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<html> <head> <meta name="Generator" content="Corel WordPerfect 8"> <title>M. GRAHAM - ALLOCUTION &Agrave; L'OCCASION DE LA CONF&Eacute;RENCE GOODMAN - &Eacute;COLE DE DROIT DE L'UNIVERSIT&Eacute; DE TORONTO - TORONTO (ONTARIO)</title> </head> <body text="#000000" link="#0000ff" vlink="#551a8b" alink="#ff0000" bgcolor="#c0c0c0"> <p><font face="Arial Gras" size="+1"> <u> SOUS R&Eacute;SERVE DE MODIFICATIONS</u></font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">NOTES POUR UNE ALLOCUTION</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">DE</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">L'HONORABLE BILL GRAHAM,</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">MINISTRE DES AFFAIRES &Eacute;TRANG&Egrave;RES,</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">&Agrave; L'OCCASION DE LA CONF&Eacute;RENCE GOODMAN</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">&Eacute;COLE DE DROIT DE L'UNIVERSIT&Eacute; DE TORONTO</font></p> <p><font face="Arial Gras" size="+1">TORONTO (Ontario)</font></p> <p><font face="Arial Gras" size="+1">Le 13 janvier 2003</font></p> <p>Je tiens &agrave; vous remercier de m'avoir invit&eacute; &agrave; la conf&eacute;rence Goodman de cette ann&eacute;e. Ayant enseign&eacute; dans cette &eacute;cole, votre invitation est pour moi un grand honneur. J'admets aussi que je suis quelque peu intimid&eacute; par la perspective d'affronter les as du corps &eacute;tudiant et professoral, et je suis tout &agrave; fait conscient des qualifications impressionnantes des conf&eacute;renciers qui m'ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute;.</p> <p>De crainte qu'on veuille attribuer un quelconque m&eacute;rite universitaire &agrave; mon propos, j'ai pris la pr&eacute;caution de le situer dans une «&nbsp;perspective politique&nbsp;». Si cette pr&eacute;caution a pour but en partie de m'autoriser &agrave; me livrer &agrave; des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s qui ne sont pas fond&eacute;es sur une recherche s&eacute;rieuse, j'estime par ailleurs que le sujet justifie une telle approche. Vous conviendrez, j'en suis s&ucirc;r, que le droit international est une branche du droit o&ugrave; l'on trouve un grand nombre de points d'intersection avec la politique. Comme j'avais l'habitude de le dire &agrave; mes &eacute;tudiants, le droit international se distingue des autres formes de droit de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que le gruy&egrave;re se diff&eacute;rencie des autres sortes de fromage : si la substance est semblable, on y trouve beaucoup plus de trous.</p> <p>Et je crois qu'il est juste de dire, du point de vue qui est actuellement le mien, que ces trous sont habituellement combl&eacute;s par le ciment politique des relations internationales plut&ocirc;t que par la discipline des obligations contraignantes que nous constatons dans le r&eacute;gime de droit int&eacute;rieur.</p> <p>Je voudrais aujourd'hui vous livrer mon analyse des d&eacute;veloppements prodigieux qui ont marqu&eacute; l'architecture juridique internationale ces derni&egrave;res ann&eacute;es, des d&eacute;veloppements qui ont un impact si &eacute;norme tant sur la conduite des affaires entre les pays que sur nos syst&egrave;mes juridique et politique ici au Canada. Le sujet est trop vaste pour &ecirc;tre trait&eacute; de fa&ccedil;on d&eacute;taill&eacute;e ici, mais j'aimerais vous donner un aper&ccedil;u, &agrave; partir de ma perspective politique, de certains de ces changements et de leurs incidences pour nous, gens de loi, sur le plan international comme sur le plan int&eacute;rieur. Et, pour conclure, je veux explorer s'il existe une contribution authentiquement canadienne &agrave; l'&eacute;volution de l'ordre juridique mondial, une contribution qui refl&egrave;te nos valeurs tout en jouant un r&ocirc;le distinctif dans le d&eacute;veloppement de normes et d'institutions internationales.</p> <p>Permettez-moi d'abord de rappeler certains des changements qui sont survenus. Pour ma part, je constate que, durant ma relativement courte vie professionnelle, j'ai assist&eacute; &agrave; une progression extraordinaire du nombre et de la complexit&eacute; des normes internationales applicables.</p> <p>Rien n'illustre mieux cette croissance qu'une comparaison du programme d'&eacute;tudes de l'&eacute;cole de droit que j'ai fr&eacute;quent&eacute;e ici de 1961 &agrave; 1964 et du programme riche et vari&eacute; qui vous est offert aujourd'hui. &Agrave; mon &eacute;poque, il y avait deux cours : le droit international public et le droit international priv&eacute;. Le premier traitait des r&egrave;gles assez arides et limit&eacute;es applicables aux relations inter&eacute;tatiques et le second, des probl&egrave;mes de personnes qui se retrouvaient dans des situations o&ugrave; plus d'un r&eacute;gime juridique national risquait de s'appliquer &agrave; elles ou &agrave; certains de leurs actes.</p> <p>Le droit international priv&eacute; nous apparaissait incroyablement complexe mais d'une certaine utilit&eacute;. De fait, lorsque j'ai commenc&eacute; &agrave; pratiquer le droit, j'&eacute;tais per&ccedil;u dans mon cabinet comme le seul qui le comprenait (ou peut-&ecirc;tre le seul &agrave; le consid&eacute;rer important), c'est sans doute ce qui explique pourquoi je me suis rapidement mis &agrave; voyager davantage et &agrave; m'occuper de transactions auxquelles personne, pas m&ecirc;me mes sup&eacute;rieurs, Walter Williston ou John Sopinka, ne voulaient toucher.</p> <p>Le droit international public &eacute;tait vu, &agrave; juste titre, comme une discipline assez restreinte traitant des relations entre les &Eacute;tats. On &eacute;tudiait les diff&eacute;rends frontaliers, le droit de la guerre et d'autres questions qui de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale ne pr&eacute;sentaient d'int&eacute;r&ecirc;t que pour celui ou celle qui envisageait de travailler pour un gouvernement. Ni les professeurs ni les praticiens n'en avaient une haute opinion. D'ailleurs, quand j'ai inform&eacute; Dean Wright que je comptais faire mon doctorat &agrave; Paris, il s'est dit horrifi&eacute; qu'un &eacute;tudiant prometteur envisage de ne pas aller &agrave; Harvard. Lorsque j'ai justifi&eacute; mon choix en affirmant que je voulais avoir un point de vue fran&ccedil;ais du droit international, il a r&eacute;pliqu&eacute;&nbsp;-- et c'&eacute;tait quelqu'un aux opinions tranch&eacute;es&nbsp;-- que je gaspillais ma vie et il a fait de son mieux pour me dissuader.</p> <p>Quiconque compare cette situation et ces attitudes avec le riche environnement international que l'on retrouve ici, seulement 40 ans plus tard, ne reconna&icirc;tra pas cette institution. Et il en serait de m&ecirc;me, je crois, de la pratique dans la plupart des cabinets du pays.</p> <p>Quand j'ai commenc&eacute; &agrave; pratiquer le droit il y a environ 35 ans, j'ai pris conscience, bien que seulement vaguement, que les distinctions &eacute;tablies entre les r&egrave;gles de droit international et de droit int&eacute;rieur laissaient beaucoup &agrave; d&eacute;sirer. Elles ne refl&eacute;taient pas ad&eacute;quatement le degr&eacute; d'int&eacute;gration, particuli&egrave;rement &eacute;conomique, que je constatais tout autour de moi &agrave; l'occasion de mes d&eacute;placements ou des travaux que j'effectuais pour des clients afin de trouver des solutions juridiques &agrave; des probl&egrave;mes qui devenaient de moins en moins nationaux et de plus en plus influenc&eacute;s par des &eacute;v&eacute;nements d&eacute;bordant les fronti&egrave;res nationales. Lorsque je me suis mis &agrave; enseigner le droit international public et le droit international du commerce, j'ai d&ucirc; expliquer &agrave; mes &eacute;tudiants pourquoi je croyais que la d&eacute;marcation entre les syst&egrave;mes juridiques nationaux et internationaux c&eacute;dait le pas &agrave; une interd&eacute;pendance ou une «&nbsp;inter-perm&eacute;abilit&eacute;&nbsp;» des deux syst&egrave;mes, pour reprendre le terme de notre coll&egrave;gue &agrave; Ottawa, Jon Fried, ou au «&nbsp;droit transnational&nbsp;», l'expression invent&eacute;e par Myers MacDougall.</p> <p>Bien entendu, les raisons de cette interd&eacute;pendance croissante des syst&egrave;mes de droit int&eacute;rieur et international sont &eacute;videntes : elles sont le reflet des forces de l'interd&eacute;pendance mondiale qui r&eacute;sultent en grande partie des progr&egrave;s technologiques, particuli&egrave;rement dans le secteur des communications, des progr&egrave;s qui, dans de nombreux domaines, font qu'il est impossible d'isoler les activit&eacute;s int&eacute;rieures et internationales.</p> <p>Le monde juridique peut difficilement se soustraire aux cons&eacute;quences de ce qui se produit dans les secteurs du commerce, de la sant&eacute; et de l'environnement. La croissance extraordinaire des normes qui r&eacute;glementent le commerce et l'investissement internationaux est le ph&eacute;nom&egrave;ne qui illustre le plus la r&eacute;alit&eacute; de l'interd&eacute;pendance mondiale qui a vu le jour apr&egrave;s la Deuxi&egrave;me Guerre mondiale. Mais il n'est pas non plus possible d'ignorer cette r&eacute;alit&eacute; lorsqu'on parle de l'environnement, de la sant&eacute;, du crime organis&eacute; ou, d'ailleurs, de presque tout autre sujet qui jusqu'&agrave; tout r&eacute;cemment &eacute;tait r&eacute;put&eacute; ressortir exclusivement &agrave; la politique int&eacute;rieure et, partant, aux disciplines &eacute;tablies par les syst&egrave;mes juridiques nationaux. Le comit&eacute; mixte charg&eacute; d'&eacute;tudier la politique &eacute;trang&egrave;re du Canada, un comit&eacute; auquel j'ai si&eacute;g&eacute; lorsque j'ai &eacute;t&eacute; &eacute;lu pour la premi&egrave;re fois, a reconnu l'importance de ces d&eacute;veloppements d'un point de vue politique et soulign&eacute; le m&eacute;tissage des politiques int&eacute;rieure et &eacute;trang&egrave;re, de sorte que ni l'une ni l'autre ne peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e isol&eacute;ment.</p> <p>Il me semble que cette interd&eacute;pendance intense exige une nouvelle approche de la part des politiciens, qui doivent reconna&icirc;tre aujourd'hui que les solutions &agrave; nombre de probl&egrave;mes politiques int&eacute;rieurs ne peuvent &ecirc;tre &eacute;labor&eacute;es qu'&agrave; la condition de reconna&icirc;tre d'abord les contraintes que nous imposent les forces mondiales ou r&eacute;gionales et de chercher ensuite des solutions gr&acirc;ce &agrave; des m&eacute;canismes tant internationaux que nationaux.</p> <p>Cette nouvelle r&eacute;alit&eacute; politique a une contrepartie juridique qui dicte des consid&eacute;rations d'une pertinence particuli&egrave;re pour les avocats, qui sont maintenant confront&eacute;s &agrave; la t&acirc;che d'&eacute;laborer un cadre juridique dans lequel peuvent fonctionner harmonieusement les syst&egrave;mes juridiques mondiaux et nationaux. Un tel cadre profite aux Canadiens. Il permet &agrave; notre r&eacute;gime int&eacute;rieur d'assimiler les influences externes qui accompagnent notre appartenance &agrave; une soci&eacute;t&eacute; interd&eacute;pendante mondiale. Ce cadre nous permet aussi de projeter nos int&eacute;r&ecirc;ts et nos valeurs &agrave; l'&eacute;tranger, contribuant ainsi &agrave; fa&ccedil;onner les forces ext&eacute;rieures qui nous touchent tellement.</p> <p>Pour que l'interd&eacute;pendance mondiale soit une force productive et non destructrice, ce nouveau cadre juridique international devra relever de s&eacute;rieux d&eacute;fis, sur le plan international et int&eacute;rieur. Il doit jeter les bases d'un ordre international pluraliste qui embrasse diff&eacute;rentes cultures, par exemple les traditions juridiques anglo-am&eacute;ricaines ou de common law, le droit civil, les syst&egrave;mes de droit chinois et arabe et les lois coutumi&egrave;res africaines, tout en donnant aux soci&eacute;t&eacute;s civiles des pays assez de libert&eacute; pour se sentir &agrave; l'aise dans les limites impos&eacute;es par des r&egrave;gles internationales homog&eacute;n&eacute;isatrices.</p> <p>Mais les changements que j'ai d&eacute;crits ne sont pas limit&eacute;s dans leur impact au monde juridique &agrave; l'ext&eacute;rieur de nos fronti&egrave;res. Si nous examinons l'exp&eacute;rience canadienne, nous constatons l'influence croissante des normes internationales sur notre jurisprudence nationale. Certains auteurs, comme Gibran Van Ert dans son r&eacute;cent livre, <em>Using International Law in Canadian Courts</em>, ont critiqu&eacute; la r&eacute;ceptivit&eacute;, et la familiarit&eacute;, dont font preuve nos tribunaux vis-&agrave;-vis des normes internationales. Certains juges, par exemple Madame le juge Wilson dans l'affaire <em>National Corn Growers</em>, se sont demand&eacute;s dans quelle mesure l'interpr&eacute;tation de nos lois doit &ecirc;tre soumise au test de nos obligations internationales, m&ecirc;me lorsque ces lois incorporent de fa&ccedil;on sp&eacute;cifique ces normes. On pourrait comprendre qu'elle soit pr&eacute;occup&eacute;e par la question de la comp&eacute;tence des tribunaux face aux complexit&eacute;s des accords internationaux. &Agrave; mon avis, toutefois, les tribunaux r&eacute;agissent &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; que notre jurisprudence refl&egrave;te la r&eacute;alit&eacute; d'un monde interd&eacute;pendant. Lorsqu'on examine les faits, on constate effectivement une r&eacute;ceptivit&eacute; et une d&eacute;f&eacute;rence plus grandes &agrave; l'endroit des pr&eacute;ceptes internationaux. Les affaires constitutionnelles font de plus en plus appel directement aux principes du droit international lorsque sont en cause des questions aussi cruciales que le droit de succession unilat&eacute;rale d'une province, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanit&eacute;, l'extradition et la d&eacute;portation. Nombre d'affaires relevant de la Charte renvoient &agrave; des normes g&eacute;n&eacute;ralement accept&eacute;es en mati&egrave;re de droits de la personne lorsqu'il est question de la port&eacute;e et de l'application de la Charte.</p> <p>Outre ce processus d'int&eacute;gration de normes internationales dans notre syst&egrave;me juridique int&eacute;rieur, il y a des exemples moins &eacute;vidents comme l'int&eacute;gration de concepts du droit international du commerce dans les l&eacute;gislations provinciales. Dans le cas de r&eacute;centes lois o&ugrave; il est question de ventes de biens et d'arbitrage commercial international, par exemple, on peut soutenir que des concepts &eacute;trangers fond&eacute;s sur le droit civil europ&eacute;en sont introduits dans nos syst&egrave;mes de common law.</p> <p>J'aimerais maintenant passer &agrave; certains exemples sp&eacute;cifiques qui illustrent l'impact des changements survenus dans l'ordre juridique international ces derni&egrave;res ann&eacute;es, des exemples qui montrent l'intersection d'enjeux juridiques et des complexit&eacute;s de la politique sur le plan international et int&eacute;rieur.</p> <p>Lorsqu'on examine l'&eacute;volution des normes internationales vers un syst&egrave;me juridique plus global et «&nbsp;serr&eacute;&nbsp;», on constate que c'est dans le domaine du droit commercial et &eacute;conomique international que ce processus est le plus marqu&eacute;. Lorsque j'enseignais le droit du GATT il y a une vingtaine d'ann&eacute;es, je faisais constamment des distinctions entre la nature des obligations qu'il renfermait et celles que renfermaient d'autres syst&egrave;mes juridiques. Il pouvait &ecirc;tre argu&eacute; de fa&ccedil;on plausible que ses normes &eacute;taient moins contraignantes que celles ench&acirc;ss&eacute;es dans les trait&eacute;s normaux, une situation que pr&eacute;f&eacute;raient d'ailleurs les &eacute;conomistes qui &eacute;taient les principaux administrateurs du GATT. La derni&egrave;re chose qu'ils voulaient &eacute;tait la «&nbsp;judiciarisation&nbsp;» du GATT; celui-ci serait d&eacute;truit, craignaient-ils, si des obligations contraignantes et ex&eacute;cutoires rempla&ccedil;aient un cadre de n&eacute;gociation souple. Lors de mon premier voyage &agrave; Gen&egrave;ve, j'ai constat&eacute; avec &eacute;tonnement qu'il n'y avait que deux avocats au secr&eacute;tariat du GATT.</p> <p>Bien entendu, le successeur du GATT, l'OMC [Organisation mondiale du commerce], recourt aujourd'hui de plus en plus &agrave; l'interpr&eacute;tation judiciaire. De 1995 &agrave; la mi-d&eacute;cembre 2002, les organes de r&egrave;glement des diff&eacute;rends et d'appel ont entendu environ 275 affaires portant sur 180 questions. Ces d&eacute;cisions sont relativement contraignantes et sont assez bien observ&eacute;es, un facteur significatif dans l'&eacute;volution d'un syst&egrave;me juridique international efficace. Elles ont aussi des cons&eacute;quences importantes, et elles soul&egrave;vent des enjeux d'une sensibilit&eacute; politique consid&eacute;rable dans les &Eacute;tats membres -- des enjeux comme la viabilit&eacute; de nos offices de commercialisation dans l'industrie laiti&egrave;re au Canada ou le r&ocirc;le de l'&Eacute;tat-nation dans la d&eacute;finition de la s&eacute;curit&eacute; des produits alimentaires en Europe.</p> <p>La gestion de tout cet appareil s'est accompagn&eacute;e d'une r&eacute;volution culturelle. Des milliers d'avocats maintenant bas&eacute;s &agrave; Gen&egrave;ve et ailleurs dans le monde s'affairent, directement ou indirectement, &agrave; analyser et &agrave; appliquer ces r&egrave;gles et ce, si vous me permettez un apart&eacute;, d'une fa&ccedil;on qui s'inspire beaucoup des approches anglo-am&eacute;ricaines -- ce qui ne manque pas d'irriter les tenants de la tradition du droit civil europ&eacute;en.</p> <p>Le d&eacute;veloppement de l'OMC, et des institutions financi&egrave;res internationales, fait partie du cadre d'un syst&egrave;me de libre-&eacute;change du capitalisme mondial. Le FMI [Fonds mon&eacute;taire international] et la Banque mondiale, sans &ecirc;tre «&nbsp;judiciaris&eacute;s&nbsp;» au m&ecirc;me degr&eacute; que l'OMC, ont connu une &eacute;volution semblable. Le Canada a &eacute;t&eacute; &agrave; la t&ecirc;te d'efforts pour d&eacute;velopper un syst&egrave;me financier international plus stable afin d'emp&ecirc;cher que ne se reproduisent des crises financi&egrave;res comme la crise qui a d&eacute;vast&eacute; l'Asie en 1997. Aux r&eacute;unions du G8 et du G20, nous avons fait la promotion d'un syst&egrave;me fond&eacute; sur des r&egrave;gles qui endigue les flux sp&eacute;culatifs &agrave; l'origine de ces crises.</p> <p>En d&eacute;pit de ces d&eacute;veloppements, m&ecirc;me les tenants du capitalisme mondial reconnaissent de plus en plus qu'une r&eacute;forme s&eacute;rieuse du cadre institutionnel s'impose. George Soros, qu'on peut difficilement consid&eacute;rer comme un marxiste, a affirm&eacute; dans son livre,<em> On Globalization</em>, que «&nbsp;le commerce international et les march&eacute;s financiers mondiaux savent tr&egrave;s bien g&eacute;n&eacute;rer la richesse, mais ils ne peuvent satisfaire les autres besoins sociaux, comme la pr&eacute;servation de la paix, l'all&eacute;gement de la pauvret&eacute;, la protection de l'environnement, les conditions de travail ou les droits de la personne&nbsp;». D'&eacute;minents &eacute;conomistes comme Joseph Stiglitz et d'autres ont fait &eacute;cho &agrave; ces propos.</p> <p>En fin de compte, nous devons reconna&icirc;tre que la «&nbsp;judiciarisation&nbsp;» du syst&egrave;me international ne peut qu'exacerber les probl&egrave;mes de ce dernier si les r&egrave;gles sont inad&eacute;quates ou qu'elles favorisent certains au d&eacute;triment d'autres.</p> <p>La politique canadienne a reconnu la n&eacute;cessit&eacute; de changer les r&egrave;gles. Le Canada a &eacute;t&eacute; &agrave; l'avant-garde des efforts d&eacute;ploy&eacute;s pour faire du d&eacute;veloppement le th&egrave;me central de la r&eacute;union de l'OMC &agrave; Doha -- et le premier ministre a impos&eacute; cette perspective &agrave; la r&eacute;union du G8 &agrave; Kananaskis en juin dernier. Certaines pr&eacute;occupations sont particuli&egrave;rement aigu&euml;s. Dans le dossier de la sant&eacute; publique, par exemple, il est crucial d'en arriver &agrave; une conclusion rapide des n&eacute;gociations de l'OMC sur la propri&eacute;t&eacute; intellectuelle et sur l'acc&egrave;s aux m&eacute;dicaments pour les gens dans les pays en d&eacute;veloppement, particuli&egrave;rement en Afrique, aux prises avec des &eacute;pid&eacute;mies comme le VIH/sida et la tuberculose. Nous collaborons avec les &Eacute;tats-Unis, les Europ&eacute;ens et les pays en d&eacute;veloppement afin de trouver une issue qui permette l'acc&egrave;s tout en prot&eacute;geant la valeur et le r&ocirc;le de la propri&eacute;t&eacute; intellectuelle, de sorte que de nouveaux et meilleurs m&eacute;dicaments continuent d'&ecirc;tre mis au point. Les n&eacute;gociations se poursuivent &agrave; Gen&egrave;ve et nous esp&eacute;rons sortir de cette impasse bient&ocirc;t.</p> <p>Ce programme ax&eacute; sur le d&eacute;veloppement et destin&eacute; &agrave; changer les r&egrave;gles relatives aux obligations mondiales se retrouve aussi dans l'approche du Canada &agrave; l'&eacute;gard de l'&eacute;volution du libre-&eacute;change dans les Am&eacute;riques. Au Sommet de Qu&eacute;bec, nous avons non seulement pr&ocirc;n&eacute; une r&eacute;duction des barri&egrave;res tarifaires et non tarifaires comme moyen de relever les niveaux de vie dans l'h&eacute;misph&egrave;re, mais aussi insist&eacute; pour que se d&eacute;veloppe une approche globale de l'int&eacute;gration h&eacute;misph&eacute;rique qui comporte un engagement &agrave; promouvoir la d&eacute;mocratie, &agrave; combattre la corruption, &agrave; faire adopter des r&eacute;formes judiciaires et &agrave; fournir de l'aide sanitaire dans l'ensemble des Am&eacute;riques. La Charte d&eacute;mocratique interam&eacute;ricaine constitue un legs important du Sommet de Qu&eacute;bec et du travail du gouvernement du Canada, et elle a d&eacute;j&agrave; eu un impact majeur sur des pays des Am&eacute;riques, par exemple le P&eacute;rou. Ces r&eacute;alisations sont souvent ignor&eacute;es par les critiques du Sommet, mais il est quelque peu ironique qu'elles soient largement attribuables &agrave; l'insistance du Canada que les soci&eacute;t&eacute;s civiles dans l'ensemble de l'h&eacute;misph&egrave;re aient voix au chapitre.</p> <p>La cr&eacute;ation de la Cour p&eacute;nale internationale [CPI] est un exemple sp&eacute;cifique de la contribution que peut apporter une perspective canadienne &agrave; l'&eacute;laboration du droit international. Comme vous le savez, le Statut de Rome constituant la CPI est entr&eacute; en vigueur et la Cour est devenue une r&eacute;alit&eacute;. Pr&egrave;s de 140 pays ont sign&eacute; le Statut et 87 y sont d&eacute;j&agrave; parties, un fait qui d&eacute;montre l'&eacute;crasant soutien public et politique international accord&eacute; &agrave; la Cour. Il aurait &eacute;t&eacute; impossible de pr&eacute;voir une telle issue lorsque j'&eacute;tudiais le droit public international il y a 40 ans.</p> <p>Le Canada a jou&eacute; un r&ocirc;le cl&eacute; dans l'&eacute;laboration de cet instrument international d'une importance extraordinaire. Ils ont &eacute;t&eacute; nombreux &agrave; contribuer &agrave; ce r&eacute;sultat, mais il y a lieu de signaler le travail de Philippe Kirsch, actuellement notre ambassadeur en Su&egrave;de, &agrave; titre de pr&eacute;sident du principal comit&eacute; de n&eacute;gociation &agrave; la Conf&eacute;rence diplomatique de Rome et &agrave; la Commission pr&eacute;paratoire qui a suivi. Je dois aussi ajouter que tout au cours du processus, les conseils et les appuis inform&eacute;s et fort avis&eacute;s de la soci&eacute;t&eacute; civile ont &eacute;t&eacute; absolument indispensables au succ&egrave;s des efforts du Canada pour d&eacute;gager un consensus international sur la n&eacute;cessit&eacute; de la Cour et, par la suite, de ses &eacute;l&eacute;ments sur le plan du contenu et des proc&eacute;dures.</p> <p>Je regrette beaucoup que les &Eacute;tats-Unis aient retir&eacute; leur soutien de la Cour. Bien que je respecte l'opinion de nos coll&egrave;gues am&eacute;ricains, l'intensit&eacute; de leur actuelle campagne contre la Cour me laisse perplexe, et cette perplexit&eacute; est d'ailleurs partag&eacute;e par nos alli&eacute;s europ&eacute;ens. Avancer, comme l'a fait r&eacute;cemment le porte-parole du pr&eacute;sident, que la Cour assujettirait «&nbsp;les Am&eacute;ricains -- civils et militaires -- &agrave; des normes arbitraires de justice&nbsp;», c'est ignorer les efforts qui ont &eacute;t&eacute; faits pour tenir compte des pr&eacute;occupations am&eacute;ricaines au moment de la r&eacute;daction du trait&eacute;. Des dispositions garantissent qu'aucun Am&eacute;ricain, ou m&ecirc;me Canadien, puisse jamais faire l'objet de poursuites vexatoires ou politiques. Le principe de la compl&eacute;mentarit&eacute; &agrave; l'article 17 du Statut de la CPI garantit que cette derni&egrave;re ne repr&eacute;sente pas une menace pour les &Eacute;tats d&eacute;mocratiques dont les syst&egrave;mes juridiques ench&acirc;ssent la primaut&eacute; du droit. C'est plut&ocirc;t un instrument moderne et n&eacute;cessaire de la justice internationale.</p> <p>La cr&eacute;ation de la CPI garantit que les responsables des crimes les plus graves -- le g&eacute;nocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanit&eacute; -- seront comptables de leurs actions et seront jug&eacute;s conform&eacute;ment aux principes g&eacute;n&eacute;ralement accept&eacute;s, appliqu&eacute;s dans le plein respect des droits des accus&eacute;s. &Agrave; mon avis, c'est pr&eacute;cis&eacute;ment l'approche que nous dictent les valeurs canadiennes face &agrave; la nouvelle menace du terrorisme international. Et c'est l'approche que le Canada et ses alli&eacute;s ont cherch&eacute; &agrave; appliquer &agrave; l'&eacute;laboration du droit international depuis 50 ans.</p> <p>Je tiens &agrave; souligner que le Canada et les &Eacute;tats-Unis partagent des valeurs semblables en ce qui concerne des principes fondamentaux de politique &eacute;trang&egrave;re comme la primaut&eacute; du droit et la d&eacute;mocratie ou m&ecirc;me les m&eacute;rites du libre-&eacute;change. &Agrave; titre de voisins et d'alli&eacute;s, les Canadiens reconnaissent et respectent l'&eacute;norme puissance qu'exercent les &Eacute;tats-Unis dans le monde aujourd'hui et ce, dans une large mesure au service de la s&eacute;curit&eacute; mondiale.</p> <p>Nous reconnaissons aussi, comme le signale Janice Stein, que les &Eacute;tats-Unis sont aujourd'hui «&nbsp;le plus important ma&icirc;tre d'œuvre dans la construction de l'&eacute;difice de la s&eacute;curit&eacute; mondiale et la gestion des menaces&nbsp;». Je crois d'ailleurs que la plupart des Canadiens conviendraient que la fa&ccedil;on dont nous g&eacute;rons nos relations avec les &Eacute;tats-Unis est la cl&eacute; ma&icirc;tresse de notre prosp&eacute;rit&eacute; et de notre s&eacute;curit&eacute;.</p> <p>Toutefois, m&ecirc;me si nous sommes des partenaires sur le plan de la s&eacute;curit&eacute; et de la prosp&eacute;rit&eacute;, nous pouvons diff&eacute;rer d'avis et nous le faisons effectivement. Par exemple, le Canada a favoris&eacute; chaque fois que possible des approches institutionnelles et multilat&eacute;rales &agrave; l'&eacute;gard des enjeux internationaux. Par contraste, sans automatiquement rejeter les approches multilat&eacute;rales, les &Eacute;tats-Unis n'y recourent pas dans la m&ecirc;me mesure. Mon coll&egrave;gue europ&eacute;en, Javier Solana, a r&eacute;cemment fait &eacute;tat des dangers de cet unilat&eacute;ralisme&nbsp;:&nbsp;« Agir seul permet d'avoir des objectifs clairs, a-t-il soulign&eacute;, mais on le fait au prix de la l&eacute;gitimit&eacute; et, par cons&eacute;quent, de l'efficacit&eacute; sur le plus long terme.&nbsp;»</p> <p>Il est utile de comparer cette approche adopt&eacute;e par les &Eacute;tats-Unis dans le d&eacute;bat sur la CPI l'automne dernier au Conseil de s&eacute;curit&eacute; des Nations Unies et les mots du grand juriste am&eacute;ricain, Robert Jackson, &agrave; Nuremberg&nbsp;:&nbsp;«&nbsp;Nous ne sommes pas pr&ecirc;ts &agrave; appliquer &agrave; d'autres une r&egrave;gle de conduite criminelle que nous ne voudrions pas voir s'appliquer &agrave; nous.&nbsp;» Nombre d'intervenants juridiques et politiques aux &Eacute;tats-Unis aujourd'hui reconnaissent que la CPI prend en compte les pr&eacute;occupations am&eacute;ricaines. Le s&eacute;nateur Patrick Leahy a exprim&eacute; ce point de vue&nbsp;: «&nbsp;Au moment o&ugrave; le monde s'unit pour combattre le terrorisme, nous devrions participer activement &agrave; la campagne visant &agrave; mettre un terme &agrave; l'impunit&eacute; des violeurs des droits de la personne et non adopter la position de d&eacute;tracteurs sceptiques.&nbsp;» Il est donc ironique que nombre des voix qui attaquent la Cour soient celles-l&agrave; m&ecirc;me qui r&eacute;clament de punir les auteurs d'actes criminels dans l'&eacute;ventualit&eacute; d'une intervention contre l'Iraq.</p> <p>Toutefois, je suis confiant qu'&agrave; terme les &Eacute;tats-Unis mettront de c&ocirc;t&eacute; leur hostilit&eacute; &agrave; l'&eacute;gard de la CPI, comme ils l'ont fait dans d'autres dossiers o&ugrave; leur int&eacute;r&ecirc;t est de coop&eacute;rer avec d'autres &Eacute;tats, et qu'ils reconna&icirc;tront le r&ocirc;le que peut jouer la Cour comme instrument cl&eacute; de la s&eacute;curit&eacute; mondiale.</p> <p>Quand nous parlons de nouveaux instruments de s&eacute;curit&eacute; collective, nous devons aussi reconna&icirc;tre les d&eacute;fis nouveaux que pose le terrorisme. Nous savons tous qu'apr&egrave;s les &eacute;v&eacute;nements du 11 septembre, le Canada s'est imm&eacute;diatement ralli&eacute; aux &Eacute;tats-Unis pour intervenir en Afghanistan et traquer les responsables. Aujourd'hui, nous sommes confront&eacute;s &agrave; une t&acirc;che beaucoup plus difficile et compliqu&eacute;e&nbsp;: orchestrer une riposte au terrorisme prenant appui sur un cadre coh&eacute;rent et int&eacute;gr&eacute; qui vise &agrave; renforcer la s&eacute;curit&eacute; de la nation comme celle de l'individu.</p> <p>Ce faisant, il nous faut reconna&icirc;tre la nature du d&eacute;fi pos&eacute; par le terrorisme moderne. Le terrorisme aujourd'hui est essentiellement &agrave; caract&egrave;re international, et il d&eacute;pend des m&ecirc;mes r&eacute;seaux de communications modernes qui sous-tendent la prosp&eacute;rit&eacute; commerciale dans le monde. En fait, les terroristes se servent, contre nous, des outils m&ecirc;mes que nous avons d&eacute;velopp&eacute;s pour cr&eacute;er un monde int&eacute;gr&eacute;.</p> <p>Dans ce contexte, nous devons nous assurer que les mesures que nous prenons pour contenir le terrorisme n'aggravent pas ces probl&egrave;mes, voire n'en cr&eacute;ent pas de nouveaux qui viendraient hanter les g&eacute;n&eacute;rations futures.</p> <p>Donc, s'il ne fait pas de doute que nous n'h&eacute;siterons pas &agrave; agir toutes les fois qu'il sera n&eacute;cessaire et appropri&eacute; de le faire -- en fait, nous ne pouvons nous permettre de faillir &agrave; la t&acirc;che -- nous devons aussi reconna&icirc;tre que le d&eacute;fi principal face au terrorisme, mis &agrave; part le fait de le contenir, est de pr&eacute;server les valeurs et les normes qui nous sont ch&egrave;res, &agrave; savoir la d&eacute;mocratie et le respect de la primaut&eacute; du droit et des droits de la personne, dans nos actions sur le plan national et international.</p> <p>Nous partageons donc les inqui&eacute;tudes de l'ex-Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme au sujet des mesures excessives prises dans plusieurs parties du monde pour combattre le terrorisme, et nous avons exprim&eacute; clairement notre position &agrave; Gen&egrave;ve, &agrave; la Commission des droits de l'homme : la lutte contre le terrorisme ne doit pas servir de pr&eacute;texte &agrave; la r&eacute;pression. Les principes de la s&eacute;curit&eacute; humaine commandent que nous combattions &agrave; la fois le fl&eacute;au du terrorisme international et les violations des droits humains fondamentaux.</p> <p>Bien con&ccedil;u, le concept de la s&eacute;curit&eacute; humaine implique que la s&eacute;curit&eacute; de l'&Eacute;tat et la s&eacute;curit&eacute; de la personne se renforcent mutuellement. L'une ne saurait &ecirc;tre efficacement garantie sans l'autre. Une culture du respect des droits de la personne ne peut s'&eacute;panouir dans un contexte d'ins&eacute;curit&eacute;, et une r&eacute;elle s&eacute;curit&eacute;, que ce soit &agrave; l'&eacute;chelle nationale ou individuelle, ne peut &ecirc;tre assur&eacute;e que dans un contexte o&ugrave; les droits de la personne sont prot&eacute;g&eacute;s.</p> <p>La stabilit&eacute; sociale ne peut &ecirc;tre pr&eacute;serv&eacute;e que dans les soci&eacute;t&eacute;s qui respectent les droits de la personne et les libert&eacute;s fondamentales, o&ugrave; la contestation a tendance &agrave; s'exprimer de mani&egrave;re constructive, sans violence. Les &Eacute;tats dont les autorit&eacute;s nationales imposent l'ordre social en r&eacute;primant les droits individuels peuvent enregistrer des gains &agrave; court terme, mais peut-&ecirc;tre aux d&eacute;pens de la stabilit&eacute; &agrave; long terme.</p> <p>Les violations des droits de la personne marginalisent les voix de la mod&eacute;ration, de la tol&eacute;rance et du respect, et conf&egrave;rent une l&eacute;gitimit&eacute; injustifi&eacute;e aux &eacute;l&eacute;ments radicaux. &Agrave; long terme, la r&eacute;pression ne fait que perp&eacute;tuer les conflits et l'instabilit&eacute;.</p> <p>On a beaucoup parl&eacute; r&eacute;cemment de s'attaquer &agrave; ce qu'on appelle les « causes profondes » du terrorisme. Je ne crois pas que la rh&eacute;torique de l'injustice &eacute;conomique et sociale utilis&eacute;e par certains puisse justifier la terreur ainsi que la mort et la d&eacute;vastation d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment inflig&eacute;es &agrave; des civils innocents. Rien ne saurait justifier ces actes qui sapent les fondements m&ecirc;mes de nos soci&eacute;t&eacute;s et alt&egrave;rent le respect que nous nous devons les uns les autres en tant qu'&ecirc;tres humains. Cela dit, nous n'arriverons jamais &agrave; &eacute;radiquer le terrorisme si nous ne reconnaissons pas qu'il prosp&egrave;re dans certains contextes politiques qui sont favorables &agrave; son &eacute;mergence et qui lui permettent de trouver du soutien dans la population.</p> <p>Mais il ne sera pas facile de s'attaquer aux conditions politiques sous-jacentes aux activit&eacute;s terroristes, dans des endroits comme le Cachemire, le Moyen-Orient, la Tch&eacute;tch&eacute;nie ou le Sri Lanka. M&ecirc;me si nous parlons souvent de l'internationalisation de ce type de conflits, il reste que le cadre international permettant de les g&eacute;rer est encore &agrave; l'&eacute;tat embryonnaire. La communaut&eacute; internationale arrive souvent mal &agrave; g&eacute;rer les conflits sans la pleine participation des parties int&eacute;ress&eacute;es, une participation souvent r&eacute;ticente quand elle n'est pas compl&egrave;tement absente.</p> <p>Malheureusement, il nous faudra mener ce combat longtemps. C'est pourquoi nous devons prendre du recul et examiner les moyens de lever l'hypoth&egrave;que de la peur et du manque de dignit&eacute; qui existent dans certaines soci&eacute;t&eacute;s un peu partout dans le monde, en sachant pertinemment que les architectes de la terreur peuvent souvent exploiter ces conditions pour rallier l'appui de ceux ou de celles qui &eacute;prouvent frustration et impuissance. Sans des options politiques d&eacute;mocratiques qui soient des v&eacute;hicules ouverts et efficaces pour la contestation, l'appui au terrorisme augmentera probablement.</p> <p>Notre action dans la lutte internationale contre le terrorisme doit donc venir compl&eacute;ter d'autres aspects de notre politique &eacute;trang&egrave;re -- y compris la promotion et la protection des droits de la personne, l'&eacute;laboration d'un syst&egrave;me international fond&eacute; sur des r&egrave;gles et nos efforts pour combattre la pauvret&eacute;, la corruption, la marginalisation et l'ali&eacute;nation. Ces politiques concourent toutes &agrave; instaurer un ordre international stable, o&ugrave; tous pourront vivre dans la libert&eacute; et la dignit&eacute;.</p> <p>Ce sont l&agrave; quelques-unes des raisons pour lesquelles le Canada s'est engag&eacute; &agrave; fond dans la mise sur pied de la Commission internationale de l'intervention et de la souverainet&eacute; des &Eacute;tats [CIISE], pour susciter une nouvelle r&eacute;flexion quant &agrave; savoir quand la communaut&eacute; internationale peut l&eacute;gitimement intervenir dans les affaires des &Eacute;tats. Il est notamment ressorti des consultations mondiales men&eacute;es par la Commission, et du rapport <em>La responsabilit&eacute; de prot&eacute;ger</em> produit subs&eacute;quemment par la CIISE, que la souverainet&eacute; de l'&Eacute;tat, bien qu'elle soit un principe fondamental du droit international et de la r&eacute;alit&eacute; politique internationale, s'accompagne n&eacute;anmoins de la responsabilit&eacute; de prot&eacute;ger les citoyens, ce qui implique la responsabilit&eacute; concomitante d'emp&ecirc;cher qu'on abuse des droits de ces derniers. Comme nous le rappelle le rapport&nbsp;: « Les strat&eacute;gies de pr&eacute;vention doivent [...] contribuer &agrave; "promouvoir les droits de l'homme, prot&eacute;ger les droits des minorit&eacute;s et mettre en place des institutions politiques dans lesquelles tous les groupes sont repr&eacute;sent&eacute;s"&nbsp;». Ignorer ces facteurs sous-jacents revient &agrave; traiter les sympt&ocirc;mes des conflits meurtriers, et non leurs causes.</p> <p>Ces concepts ne sont pas nouveaux. D&egrave;s les accords de Helsinki et la cr&eacute;ation subs&eacute;quente de l'Organisation pour la s&eacute;curit&eacute; et la coop&eacute;ration en Europe, les &Eacute;tats parties ont reconnu que la s&eacute;curit&eacute; v&eacute;ritable des &Eacute;tats europ&eacute;ens passait par le respect des droits humains dans les &Eacute;tats voisins. La nouveaut&eacute;, dans le rapport de la CIISE, tient &agrave; son analyse des facteurs conduisant &agrave; l'&eacute;chec d'un &Eacute;tat &agrave; exercer une souverainet&eacute; effective, et susceptibles de justifier une intervention par d'autres &Eacute;tats. La Commission a recentr&eacute; les discussions, faisant de la responsabilit&eacute; de chaque &Eacute;tat de prot&eacute;ger ses citoyens&nbsp;-- et non plus du controvers&eacute; «&nbsp;droit d'intervenir&nbsp;»&nbsp;-- le nouveau point de mire. Dans les cas extr&ecirc;mes-- comme le g&eacute;nocide ou la purification ethnique -- si un &Eacute;tat ne s'acquitte pas de ses responsabilit&eacute;s, il revient alors &agrave; la communaut&eacute; internationale d'assumer cette obligation. C'est l&agrave; un sujet hautement controvers&eacute;, mais, &agrave; l'&eacute;vidence, il importe de disposer de principes juridiques acceptables si l'on veut remplacer la diplomatie de la puissance par une diplomatie fond&eacute;e sur les r&egrave;gles.</p> <p>Cela pr&eacute;sente des d&eacute;fis et des occasions particuliers pour les juristes qui sont appel&eacute;s &agrave; &eacute;laborer des instruments de gouvernance universellement accept&eacute;s. &Agrave; long terme, ces instruments seront la seule fa&ccedil;on de d&eacute;finir efficacement les r&egrave;gles permettant &agrave; la communaut&eacute; internationale d'intervenir dans les affaires d'&Eacute;tats souverains. L'&eacute;laboration de tels instruments supposera aussi la volont&eacute; et les aptitudes n&eacute;cessaires pour cr&eacute;er collectivement des solutions convenues&nbsp;: si puissants soient-ils, les &Eacute;tats agissant seuls n'auront jamais les ressources requises pour g&eacute;rer la menace du cyberterrorisme ou celle des armes nucl&eacute;aires, chimiques ou biologiques qui, craignons-nous, risquent de devenir trop facilement &agrave; la port&eacute;e de l'ennemi d&eacute;termin&eacute; et habile avec lequel sont aux prises toutes les soci&eacute;t&eacute;s civilis&eacute;es aujourd'hui.</p> <p>Et, bien que le contexte soit diff&eacute;rent, j'estime que des notions similaires quant au moment o&ugrave; une intervention est l&eacute;gitime doivent nous guider sur la fa&ccedil;on de r&eacute;soudre la crise iraquienne. Ainsi donc, m&ecirc;me si nous sommes pleinement conscients du danger pos&eacute; par Saddam Hussein, nous avons toujours insist&eacute; sur le fait que la meilleure fa&ccedil;on de traiter avec l'Iraq consiste &agrave; passer par le Conseil de s&eacute;curit&eacute;, l'institution internationale charg&eacute;e de cette responsabilit&eacute;. C'est pourquoi nous saluons la volont&eacute; des &Eacute;tats-Unis d'utiliser le syst&egrave;me onusien, et nous continuons de miser sur la r&eacute;solution 1441 et son application rigoureuse.</p> <p>Dans mon allocution &agrave; l'ONU l'automne dernier, le lendemain de l'intervention du pr&eacute;sident Bush, j'ai exprim&eacute; le point de vue du Canada selon lequel nous devons, dans cette crise, agir de mani&egrave;re que nos institutions de gouvernance mondiale en &eacute;mergent renforc&eacute;es, et non diminu&eacute;es. Et, alors m&ecirc;me que nous sommes confront&eacute;s &agrave; la menace plus r&eacute;cente pos&eacute;e par la Cor&eacute;e du Nord, je suis plus que jamais convaincu de la justesse de cette politique.</p> <p>En pr&eacute;parant cette conf&eacute;rence et en r&eacute;fl&eacute;chissant aux enjeux dont je vous ai fait part aujourd'hui, une question me revenait constamment &agrave; l'esprit&nbsp;: ces mesures internationales et d'autres en viennent-elles &agrave; former une approche typiquement canadienne qui contribue de mani&egrave;re significative &agrave; la formulation et &agrave; l'application de normes internationales positives? J'ai une r&eacute;ponse, et j'esp&egrave;re que vous serez d'accord avec moi.</p> <p>Premi&egrave;rement, je crois que le Canada a effectivement une influence significative sur la fa&ccedil;on dont les instruments juridiques internationaux sont &eacute;labor&eacute;s dans le monde, et que cette influence d&eacute;coule de notre histoire et de notre caract&egrave;re national actuel.</p> <p>Permettez-moi une br&egrave;ve parenth&egrave;se pour vous relater une analogie d&eacute;velopp&eacute;e par l'&eacute;minent universitaire am&eacute;ricain Joseph Nye. Dans son ouvrage intitul&eacute; <em>Le paradoxe de la puissance am&eacute;ricaine</em>, il compare l'exercice du pouvoir dans le monde &agrave; un match d'&eacute;chec livr&eacute; sur un &eacute;chiquier complexe &agrave; trois niveaux. Au niveau sup&eacute;rieur figure la puissance militaire (l'auteur y d&eacute;crit un monde unipolaire, domin&eacute; par les &Eacute;tats-Unis); au niveau interm&eacute;diaire, la puissance &eacute;conomique est tripolaire (les &Eacute;tats-Unis doivent se mesurer &agrave; l'UE, au Japon et peut-&ecirc;tre &agrave; la Chine); puis vient, au niveau inf&eacute;rieur, la sph&egrave;re des relations transnationales qui &eacute;chappent au contr&ocirc;le des gouvernements, ce qui englobe des forces allant de la culture au terrorisme.</p> <p>On peut en inf&eacute;rer de ce mod&egrave;le que des actions &agrave; l'un quelconque des niveaux se r&eacute;percutent sur les pi&egrave;ces aux autres niveaux. Et c'est au dernier niveau, o&ugrave; aucune puissance ne pr&eacute;domine, que le Canada peut exercer une grande influence. Je crois pour ma part que le Canada a effectivement quelque chose d'unique &agrave; offrir au monde : l'exp&eacute;rience de travailler et de vivre ensemble dans un vaste pays aux nombreuses cultures, une situation qui favorise le respect, la compr&eacute;hension et la tol&eacute;rance les uns pour les autres. Nous sommes souvent nos propres critiques les plus s&eacute;v&egrave;res, et cela est d'une extr&ecirc;me importance dans une soci&eacute;t&eacute; libre et d&eacute;mocratique. Mais je dois dire qu'il est toujours frappant de constater, en voyage &agrave; l'&eacute;tranger, que, quels que soient les crit&egrave;res utilis&eacute;s, le Canada suscite une profonde admiration en tant que soci&eacute;t&eacute; dynamique et prosp&egrave;re.</p> <p>Lorsque je me rends &agrave; l'&eacute;tranger, je parle souvent de ma propre circonscription ici &agrave; Toronto. J'ai l'honneur de repr&eacute;senter un secteur qui comprend St. James Town, o&ugrave; environ 12 000 personnes parlent 57 langues. Nous n'aurions pas la paix, l'harmonie, la justice sociale et la coop&eacute;ration relatives que nous avons si nous n'avions pas un sentiment de respect mutuel et une volont&eacute; de travailler de concert &agrave; r&eacute;gler nos probl&egrave;mes.</p> <p>Nos structures politiques et sociales actuelles sont &eacute;videmment le produit de notre pass&eacute;, qui remonte &agrave; la pr&eacute;sence de la communaut&eacute; autochtone au Canada puis &agrave; la colonisation de notre pays par les Fran&ccedil;ais et les Britanniques. Notre pays est en fait n&eacute; d'un pari quant &agrave; savoir si nous pourrions cr&eacute;er une nation bilingue et biculturelle dans une Am&eacute;rique du Nord largement anglophone. Et c'est en retour ce pari qui est &agrave; l'origine de cette politie canadienne unique, caract&eacute;ris&eacute;e par le respect et la tol&eacute;rance, et la reconnaissance de l'enrichissement qui r&eacute;sulte de l'union de deux cultures et de deux langues, &agrave; l'avantage mutuel de ceux qui les pratiquent.</p> <p>Les immigrants arriv&eacute;s par la suite ont donn&eacute; encore plus d'&eacute;toffe &agrave; notre mosa&iuml;que de plus en plus complexe. Et, avec chaque vague d'immigration, le Canada est devenu plus fort. Aujourd'hui, notre diversit&eacute; culturelle est le trait distinctif de notre identit&eacute; nationale. Elle renforce notre position dans le monde, parce que le monde est en nous.</p> <p>Ces r&eacute;alit&eacute;s historiques et sociales guident nos institutions juridiques et politiques d'une mani&egrave;re qui compl&egrave;te notre capacit&eacute; d'imprimer au droit international de nouvelles orientations particuli&egrave;rement adapt&eacute;es aux besoins de la soci&eacute;t&eacute; mondiale aujourd'hui. Notre soci&eacute;t&eacute; juridique est l'une des rares &agrave; int&eacute;grer les deux grands r&eacute;gimes que sont le common law et le droit civil; nous sommes biculturels, dans un sens juridique. Et, &agrave; cette importante dimension, nous pouvons ajouter la diversit&eacute; et la sensibilit&eacute; d'une soci&eacute;t&eacute; multiculturelle, notre engagement d'ench&acirc;sser le principe de l'&eacute;galit&eacute; des sexes dans nos institutions nationales, et les efforts que nous poursuivons pour accorder la reconnaissance qui leur revient aux revendications des peuples autochtones du Canada.</p> <p>Ces caract&eacute;ristiques nous ont bien servi lorsqu'il s'est agi de collaborer avec d'autres acteurs &agrave; l'&eacute;laboration d'instruments juridiques internationaux qui tiennent compte des valeurs communes &agrave; diff&eacute;rentes cultures, que ce soit dans la sph&egrave;re &eacute;conomique&nbsp;-- comme &agrave; l'OMC ou dans le dossier de l'arbitrage commercial international&nbsp;-- ou dans des sph&egrave;res hautement politiques comme la Cour p&eacute;nale internationale. Bref, nos institutions juridiques nationales, qui refl&egrave;tent notre r&eacute;alit&eacute; culturelle, sont des atouts qui nous permettent de jouer un r&ocirc;le important au niveau inf&eacute;rieur de l'&eacute;chiquier g&eacute;opolitique imagin&eacute; par Nye.</p> <p>Dans mes fonctions et lorsque je me rends &agrave; l'&eacute;tranger, je suis constamment confort&eacute; dans mon opinion que le Canada peut contribuer de mani&egrave;re distinctive au d&eacute;veloppement de structures juridiques par del&agrave; ses fronti&egrave;res. En mai dernier, j'&eacute;tais en Isra&euml;l o&ugrave; j'ai eu le privil&egrave;ge de m'entretenir quelques heures avec le juge en chef Barak, un &eacute;minent et courageux juriste. Sur son pupitre se trouvaient des rapports des d&eacute;cisions rendues par la Cour supr&ecirc;me du Canada concernant la Charte; il m'a confi&eacute; que ces d&eacute;cisions fa&ccedil;onnent en bonne part la jurisprudence d'Isra&euml;l et, en fait, celle d'autres pays de common law aussi diff&eacute;rents que l'Inde et l'Afrique du Sud. Selon lui, la Charte du Canada contribue de fa&ccedil;on significative au d&eacute;veloppement des r&eacute;gimes juridiques dans les pays de common law qui &eacute;quilibrent les droits collectifs et les droits individuels pour renforcer la stabilit&eacute; sociale.</p> <p>Plus r&eacute;cemment, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec l'ex-premier ministre Bob Rae tandis qu'il se pr&eacute;parait &agrave; conseiller les repr&eacute;sentants tamouls aux pourparlers de paix qui se tiennent maintenant en Tha&iuml;lande; j'avais plus t&ocirc;t rencontr&eacute; le premier ministre et le ministre des Affaires constitutionnelles de Sri&nbsp;Lanka. Ces trois personnes ont insist&eacute; sur le r&ocirc;le cl&eacute; que joueront l'exp&eacute;rience f&eacute;d&eacute;rale canadienne et notre charte en aidant le Sri&nbsp;Lanka &agrave; mettre en place un r&eacute;gime d'autonomie politique &agrave; l'int&eacute;rieur d'une structure f&eacute;d&eacute;rale, ainsi que des garanties de libert&eacute;s personnelles bas&eacute;es sur des structures gouvernementales pluralistes modernes.</p> <p>En tant que juristes canadiens, vous pourrez peut-&ecirc;tre participer &agrave; l'&eacute;volution des syst&egrave;mes juridiques internationaux, soit en travaillant &agrave; des dossiers li&eacute;s &agrave; l'&eacute;ventail toujours plus grand d'institutions &eacute;conomiques et politiques internationales, soit en aidant &agrave; d&eacute;velopper des structures juridiques dans d'autres pays, ou encore en œuvrant au Canada &agrave; l'int&eacute;gration des normes juridiques internationales dans notre common law, notre droit civil et nos affaires constitutionnelles. M&ecirc;me ceux d'entre vous qui ne se sp&eacute;cialisent pas dans ces domaines seront, je pense, de plus en plus expos&eacute;s dans leur pratique &agrave; l'impact des enjeux juridiques internationaux sur le droit national, ou impliqu&eacute;s dans des transactions juridiques transnationales.</p> <p>Mes fonctions politiques et ma propre exp&eacute;rience du droit m'am&egrave;nent &agrave; vous exhorter de r&eacute;fl&eacute;chir aux occasions qui s'offrent &agrave; vous de contribuer &agrave; un monde meilleur en tant que sp&eacute;cialiste du droit international. Alors que l'interd&eacute;pendance cro&icirc;t &agrave; l'&eacute;chelle de la plan&egrave;te, le Canada doit pouvoir compter sur ses meilleurs cerveaux pour arriver &agrave; int&eacute;grer les normes et institutions internationales en &eacute;volution dans ses propres syst&egrave;mes juridiques. Je suis aussi d'avis que le monde a besoin de l'expertise des juristes canadiens pour concevoir de nouveaux accords &eacute;conomiques, de nouvelles institutions politiques et judiciaires, de nouveaux protocoles sur les droits de la personnes, ainsi que de nouvelles r&egrave;gles de bonne gouvernance et de nouvelles constitutions nationales. Et je crois que le Canada, par son r&ocirc;le dans la mise en place de la Cour p&eacute;nale internationale, par exemple, a contribu&eacute; de fa&ccedil;on significative &agrave; combler une des lacunes importantes dans le syst&egrave;me juridique international. Qui plus est, les perceptions canadiennes de la justice ont fa&ccedil;onn&eacute; les normes concernant les fonctions et la comp&eacute;tence de la Cour &agrave; un point tel que nous pouvons dire qu'elles y ont apport&eacute; une contribution significative au sens o&ugrave; je l'ai &eacute;voqu&eacute; un peu plus t&ocirc;t.</p> <p>Permettez-moi de conclure en reprenant, si je l'ose, cette m&eacute;taphore du gruy&egrave;re que je vous ai inflig&eacute;e au d&eacute;but de mes propos. J'esp&egrave;re avoir r&eacute;ussi, dans une certaine mesure, &agrave; vous montrer que le droit international est effectivement notable en ce sens que sa substance juridique se m&ecirc;le &agrave; fond avec la substance plus ind&eacute;finissable qu'est la politique internationale. Mais il y a aussi un autre point de ressemblance&nbsp;: si les trous du gruy&egrave;re en font l'anomalie m&eacute;taphysique du monde du fromage, il est aussi vrai de dire que le droit international est en quelque sorte une anomalie dans la sph&egrave;re juridique. Vous &ecirc;tes tous familiers avec les caract&eacute;ristiques qui distinguent le droit international du droit int&eacute;rieur&nbsp;: l'absence d'un l&eacute;gislateur universellement accept&eacute; combin&eacute;e aux probl&egrave;mes d'interpr&eacute;tation, d'application et d'ex&eacute;cution. Mais ces caract&eacute;ristiques donnent aussi au droit international l'extraordinaire possibilit&eacute; de transformer la sph&egrave;re des relations humaines qui sont de son ressort, en substituant &agrave; l'&eacute;chiquier de la politique internationale du pouvoir domin&eacute; par les int&eacute;r&ecirc;ts des superpuissances un syst&egrave;me fond&eacute; sur des r&egrave;gles qui veille aux int&eacute;r&ecirc;ts de tous sur une base &eacute;quitable et gouvern&eacute;e par des principes.</p> <p>&Eacute;videmment, la politique de la puissance ne sera jamais absente du syst&egrave;me international, m&ecirc;me tandis que son architecture juridique prend de plus en plus forme. Mais la n&eacute;gociation de relations bas&eacute;es sur la puissance n'est pas la seule raison d'&ecirc;tre du syst&egrave;me international. Dans un r&eacute;cent essai paru dans le <em>New York Times Magazine</em>, l'auteur canadien Michael Ignatieff &eacute;crit que «&nbsp;les alli&eacute;s des &Eacute;tats-Unis veulent un ordre multilat&eacute;ral qui, essentiellement, vienne contenir la puissance am&eacute;ricaine&nbsp;», un ordre qui la restreigne «&nbsp;tel Gulliver, &agrave; l'aide de milliers de ficelles juridiques&nbsp;».</p> <p>Ce que l'essai d'Ignatieff ne mentionne pas, toutefois, c'est que l'ordre multilat&eacute;ral ne se r&eacute;sume pas simplement &agrave; restreindre la puissance au moyen de r&egrave;gles; surtout, il refl&egrave;te ce que la communaut&eacute; de nations peut r&eacute;aliser de concert, qu'aucun &Eacute;tat ne peut r&eacute;aliser par ses propres moyens. Il offre la possibilit&eacute;&nbsp;-- et la seule fa&ccedil;on&nbsp;-- de s'attaquer &agrave; des probl&egrave;mes qui font fi des fronti&egrave;res, comme la pauvret&eacute; end&eacute;mique, la maladie, la d&eacute;gradation de l'environnement, ainsi que le crime organis&eacute; et le terrorisme. Ces probl&egrave;mes ne peuvent &ecirc;tre r&eacute;solus qu'en faisant une utilisation constructive de notre interd&eacute;pendance de plus en plus grande.</p> <p>C'est la raison pour laquelle le travail juridique qui entre dans la conception et le fonctionnement des institutions internationales est, &agrave; mon avis, &agrave; ce point stimulant et valable. J'esp&egrave;re que vous partagez mon point de vue et que vous poursuivrez la contribution remarquable que les juristes canadiens ont apport&eacute;e &agrave; l'&eacute;dification d'un monde meilleur pour nous tous en faisant fond sur ces valeurs canadiennes dont j'ai parl&eacute; plus t&ocirc;t et qui, je pense, guident aujourd'hui les travaux des professeurs Knopp, Trebilcock, Cook et d'autres ici m&ecirc;me, sans parler des autres universitaires ailleurs au pays.</p> <p>Si je puis me permettre de conclure sur une note personnelle, j'aimerais dire &agrave; quel point je m'estime privil&eacute;gi&eacute; d'&ecirc;tre le ministre des Affaires &eacute;trang&egrave;res de notre pays et quel &eacute;norme sentiment de responsabilit&eacute; on &eacute;prouve, particuli&egrave;rement &agrave; des moments comme celui-ci, lorsqu'il s'agit de se faire le porte-parole de son pays sur les grandes tribunes partout dans le monde.</p> <p>J'estime sinc&egrave;rement, toutefois, que, dans l'ex&eacute;cution de mes fonctions, j'ai &eacute;t&eacute; grandement influenc&eacute; par les valeurs et la discipline qui m'ont &eacute;t&eacute; inculqu&eacute;es ici, que ce soit comme &eacute;tudiant, ou plus tard comme membre du corps enseignant.</p> <p>J'esp&egrave;re que vous pourrez tenir les m&ecirc;mes propos quand, plus tard, vous r&eacute;fl&eacute;chirez &agrave; la direction que votre carri&egrave;re vous aura fait prendre.</p> <p>Je vous remercie.</p> </body> </html>

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Dernière mise à jour : 2006-10-30 Haut de la page
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