M. MARCHI - ALLOCUTION À L'OCCASION DE L'OUVERTURE DE LA SÉANCE PLÉNIÈREDE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE INTERGOUVERNEMENTALECANADA-RUSSIE - OTTAWA (ONTARIO)
97/40 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE L'HONORABLE SERGIO MARCHI,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'OCCASION
DE L'OUVERTURE DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE
DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE INTERGOUVERNEMENTALE
CANADA-RUSSIE
OTTAWA (Ontario)
Le 10 octobre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Monsieur le vice-premier ministre Serov,
Monsieur le ministre Orlov,
Monsieur l'ambassadeur Belonogov,
Monsieur l'ambassadeur Leahy,
Membres de la délégation russe,
Mesdames et Messieurs,
Notre CEI [Commission économique intergouvernementale] bilatérale est axée sur les
affaires et, cette année, ce ne sont pas les sujets à aborder qui manquent.
Il est réjouissant d'observer un degré sans précédent d'intérêt, de la part des
gouvernements et du monde des affaires, envers la réalisation de l'énorme
potentiel qui existe entre le Canada et la Russie au chapitre du commerce et de
l'investissement.
Au moment où s'ouvre cette réunion plénière de la CEI, l'héritage économique de la
Russie soviétique s'estompe de plus en plus rapidement, car la Russie continue de
prendre les mesures difficiles mais nécessaires qui lui permettront d'asseoir son
économie de marché sur de solides bases.
Lorsque les premiers ministres Chrétien et Tchernomyrdine ont créé la CEI il y a
deux ans, à Ottawa, ce qui retenait l'attention en Russie, et à propos de la
Russie, était encore d'ordre politique. Les réformes étaient-elles en train de
réussir ou de vaciller? Le prochain Parlement aurait-il les yeux tournés vers
l'avenir ou vers le passé? Qui occuperait la présidence et qui gouvernerait?
Nous connaissons maintenant les réponses à ces questions et, cette année, les
regards se tournent vers un aspect totalement différent, vers la dimension
économique. L'économie russe a maintenant sa place sur la scène mondiale, non
seulement en qualité de nouveau marché en essor, mais aussi à titre d'investisseur
et de pays où investir et avec lequel il faut compter.
Sur le plan intérieur, le gouvernement russe a mis en place un système de
libéralisation de l'économie marqué par la concurrence et les restructurations et
porteur de réformes. Le consommateur bénéficie d'un choix plus grand, et
l'entrepreneur, d'une plus grande marge de manœuvre que jamais auparavant. Le
revenu réel est déjà en augmentation dans de nombreuses régions.
Sur la scène internationale, la Russie a adopté une attitude ouverte, franche et
réfléchie. Elle adhère au Club de Paris et fait de grands pas dans le sens d'une
adhésion à l'OMC [Organisation mondiale du commerce]. Elle constitue un partenaire
apprécié au Sommet des Huit et un futur collègue dans d'autres instances clés.
Grâce à ces progrès, la technologie, les investissements en capitaux, les biens et
les services du Canada traversent les océans Atlantique, Pacifique et Arctique à
un rythme croissant. Le Canada et le monde veulent être associés à la nouvelle
Russie.
L'année qui vient de s'écouler a donné lieu à des réalisations considérables sur
le plan bilatéral. La ratification de notre accord pour éviter la double
imposition est une réussite dont nous nous réjouissons. Après des années
d'activité modeste en ce qui concerne la Russie, la Société pour l'expansion des
exportations (SEE) a souscrit des engagements plus importants que jamais en ce qui
a trait au financement des exportations canadiennes vers la Russie, et celle-ci
gravit rapidement des échelons sur la liste des pays prioritaires de nos
exportateurs.
Le Forum financier Canada-Russie qui s'est tenu ces deux derniers jours à Montréal
a incité un très grand nombre de représentants du dynamique secteur bancaire russe
à venir au Canada pour la première fois. Ces assises ont retenu l'attention de nos
milieux des finances et des affaires. Nous savons que le rendement stupéfiant
obtenu cette année par le marché boursier de Moscou ne constitue qu'un début.
L'appartenance au Club de Paris témoigne du regain de vie de la Russie sur le plan
financier et le rééchelonnement de la dette accordé lundi par le Club de Londres
contribue à clore un chapitre de la transformation financière de la Russie.
L'annonce faite par le président Eltsine, selon laquelle les prêts actuels du FMI
[Fonds monétaire international] à la Russie seront les derniers, atteste d'une
confiance nouvelle dans un revirement de l'économie et dans la capacité prochaine
de la Russie de financer elle-même l'essor de son investissement intérieur.
Il n'est de plus importante initiative pour l'intégration de la Russie à la
communauté mondiale des nations commerçantes que sa décision de joindre les rangs
de l'OMC. Membre fondateur du club des partisans de la libéralisation du commerce,
le Canada s'enorgueillit d'aider la Russie à se préparer à cet événement. Nous
sommes déterminés à être pour elle un partenaire loyal dans les efforts qu'elle
déploie à cette fin.
Chacun de ces événements internationaux constitue, en lui-même, un facteur
d'optimisme. Ensemble, ils incarnent une stratégie qui positionnera l'économie
russe favorablement pour connaître la croissance et le succès face à la
concurrence au cours du prochain millénaire.
Tout n'a pas encore été fait, loin s'en faut. L'économie russe ne fonctionne pas
encore dans un contexte juridique et budgétaire de nature à soutenir un taux élevé
de croissance. Nos entreprises éprouvent des difficultés symptomatiques du
caractère incomplet des restructurations institutionnelles. Il ne suffit pas
d'adopter des lois et d'annoncer des règlements. Leur mise en œuvre doit se faire
dans la transparence et la cohérence. Les tribunaux et les procureurs ont besoin
d'un statut et d'un pouvoir propres à assurer leur indépendance.
La concurrence la plus forte à laquelle la Russie est confrontée concerne
l'obtention d'investissements étrangers. Ces investissements ont joué un rôle
formateur pour le Canada. Ils continuent de jouer un rôle crucial pour ce qui est
de préserver la compétitivité de notre économie. Toutefois, les capitaux
d'investissement sont un produit faisant l'objet d'échanges mondiaux et chaque
pays doit jouer le jeu de la concurrence pour les obtenir.
La Russie a déjà obtenu de bons résultats dans sa recherche de capitaux de
portefeuille. Mais pour remporter le gros lot - l'investissement direct dans
l'infrastructure et la production -, il faudra continuer de mettre l'accent sur
l'éducation et la formation; sur un cadre réglementaire et fiscal cohérent; sur un
processus clair de prise de décisions et d'approbation; sur la cohésion au sein
des autorités fédérales et régionales, et entre elles; sur un cadre budgétaire
judicieux; sur une politique monétaire prudente; et, enfin, sur une économie
ouverte, compétitive, où les idées nouvelles, l'amélioration des façons de faire
et le relèvement de la qualité sont les clés du succès.
Le Canada est actif sur chacun de ces trois fronts. Nous sommes en train de
réorienter nos initiatives de formation vers le but que s'est fixé la Russie, et
qui est d'éduquer une nouvelle génération de gestionnaires du secteur privé afin
qu'ils puissent relever des défis d'ampleur planétaire. Nous nous occupons
également de questions techniques, des normes vétérinaires aux pratiques dans le
secteur du bâtiment, en passant par les réseaux radiophoniques agricoles et la
surveillance des glaces dans l'Arctique. Avant tout, nos gestionnaires et nos
professionnels font leur entrée sur le marché russe et façonnent le contexte
commercial qui les entoure. Tous ces faits témoignent du sérieux que nous
accordons à nos investissements et de notre intention de rester en Russie
longtemps.
De nombreux secteurs russes ont déjà abordé ces défis et la récente explosion des
exportations de votre pays le prouve. Le Canada s'intéresse moins aux secteurs
dominants en Russie aujourd'hui qu'aux domaines qui présentent pour nous le
meilleur potentiel à longue échéance.
Nos groupes de travail actuels, dans le cadre de la CEI, œuvrent dans des domaines
qui sont vigoureux actuellement. Le bâtiment, l'agriculture et l'énergie sont
autant de secteurs naturels d'une alliance canado-russe, où nous avons toujours eu
à affronter les mêmes éléments et les mêmes contraintes.
Les nouveaux champs d'activité, cette année, sont tout autant liés à la
géographie. Dans le secteur aérospatial, la Russie possède depuis des décennies
les plus importants systèmes de fabrication d'appareils et d'aviation civile du
monde. Le Canada compte un des secteurs aérospatiaux les plus dynamiques du monde
et nos entreprises ont trouvé des créneaux naturels dans des domaines du marché
russe où les capacités font défaut. Notre objectif à long terme est d'être un
partenaire stratégique de la Russie dans le secteur aérospatial, et les travaux
que nous avons engagés ensemble en ce qui concerne les appareils, l'aéronautique,
la simulation de vol, les hélicoptères et les lancements dans l'espace
s'inscrivent tous dans cette optique.
Il en va de même dans le secteur des télécommunications. Les principales
entreprises canadiennes disposent de produits qui se vendent déjà bien en Russie
et nous reconnaissons votre potentiel en matière de recherche, de technologie des
satellites, et dans d'autres domaines. Si nous nous situons dans une perspective
plus large, nous pouvons conquérir de nouveaux marchés ensemble, avec la fibre
optique et d'autres instruments que nous avons utilisés afin d'alléger le poids de
la géographie.
Je suis ravi de constater qu'Industrie Canada a pris l'initiative de réunir les
entreprises de nos deux pays dans ces secteurs de pointe si prometteurs.
Le domaine des sciences et de la technologie en est un autre qui mérite notre
attention et nos efforts. Vous seriez tous étonnés si je vous disais qu'il y a des
dizaines et des dizaines d'organismes gouvernementaux canadiens et russes qui ont
déjà établi des liens dans ce champ d'action. Les liens entre entreprises privées
se multiplient, eux aussi. Notre objectif devrait consister à rendre ces alliances
fructueuses pour les entreprises. La science russe a des lettres de noblesse
incomparables, et les géologues et chercheurs canadiens dans les domaines
aérospatial, médical et dans de nombreux autres, le savent. Je souhaite vivement
que, dans le cadre de notre initiative bilatérale, nous menions une étude de
compatibilité, qui tracera les contours de la voie à suivre.
Le secteur des ressources naturelles est celui qui offre le plus de possibilités à
nos deux pays et celui qui demande le plus d'attention. Dans le cadre de notre
CEI, et de l'ensemble de nos rapports économiques, c'est le secteur que nous avons
le moins cherché, jusqu'ici, à structurer et à exploiter dans la poursuite de nos
objectifs globaux.
Comme vous le savez, notre secteur pétrolier et gazier a connu des succès en
Russie; il a essuyé au moins autant de revers. L'extraction minière, la foresterie
et les services environnementaux possèdent un grand potentiel, mais certains
écueils graves nous ont empêchés de progresser.
Le cadre législatif des accords de partage de la production joue un rôle charnière
décisif. Sur ce point, nous demanderions instamment à la Russie de choisir un
large éventail de gisements pétroliers, gaziers et minéraux à des fins de
prospection et de mise en valeur; d'établir des règles transparentes en ce qui
concerne les soumissions; enfin, d'organiser des appels d'offres internationaux.
Les meilleures technologies et les sociétés les plus performantes permettront au
gouvernement d'encaisser des recettes aussi élevées que possible, à la fois à
cause de l'effet de levier d'un processus d'appel à la concurrence, et à long
terme. Élément tout aussi important, le pays bénéficiera de l'avantage d'exploiter
ses ressources minérales dans le respect de l'environnement, sans compter
l'important transfert de technologie vers les entreprises partenaires russes. Le
Canada, à tout le moins, est déterminé à faire en sorte que ce type de partenariat
donne de bons résultats.
Si nous pouvons nous engager à poursuivre ces objectifs stratégiques, je crois que
nous pouvons envisager de nouveaux groupes de travail dans les secteurs qui
sous-tendront nos relations à l'avenir. Si nous n'intervenons pas dans ces
secteurs, il nous sera très difficile d'assurer le mouvement réel des biens et
services, des capitaux et de la technologie entre nos deux pays.
Il semble que, dans le domaine des ressources naturelles, nos pays soient faits
pour s'entendre. Le secteur minier canadien est l'un des plus importants et des
plus compétitifs qui soit, et nous avons en ce domaine une vaste expérience
internationale. Par ailleurs, la géologie et le potentiel de la Russie sont
probablement sans égal au monde. Une fois le cadre commercial bien arrimé, nos
marchés financiers pourront générer les capitaux nécessaires au lancement d'une
ère nouvelle dans l'exploitation minière en Russie.
Nous pouvons faire tout autant, et peut-être encore davantage, dans le secteur de
la foresterie. La présence ici aujourd'hui du collègue de M. Serov, le ministre
russe des Ressources naturelles, M. Viktor Orlov, est éloquente : nous ne devrions
pas laisser passer ces occasions plus longtemps.
Il faut également agir pour assurer les liens naturels entre nous en matière de
production et de transmission d'énergie. Notre ambassadeur a récemment rencontré
des représentants de United Energy Systems, la société nationale russe
d'électricité et, à certains points de vue, la plus importante compagnie de
service public au monde. Les entreprises canadiennes peuvent aider le secteur
russe de l'énergie à se réoutiller. Nous sommes un partenaire potentiel de la
Russie pour la transmission de courant continu à haute tension d'Irkoutsk vers la
Chine. En sa qualité d'exportateur d'énergie, la Russie, comme le Canada, a tout
intérêt à « s'interconnecter » avec les marchés voisins, et avec le monde.
En nous appuyant sur des fondations solides, nous consacrerons nos prochains
efforts au secteur aérospatial, aux télécommunications, à l'extraction minière et
à tous les autres secteurs prometteurs. J'attends avec grand intérêt vos
propositions, nos discussions et vos conseils.
J'ai évoqué plus tôt des développements positifs en ce qui concerne le contexte
des affaires en Russie. Après avoir passé des années à explorer de nouveaux
marchés en Asie et en Amérique latine, les entreprises canadiennes s'engagent
maintenant sur la voie de Moscou et des 88 autres sujets de la Fédération russe.
De plus en plus de sociétés canadiennes de calibre étudient soigneusement les
débouchés commerciaux qui se présentent en Russie.
Ce nouvel intérêt se manifeste dans le Forum financier, dans le lancement du Forum
commercial Canada-Russie à Toronto, la semaine dernière, et dans le renforcement
de la Canadian Business Association en Russie, dans la Canada-Eurasia Energy and
Industry Alliance en Alberta et dans les liens que l'Ouest canadien entretient
avec la partie la plus orientale et le Nord de la Russie.
M. Serov, notre plan de travail est bien rempli et notre temps est assez limité.
Nous devrions chercher à profiter de l'occasion qui s'offre à nous pour
communiquer à nos milieux des affaires respectifs les informations commerciales
pertinentes et justes qui leur permettront de réaliser leurs projets.
Les gens d'affaires ont besoin de stabilité, de transparence et de prévisibilité
dans un cadre législatif et budgétaire. Ils ont également besoin de pouvoir se
situer dans une stratégie d'ensemble pour les domaines jugés les plus prometteurs
par la Russie et le Canada, et de savoir ce que les gouvernements sont disposés à
faire pour que ce potentiel puisse se concrétiser.
Profitons de l'élan qu'ont pris vos réformes et de l'intérêt présent dans nos
milieux d'affaires. Mettons à profit la session qui s'engage pour montrer que
notre avenir de partenaires commerciaux ne fait que commencer.
Je vous remercie.