des débouchés
dans presque chaque secteur de l'activité commerciale canadienne. Ces marchés nous posent un défi. La langue, la société et la culture commerciale y sont très
différentes des nôtres. Mais le dynamisme des marchés et l'ampleur des débouchés font que le défi vaut la peine d'être relevé.
Les missions Équipe Canada qui ont visité la Chine en 1994 ainsi que l'Inde, le Pakistan, l'Indonésie et la Malaisie en janvier de cette année ont généré plus de
17 milliards de dollars en nouvelles ententes commerciales complémentaires. D'autres missions dirigées par d'autres ministres canadiens et moi-même ont aussi fait
progresser nos intérêts commerciaux et ont ainsi stimulé l'emploi et la croissance au pays. On estime que chaque milliard de dollars d'exportations crée 11 000 emplois
au Canada. Ces missions démontrent aussi aux dirigeants asiatiques que le Canada entend devenir un grand partenaire dans la région, et le rester longtemps.
La Chambre de commerce du Canada a sondé les dirigeants d'entreprise qui ont participé à la mission de janvier 1996. Elle a découvert que 94 p. 100 des répondants
étaient d'avis qu'Équipe Canada leur avait ouvert des portes sur des marchés clés et que ces initiatives devraient se poursuivre. De plus, 90 p. 100 des répondants
voyaient la mission comme ayant stimulé la réalisation de leurs objectifs corporatifs en matière d'expansion commerciale.
Comme nous l'avons constaté pendant les missions Équipe Commerce Canada et aussi pendant mes nombreuses missions, les domaines de compétences canadiennes correspondent
parfaitement aux secteurs que les économies asiatiques s'efforcent de renforcer : par exemple, l'énergie, les télécommunications, les services financiers, les
ressources naturelles, l'agroalimentaire et la protection de l'environnement. Avec la participation étrangère accrue rendue possible par les réformes en Chine et avec
les réductions tarifaires d'avril dernier, les possibilités d'accroître le commerce et l'investissement entre nos deux pays continueront à s'améliorer.
Les gouvernements centraux, bien qu'encore prédominants dans les économies asiatiques, n'y exercent toutefois plus la même influence qu'autrefois. Les décisions sont
de plus en plus souvent prises au niveau des autorités locales, ou tout simplement à l'extérieur de l'administration gouvernementale. Nous devons faire fond sur notre
capacité d'identifier et de cultiver ces nouveaux décisionnaires. Les missions Équipe Canada et les missions commerciales plus petites envoyées sur des marchés
régionaux favorisent les prises de contacts entre des gens d'affaires canadiens et des décisionnaires clés.
Les forces de la mondialisation et la restructuration économique favorisent aussi l'ouverture des marchés asiatiques. Au vu de la mise en application des réductions
tarifaires de l'Uruguay Round et de l'accession probable de la Chine, de Taïwan et du Viêt-nam à l'Organisation mondiale du commerce [OMC], les barrières tarifaires ne
constituent plus un obstacle majeur au commerce avec la région.
Les accords bilatéraux sont une autre façon de réduire les obstacles au commerce et à l'investissement. Par exemple, le premier Accord sur la protection des
investissements étrangers (APIE) a été signé avec les Philippines à la fin de 1995. Il s'agit d'un accord bilatéral visant la promotion et la protection réciproques de
l'investissement étranger. Des négociations ont été engagées avec la Chine, l'Indonésie, la Thaïlande, l'Inde et le Viêt-nam.
Le deuxième pilier est celui de la sécurité régionale. La protection de notre sécurité est un élément clé de notre politique étrangère. Nos objectifs économiques et
commerciaux pour l'Asie-Pacifique supposent le maintien de la paix et de la stabilité. La fin de la guerre froide a changé beaucoup de choses dans le monde; mais la
région a encore des problèmes, dont certains intéressent directement le Canada.
Nous surveillons de près le processus menant à la rétrocession de Hong Kong en 1997. Cette transition se fera dans moins de 400 jours. Je crois que nous avons fait des
progrès avec les Chinois sur la clarification des droits de résidence après le 1er juillet 1997 et sur la garantie de notre droit à offrir des services consulaires aux
Hong-Kongais. J'ai aussi espoir que la transition proprement dite se fera sans trop de heurts. Nous pouvons être raisonnablement confiants que Hong Kong maintiendra sa
participation au mécanisme de Coopération économique Asie-Pacifique [APEC] et à l'OMC. Son rôle commercial et financier international sera préservé, comme nous
l'avions espéré, du moins à court et à moyen termes.
Il faudra aussi surveiller la recrudescence possible des tensions entre la Chine et Taïwan; il y aura lieu de suivre de près les progrès réalisés dans les pourparlers
sur le commerce, sur la coopération économique ainsi que sur les liaisons aériennes et maritimes directes. Nous sommes confrontés à un conflit potentiellement
dangereux entre l'Inde et le Pakistan sur le Cachemire, surtout dans le contexte d'une rivalité nucléaire toujours active. Nous sommes préoccupés par la situation dans
la péninsule de Corée. Et il semble y avoir peu d'espoir de régler en permanence le conflit ethnique brutal qui fait rage au Sri Lanka depuis 13 ans.
Le contrôle des armes, l'ouverture des espaces aériens et la sécurité des voies maritimes constituent nos principales préoccupations en ce qui concerne la sécurité
dans la région. Notre objectif est de participer aux nouvelles discussions sur la sécurité, surtout lorsque nos principaux intérêts sont en cause. Nous participons
activement au Forum régional de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est [ASEAN] qui est encore le seul mécanisme de dialogue dans la région. Et le Canada a
d'importantes compétences à offrir. Nous continuons à aider les économies de l'Asie-Pacifique en mettant à profit les expériences, les techniques et les compétences
canadiennes en matière de maintien de la paix et de contrôle des armements.
Le développement durable en Asie est crucial pour la sécurité de l'environnement mondial; il doit aussi clairement former une partie intégrante de notre politique à
l'égard de l'Asie. On estime qu'en l'an 2000, 30 villes asiatiques auront plus de 5 millions d'habitants. En l'an 2015, 17 des 27 mégalopoles du monde se trouveront en
Asie. La région Asie-Pacifique subit de profondes transformations sociales, économiques et politiques qui auront un impact considérable sur l'écosystème de la planète.
Enfin, quelques mots sur le troisième pilier, celui des droits de la personne, qui est la principale raison de ma décision de faire de la politique.
Comme nombre de mes collègues le savent, jusqu'aux événements de 1989 sur la Place Tiananmen en Chine, je menais une existence confortable; j'étais marié et père de
deux enfants; j'avais une belle maison et un bon travail. Mais les événements de cette journée-là m'ont forcé à réévaluer ma situation. J'ai réalisé que je profitais
ici de notre précieuse démocratie alors qu'en Chine des étudiants faisaient l'ultime sacrifice au nom de la même démocratie. Ce qui m'a amené à contribuer à fonder la
Vancouver Society in Support of Democratic Movement. Sur la base de cette expérience, j'ai décidé de contribuer à la démocratie de mon pays, le Canada. Aujourd'hui, je
suis fier d'être le député de Richmond, en Colombie-Britannique.
Je suis fier du fait que le respect des droits de la personne forme une partie essentielle de la politique étrangère du gouvernement. Depuis deux ans et demi, je
m'efforce de promouvoir les droits de la personne dans la région Asie-Pacifique, tout en faisant clairement comprendre que nos relations avec les économies de la
région ne peuvent être réduites ou ramenées à une dichotomie entre commerce et droits de la personne. Nous croyons que le maintien de contacts systématiques et
diversifiés encouragera la société chinoise à réclamer plus d'ouverture et de liberté. Nous sommes certainement amenés à croire que la libéralisation économique
favorise la flexibilité politique, et que les gouvernements qui ont ouvert leurs marchés au commerce international sont plus sensibles aux vues et aux réactions des
autres pays.
Une société repliée sur elle-même, faiblement tributaire du commerce et de l'investissement international, est moins susceptible de réagir aux préoccupations
étrangères. Le commerce diminue l'isolationnisme. Il élargit également la portée du droit international et génère la croissance économique essentielle à l'évolution et
au développement de la société. La libéralisation économique mène également à la pluralisation au sein des groupes d'intérêts d'une société. Néanmoins, nous nous
devons, en tant que gouvernement, de saisir toutes les occasions d'aborder le sujet des droits de la personne avec les dirigeants de pays qui, à notre avis, se rendent
coupables de violations à cet égard. Bien que respectueux des traditions et des cultures millénaires, nous avons toujours maintenu que la meilleure façon pour l'État
de garantir la stabilité et la prospérité, c'est d'être à l'écoute de la population.
Fidèle à sa politique, notre gouvernement continuera de travailler avec les autres économies pour s'assurer qu'elles honorent leurs engagements en vertu de la
Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies. Bilatéralement, nous avons également fait part de nos préoccupations au chapitre des droits de la personne aux
dirigeants de plusieurs pays de la région. En fait, lors de ma récente visite en Chine, le mois dernier, j'ai personnellement fait part de mes préoccupations au sujet
de la situation des droits de la personne aux divers représentants que j'ai rencontrés, en particulier au ministre des Affaires étrangères, M. Qian Qichen. C'est une
démarche que j'ai adoptée dans bien d'autres pays de la région, notamment le Viêt-nam et l'Indonésie. J'ai aussi rencontré en Inde des représentants chargés des droits
de la personne et des groupes de militants pour discuter de sujets comme les troubles qui déchirent le Panjab; je me suis également entretenu avec les représentants
pakistanais et indiens des problèmes qui persistent au Cachemire. En fait, dans tous les cas où il sera opportun de le faire, je mentionnerai les préoccupations du
Canada au chapitre des droits de la personne chaque fois que je rencontrerai mes homologues asiatiques.
Par ailleurs, notre gouvernement participe à des projets constructifs dans le domaine des droits de la personne avec la collaboration de ses partenaires asiatiques.
L'ACDI [Agence canadienne de développement international] continue de se distinguer dans la promotion des droits de la personne, de la saine gestion des affaires
publiques et de la primauté du droit. Par exemple, comme je l'ai moi-même constaté le mois dernier en Chine, le programme de l'ACDI pour ce pays a contribué à ses
réformes économiques et à son ouverture progressive sur le monde, surtout en créant des liens entre les gens et les institutions, en transférant des compétences, des
connaissances et des technologies, et en faisant connaître à des milliers de Chinois le Canada, ses valeurs et ses méthodes de gestion des affaires publiques.
Il y en a, en Asie, qui prétendent que la démocratie ne sied pas à ce continent, parce qu'elle est étrangère aux « valeurs asiatiques » comme le confucianisme. Je ne
suis pas du tout de cet avis. Comme je l'ai affirmé en Chine le mois dernier, la classe dirigeante tient toujours ce discours lorsqu'il y va de son propre intérêt.
Elle manipule le confucianisme pour appuyer sa cause. Je suis d'avis, quant à moi, que la démocratie et la liberté de pensée sont bien ancrées dans la doctrine de
Confucius.
Pour conclure, je suis convaincu que l'importance que notre gouvernement accorde à la région Asie-Pacifique -- outre les motifs que nous communiquons aux Canadiens pour
justifier cette stratégie -- est sans doute le meilleur exemple que nous puissions donner aux Canadiens de l'application des principes énoncés dans notre Livre rouge.
En bref, les exportations créent des emplois, et les emplois créent de la richesse pour les Canadiens, ce qui contribue à la réduction du déficit et au maintien d'un
grand nombre de programmes, tels ceux des soins de santé, qui ont fait de notre pays l'envie du monde.
L'accroissement des liens commerciaux par-delà le Pacifique et partout en Asie nécessitera de notre part des efforts constants, qui je suis sûr porteront fruit. Je
crois que nous sommes à même de profiter de l'amélioration de l'accès aux marchés, un acquis de l'Uruguay Round, ainsi que de l'amélioration de nos rapports bilatéraux
avec nombre de pays. Nous devrons bien cibler nos efforts de promotion du commerce, de l'investissement et du tourisme. Nous aurons tout intérêt également à participer
avec enthousiasme aux institutions régionales, et en premier lieu à l'APEC (mécanisme de Coopération économique Asie-Pacifique).
À cet égard, j'ai eu l'honneur d'annoncer en novembre dernier que le sommet et la réunion ministérielle de l'APEC auront lieu à Vancouver en 1997. Nous aurons là une
excellente occasion de faire découvrir le Canada à nos partenaires de l'Asie-Pacifique et de leur révéler les aspects de notre pays qui en font une nation du Pacifique
et un partenaire actif dans la région.
Le succès dans la région Asie-Pacifique suppose non seulement un engagement de longue haleine, mais aussi un engagement quant à de nombreux aspects des activités
humaines dont la création de liens personnels entre les dirigeants, l'acceptation de certaines responsabilités dans des domaines tels que la paix, les droits de la
personne et le développement démocratique, la reconnaissance de la valeur des liens éducationnels et culturels, enfin la mise en commun des expériences dans des
domaines particuliers tels que la recherche et le développement, la protection de l'environnement et d'autres enjeux appelant une action publique.
Pour moi, notre engagement a un sens particulier. Il s'agit de mobiliser les Canadiens d'origine asiatique dans l'édification de nos partenariats de la région Asie-Pacifique. Les Canadiens d'origine asiatique -- représentants de grandes sociétés ou dirigeants de PME dynamiques --, peuvent contribuer à l'effort national dont nous
avons besoin. Ils ajouteront de l'empathie à nos liens avec la région Asie-Pacifique, une complicité culturelle comme celle qui contribue tellement à nos liens
nord-américains et européens. Notre succès dans la réalisation de nos aspirations commerciales dépendra largement de notre aptitude à rattacher nos peuples.
J'ai tenté de faire ma part, et je continuerai.
Je vous remercie.