DEVANT LA CHAMBRE DE COMMERCE DES ÉTATS-UNISETLE CONSEIL DES AFFAIRES CANADO-AMÉRICAINES
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT LA CHAMBRE DE COMMERCE DES ÉTATS-UNIS
ET
LE CONSEIL DES AFFAIRES CANADO-AMÉRICAINES
« LE PARTENARIAT CANADA-ÉTATS-UNIS POUR LA PROSPÉRITÉ ET LA SÉCURITÉ
DANS UN MONDE INCERTAIN »
WASHINGTON, D.C.
Le 5 février 2003
Introduction
Nous savons tous que le secrétaire d'État Powell parlera aujourd'hui au Conseil de sécurité des Nations Unies de la
conformité de l'Iraq à la résolution de désarmement du Conseil. Malgré les progrès considérables réalisés dans les 60
dernières années, nous vivons encore des temps dangereux. La communauté internationale est confrontée à des problèmes
inquiétants : l'Iraq, la prolifération des armes de destruction massive, des groupes terroristes cherchant à détruire les
sociétés ouvertes, des économies et des sociétés courant le risque de s'effondrer par suite du VIH/sida, surtout en Afrique.
Avec la fin de la guerre froide, nous avions cru que les pays développés pourraient concentrer leurs efforts sur la prospérité
économique et l'amélioration du sort de leurs citoyens, au lieu de se préoccuper de questions de sécurité. Pendant un long
moment, cela a été le cas, du moins en grande partie.
Mais le 11 septembre 2001 nous a ramenés à la réalité, en nous révélant la vulnérabilité de nos sociétés ouvertes et
démocratiques, la vulnérabilité de notre prospérité économique, de nos valeurs et de notre mode de vie.
En cette journée d'une importance historique pour la sécurité mondiale, je veux parler de l'un des exemples les plus positifs
de « changement géré » dans une période de mondialisation croissante. C'est l'histoire de l'Amérique du Nord, de ce que le
Canada et les États-Unis font en vue de bâtir un partenariat pour la prospérité économique et la sécurité.
Le Canada en Amérique du Nord
Le mois dernier, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes
du Canada a publié un rapport intitulé Partenaires en Amérique du Nord : Cultiver les relations du Canada avec les
États-Unis et le Mexique.
On peut y lire ce qui suit : « Le Canada est un pays nord-américain. [...] L'instauration de relations nord-américaines
satisfaisantes est donc un impératif pour le Canada. »
Trois mois avant la publication de ce rapport, le gouvernement canadien avait exposé son programme dans le discours du
Trône, qui est l'équivalent de votre Déclaration sur l'état de l'Union. Dans ce discours, mon gouvernement s'est engagé à
faire du Canada « un chef de file mondial en matière d'innovation et d'apprentissage », à « attirer talents et
investissements » et à « raffermir notre rôle en Amérique du Nord et dans le monde, celui d'un pays [...] confiant en ce qu'il
est et en ce qu'il est appelé à devenir ».
Les intérêts commerciaux et économiques du Canada s'étendent à l'ensemble de la planète. C'est pour cette raison que le
fondement de notre politique commerciale continue d'être le système commercial multilatéral. Toutefois, l'Amérique du
Nord -- et en particulier les États-Unis -- est de loin notre marché le plus important, jouant un rôle de plus en plus
essentiel en ce qui a trait à notre prospérité et à notre sécurité. Je soutiens d'ailleurs que la réciproque est tout aussi vraie :
le Canada compte de plus en plus dans la prospérité et la sécurité américaines.
L'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA] a eu un énorme succès. De 1993 à 2001, les exportations de
marchandises canadiennes à destination de nos partenaires de l'ALENA ont augmenté de près de 95 p. 100, les exportations
correspondantes du Mexique ont grimpé de 221 p. 100, et celles des États-Unis de 86 p. 100.
Mais l'ALENA va bien au-delà de ces statistiques commerciales. L'Accord a radicalement modifié l'espace économique
nord-américain. Il a accéléré le rythme de l'intégration économique. Les nouveaux débouchés et les pressions
concurrentielles découlant de l'ALENA ont sensiblement contribué à la réorientation de la structure industrielle du Canada,
comme ils l'ont fait chez nos partenaires américains et mexicains.
L'ALENA a augmenté la compétitivité des trois partenaires. En renforçant les règles et les procédures régissant le
commerce et les investissements en Amérique du Nord, l'Accord a fait monter en flèche les flux de marchandises et
d'investissements.
La société canadienne de pièces automobiles Magna a des usines au Mexique, Bombardier possède des installations au
Vermont et à New York et Hewlett-Packard a d'importants investissements à Toronto. De plus en plus, nous avons une
économie nord-américaine. Les Canadiens se rendent compte du fait que leur prospérité dépend surtout de l'espace
économique nord-américain, qui constitue le marché le plus difficile du monde.
Nous avons dû travailler très fort pour être en mesure de soutenir la concurrence dans ce marché.
Nous nous sommes imposé une période de restrictions budgétaires extrêmes dans le milieu des années 1990, dans un effort
énergique destiné à éliminer le déficit et à réduire notre dette nationale. Les mesures essentielles que nous avons prises dans
ces années ont permis au gouvernement du Canada non seulement d'équilibrer son budget au cours des six dernières
années, mais aussi de ramener le ratio de la dette au PIB de 71 à 49 p. 100. Cette année, nous sommes le seul pays du G7
qui ait réussi à boucler son budget.
Nous avons établi un régime fiscal équitable et compétitif. Nous sommes en train de mettre en œuvre un programme de
réduction des impôts de 100 milliards de dollars. Le Canada a maintenant l'un des meilleurs régimes fiscaux du monde
pour les entreprises. Et, d'ici 2005, le taux canadien d'imposition des sociétés sera de cinq points de pourcentage inférieur à
la moyenne des États-Unis.
Le Canada est aussi en tête des pays de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] sur le
plan de la création d'emplois. Le FMI [Fonds monétaire international] prédit que notre taux de croissance sera le plus élevé
de tous les pays occidentaux. De plus, nous avons été promus l'année dernière, en mai et en août, à la cote d'investissement
AAA par Moody et Standard & Poor. Tout cela témoigne d'une économie dynamique et en croissance.
Il est donc clair que le Canada a misé sur la prospérité nord-américaine et qu'il en récolte les dividendes. Nous jouons un
rôle central dans beaucoup de secteurs de la nouvelle économie, et notamment dans les domaines de la biotechnologie, du
multimédia et des piles à combustible.
En 2001, nous avons attiré des investissements directs étrangers d'une valeur de 42,8 milliards de dollars, établissant un
nouveau record d'autant plus impressionnant que les activités de fusion et d'acquisition avaient très sensiblement baissé par
rapport à l'année précédente.
Sécurité et prospérité : notre partenariat en Amérique du Nord
Ainsi, le Canada a bien réussi en Amérique du Nord, mais c'est aussi le cas des États-Unis.
Nos deux pays entretiennent les relations commerciales les plus importantes du monde. Nous achetons autant de
marchandises des États-Unis que l'ensemble des pays de l'UE, soit environ 19 p. 100 des exportations américaines. Le
Canada est le plus gros client de 37 États américains, et chacun des deux pays est l'un des plus importants investisseurs
dans l'économie de l'autre. Les Canadiens investissent autant aux États-Unis que les Américains investissent au Canada.
Par ailleurs, le Canada est un partenaire essentiel des États-Unis sur le plan de la sécurité. Nous partageons avec vous la
défense de l'espace aérien nord-américain dans le cadre du NORAD [Commandement de la défense aérospatiale de
l'Amérique du Nord]. Notre contingent militaire était le quatrième en importance dans la coalition formée contre le
terrorisme au lendemain des attentats du 11 septembre. Des forces canadiennes ont combattu en Afghanistan et notre force
opérationnelle navale poursuit ses patrouilles dans la mer d'Arabie. Dans l'ensemble, il s'agissait de plus de 3 500 hommes
et femmes.
Sur le plan intérieur, le Canada a immédiatement pris des mesures pour assurer la sécurité de notre continent. Nous avons
affecté à la sécurité de nouveaux crédits s'élevant à 5 milliards de dollars, soit plus que les États-Unis sur une base relative.
Nous avons resserré les dispositions de nos lois sur la détermination du statut de réfugié, l'immigration et le financement
des activités terroristes.
Nous avons agi d'une façon énergique pour garantir la sécurité de la frontière, tout en veillant à ce qu'elle reste ouverte aux
échanges commerciaux essentiels à la prospérité des deux pays. Le vice-premier ministre Manley et le secrétaire à la
Sécurité du territoire Ridge ont signé l'Accord sur une frontière intelligente qui vise à mettre en œuvre un plan d'action
dynamique en 30 points comprenant des mesures destinées à accélérer le passage à la frontière des marchandises et des
voyageurs ayant fait l'objet d'un examen préalable, l'affectation réciproque de douaniers de chacun des deux pays dans les
grands ports de l'autre et l'échange d'information sur les voyageurs à risque élevé.
Dans le domaine de l'énergie, peu de gens se rendent compte que le Canada est le plus important fournisseur de produits
pétroliers des États-Unis, plus important en fait que l'Arabie saoudite et le Venezuela. Le Canada est en effet la source de
17 p. 100 de vos importations de pétrole brut et de produits raffinés, de 100 p. 100 de vos importations d'électricité, de
94 p. 100 de vos importations de gaz naturel et de 35 p. 100 de vos importations d'uranium.
Et, ce qui est tout aussi important, le Canada est un fournisseur d'énergie sur lequel vous pouvez compter. Les sables
bitumineux de l'Alberta contiennent 2,5 billions de barils de pétrole, dont 315 milliards sont exploitables avec les
technologies actuelles. Cela dépasse les réserves de pétrole de l'Arabie saoudite.
Un programme nord-américain
Nous devons travailler ensemble pour continuer à progresser en Amérique du Nord. Pour ma part, je me suis fixé six
objectifs destinés à faire avancer le programme nord-américain du Canada.
- Accroître la part canadienne du marché américain.
Le Canada fournit environ 19 p. 100 des importations américaines, ce qui lui confère un poids commercial bien supérieur à
son poids économique dans le monde. Pour les gens de chez nous qui ne sont pas très portés sur l'optimisme, notre succès
sur le marché américain est un sérieux problème. Pas pour moi. En fait, j'en suis enchanté. J'aimerais bien avoir beaucoup
de problèmes de cette nature. Je serais extrêmement heureux si le Canada pouvait doubler sa part du marché américain, car
cela donnerait plus d'emplois et plus de prospérité aux Canadiens.
2. Intensifier les investissements réciproques dont dépendent de plus en plus le commerce, la prospérité et l'innovation dans
nos économies.
3. Favoriser un programme de « réglementation intelligente ».
Nous devons maximiser les hausses de rendement qu'engendre l'intégration, déjà importante, du marché nord-américain.
Le Canada a l'intention de devenir plus compétitif en entreprenant une réforme de sa réglementation destinée à promouvoir
la santé, à encourager l'innovation et la croissance économique et à réduire le fardeau des entreprises.
Nous devons chercher à mieux adapter nos approches réglementaires à l'espace économique nord-américain. La
coopération au chapitre de la réglementation facilitera les échanges intrasectoriels, réduira les coûts de transaction des
expéditeurs et les facteurs dissuasifs qui entravent les investissements transfrontaliers, et limitera avec le temps les
possibilités de différends.
D'importants progrès ont été réalisés dans le cadre de l'ALENA, mais il demeure possible d'élargir et d'approfondir la
coopération canado-américaine en matière de réglementation. Nous devons continuer à réduire les formalités et les
tracasseries administratives et réglementaires qui nuisent à l'expansion des activités d'affaires réciproques.
Pourquoi ne pas reconnaître que nos systèmes sont semblables et convenir qu'une fois des produits mis à l'essai dans l'un
des deux pays, ils sont acceptables pour l'autre? Ne pouvons-nous pas accepter les principes de la reconnaissance mutuelle
et éliminer le double emploi?
4. Faire un effort sérieux pour que la pratique dans le domaine des recours commerciaux corresponde mieux à l'intégration
croissante de notre espace économique commun en Amérique du Nord.
Par exemple, compte tenu du niveau d'intégration du marché nord-américain de l'acier, les recours commerciaux ne font
que nuire aux deux parties. Les États-Unis l'ont reconnu en mars dernier en soustrayant le Canada aux mesures de
sauvegarde relatives à l'acier. De même, au chapitre de l'énergie, le Canada et les États-Unis ont édifié des relations solides
et mutuellement avantageuses fondées sur notre engagement commun envers une politique énergétique axée sur le marché.
Il existe peut-être des moyens de régler ces questions commerciales d'une façon qui tienne compte de notre intégration
économique. Nous devrions envisager des négociations axées sur des marchés ouverts et sur la compatibilité des cadres de
réglementation.
5. Faire en sorte que la frontière cesse de constituer un obstacle au commerce, à l'investissement et au développement des
entreprises.
Les gouvernements doivent pouvoir s'adapter aux demandes et aux attentes des entreprises des deux côtés de la frontière
qui comptent sur la livraison juste à temps et sur un accès facile aux marchés. Nous avons fait des progrès grâce à la
Déclaration sur la frontière intelligente et à son plan d'action en 30 points, mais nous devons en faire davantage.
Nous devons nous efforcer d'écarter la frontière des limites géographiques des deux pays. Nous devons cesser de faire
peser le fardeau de la protection du Canada et des États-Unis sur la frontière interne pour adopter plutôt des approches
globales. Il nous faut éliminer les innombrables exigences administratives et réglementaires imposées à notre frontière
interne.
Par exemple, les nouveaux règlements douaniers sur la notification préalable envisagés par les États-Unis inquiètent les
entreprises canadiennes. Nous voudrons donc, dans le cadre de notre travail courant d'amélioration de l'efficacité des
mesures touchant la sécurité et les échanges, collaborer étroitement avec les États-Unis pour éviter de nuire au commerce et
à la livraison juste à temps.
6. Étendre nos activités de sensibilisation et de représentation aux États-Unis.
Il est crucial pour le Canada d'être mieux connu aux États-Unis. Nous devons sensibiliser les dirigeants politiques et les
chefs de file du monde des affaires au degré d'intégration de nos deux économies et à l'importance que le Canada a prise
pour la prospérité et la sécurité des Américains. Nous devons leur expliquer que les mesures commerciales et politiques
nuisent aux deux parties.
Voilà pourquoi je crois que nous devons intensifier notre représentation chez nos voisins du Sud et faire de la
sensibilisation la base de nos activités aux États-Unis. Nous serons présents au Capitole aujourd'hui -- aussi bien à la
Chambre des représentants qu'au Sénat -- pour célébrer pendant toute la journée le partenariat Canada-États-Unis en ce
début de la 108e session du Congrès.
J'ai aussi l'intention de travailler avec les parlementaires canadiens -- dont certains sont présents ici aujourd'hui -- de
même qu'avec les provinces et municipalités canadiennes. Six maires canadiens étaient à Washington la semaine dernière
pour expliquer les effets sur leurs collectivités des droits imposés sur le bois d'œuvre résineux. Nous avons besoin de
déployer des efforts un peu partout dans le pays pour faire connaître le Canada grâce à des campagnes d'information
coordonnées et ciblées. Nous avons besoin de trouver des alliés américains qui partagent nos intérêts et qui sont disposés à
collaborer avec nous.
Nous organiserons des campagnes de sensibilisation dynamiques sur le partenariat canado-américain, la sécurité frontalière
et les questions commerciales. Nous expliquerons, au moyen d'annonces financées par l'industrie et des efforts de
lobbying, pourquoi l'imposition de droits de 27 p. 100 sur le bois d'œuvre canadien a entraîné la mise à pied de milliers de
travailleurs partout au Canada, nuisant donc à votre principal partenaire commercial. Ces droits ont aussi nui aux
consommateurs américains et à votre industrie de la construction domiciliaire. Ils ont nui en outre aux sociétés américaines
qui ont investi dans le secteur canadien de la foresterie.
Nous expliquerons que les subventions agricoles accordées conformément au US Farm Bill ne font que porter préjudice au
marché agricole intégré de l'Amérique du Nord en créant de la distorsion dans les prix et que le meilleur moyen d'assurer la
viabilité de nos collectivités agricoles est de réduire les subventions dans le cadre des négociations commerciales
multilatérales.
Nous montrerons pourquoi le Canada critique la politique américaine de sécurité énergétique et pourquoi notre étroite
coopération en matière de mise en vigueur de la loi et d'échange d'information entre nos organismes de sécurité et de
renseignement constitue la meilleure façon d'assurer la sécurité de la frontière.
Nous devons faire connaître notre situation et notre point de vue, car la sécurité et la prospérité de nos deux pays sont de
plus en plus interdépendantes en Amérique du Nord.
Au-delà des États-Unis, l'hémisphère occidental
Avant de conclure, je tiens à souligner que même en concentrant ses efforts sur l'Amérique du Nord, le Canada ne fait pas
abstraction du reste du monde. Nous avons un programme qui s'étend à tout l'hémisphère, bien au-delà des États-Unis.
Comme vous, nous travaillons sur une base multilatérale à l'OMC en faveur d'une plus grande libéralisation du commerce
et de meilleures règles régissant les échanges mondiaux. Pour le Canada, l'un des grands objectifs du cycle de Doha visera
la discipline dans le domaine des subventions agricoles. En fait, en l'absence de progrès réels dans ce domaine, le cycle ne
peut pas réussir. Un échec empêcherait les exportateurs aussi bien américains que canadiens d'avoir un accès amélioré aux
marchés et, ce qui est plus important, risquerait de laisser le monde en développement encore plus loin derrière. Le
Programme de Doha pour le développement -- comme on l'appelle -- a de multiples aspects conçus pour aider le tiers
monde à croître. Il est absolument essentiel pour nous de réussir.
Les négociations visant la création de la Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA] sont un autre exemple de la portée
des efforts canadiens. Ces négociations pourraient aboutir à la création de la plus grande zone de libre-échange du monde,
une zone qui engloberait plus d'un tiers de l'activité économique mondiale et aurait un PIB supérieur à celui de l'Union
européenne.
C'était là mon programme.
Je vous remercie.