M. KILGOUR - ALLOCUTION DEVANT LES ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉDE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE - VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
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NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE),
DEVANT LES ÉTUDIANTS DE L'UNIVERSITÉ
DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
VANCOUVER (Colombie-Britannique)
Le 1er novembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Je suis très heureux de prendre la parole devant un groupe d'étudiants; je sais
que je n'ai pas besoin de vous convaincre de regarder par delà les frontières du
Canada. Vous comprenez déjà que nous vivons dans un monde qui se comprime de plus
en plus. Il est devenu difficile de distinguer les enjeux « nationaux » des enjeux
« internationaux ». Les frontières sont de plus en plus floues.
L'écrivain mexicain Carlos Fuentes a dit : « Chaque Nord-Américain, avant que le
présent siècle ne prenne fin, constatera qu'il a sa propre frontière avec
l'Amérique latine : une frontière vivante, une frontière qu'il est possible de
nourrir avec de l'information, mais surtout grâce aux connaissances, à la
compréhension et à la poursuite d'un intérêt personnel éclairé de part et
d'autre. »
Le sens donné par Fuentes au terme « Nord-Américain » est celui que lui donnent la
plupart des Latino-Américains, à savoir les citoyens des États-Unis. Mais,
aujourd'hui, il est tout aussi vrai qu'aucun Canadien n'est à l'abri des effets
des relations du Canada avec l'Amérique latine.
Je suis ravi que mes fonctions de secrétaire d'État pour l'Amérique latine et
l'Afrique m'amènent à m'occuper de certains des volets les plus dynamiques des
relations étrangères du Canada. En 1995, dans son Énoncé de politique étrangère,
le gouvernement canadien a identifié l'Amérique latine comme une des régions où la
position géographique du Canada lui donne un avantage important.
Pendant des années, les Canadiens, lorsqu'ils regardaient au sud, avaient tendance
à ne pas voir plus loin que les États-Unis. En adhérant à l'Organisation des États
américains [OEA] en 1990, nous avons indiqué clairement que nous entendions jouer
un rôle plus actif dans l'hémisphère. Nous espérions que notre participation à
l'OEA contribuerait à une revitalisation des institutions intergouvernementales
régionales.
Au début des années 1990, le Canada a négocié avec les États-Unis et le Mexique
l'Accord nord-américain de libre-échange -- l'ALENA --, le premier accord commercial
régional au monde regroupant pays développés et pays en développement. Durant la
même période, nous avons étendu notre représentation diplomatique résidante à
presque tous les pays de la région.
En 1994, le premier ministre Chrétien a participé à Miami au Sommet des Amériques,
où les dirigeants de 34 démocraties ont convenu d'un partenariat de développement
et de prospérité fondé sur un engagement envers les pratiques démocratiques,
l'intégration économique et la justice sociale.
En mars prochain, ce processus se poursuivra avec la tenue, à Santiago, au Chili,
du deuxième Sommet des Amériques. L'objectif est de jeter les bases d'une zone de
libre-échange des Amériques, qui devrait voir le jour d'ici à 2005. Les
participants se pencheront aussi sur d'autres grands enjeux sociaux, dont
l'éducation.
Entre-temps, le Canada a cherché à resserrer ses relations commerciales avec la
région dans son ensemble. Cette année, il a conclu un accord de libre-échange avec
le Chili, montrant par là son désir d'aller de l'avant avec son programme
commercial tandis que certains éléments au Congrès américain hésitent à autoriser
la procédure accélérée dans le cas des négociations visant à faire du Chili un
membre de l'ALENA.
Le Canada négocie également avec d'autres groupements régionaux comme le MERCOSUR,
le Pacte andin, le CARICOM et le Marché commun de l'Amérique centrale. Nous
comptons conclure des partenariats commerciaux avec des membres de ces groupes
dans notre progression vers un libre-échange à l'échelle de l'hémisphère.
Je voudrais attirer votre attention sur les initiatives mises en oeuvre par le
Canada pour affermir ses relations commerciales avec le MERCOSUR, un pacte
commercial régional dont font partie l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le
Paraguay. En 1996, les exportations du Canada vers ces quatre pays ont totalisé
près de 1,7 milliard de dollars et ses importations, 1,4 milliard. Notre
gouvernement veut préparer la voie à des échanges accrus et plus ordonnés entre le
MERCOSUR et le Canada.
Le mois dernier, le premier ministre Chrétien a annoncé qu'Équipe Canada se
rendrait au Mexique, en Argentine, au Brésil et au Chili en janvier. Cette mission
commerciale sera modelée sur les missions réussies d'Équipe Canada en Asie, où nos
leaders provinciaux se sont joints à nos leaders fédéraux pour faire la promotion
d'une prospérité économique pour nous tous.
Bien que mon titre ne le dise pas explicitement, je suis aussi responsable des
Antilles, y compris les Antilles du Commonwealth.
Même si les Antilles sont proches de l'Amérique latine, nos relations commerciales
avec ces deux régions ont été fort différentes. Le Canada entretient avec les
Antilles du Commonwealth une relation historique. Nous partageons une même langue
et des traditions politiques et juridiques communes fondées sur nos liens avec la
Grande-Bretagne. Aussi incroyable que ça puisse sembler, la Banque de
Nouvelle-Écosse avait une succursale dans les Antilles avant même de s'implanter à
Toronto! Il n'est même pas nécessaire de mentionner le commerce du rhum qui
fleurit entre le Canada et les Antilles depuis des années. Nous avons parfois eu
tendance à tenir les Antilles pour acquises. Grave erreur. Les pays des Antilles
du Commonwealth comptent parmi nos meilleurs alliés sur la scène internationale.
Lorsque nous avons posé notre candidature pour tenir les Jeux à Calgary en 2005,
11 des 25 votes que nous avons reçus venaient d'États du CARICOM.
Chacun des autres continents a intérêt à voir émerger l'Afrique comme continent
stable et prospère. Le lien qui unit le Canada et l'Afrique n'a cessé de se
renforcer depuis l'époque de John Diefenbaker et de Mike Pearson. Ces deux leaders
ont compris ce que l'Afrique représente pour le reste du monde et la contribution
qu'elle est en mesure de faire. Je suis de ceux qui croient en l'avenir de
l'Afrique.
La fin de l'apartheid en Afrique du Sud et les progrès de la démocratie dans
d'autres pays africains donnent au monde des raisons additionnelles de croire que
l'Afrique réalisera son potentiel. Nous devons, comme Canadiens, continuer de
prêter notre concours.
J'ai récemment visité l'Ouganda, le Rwanda et le Kenya et j'ai vu par moi-même que
l'Afrique change et que nos stéréotypes sont dépassés. À Kampala, j'ai appris que
pas moins de 2 000 compagnies ont établi des opérations en Ouganda ces dernières
années. De façon semblable, au Rwanda, des observateurs qui suivent la situation
de près disent qu'il y a eu de réels progrès économiques pour certains -- certes
pas tous -- depuis la catastrophe de 1994 et le gouvernement en place cherche
vraiment à opérer une réconciliation entre les communautés.
Au Kenya, malgré d'importants problèmes, les acteurs nationaux semblent avoir
récemment fait un pas en arrière face à l'abysse. Notre délégation est arrivée peu
de temps après qu'un comité multipartite de parlementaires eut convenu d'un train
global de réformes et il semble maintenant que ces dernières seront complètement
mises en oeuvre avant les élections, qui doivent obligatoirement avoir lieu avant
la fin de l'année. Bref, il y a des motifs d'optimisme dans les trois pays.
Je suis d'avis que la politique étrangère du Canada dans les années 1990 a non
seulement été dans l'ensemble avisée mais aussi qu'elle a été souvent excitante,
particulièrement dans les dernières années.
Examinons la campagne menée par le Canada pour faire interdire les mines
terrestres antipersonnel. C'est peut-être l'exemple le plus patent du leadership
exercé par notre pays dans une cause qui aurait pu tomber dans l'oubli car :
a) elle n'était pas populaire dans les milieux militaires;
b) elle ne touche pas directement beaucoup de personnalités dans le monde.
À la différence de millions de pauvres, les personnalités ne passent pas beaucoup
de temps à marcher dans les champs et les sentiers où une mine risque de sauter
sous leurs pieds.
C'est une action importante. Elle dit aux gens ordinaires qu'ils comptent. On
estime à 100 millions le nombre de mines terrestres qui guettent le moindre faux
pas d'enfants sur des terres qui devraient les nourrir.
Comme vous le savez, le Canada a joué un rôle important dans la mobilisation
populaire qui devrait -- qui doit -- nous conduire à un accord international qui
interdise efficacement les mines antipersonnel.
On prévoit qu'au début de décembre plus de 90 pays signeront un tel accord à
Ottawa, posant ainsi un jalon de plus dans ce qu'on appelle maintenant le
Processus d'Ottawa. Les Canadiens devraient être fiers de cette réalisation.
La campagne menée pour éliminer les mines terrestres antipersonnel n'est qu'une
manifestation de l'engagement pris par le ministre des Affaires étrangères Lloyd
Axworthy à l'égard du concept de la sécurité humaine durable, une notion qu'il a
deux fois mis de l'avant dans des interventions officielles devant l'Assemblée
générale des Nations unies. Les efforts qui seront déployés pour limiter le
commerce mondial des petites armes marqueront une prochaine étape importante dans
cette démarche.
Le Canada s'est taillé un rôle dans le domaine des droits de la personne. Notre
approche est évolutive et non coercitive. Même si nous voulions forcer le
changement, nous devons reconnaître que le Canada n'a tout simplement pas
l'influence économique ou internationale voulue pour le faire. Nous pouvons
toutefois travailler de l'intérieur afin d'appuyer les organisations non
gouvernementales -- les ONG -- et de ménager un espace où peut se développer la
société civile.
Il y a différentes façons de soutenir l'amélioration de la situation des droits de
la personne. Dans des pays qui sont disposés à se joindre à nous, même si c'est
sur une base limitée comme dans le cas de Cuba, nous oeuvrerons en faveur d'un
changement évolutif. Face à des régimes qui refusent toute forme de dialogue ou
d'échange, comme la Birmanie ou le Nigéria, nous militons en faveur d'une action
internationale plus large afin d'amener ces régimes à modifier leur comportement.
L'an prochain, on commémorera le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des
droits de l'homme. Le Canada fera tout ce qu'il pourra durant l'année pour
convaincre les gouvernements partout dans le monde que la suppression des droits
de la personne ne peut qu'engendrer le ressentiment qui provoque des soulèvements
politiques.
Nous ne sommes pas parfaits. Nous devons faire des progrès au Canada même dans les
domaines de l'environnement et des droits de la personne -- des enjeux majeurs sur
le plan international. Mais tout en réglant nos propres problèmes, nous devons
aussi nous occuper des problèmes mondiaux, car en fin de compte ce sont aussi nos
problèmes.
Permettez-moi de donner le mot de la fin à Octavio Paz, diplomate et poète
mexicain. Dans ses réflexions sur l'histoire contemporaine, Une planète et quatre
ou cinq mondes, il fait remarquer que toutes les grandes nations font preuve de
prudence, qu'il définit comme la sagesse et l'intégrité, l'audace et la
modération, le discernement et la persévérance dans l'action. Sur le plan interne
comme à l'échelle internationale, notre pays devrait faire montre de cette
prudence.
Merci.