LE GOUVERNEMENT DÉPOSE UN PROJET DE LOI POUR CONTRER LA LOI AMÉRICAINE HELMS-BURTON
Le 16 septembre 1996 Nº 163
LE GOUVERNEMENT DÉPOSE UN PROJET DE LOI POUR CONTRER LA
LOI AMÉRICAINE HELMS-BURTON
Le gouvernement a déposé aujourd'hui un projet de loi à la Chambre des communes
pour protéger les sociétés canadiennes contre des mesures étrangères comme la loi
américaine Helms-Burton à l'égard de Cuba.
Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, et le ministre du Commerce
international, M. Art Eggleton, ont dit que le projet de loi modifiant la Loi sur
les mesures extraterritoriales étrangères (LMEE) permettra de mieux équiper les
sociétés canadiennes pour se défendre devant les tribunaux américains contre des
réclamations déposées en vertu de la loi Helms-Burton.
« Cette série de modifications est un élément clé du rôle prépondérant que le
Canada joue dans la campagne internationale contre la loi Helms-Burton, a indiqué
M. Axworthy. Le président Clinton a décidé, en juillet, de suspendre le droit des
sociétés américaines de poursuivre en justice, mais la Loi reste en vigueur et
constitue une grave violation du droit international. Ces modifications sont un
indice certain de ce que nous ne lâchons pas prise et que nous sommes prêts à
prendre des mesures rigoureuses pour protéger à la fois les intérêts canadiens et
le droit international. »
« La loi Helms-Burton est une tentative injustifiée de la part des États-Unis
d'intervenir par la voie juridique dans les échanges commerciaux entre d'autres
pays, a pour sa part déclaré M. Eggleton. Les modifications apportées à la LMEE
visent à dissuader les sociétés américaines de pénaliser des entreprises
canadiennes faisant des affaires légitimes avec Cuba. Nous continuerons de
collaborer avec d'autres pays pour faire échec à la loi Helms-Burton. »
En vertu de cette loi, les ressortissants américains peuvent intenter des
poursuites devant les tribunaux américains contre les sociétés du Canada et
d'autres pays qui sont réputées se livrer au « trafic » de biens confisqués par
Cuba à ces citoyens américains. Elle prévoit également des restrictions à
l'admission temporaire aux États-Unis des cadres et actionnaires majoritaires de
ces sociétés, ainsi que de leurs conjoints et enfants mineurs.
Les modifications proposées à la LMEE :
autorisent le procureur général à prendre des arrêtés de « blocage » déclarant
que les jugements rendus en vertu de lois étrangères répréhensibles, comme la loi
Helms-Burton, ne seront ni exécutés ni reconnus au Canada;
donnent aux Canadiens le droit de recouvrer devant les tribunaux canadiens toute
somme d'argent versée en vertu de ces jugements étrangers et tous frais encourus
pour les procédures judiciaires au Canada et dans le pays étranger -- une mesure
que l'on appelle la « récupération »; et
donnent au procureur général du Canada le pouvoir de modifier une annexe
énumérant les lois étrangères répréhensibles qui, de son avis, contreviennent au
droit international.
Par ces modifications, le gouvernement réaménage aussi les pénalités imposables
sous le régime de la LMEE afin que les Canadiens soient moins portés à se
conformer à des lois étrangères répréhensibles et plus portés à respecter la loi
canadienne. Ces dispositions donneront aux tribunaux canadiens des critères pour
modifier la pénalité en fonction des circonstances.
Le président américain Clinton a annoncé le 15 juillet 1996 que le droit des
requérants américains d'intenter des poursuites était suspendu pour une période de
six mois. Il est possible que cette suspension soit renouvelée pour d'autres
périodes de six mois.
Certains Canadiens ont déjà été informés qu'il leur était interdit d'entrer aux
États-Unis à compter du 24 août 1996.
Les ministres Axworthy et Eggleton ont annoncé l'intention du gouvernement de
modifier la LMEE le 17 juin 1996.
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On trouvera un document d'information en annexe.
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Catherine Lappe
Directrice des communications
Cabinet du ministre des Affaires étrangères
(613) 995-1851
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ou avec le :
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Ce document est également disponible au site Internet du
Ministère : http://www.dfait-maeci.gc.ca
Document d'information
LA LOI DU CANADA SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES (LMEE) ET
LA LOI HELMS-BURTON DES ÉTATS-UNIS
La Loi du Canada sur les mesures extraterritoriales étrangères
La Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères (LMEE) est entrée en vigueur
en février 1985. Elle visait à défendre les intérêts canadiens contre les
tentatives de gouvernements ou de tribunaux étrangers pour faire appliquer des
lois ou des jugements déraisonnables au Canada.
La LMEE donne déjà au procureur général du Canada, avec l'assentiment du ministre
des Affaires étrangères, le pouvoir d'interdire l'observation au Canada de mesures
extraterritoriales qui, à son avis, portent atteinte à la souveraineté canadienne.
De plus, elle lui confère aussi le pouvoir de restreindre la production de
documents devant des tribunaux étrangers si cela porte atteinte à la souveraineté
canadienne.
La Loi est maintenant renforcée et actualisée pour permettre au Canada de réagir
à de nouvelles circonstances, comme les mesures prises récemment par les États-Unis pour attaquer des intérêts commerciaux canadiens légitimes par le biais de la
loi Helms-Burton.
Les modifications proposées à la LMEE permettraient au procureur général du
Canada de faire opposition à toute tentative d'un réclamant étranger pour faire
exécuter au Canada un jugement rendu en vertu d'une loi comme la loi Helms-Burton.
Elles donneraient aussi aux sociétés canadiennes un recours devant les tribunaux
canadiens -- la « récupération » -- si des jugements étaient prononcés contre elles
par des tribunaux américains en vertu de la loi Helms-Burton. Les modifications à
la LMEE institueraient le droit de réclamer, au Canada, un montant équivalent au
requérant américain.
Le procureur général pourrait aussi inscrire plus tard, avec l'accord du ministre
des Affaires étrangères, d'autres lois étrangères qu'il juge répréhensibles sur
une liste établie aux termes de la LMEE.
Voici comment l'une de ces modifications, la « récupération », pourrait
s'appliquer au cas hypothétique suivant :
Un ressortissant des États-Unis obtient gain de cause contre un Canadien devant
un tribunal américain en vertu de la loi Helms-Burton.
Si le Canadien n'a pas d'actif aux États-Unis, le ressortissant américain devrait
demander à un tribunal canadien de faire exécuter le jugement. Le procureur
général du Canada pourrait prendre un arrêté pour bloquer le processus.
Si le Canadien paie des dommages-intérêts à l'Américain, il pourrait ensuite
poursuivre ce dernier devant les tribunaux canadiens pour recouvrer le plein
montant adjugé. Ce montant plus les frais de cour engagés dans les deux pays
seraient récupérables à même l'actif de l'Américain au Canada.
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Les modifications permettraient aussi à un Canadien qui serait obligé de se
défendre devant un tribunal américain contre une poursuite invoquant la loi
Helms-Burton de demander le remboursement des frais de cour par la partie
américaine devant les tribunaux canadiens avant même que l'affaire soit
réglée aux États-Unis.
Pénalités
Les pénalités financières prévues aux termes de la LMEE vont être accrues de
manière à décourager les Canadiens d'observer des lois étrangères répréhensibles.
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Sous le régime actuel, une société canadienne confrontée aux exigences
conflictuelles d'une loi étrangère et de la législation canadienne pourrait
bien choisir d'observer la loi étrangère si les pénalités qu'elle impose sont
plus lourdes que celles prévues par la législation canadienne. Grâce aux
modifications apportées à la LMEE, les tribunaux pourront modifier la
pénalité en fonction de circonstances atténuantes.
Les peines maximales actuellement prévues par la Loi vont jusqu'à 10 000 $
canadiens ou cinq ans d'emprisonnement, ou les deux à la fois, sur condamnation.
Les modifications porteront la pénalité maximale à 1,5 million de dollars
canadiens. Par comparaison, le règlement américain sur le contrôle des actifs
cubains impose des amendes pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars américains.
Le Titre III de la loi américaine Helms-Burton
Cet article de la Loi autorise les ressortissants des États-Unis qui revendiquent
des biens expropriés à Cuba à intenter des poursuites devant les tribunaux
américains pour réclamer des sommes d'argent aux entreprises ou personnes
étrangères qui se livrent au « trafic » de ces biens.
Par exemple, une société canadienne ayant investi dans un bien qui, aux dires
d'un ressortissant des États-Unis, a été exproprié à un certain moment par le
gouvernement cubain pourrait faire l'objet de poursuites devant les tribunaux
américains.
À la mi-juillet, le président Clinton a suspendu pour six mois le droit des
sociétés d'intenter des poursuites en vertu du Titre III. Mais le titre est tout
de même devenu une loi et le président pourrait renverser sa décision en tout
temps.
Le Titre IV de la loi américaine Helms-Burton
Les dispositions du Titre IV de la loi Helms-Burton autorisent les autorités
américaines à interdire l'entrée au pays aux cadres supérieurs d'entreprises que
le département d'État considère comme s'étant livrées au « trafic » de biens visés
par une réclamation américaine depuis le 12 mars 1996. Ces dispositions
s'appliquent aussi aux représentants de même qu'aux conjoints et enfants mineurs
de ces cadres.
Le gouvernement américain a envoyé des lettres à certains Canadiens au mois de
juillet pour les informer qu'il leur serait interdit d'entrer aux États-Unis à
partir du 24 août.
Les mesures prises par le Canada pour contrer la loi Helms-Burton
Le Canada a gagné les appuis de la communauté internationale dans l'opposition
qu'il a manifestée à la Loi sur les principales tribunes économiques et
politiques.
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À une réunion du Conseil général de l'Organisation mondiale du commerce
(OMC), le Canada a clairement fait part de son opposition à la Loi, de
concert avec l'Union européenne (UE), le Mexique et le Japon.
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Dans le cadre des pourparlers sur l'Accord multilatéral sur l'investissement
en juin, le Canada a demandé aux membres de l'Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE) d'interdire le boycottage de sociétés qui
investissent dans des pays tiers. La proposition a reçu un appui presque
unanime.
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L'opposition du Canada à la loi Helms-Burton a amené l'Organisation des États
américains (OEA) à saisir de l'affaire le Comité juridique interaméricain
pour qu'il examine si la Loi est conforme au droit international.
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L'UE rédige en ce moment une loi semblable à la LMEE canadienne. Le Mexique a
déjà déposé un projet de loi au Sénat.
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Le ministre du Commerce international, M. Art Eggleton, en a parlé
personnellement au représentant américain au Commerce du moment, M. Mickey
Kantor, et aux ambassadeurs de l'UE.
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Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, a fait part de ses
doléances directement au secrétaire d'État américain, M. Warren Christopher.
Le Canada relance également la question dans le contexte de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui contient des règles régissant l'investissement
et l'admission temporaire.
Des consultations dans le cadre de l'ALENA ont été menées avec les États-Unis à
la fin avril, et de nouveau en mai. Le Mexique a participé aux deux séances et
partage les préoccupations du Canada.
Le Canada et les États-Unis ont tenu une réunion de la Commission de l'Accord de
libre-échange nord-américain à la fin juin. Le Canada est maintenant en mesure de
demander la formation d'un groupe spécial chargé de régler le différend aux termes
de l'ALENA, s'il le juge justifié.
La loi Helms-Burton : les dates marquantes
24 février : L'Aviation cubaine abat deux avions civils américains. Le président
Clinton se rallie au projet de loi peu après.
3-4 mars : Le ministre du Commerce international, M. Art Eggleton, aborde la
question au cours d'un entretien à Washington avec son homologue américain, le
représentant au Commerce, qui était alors M. Mickey Kantor.
4-5 mars : Dans le communiqué publié au Sommet de la Communauté des Caraïbes tenu
à la Grenade, les dirigeants, y compris le premier ministre du Canada,
M. Chrétien, expriment leur ferme opposition au projet de loi.
5 mars : M. Eggleton rencontre les ambassadeurs des pays de l'UE et de 17 autres
pays pour leur exposer les préoccupations du Canada devant la loi Helms-Burton et
pour leur proposer une collaboration sur la question au sein des organisations
internationales.
12 mars : Le président des États-Unis sanctionne la loi Helms-Burton. Le même
jour, le Canada demande des consultations officielles avec les États-Unis en vertu
du chapitre 20 de l'ALENA.
14 mars : Le Canada soulève la question de la loi Helms-Burton devant le groupe de
négociation de l'Accord multilatéral sur l'investissement à Paris.
28 mars : Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, exprime les
préoccupations du Canada face à la loi Helms-Burton lors de sa rencontre à
Washington avec le secrétaire d'État américain, M. Warren Christopher.
16 avril : À la réunion du Conseil général de l'OMC, le Canada se joint à d'autres
pays, y compris l'UE, le Mexique et le Japon, pour exprimer sa profonde opposition
à la loi Helms-Burton.
22 avril : Les ministres des Affaires étrangères de l'UE font à Luxembourg une
déclaration condamnant la loi Helms-Burton et indiquant leur intention d'envisager
une contestation à l'OMC.
26 avril : La première série de consultations aux termes de l'ALENA, à laquelle
participent le Canada et le Mexique, a lieu à Washington.
3 mai : L'UE demande formellement des consultations à l'OMC sur la loi Helms-Burton.
16 mai : M. Chrétien et les dirigeants centraméricains du Nicaragua, du Honduras,
du Guatemala, du Salvador, du Costa Rica et du Belize émettent un communiqué
soulignant le droit des États souverains de maintenir des liens commerciaux
conformes à leur propre politique étrangère et à leurs propres lois.
21-22 mai : M. Eggleton exprime vigoureusement les préoccupations du Canada à une
rencontre des ministres de l'OCDE à Paris.
22-23 mai : M. Axworthy s'entretient de la question Helms-Burton avec les
ministres des Affaires étrangères de l'Argentine et du Brésil lors de sa visite
dans ces deux pays.
28 mai : Une deuxième série de consultations aux termes de l'ALENA est tenue à
Washington.
29 mai : Le gouvernement américain envoie des avis à trois sociétés, y compris une
entreprise canadienne, pour les informer qu'elles sont des « trafiquants »
éventuels.
4 juin : Des consultations UE-États-Unis sont tenues à Genève sous les auspices de
l'OMC.
4 juin : L'OEA adopte une résolution à son assemblée générale, à Panama, dans
laquelle elle demande au Comité juridique interaméricain d'examiner la conformité
de la loi Helms-Burton au droit international.
11 juin : Le président du Mexique, M. Zedillo, exprime ses sérieuses
préoccupations concernant la loi Helms-Burton dans le discours au Parlement du
Canada qu'il prononce pendant sa visite à Ottawa.
28 juin : Le Canada et les États-Unis tiennent une réunion de la Commission de
l'Accord de libre-échange nord-américain. Le Canada est maintenant en mesure de
demander la formation d'un groupe spécial de règlement des différends en vertu de
l'ALENA s'il estime qu'un tel geste est justifié.
15 juillet : Le président américain Clinton suspend pour six mois le droit des
sociétés d'intenter des poursuites en vertu de la loi Helms-Burton.
30 août : L'envoyé spécial du président Clinton à Cuba, l'ambassadeur Stuart
Eizenstat, rencontre les ministres Axworthy et Eggleton à Ottawa.
16 septembre : Les modifications à la LMEE sont déposées au Parlement en première
lecture.
20 septembre : Deuxième lecture des modifications à la LMEE. Les ministres
Axworthy et Eggleton doivent prendre la parole devant le Parlement.
1er novembre : Les personnes qui effectuent des transactions touchant des biens
expropriés à Cuba sont considérées comme étant en situation de responsabilité
légale même si le droit d'intenter des poursuites a été suspendu.
Janvier 1997 : Le président américain Clinton doit annoncer s'il continue de
suspendre le droit d'intenter des poursuites en vertu de la loi Helms-Burton pour
une autre période de six mois.