RÉSUMÉ DE LA PLAIDOIRIE DU CANADADEVANT LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (CIJ)
Le 10 mai 1999 (18 H 30 HAE) Nº 106
RÉSUMÉ DE LA PLAIDOIRIE DU CANADA
DEVANT LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (CIJ)
La demande de la République fédérale de Yougoslavie (RFY)
La RFY soutient que le Canada et neuf autres États membres de l'OTAN ont violé des obligations en vertu du droit
international relatives à l'usage de la force, à la non-ingérence dans les affaires internes d'un État et au crime de
génocide.
Nature de la procédure
La procédure engagée consiste en audiences préliminaires qui permettront de déterminer si des mesures
conservatoires (mesures intérimaires) doivent être ordonnées afin de préserver les droits des parties. La Cour
n'est donc pas appelée à traiter les questions de fond soulevées par l'Affaire à ce stade de la procédure. Pour
ordonner des mesures conservatoires, la Cour doit cependant estimer qu'elle est compétente prima facie pour
entendre l'Affaire quant au fond.
Question de la compétence
La République fédérale de Yougoslavie soutient que la Cour est compétente en se fondant sur sa propre
Déclaration du 25 avril 1999, dans laquelle elle acceptait la compétence obligatoire de la Cour pour tous les
différends qui s'élèveront après cette date, et sur sa qualité d'État partie à la Convention sur le génocide.
Le Canada conteste la compétence de la Cour en se fondant sur les arguments suivants :
- Les Nations Unies n'ont jamais reconnu la RFY comme l'État successeur de l'ex-Yougoslavie; la RFY n'a jamais
présenté une demande d'admission aux Nations Unies. Seuls les membres des Nations Unies sont parties au
Statut de la CIJ.
- La décision de l'OTAN de mener des opérations aériennes a été prise bien avant que la RFY n'accepte la
compétence obligatoire de la CIJ dans sa déclaration du 25 avril. Celle-ci ne s'applique qu'aux différends qui
s'élèveront après cette date, sans doute pour protéger la RFY contre des poursuites résultant de ses propres
violations passées du droit international.
- Les accusations de génocide à l'encontre du Canada ne reposent sur aucun fondement factuel ou juridique.
L'allusion à la Convention sur le génocide ne vise qu'à créer une polémique et à tenter d'influencer la Cour en
l'absence de tout fondement juridique pour y parvenir en vertu de son Statut.
Caractère inapproprié des mesures intérimaires
Une ordonnance de mesures conservatoires doit tenir compte de toutes les circonstances de l'Affaire. Ici,
l'ensemble des circonstances milite contre une décision accordant les mesures sollicitées par la RFY.
- La RFY ne se présente pas devant la Cour les "mains propres" et demande la protection de la Cour contre les
conséquences de ses propres crimes contre l'humanité. La RFY n'a jamais respecté les résolutions exécutoires
du Conseil de sécurité des Nations Unies, en vertu desquelles elle doit mettre un terme à la répression des
Albanais du Kosovo et assurer leur retour en toute sûreté.
- Ordonner la cessation des opérations aériennes de l'OTAN permettrait à la RFY de mener à bien son projet de
vider le Kosovo de sa population albanaise.
- Une telle ordonnance aurait un effet dévastateur et permanent sur les Kosovars et la région dans son ensemble,
effet auquel un jugement subséquent sur le fond de l'Affaire ne pourrait porter remède.
Document d'information
AFFAIRE DE LA LÉGALITÉ DU RECOURS À LA FORCE DEVANT LA COUR
INTERNATIONALE DE JUSTICE --
DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES
Le 29 avril, le Canada a reçu de la Cour internationale de Justice (CIJ) un avis indiquant que la République
fédérale de Yougoslavie (RFY) avait déposé contre lui et neuf autres membres de l'OTAN (États-Unis,
Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Portugal et Espagne) une demande de mesures
conservatoires relativement à diverses violations présumées du droit international. La CIJ a fixé aux 10 et 11 mai
1999 l'audition de ces dix affaires.
Quelle est la nature de la plainte de la RFY contre le Canada ?
La RFY a déposé contre le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas,
la Belgique, le Portugal et l'Espagne des requêtes distinctes dans lesquelles elle demande que ces États soient
déclarés responsables de la violation de plusieurs obligations internationales, allant de la non-ingérence dans les
affaires d'un autre État aux allégations de génocide.
Le Canada rejette catégoriquement les allégations de la RFY. La RFY continue de commettre de graves violations
du droit international, sur lesquelles cette affaire attirera l'attention. Nous nous attendrions également à ce que la
RFY démontre son respect pour le droit international en coopérant avec le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie.
Pourquoi cette demande vise-t-elle le Canada ? Il y a sans doute d'autres pays de l'OTAN qui sont plus
actifs que le Canada en RFY.
La RFY a choisi de présenter des demandes distinctes contre 10 des 19 États membres de l'OTAN. Nous ne
connaissons pas les raisons qui ont motivé cette décision, mais nous croyons savoir que les allégations,
nombreuses et non fondées, portées contre ces dix États sont identiques ou tout au moins similaires.
La RFY a-t-elle aussi présenté une autre demande ? Sur quoi la Cour se penchera-t-elle cette semaine à
la Haye ?
La RFY a également demandé que la Cour rende une ordonnance de mesures conservatoires. C'est cette
demande que la Cour examinera cette semaine.
La RFY a-t-elle aussi présenté une autre demande ? Sur quoi la Cour se penchera-t-elle cette semaine à
la Haye ?
La RFY a également demandé que la Cour rende une ordonnance de mesures conservatoires. C'est cette
demande que la Cour examinera cette semaine.
Qu'est-ce qu'une mesure conservatoire ?
Un État peut présenter une demande de mesures conservatoires lorsqu'il estime que les actions d'un autre État
doivent être arrêtées de toute urgence. Les demandes de mesures conservatoires ont priorité sur toutes autres
affaires. La Cour peut décider de rendre une ordonnance indiquant comment les parties doivent se comporter à
titre intérimaire, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle statue sur le fond de l'Affaire.
Dans quelles autres circonstances des mesures conservatoires ont-elles été demandées dans le passé
?
Les circonstances entourant les demandes de mesures conservatoires ont varié, depuis un conflit armé jusqu'à la
protection d'intérêts économiques. Tout dernièrement, la Bosnie-Herzégovine a demandé la prise de mesures
conservatoires contre la Yougoslavie dans l'Affaire de l'Application de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide.
Qu'est-ce qu'un agent ?
Un agent est un avocat qui représente le gouvernement. L'agent du Canada plaidera la cause du gouvernement du
Canada devant la Cour internationale de Justice.
Philippe Kirsch, jurisconsulte, qui a été l'agent du Canada devant la CIJ dans l'Affaire de la Compétence en
matière de pêcheries (Espagne c. Canada), a été choisi pour représenter le gouvernement du Canada dans cette
affaire.
Qu'est- ce qu'un juge ad hoc ?
Toute partie n'ayant pas à la CIJ un juge de sa nationalité peut nommer un juge ad hoc. Les juges ad hoc
participent aux affaires dans lesquelles ils siègent dans des conditions de complète égalité avec les autres juges.
La Cour peut refuser la nomination d'un juge ad hoc si elle estime que les intérêts de la partie concernée seront
adéquatement servis par les autres juges sur le siège.
Le Canada a nommé Marc Lalonde comme juge ad hoc dans cette affaire. M. Lalonde a déjà assumé des
fonctions semblables dans l'Affaire de la Compétence en matière de pêcheries. La RFY s'est opposée à la
nomination d'un juge canadien ad hoc en invoquant le fait que plusieurs des pays défendeurs ont des juges de leur
nationalité à la Cour, et que les intérêts du Canada seraient adéquatement défendus par ces juges. La Cour a
accepté la nomination de M. Lalonde, malgré les objections de la RFY.
La RFY a elle-même nommé un juge ad hoc, nomination qui a également été acceptée par la Cour.
Document d'information
LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DE LA HAYE
La Cour internationale de justice (CIJ) a été créée en 1945 en vertu de la Charte des Nations Unies, à titre de
principal organe judiciaire de l'Organisation.
La Cour a un double rôle :
1. trancher conformément au droit international les litiges qui lui sont soumis par les États;
2. rendre des avis sur les questions juridiques qui lui sont renvoyées par les organes et institutions internationaux
dûment autorisés.
L'Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité élisent quinze juges pour des mandats de neuf
ans, renouvelables au tiers tous les trois ans. Les juges peuvent être réélus.
À l'heure actuelle, la Cour est composée de juges des pays suivants : Algérie, Allemagne, Brésil, Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France, Hongrie, Japon, Madagascar, Pays-Bas, Royaume-Uni, Sierra Leone, Sri
Lanka et Venezuela. Dans les cas où la Cour ne comprend aucun juge ayant la nationalité d'un État partie à une
affaire, cet État peut nommer une personne apte à siéger à titre de juge ad hoc pour l'affaire en question.
Toutefois, la Cour peut décider de ne pas nommer de juge ad hoc si elle estime que les intérêts de la partie en
cause seront suffisamment bien défendus par les juges titulaires de la Cour.
Procédure de la CIJ
Les procédures de la CIJ comprennent un volet écrit et un volet oral. Une partie peut également demander des
mesures conservatoires. La Cour examine ces demandes par ordre de priorité, le plus souvent dans les deux à
quatre semaines. À l'étape de la procédure écrite, les parties présentent et échangent leurs plaidoiries, tandis qu'à
l'étape orale, les agents et avocats des parties s'adressent à la Cour à l'occasion d'audiences publiques.
La Cour délibère ensuite à huis clos, puis rend son jugement à l'occasion d'une séance publique; ce jugement est
considéré comme définitif et sans appel. Cependant, si un État en cause refuse de se conformer à un jugement de
la Cour, la partie adverse peut en référer au Conseil de sécurité des Nations Unies.
La Cour a rendu 68 jugements depuis 1946, dans des affaires concernant notamment les sujets suivants :
- frontières terrestres et maritimes;
- souveraineté territoriale;
- non-ingérence dans les affaires intérieures des États;
Les États membres de l'ONU et deux États non membres (Nauru et la Suisse) sont admissibles à présenter des
requêtes à la Cour et à comparaître devant elle.
Les langues officielles de la CIJ sont le français et l'anglais.
NOTICE BIOGRAPHIQUE : PHILIPPE KIRSCH
Philippe Kirsch se joint au ministère des Affaires extérieures en 1972, après avoir obtenu une maîtrise en droit de
l'Université de Montréal. Depuis, il a été Ambassadeur et Représentant permanent adjoint du Canada auprès des
Nations Unies, ainsi qu'Ambassadeur et Agent pour le Canada auprès de la Cour internationale de Justice.
Depuis 1994, M. Kirsch est Jurisconsulte au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Philippe Kirsch a une vaste expérience du domaine juridique international. De 1995 à 1998, il a été Ambassadeur
et Agent pour le Canada auprès de la Cour internationale de Justice dans l'Affaire de la compétence en matière
de pêcheries (Espagne v. Canada). En juin 1998, M. Kirsch a été nommé président du Comité plénier de la
Conférence sur la création d'une cour criminelle internationale, comité qui a négocié le texte final du Statut de la
Cour pénale internationale.
M. Kirsch a également assumé la présidence des organes suivants : la Sixième Commission de l'ONU (Questions
juridiques), qui exerce une influence considérable; le Comité spécial de l'ONU pour l'élaboration d'une Convention
sur la répression du terrorisme nucléaire; le Comité spécial de l'ONU pour l'élaboration d'une Convention sur la
répression des attentats terroristes à la bombe; le Comité de rédaction de la 26e Conférence internationale de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en 1995; le Groupe de travail du Comité spécial des opérations de maintien
de la paix, à l'ONU; le Comité spécial de l'ONU chargé de la Convention sur la sécurité du personnel de l'ONU et
du personnel associé; et le Comité de rédaction de la Conférence internationale sur la protection des victimes de
guerre. M. Kirsch est également l'auteur de nombreux articles et travaux portant sur divers sujets intéressant le droit
international et les Nations Unies.
NOTICE BIOGRAPHIQUE : MARC LALONDE, C. P., O.C., C.R.
Marc Lalonde possède une vaste expérience du droit international, ayant notamment été juge ad hoc à la Cour
internationale de Justice relativement à un différend entre l'Espagne et le Canada (1995-1998), Envoyé spécial
dans le cadre du différend Canada-Brésil concernant les avions régionaux (1998), membre du Conseil consultatif
international auprès du Présidium de l'Ukraine (1990-1996), membre du Comité consultatif chargé des affaires
constitutionnelles dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie (1989-1991) et membre du Comité consultatif
international d'Air France (1991-1996). M. Lalonde est présentement directeur général d'un important programme
de mise en œuvre des politiques, financé par le gouvernement canadien en vue de conseiller l'Assemblée
nationale et le gouvernement du Vietnam.
M. Lalonde détient une maîtrise en droit de l'Université de Montréal, ainsi qu'une maîtrise de l'Université d'Oxford
et un Diplôme d'études supérieures en droit (D.E.S.D) de l'Université d'Ottawa.
M. Lalonde a été élu à la Chambre des communes pour la première fois en 1972, et nommé ministre de la Santé
nationale et du Bien-être social. Au cours de sa carrière politique, il a détenu les portefeuilles suivants : ministre
responsable de la Condition féminine (1974-1979), ministre d'État responsable des Relations
fédérales-provinciales (1977), ministre de la Justice et Procureur général du Canada (1978), ministre de l'Énergie,
des Mines et des Ressources (1980), et ministre des Finances.
Actuellement partenaire au cabinet d'avocats Stikeman Elliott, Marc Lalonde pratique le droit des sociétés et le
droit commercial, et s'occupe d'investissements ainsi que d'opérations commerciales au niveau international.