LE CANADA EN APPELLERA DE LA DÉCISION DE L'OMCCONCERNANT LES MAGAZINES À TIRAGE DÉDOUBLÉ
Le 14 mars 1997 Nº 47
LE CANADA EN APPELLERA DE LA DÉCISION DE L'OMC
CONCERNANT LES MAGAZINES À TIRAGE DÉDOUBLÉ
Le ministre du Commerce international, M. Art Eggleton, et la vice-première
ministre et ministre du Patrimoine canadien, Mme Sheila Copps, ont annoncé
aujourd'hui que le Canada s'apprêtait à interjeter appel de la décision rendue
récemment par l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) au sujet des mesures
adoptées par le Canada pour favoriser son industrie des périodiques. L'OMC a
publié aujourd'hui sa décision dans le dossier en faisant circuler le rapport
final à tous ses membres. Dans son rapport, l'OMC estime fondées trois des quatre
plaintes déposées par les États-Unis à l'OMC.
« Le gouvernement réitère son engagement de soutenir cette industrie culturelle
essentielle, a déclaré M. Eggleton. Les spécialistes du droit commercial sont en
train d'éplucher la décision. Nous poursuivons nos consultations avec l'industrie
canadienne des périodiques et la presse commerciale canadienne, ainsi qu'avec
Patrimoine canadien, Finances Canada, Industrie Canada, Revenu Canada et la
Société canadienne des postes. Nous conjuguons nos efforts en vue d'élaborer notre
stratégie d'appel et d'évaluer toutes les répercussions de cette décision sur
l'industrie. »
« Le rapport final est très clair sur le fait que la décision ne met pas en doute
la capacité des membres de l'OMC d'agir pour protéger son identité culturelle, a
affirmé Mme Copps. Le Canada continuera de promouvoir ses objectifs culturels et de
veiller à ce que les Canadiennes et les Canadiens puissent se procurer des
magazines qui s'adressent à eux et leur parlent de leur pays. »
L'OMC s'est prononcée sur les plaintes déposées par les États-Unis concernant
quatre mesures canadiennes concernant les magazines, à savoir :
le code tarifaire 9958, qui interdit l'importation de magazines à tirage
dédoublé;
la taxe d'accise de 80 p. 100 sur la publicité paraissant dans les magazines à
tirage dédoublé circulant au Canada;
la subvention postale, qui permet à certains périodiques d'être acheminé aux
abonnés à tarif réduit;
les tarifs postaux des publications commerciales, c'est-à-dire des tarifs postaux
différentiels pour les publications commerciales nationales et les publications
commerciales internationales.
Des quatre mesures contestées, l'OMC a confirmé le Canada dans son droit d'offrir
un programme de subvention relatif aux publications canadiennes admissibles.
Les deux parties au différend peuvent interjeter appel des aspects juridiques de
la décision. Selon le Mémorandum relatif au règlement des différends, les parties
ont 60 jours au plus pour interjeter appel. L'organe d'appel de l'OMC devrait se
prononcer en moins de 60 jours après la soumission de l'avis d'appel officiel.
Les deux ministres ont insisté sur le fait que la décision de l'OMC ne changeait
pas immédiatement les règles commerciales s'appliquant à nos magazines canadiens.
« Les lois, les politiques et les programmes du Canada demeurent ce qu'elles sont,
sauf si le Canada décide de les modifier », d'ajouter M. Eggleton.
- 30 -
Un document d'information sur la contestation des États-Unis et un résumé du
Rapport final du groupe spécial de l'OMC figurent en annexe.
Pour de plus amples renseignements, les représentants des médias sont priés de
communiquer avec :
Nicole Bourget
Directrice des communications
Cabinet du ministre du Commerce international
(613) 992-7332
Le Service des relations avec les médias
Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
(613) 995-1874
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère : http://www.dfait-maeci.gc.ca
Document d'information
CONTESTATION DES ÉTATS-UNIS AU SUJET DES MESURES CANADIENNES VISANT LES
PÉRIODIQUES
Aperçu
Depuis 1965, le Canada applique une politique visant à garantir que les magazines
dont le corps rédactionnel a été élaboré pour le public canadien puissent obtenir
une part des revenus publicitaires restreints disponibles sur le marché canadien.
Les mesures canadiennes pour appuyer l'industrie du magazine visent à offrir des
tarifs postaux abordables pour les abonnements et à garantir que les revenus tirés
de la publicité au Canada avantagent les magazines canadiens. Pour pouvoir vendre
de la publicité au Canada, les magazines sous contrôle étranger doivent contenir
au moins 80 p. 100 de corps rédactionnel produit spécifiquement pour le marché
canadien.
Une édition régionale d'un magazine qui contient de la publicité axée sur un
marché régional spécifique est appelée une édition « à tirage dédoublé ». Les
éditions à tirage dédoublé de magazines contenant plus de 5 p. 100 de publicité
axée sur le marché canadien ne peuvent être importées au Canada. En 1993, Sports
Illustrated a contourné cette interdiction en transmettant électroniquement ses
magazines à un imprimeur au Canada, évitant ainsi la frontière canadienne.
En 1994, le Groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques a
recommandé de nouvelles mesures pour relever ce nouveau défi. En 1995, le
gouvernement a conséquemment imposé une nouvelle taxe d'accise de 80 p. 100 sur la
publicité placée dans les éditions à tirage dédoublé. Sports Illustrated a alors
retiré sa version à tirage dédoublé du marché canadien, et le gouvernement
américain a contesté la mesure devant l'Organisation mondiale du Commerce (OMC).
Le 19 juin 1996, l'OMC a chargé un groupe spécial d'étudier la plainte déposée par
les États-Unis concernant les quatre mesures prises par le Canada à l'égard des
magazines, à savoir :
le code tarifaire 9958, qui interdit l'importation de magazines à tirage
dédoublé;
la taxe d'accise de 80 p. 100 sur la publicité dans les magazines à tirage
dédoublé (Partie V.1 de la Loi sur la taxe d'accise);
la subvention postale (programme d'aide aux publications), selon lequel certains
périodiques canadiens peuvent être acheminés aux abonnés à moindre coût.
les tarifs postaux des publications commerciales, c'est-à-dire des tarifs postaux
différentiels pour les publications commerciales nationales et internationales;
Une autre mesure utilisée par le gouvernement canadien pour favoriser l'industrie
canadienne des périodiques est l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Dans le cas de la publicité destinée au marché canadien, l'article 19 accorde aux
annonceurs canadiens une déduction fiscale pour les frais liés à la publicité qui
paraît dans des périodiques canadiens. Cette mesure n'a pas été contestée à l'OMC.
Chronologie des événements
Le 19 juin 1996 : À la demande des États-Unis, l'OMC charge un groupe spécial
d'examiner la plainte américaine concernant les mesures adoptées par le Canada
pour favoriser son industrie des périodiques.
Le 5 septembre : Les États-Unis présentent leur premier plaidoyer écrit.
Le 26 septembre : Le Canada dépose sa réfutation.
Le 11 octobre : Les deux parties plaident leur cas devant le groupe spécial de
l'OMC à Genève.
Le 1er novembre : Le Canada et les États-Unis soumettent d'autres arguments écrits.
Le 14 novembre : Le groupe spécial de l'OMC tient une deuxième audience à Genève
Le 6 décembre : Le groupe spécial de l'OMC résume les faits du dossier.
Le 16 janvier 1997 : Le Canada et les États-Unis se voient accorder l'occasion de
commenter le rapport provisoire du groupe spécial.
Le 21 février : Le rapport final est remis aux deux parties, sous le sceau du
secret.
Le 14 mars : Le rapport final est remis à tous les membres de l'OMC.
RÉSUMÉ DU RAPPORT FINAL DU GROUPE SPÉCIAL DE L'OMC
CHARGÉ D'EXAMINER LES MAGAZINES À TIRAGE DÉDOUBLÉ
Le groupe spécial a rejeté les prétentions du Canada concernant trois des quatre
mesures qu'avaient contestées les États-Unis. Le groupe spécial s'est rangé du
côté du Canada au sujet de la subvention postale.
1. Le code tarifaire
Le code tarifaire 9958 interdit l'importation de magazines à tirage dédoublé au
Canada. Cette interdiction contrevient à nos obligations en vertu de l'Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Néanmoins, le Canada a
allégué qu'il était en droit de prendre une telle mesure en vertu de l'article XX
du GATT, puisqu'il devait veiller à l'observation des autres lois conformes au
GATT (c.-à-d. l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui ne prévoit pas
de déduction fiscale pour la publicité paraissant dans les publications à tirage
dédoublé).
Le groupe spécial est d'avis que la mesure a pour but « l'atteinte des objectifs »
de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu (afin de canaliser la publicité
vers les magazines canadiens) et non pas « d'obtenir le respect » de la mesure.
2. La taxe d'accise
Le Canada a maintenu que la taxe d'accise de 80 p. 100, parce qu'elle visait la
publicité dans les magazines à tirage dédoublé, était une taxe sur les services et
non sur les produits et que les règles du GATT ne s'appliquaient pas.
Le groupe spécial n'est pas entièrement convaincu que la taxe d'accise est une
mesure visant à réglementer le commerce des services de publicité, comme l'a
maintenu le Canada, étant donné l'absence de règlement semblable pour la publicité
dans d'autres médias et l'application de la taxe « par numéro ». Le groupe spécial
a néanmoins déterminé que le GATT s'appliquait effectivement à la taxe d'accise
canadienne et que la taxe était conforme à nos obligations en matière de
traitement national.
3. Tarifs postaux commerciaux
Les États-Unis alléguaient que la pratique de la Société canadienne des postes,
qui perçoit pour les périodiques nationaux des tarifs postaux inférieurs à ceux
des périodiques importés, constituait une infraction à l'article III:4 du GATT de
1994, concernant nos obligations relatives au traitement national. Le Canada a
maintenu essentiellement que, en tant que société d'État dotée d'une personnalité
morale distincte, la Société canadienne des postes fixait elle-même les tarifs
commerciaux canadiens ou internationaux s'appliquant à la livraison de
périodiques, conformément aux pratiques commerciales et de marketing, sans subir
l'influence de la politique gouvernementale et que, par conséquent, ces tarifs ne
constituaient pas un « règlement » ou une « exigence » au sens de l'article III:4
du GATT.
Le groupe spécial a rejeté la prétention du Canada, affirmant qu'il était clair
que la Société canadienne des postes fonctionne selon les instructions du
gouvernement, parce que, si celui-ci estime que la politique de la Société en
matière de prix ne convient pas, il peut lui ordonner de modifier les tarifs en
vertu du pouvoir de direction que lui confère l'article 22 de la Loi sur la
société canadienne des postes. Ainsi, le gouvernement canadien peut en réalité
réglementer les tarifs pratiqués pour la livraison de périodiques.
4. Le Programme de subside postal
Les États-Unis alléguaient que le Programme canadien de subside postal était
contraire à nos obligations en vertu du GATT, parce que la subvention n'est pas
versée directement aux éditeurs de magazines canadiens. L'article III:8 b) du GATT
de 1994 stipule que les dispositions de cet article ne doivent pas empêcher le
versement de subventions seulement aux producteurs nationaux. Les États-Unis ont
maintenu que cette disposition ne s'appliquait pas dans ce cas-ci parce que le
ministère du Patrimoine canadien ne versait pas les subventions directement aux
éditeurs canadiens, mais plutôt à la Société canadienne des postes.
Le groupe spécial a déterminé que si la Société canadienne des postes est un
organisme gouvernemental, le versement de fonds par le ministère du Patrimoine
canadien est tout simplement un virement interne de ressources et la subvention
est versée directement aux éditeurs canadiens. La mesure est permise.