M. EGGLETON - ALLOCUTION ÀLA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE À SINGAPOUR - SINGAPOUR
96/55 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
DISCOURS D'OUVERTURE
DE
L'HONORABLE ART EGGLETON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À
LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE
DE L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE À SINGAPOUR
SINGAPOUR
Le 9 décembre 1996
Ce document est également disponible au site Internet du Ministère : http://www.dfait-maeci.gc.ca
Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général,
C'est avec grand plaisir que je représente le Canada à cette première conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du Commerce [OMC]. En décidant, il y a deux
ans, de créer l'OMC à la fin de l'Uruguay Round, la communauté internationale a fait preuve à la fois d'audace et d'optimisme. Aujourd'hui, même si nous pouvons nous
réjouir des progrès réalisés, cette conférence va nous donner la chance de fixer les orientations politiques de l'OMC en établissant ses priorités pour les années à
venir.
Il y a deux ans, nous avons décidé que le commerce mondial devrait être régi par des règles universelles, dans notre intérêt à tous. Autrement dit, nous avons accepté
que le commerce international soit soumis à la règle de droit plutôt qu'à la force économique, aux menaces ou aux sanctions. Le Canada demeure convaincu que l'OMC, à
mesure qu'elle intégrera davantage de biens, de services et de pays, établira peu à peu un environnement propice à une croissance économique stable, à la hausse des
niveaux de vie dans le monde, et à la création d'emplois productifs pour tous.
Le Canada croit aussi que la nécessité d'instaurer un système global d'échanges commerciaux, loin d'être diminuée par la négociation d'accords commerciaux régionaux,
en sera renforcée. L'avenir qu'envisage mon gouvernement se caractérise non pas par l'apparition de forteresses commerciales impénétrables, mais plutôt par
l'instauration du libre-échange entre toutes les régions. À titre de membre de l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] et de partisan convaincu du Comité de
l'OMC sur les accords commerciaux régionaux, le Canada est la preuve concrète que les deux types d'accords sont mutuellement compatibles.
La manière dont nous envisageons leur évolution est à la fois audacieuse et réaliste : notre objectif ultime est de vivre dans un monde où les biens, les services et
les investissements peuvent traverser librement les frontières nationales, dans le cadre d'un ensemble commun de règles établies ayant fait l'objet d'un accord
universel. Seule l'OMC peut nous donner cet espoir, et c'est seulement en nous fixant des objectifs ambitieux dès maintenant que l'Organisation pourra renforcer sa
primauté face au nombre croissant de projets de négociation d'accords de commerce régionaux.
Bien que très jeune, l'OMC a déjà fait la preuve de son utilité et de son efficacité. Pendant sa première année, la mise en oeuvre de réductions importantes des tarifs
douaniers et la ratification de nouveaux accords ont contribué à une hausse de 8 p. 100 du commerce mondial des marchandises -- ce qui est plus que la croissance
globale de la production.
En favorisant le règlement juste et efficace d'un nombre important de différends commerciaux, elle a rehaussé la confiance des milieux d'affaires dans le système
multilatéral.
N'oublions pas cependant que notre mission a moins à voir avec la stimulation du commerce mondial qu'avec la gestion de l'explosion des échanges à laquelle nous
assistons actuellement, sans que nous y fassions quoi que ce soit. Ainsi, le Canada a doublé ses exportations au cours des 10 premières années, et il est arrivé au
point où celles-ci représentent aujourd'hui 40 p. 100 de son activité économique, ce qui est la proportion la plus élevée de tous les pays du G-7. Cela me fait penser
à Gandhi qui disait : « Tiens, voilà mon peuple qui passe. Je dois vite aller en tête car c'est moi qui le guide. »
Si l'OMC veut continuer à jouer son rôle de leader, il faut qu'elle réponde sans tarder aux demandes du commerce mondial. Et c'est pourquoi nous devons rapidement
conclure les dossiers restés en instance à Marrakech, et ne pas hésiter à explorer de nouveaux territoires, encore vierges.
Malgré nos meilleurs efforts, nous n'avons pas réussi à nous entendre sur la libéralisation du commerce dans certains secteurs clés de l'industrie des services.
J'espère que cette assemblée renouvellera son engagement de conclure avec succès d'ici au 15 février 1997 les négociations sur les services de télécommunications de
base.
Je m'attends aussi à ce que nous parvenions à un accord sur la reprise des négociations au sujet des services financiers dès le début de l'année prochaine, dans le but
de conclure une entente en 1997.
Nous avons encore beaucoup de travail à faire en ce qui concerne la transparence. Certes, les politiques commerciales et les règlements sont aujourd'hui plus
transparents grâce au mécanisme d'examen des politiques commerciales, mais les membres de l'OMC ont encore bien des choses à améliorer à ce chapitre, notamment en ce
qui concerne la notification des mesures nationales et la prestation d'un accès public opportun aux documents de l'Organisation.
Je m'attends aussi à ce que le travail continue l'année prochaine sur la compréhension des liens entre le commerce et l'environnement. Le Canada appuie l'application
de règles sur l'étiquetage écologique et souhaite un examen plus approfondi de la relation entre les accords multilatéraux touchant respectivement l'environnement et
le commerce.
Finalement, s'il est vrai que l'Uruguay Round a permis aux pays en développement de gagner un meilleur accès aux marchés mondiaux, nous devons faire encore plus pour
qu'ils en profitent vraiment. Voilà pourquoi le Canada propose la tenue d'une réunion spéciale en 1997, afin d'améliorer la coordination de l'assistance technique.
Cela dit, je répète qu'il nous appartient de démontrer au monde que nous sommes capables de suivre l'évolution très rapide des besoins issus de la mondialisation, ce
qui veut dire que nous devrons constamment actualiser nos débats sur le commerce. Profitons de cette occasion pour nous entendre sur de nouvelles initiatives
opportunes, en particulier sur la négociation d'une entente au sujet de la technologie de l'information. L'OMC ne saurait se désintéresser de la révolution globale que
connaît actuellement la technologie des communications, ni nier les avantages que peut tirer le commerce mondial de la baisse des coûts qui en résulte. En conséquence,
j'encourage tous les membres de l'Organisation à participer à ces négociations qui promettent d'être bénéfiques autant aux pays développés qu'aux pays en
développement. L'OMC inspirera la confiance si elle peut démontrer qu'elle est assez souple pour répondre aux besoins des milieux d'affaires internationaux.
Je crois que nous devrions poursuivre nos efforts de réduction des tarifs douaniers, d'accélération des réductions figurant dans les échéanciers de Marrakech, et
d'accroissement du nombre d'accords zéro-à-zéro, notamment sur les oléagineux et l'aluminium.
Nous devons entamer le débat sur des questions telles que les politiques d'investissement et de concurrence, qui revêtent une importance cruciale pour le système de
commerce mondial. L'investissement étranger direct connaît actuellement une croissance supérieure aux échanges commerciaux eux-mêmes, et c'est devenu un facteur
important de croissance économique, de développement et de création d'emplois.
C'est pour cette raison que le Canada a pris l'initiative de réclamer le lancement du travail nécessaire pour assurer une meilleure compréhension par tous les membres
de l'OMC de la dynamique commerce-investissement. Il ne s'agit pas d'entreprendre de nouvelles négociations mais plutôt d'assurer une coopération active entre l'OMC et
d'autres instances, telle la CNUCED [Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement], pour améliorer notre compréhension de ces questions.
De telles mesures témoigneraient de la volonté politique de l'Organisation de s'adapter aux besoins du commerce mondial tout en répondant aux intérêts de ses membres.
Les bienfaits du commerce mondial profitent à chacun de nos pays, quel que soit son niveau de développement. S'il est vrai que nous pouvons nous réjouir des résultats
obtenus jusqu'à maintenant, n'oublions pas que la mise en oeuvre complète de l'Uruguay Round ne marquera pas la fin, mais le début de notre travail.
Il y a 35 ans, le philosophe canadien Marshall McLuhan inventait le mot « média » pour décrire toutes les formes de communication, et prédisait que l'ère de
l'électronique serait celle du « village global ». Eh bien, le village existe, et sa « place du marché », c'est la planète.
L'intégration économique, résultat de l'accroissement des flux du commerce et de l'investissement, est favorisée par des individus qui cherchent tout simplement à
améliorer leur sort.
D'aucuns prétendent que cet accroissement des échanges commerciaux pourrait être néfaste -- qu'il entraînerait non pas des créations mais des pertes d'emplois. Bien que
l'OIT [Organisation internationale du Travail] soit la première tribune mondiale pour discuter des normes du travail fondamentales, nous, membres de l'OMC, avons le
devoir de répondre à ces préoccupations en montrant qu'une meilleure adhésion à un système d'échanges commerciaux fondé sur des règles et qu'un effort accru de
libéralisation des échanges contribueront à la croissance économique, dans l'intérêt de toutes les populations.
L'OMC n'est pas le GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce]. Nous disposons désormais d'une tribune pour discuter de ces questions. La célébration
du cinquantenaire nous donne l'occasion de vérifier si notre nouveau navire possède tout le gréement dont il a besoin ou s'il faut le doter d'une nouvelle boussole
politique.
Le choix qui s'offre à nous est parfaitement clair. Ou nous refusons de nous adapter, et notre organisation perdra sa primauté, ainsi que la chance d'établir un cadre
rationnel et stable pour contribuer à la hausse des niveaux de vie grâce au commerce, ou nous acceptons l'idée que nous vivons dans un village global, et nous faisons
alors le nécessaire pour faciliter la participation de tous nos concitoyens au marché global.
J'invite ardemment tous les participants à cette conférence à choisir la seconde voie, afin que nous puissions gérer efficacement les forces du marché et faire
profiter nos populations respectives de tous les bienfaits du commerce mondial.
Merci.