2004/9 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JIM PETERSON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À LA CONFÉRENCE SUR LES SERVICES DE L'OMC
TORONTO (Ontario)
Le 27 février 2004
Je suis très heureux d'avoir été invité à vous parler de l'importance de la politique
commerciale du Canada et de l'orientation que nous prendrons à l'avenir. Avant de
commencer, cependant, je voudrais féliciter les organisateurs de cette conférence --
l'Université Western Ontario, le Canada-U.S. Law Institute et l'Association du barreau
de l'Ontario ainsi que de nombreux autres qui ont généreusement prêté leur concours
-- pour la vision dont ils ont fait preuve en organisant une rencontre aussi opportune et
aussi ambitieuse pour discuter d'un sujet aussi important.
Le Canada est la plus importante nation commerçante du monde développé. Nos
exportations représentent 40,9 p. 100 de notre PIB [produit intérieur brut], soit quatre
fois plus, proportionnellement, qu'aux États-Unis ou au Japon. C'est pour cette raison
qu'il est tellement important pour nous d'avoir une stratégie commerciale bien pensée.
En gros, une stratégie commerciale bien pensée consiste à situer nos relations avec les
États-Unis dans le bon contexte, puisque plus de 81,6 p. 100 de nos exportations vont
à des clients américains et que 69,9 p. 100 de nos importations viennent de chez nos
voisins du Sud. Cela représente des échanges commerciaux de 1,9 milliard de dollars
chaque jour.
Par conséquent, notre toute première priorité doit être de garder la frontière ouverte,
tout en répondant aux préoccupations américaines en matière de sécurité.
Nous avons mis en place, de concert avec les États-Unis, l'initiative en 30 points
relative à la frontière intelligente, qui satisfait aux objectifs des deux pays et qui facilite
le passage sûr et efficace des personnes et des marchandises à la frontière la plus
occupée du monde.
De plus, nous renforçons notre présence aux États-Unis dans le cadre de l'Initiative de
représentation accrue, grâce à laquelle nous ouvrirons sept nouveaux consulats, en
ferons passer deux autres au rang de consulats généraux et nommerons 20 consuls
honoraires d'ici l'automne. Nous serons ainsi en mesure de mieux défendre nos intérêts
dans des secteurs économiques, politiques et de sécurité de la plus haute importance.
Toutefois, notre politique commerciale doit aller au-delà de notre voisin le plus proche.
Elle doit pouvoir créer des débouchés pour les Canadiens dans notre continent, dans
notre hémisphère et dans tout le reste du monde grâce à des accords bilatéraux,
régionaux et multilatéraux visant à libéraliser le commerce.
L'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] est le plus important de ces
accords. Il a permis de créer le bloc commercial le plus important du monde, qui
totalise un PIB de 15,3 billions de dollars, représentant un tiers de l'ensemble de
l'activité mondiale. Quel que soit le critère choisi, on ne peut que constater que les
10 premières années de l'ALENA ont été un succès total. Les échanges du Canada
avec ses partenaires de l'ALENA ont plus que doublé dans la dernière décennie.
Aujourd'hui, ils dépassent 835 milliards de dollars par an.
Même si l'ALENA célèbre cette année son 10e anniversaire, nous nous efforçons
constamment de l'améliorer. À l'heure actuelle, 30 groupes de travail, dont huit sur
l'agriculture, cherchent des moyens de réduire encore plus les barrières et d'éliminer
les différends.
Sur le front bilatéral, nous avons négocié avec succès des accords de libre-échange
avec le Chili, Israël et le Costa Rica. Nous poursuivons d'ailleurs des négociations,
notamment avec Singapour et les Quatre nations de l'Amérique centrale, et étudions
les possibilités d'entente avec les pays de la CARICOM, la République dominicaine et
la Communauté andine.
Je suis certain que nous signerons le mois prochain un Accord sur le renforcement du
commerce et de l'investissement avec l'Union européenne [UE] au cours du Sommet
Canada-UE qui se tiendra à Ottawa. Cet accord constituera un nouveau moyen
d'aborder les relations commerciales parce qu'il permettra de surmonter des obstacles
réglementaires complexes au commerce et à l'investissement, comme les normes, les
règlements nationaux, la reconnaissance mutuelle des titres professionnels, les
services financiers, l'entrée et l'investissement temporaires.
Sur le plan régional, nous progressons vers la création d'une Zone de libre-échange
des Amériques [ZLEA], qui permettra au Canada de tirer parti au maximum des
marchés émergents de l'hémisphère. Une fois établie, la ZLEA constituera la zone de
libre-échange la plus importante du monde, avec un PIB combiné de plus de 20 billions
de dollars. Cela représente environ 40 p. 100 de l'activité économique mondiale. Pour
les exportateurs et les fournisseurs de services du Canada, la ZLEA promet d'améliorer
l'accès aux marchés, la transparence et la prévisibilité au profit de toutes les
entreprises, grandes et petites.
Toutefois, l'OMC [Organisation mondiale du commerce] est la pierre angulaire de la
politique commerciale du Canada et doit le demeurer.
Elle constitue la principale tribune institutionnelle pour beaucoup d'aspects de nos
relations commerciales avec les pays industrialisés. De plus, Doha représente une
occasion historique de mieux intégrer les pays en développement dans le système
commercial mondial.
L'OMC est aussi la seule tribune dont le Canada puisse se servir pour atteindre les
grands objectifs de sa politique commerciale, c'est-à-dire le renforcement des
disciplines relatives aux recours commerciaux et l'élimination des subventions agricoles
à l'échelle mondiale, particulièrement aux États-Unis et au sein de l'UE. Seule une
approche multilatérale dans le cadre de l'OMC permettra d'atteindre ces objectifs.
Il est important pour les producteurs agricoles du Canada et capital pour le monde en
développement que les États-Unis et l'UE remettent en question leurs subventions
agricoles.
Plus de 1,2 milliard de personnes, soit près de 20 p. 100 de la population mondiale,
vivent d'un revenu inférieur à 1 dollar américain par jour, tandis que 2,8 milliards
d'autres vivent sur moins de 2 dollars par jour. En même temps, les pays riches
consacrent quatre fois plus d'argent aux subventions agricoles qui nuisent aux pays en
développement qu'à l'aide au développement accordée à ces pays. La Banque
mondiale estime que l'élimination de la protection agricole et des subventions à la
production augmenterait le revenu rural annuel de 80 milliards de dollars dans le
monde en développement.
Nous devons par conséquent obtenir la réduction de ces subventions, pour nos propres
motifs économiques certes, mais aussi parce que ce serait juste.
Pour y parvenir, le Canada a poursuivi très activement trois objectifs relevant du
domaine agricole à Doha : élimination des subventions à l'exportation pour les produits
agricoles, élimination ou importante réduction du soutien intérieur qui fausse les
échanges et améliorations réelles et sensibles de l'accès aux marchés pour les produits
agricoles et alimentaires. En fait, en janvier de l'année dernière, le Canada a démontré
qu'il était capable de joindre le geste à la parole en éliminant unilatéralement les droits
de douane et le contingentement des importations pour la plupart des produits
agricoles en provenance des pays les moins avancés du monde. Nous exhortons
d'ailleurs les autres pays industrialisés à faire de même.
Malheureusement, Cancun n'a pas produit les résultats que nous avions espérés. Je ne
considère cependant pas Cancun comme un échec mais plutôt comme un cahot. Par
ailleurs, les historiens se souviendront de ce que les membres de l'OMC ont réalisé
pour le monde en convenant de rendre plus accessibles au monde en développement
des médicaments, y compris des produits pharmaceutiques canadiens, qui peuvent
sauver des vies. En fait, le Canada a été le premier pays à déposer un projet de loi
donnant effet à l'entente concernant l'accès aux médicaments. C'est un exemple
concret de notre engagement envers le développement mondial.
N'oublions pas d'ailleurs qu'il a fallu près de huit ans pour faire aboutir le cycle de
l'Uruguay du GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce]. Nous ne
devrions donc pas attacher trop d'importance à un revers qui s'est produit deux ans et
demi seulement après le lancement du cycle de Doha.
Au niveau multilatéral, l'espoir s'est vite ravivé après le 11 janvier, lorsque le secrétaire
américain au Commerce Robert Zoellick a lancé son appel en faveur de l'élimination
des subventions à l'exportation des produits agricoles. Je m'étais entretenu avec
M. Zoellick ce jour-là à Washington et j'avais saisi l'occasion pour exprimer mon ferme
appui à cette position que le Canada défend depuis toujours.
Quelque temps plus tard, j'ai rencontré à Bruxelles le commissaire Pascal Lamy de
l'Union européenne, qui s'est montré disposé à pousser plus loin les négociations, ce
que j'ai trouvé encourageant. Le Canada croit qu'il est nécessaire d'adopter un plan de
travail beaucoup plus ambitieux à Genève. Je suis donc très heureux de constater que
de nouveaux présidents ont été choisis à l'OMC et que les groupes de négociation ont
commencé à discuter de leurs plans de travail. Le Canada travaille avec ses
partenaires commerciaux à Genève pour maintenir l'élan. D'ici au printemps, nous
devrions être prêts à évaluer les progrès réalisés et à convenir d'une réunion
ministérielle le plus tôt possible.
Cela nous amène à l'une des plus importantes initiatives de notre ambitieux programme
commercial. Il s'agit des négociations de l'OMC relatives à l'Accord général sur le
commerce des services ou AGCS.
C'est l'un des domaines les moins compris et les moins appréciés des négociations
commerciales. C'est en même temps un domaine qui revêt une importance croissante
pour le Canada et le monde tandis que nous abordons l'économie du XXIe siècle.
Les services représentent maintenant les deux tiers de notre PIB, occupent les trois
quarts de notre main-d'œuvre et ont créé 80 p. 100 des nouveaux emplois dans les
10 dernières années. Beaucoup de ces emplois, qui comptent parmi les mieux
rémunérés, sont occupés par nos professionnels les plus instruits, notamment dans les
domaines des finances, le secteur juridique, les logiciels informatiques, les
télécommunications, l'aérospatiale, l'ingénierie et la technologie environnementale.
Bref, les services sont à l'avant-garde de l'économie du savoir qui dominera de plus en
plus notre siècle.
Pourtant, les exportations de services du Canada n'ont totalisé en 2002 que
58 milliards de dollars, représentant 12 p. 100 seulement de nos exportations totales.
Disons tout de suite, cependant, que nos exportations de services croissent
rapidement, leur hausse annuelle s'étant chiffrée à 8,7 p. 100 au cours de la dernière
décennie.
Je n'ai donc pas à expliquer -- surtout à un tel auditoire -- le potentiel de croissance
de notre commerce de services et les énormes avantages qu'il rapportera aux
entreprises et aux travailleurs canadiens.
Le potentiel ne se limite d'ailleurs pas à cela. Les négociations de l'AGCS offrent au
Canada l'occasion de diversifier ses relations commerciales, qui s'étendront alors à de
nouveaux marchés dynamiques, car c'est dans les économies émergentes -- comme
la Chine et le Brésil -- qu'il pourrait enregistrer le plus fort taux de croissance des
exportations de services.
Nos objectifs dans le cadre de l'AGCS consistent à rechercher un meilleur accès aux
marchés pour les exportateurs canadiens de services professionnels, financiers,
environnementaux et de télécommunications. Le Canada est déjà plus ouvert que
plusieurs de ses partenaires commerciaux dans beaucoup de secteurs de services et a
proposé d'aller plus loin sur la voie de la libéralisation. Nous sommes persuadés
qu'avec des règles adéquates, nous pouvons soutenir la concurrence des meilleurs
fournisseurs du monde.
À cet égard, le discours du Trône a réaffirmé l'engagement du gouvernement à faire
mieux sur le plan de la reconnaissance des titres professionnels étrangers. Le Canada
a déjà pris des mesures pour faciliter l'entrée temporaire de travailleurs dans le cadre
d'initiatives telles que le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, qui permet
depuis 30 ans de faire venir au Canada tous les ans quelque 10 000 travailleurs
mexicains.
Tout en vantant notre ouverture et notre disposition à négocier dans la plupart des
secteurs de services, je tiens à souligner que certains secteurs ne sont pas du tout
négociables. Je veux parler bien sûr de secteurs d'une importance cruciale pour le
Canada, qui reflètent nos valeurs très particulières, comme les soins de santé,
l'éducation publique, les services sociaux et la culture. Ces secteurs sont exclus de
toute négociation. Ils n'ont jamais été sur la table et n'y seront jamais.
Je dois également noter que nous avons conçu l'approche canadienne de l'AGCS en
collaboration étroite avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et que nous
continuerons à le faire. De plus, rien dans notre offre ne réduit la capacité des autres
gouvernements d'édicter des règlements dans leurs champs de compétence.
Compte tenu de la nature fédérale du Canada, cependant, nous devons relever des
défis très particuliers aux pourparlers de l'AGCS. Le monde extérieur préférerait
considérer notre pays comme un marché uniforme, mais nos services sont en grande
partie réglementés au niveau provincial, ce qui signifie qu'au fil des ans, les règlements
régissant les services dans les différentes provinces ont commencé à se différencier.
Les responsables fédéraux ont collaboré étroitement avec leurs homologues
provinciaux et territoriaux pour élaborer les politiques commerciales du Canada. Je suis
donc convaincu que nous saurons relever ce défi. Bien sûr, les champs de compétence
seront respectés, mais les Canadiens s'attendent à juste titre à ce que leurs
gouvernements coopèrent pour atteindre les objectifs communs, dans l'intérêt général
des Canadiens.
Je ne voudrais pas conclure mes observations concernant l'AGCS sans reconnaître les
possibilités que l'Accord peut offrir aux pays en développement. Ceux-ci ont
énormément à gagner en cas de succès des négociations car ils auront davantage
d'occasions d'exporter leurs services. Tandis que les premières négociations de l'AGCS
avaient été largement menées par les États-Unis, l'UE et d'autres économies
hautement développées, la situation a considérablement évolué dans les quelques
années qui ont passé depuis le cycle de l'Uruguay.
Économie massive en pleine expansion, la Chine a depuis accédé à l'OMC. De même,
d'autres économies émergentes et pays en développement ont commencé à définir
leurs intérêts particuliers dans le commerce des services. Plusieurs de ces pays ont
des exigences relatives au mouvement temporaire des personnes et à la
reconnaissance des titres. Ils présentent leurs demandes avec beaucoup d'énergie,
souvent et collectivement.
Le succès des négociations de l'AGCS assurerait aussi d'autres avantages au monde
en développement. Plusieurs des services qu'ils pourraient importer -- comme les
télécommunications et les services financiers -- constitueraient les éléments de base
et créeraient l'infrastructure indispensable pour relever les niveaux de vie et encourager
un développement dont le besoin se fait cruellement sentir.
Pour terminer, je voudrais souligner encore une fois combien le commerce est
important pour le Canada et à quel point il est nécessaire pour nous d'avoir des
politiques qui favorisent la libéralisation du commerce.
Entre-temps, je trouve quelque peu rétrograde le fait que, malgré son énorme succès,
l'ALENA fasse l'objet de critiques virulentes de la part des forces protectionnistes aux
États-Unis. On accuse l'ALENA d'enlever des emplois aux Américains, alors qu'aucun
emploi n'est perdu au profit du Canada ou du Mexique.
La vraie preuve de notre attachement à la libéralisation du commerce réside non pas
dans les progrès réalisés dans les bonnes années. La vraie preuve réside dans la
détermination commune à aller de l'avant dans les périodes de défi et d'incertitude.
Nous devons poursuivre notre avance malgré les grands discours et la politicaillerie.
Nous devons concentrer notre attention sur le but à atteindre : un monde plus prospère,
plus juste et plus sûr.
Les Canadiens n'en attendent pas moins de nous.
Je vous remercie.