M. GRAHAM - ALLOCUTION DEVANT L'INSTITUT CANADIEN DES AFFAIRES INTERNATIONALES - OTTAWA (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE BILL GRAHAM,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DEVANT L'INSTITUT CANADIEN DES AFFAIRES INTERNATIONALES
OTTAWA (Ontario)
Le 30 janvier 2003
Je suis ravi d'accueillir ce soir un groupe aussi éminent à l'édifice Pearson pour célébrer le 75e anniversaire de l'Institut
canadien des affaires internationales [ICAI]. Je suis très heureux d'assister à cette réunion d'anciens ministres des Affaires
étrangères, et je tiens à féliciter chaleureusement Barbara McDougall et ses collaborateurs de l'ICAI d'avoir pris l'initiative
de nous rassembler pour échanger des réflexions sur nos expériences en tant que ministres et sur le rôle du Canada dans
l'arène mondiale. Pour ma part, lorsque je considère le groupe réuni ici aujourd'hui, je songe à cet ancien proverbe chinois
qui dit : « Si tu désires connaître la voie à suivre, adresse-toi à celui qui l'a déjà empruntée ». Je crois qu'il serait en effet
très instructif de demander mon chemin aux membres de cette assemblée, et bien sûr je suis convaincu que nous irions tous
dans la même direction!
S'il est un élément qui revêt une importance cruciale pour nous tous, c'est le fait que depuis environ un siècle, les
Canadiens ont bâti un pays qui est souvent décrit comme un des meilleurs au monde. Ce fait est reconnu à travers le monde,
comme l'ont constaté tous ceux d'entre nous qui ont eu le privilège d'exercer les fonctions de ministre des Affaires
étrangères. Du reste, les affaires étrangères ont été, dès le départ, un élément central des efforts pour bâtir notre pays. Les
démarches entreprises pour trouver de nouveaux marchés et de nouveaux immigrants, et aussi pour définir et contrôler nos
nouvelles frontières, ont obligé les premiers gouvernements du Canada à se mettre en contact avec les pays étrangers, même
au tout début de l'Empire britannique. Bien que les Conservateurs et les Libéraux aient fait appel à des tactiques
différentes, les gouvernements qui se sont succédé ont fait preuve de la même détermination à veiller à ce que la Grande-Bretagne, qui élaborait alors la politique étrangère pour le compte du Canada, tienne dûment compte de ses intérêts.
Lorsque cet arrangement boiteux s'est effrité à la suite des efforts extraordinaires que nous avons déployés durant la
Première Guerre mondiale, les Canadiens appartenant à la génération qui a atteint l'âge adulte durant les années 1920 et les
années 1930 ont décidé de prendre le contrôle de la politique étrangère et de donner au Canada un rôle distinctif dans le
monde.
Je sais toutefois -- et mes prédécesseurs sont sûrement du même avis -- que la tâche de définir le rôle du Canada dans le
monde a nécessité bien plus que l'action des ministres des Affaires étrangères et de leurs fonctionnaires. Ainsi, nous
sommes réunis ici ce soir non pas pour commémorer les réalisations des anciens ministres des Affaires étrangères mais
pour célébrer le travail de l'ICAI et pour souligner ses relations avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce
international ainsi que son apport durable à la définition de notre identité en tant que Canadiens. La création de l'Institut en
1928 s'inscrivait dans le cadre d'un mouvement d'éveil national et d'affirmation de l'identité canadienne qui a redéfini
notre pays. Au moment où les membres du Groupe des Sept s'efforçaient de dégager une vision typiquement canadienne de
leur pays et de sa nature sauvage, au moment où des auteurs comme Morley Callaghan et Hugh MacLennan contribuaient
au développement d'une nouvelle approche la littérature canadienne, l'ICAI et ses membres cherchaient à mettre au point
une perspective spécifiquement canadienne des réalités extérieures.
Contrairement aux institutions américaines et britanniques qui ont inspiré sa création, l'ICAI n'a pas, en règle générale,
cherché à défendre des causes particulières ou à justifier les politiques établies. Bien sûr, il lui est arrivé d'influencer la
formulation des politiques par inadvertance. J'en cite un exemple assez amusant : en 1937, Escott Reid, le premier
secrétaire national de l'ICAI, a réussi à déchiffrer la prose tortueuse de Mackenzie King pour rédiger un article influent
dans lequel il mettait en lumière les principes sur lesquels reposait la politique étrangère du premier ministre. Ravi
d'apprendre qu'il avait une politique étrangère et qu'il avait aussi des principes qui servaient à la guider, King confiait à
son journal intime que cet « excellent » article avait « éclairci de nombreuses questions dans mon esprit ».
Nonobstant cet épisode, l'approche de l'ICAI a toujours été non partisane, et l'Institut est resté fidèle à sa mission
d'examiner l'éventail complet des questions internationales sous des points de vue différents. C'est sans doute cet
éclectisme qui fait de l'Institut un partenaire aussi utile pour le Ministère depuis trois quarts de siècle.
Des liens personnels étroits unissent le Ministère et l'ICAI depuis 1928. Le premier président de l'Institut fut Sir Robert
Borden qui, lorsqu'il occupait le poste de premier ministre de 1911 à 1921, exerçait également les fonctions de secrétaire
d'État aux Affaires extérieures. Les trois premiers secrétaires nationaux de l'ICAI ont tous rallié les rangs des
fonctionnaires fédéraux à Ottawa, Escott Reid et John Holmes occupant des postes de direction au sein du Ministère. Au fil
des ans, ce dernier a recruté bon nombre des nouveaux agents du service extérieur parmi les jeunes membres de l'ICAI. Et
souvent, c'est l'Institut qui, grâce aux activités qu'il organisait sur les campus aux quatre coins du pays, avait éveillé
l'intérêt de ces jeunes Canadiens envers les affaires internationales. Nous lui en sommes infiniment reconnaissants.
Les échanges de personnel et d'idées se sont d'ailleurs effectués dans les deux sens : les employés du Ministère participent
étroitement aux activités de l'Institut depuis longtemps, et nombreux sont ceux qui sont allés travailler à l'ICAI. Ainsi,
après avoir quitté le Ministère en 1960, John Holmes est retourné à l'Institut, dont il a ensuite dirigé les destinées pendant
plus de 20 ans. Plus récemment, Allan Sullivan est devenu président de l'ICAI après avoir fait une brillante carrière dans le
service extérieur. Et bien sûr, l'expérience acquise par Barbara McDougall à titre de ministre est un atout précieux dans
l'exercice de son mandat à la présidence de l'Institut.
Au-delà de ce réseau de contacts personnels, nos relations avec l'ICAI reposent essentiellement sur une conviction
commune : la meilleure façon de servir l'intérêt national est de mettre au point une politique étrangère qui reflète l'opinion
d'une population bien informée. Durant les premières décennies de son existence, l'ICAI a servi de tribune indispensable
pour discuter de la politique étrangère dans un pays dont la population était peu nombreuse et divisée, et où le prudent
premier ministre Mackenzie King s'efforçait de décourager les conjectures sur le rôle du Canada dans le monde. Les
conférences organisées par l'Institut au cours des années 1930 et au début des années 1940 ont facilité le débat public sur la
politique étrangère canadienne, et elles restent aujourd'hui un symbole vivant de l'Institut, un important point de contact
entre l'ICAI, le Ministère et les Canadiens et Canadiennes qui s'intéressent à la politique étrangère.
À titre de commentaire personnel, je pourrais ajouter que le Ministère et moi-même poursuivons actuellement, dans le
cadre des consultations publiques lancées la semaine dernière, cette tradition instaurée par l'Institut qui consiste à favoriser
la participation de la population au débat sur la politique étrangère. Ce processus de consultation, appelé « Un dialogue sur
la politique étrangère », se déroulera sur de nombreux fronts à la fois : un site Web interactif, des tables rondes composées
d'experts et des assemblées publiques dirigées par moi-même et par d'autres députés. Dès les premiers jours qui ont suivi
son lancement, le dialogue a commencé à porter des fruits, comme le montrent les réponses aux 12 questions posées dans
notre document de réflexion. Je dois dire que bon nombre de ces réponses sont très impressionnantes, tant parce qu'elles
dénotent une connaissance approfondie de dossiers importants que parce qu'elles révèlent une réaction très positive au
processus de consultation lui-même. La réponse la plus succincte et la plus satisfaisante que j'ai lue jusqu'à présent est sans
doute celle-ci : « Après avoir répondu aux questions, je me suis rendu compte combien il doit être difficile de mettre en
œuvre une politique étrangère ».
Mes éminents prédécesseurs dans le poste que j'occupe actuellement savent à quel point cette observation est juste, et
j'imagine qu'ils se joindraient à moi pour affirmer qu'un des meilleurs atouts dont peut disposer un ministre des Affaires
étrangères est un public intelligent et bien informé, capable de comprendre certaines des complexités qui caractérisent les
domaines où nous exerçons notre action. De façon générale, les Canadiens sont tout à fait capables de saisir ces
complexités, et je suis convaincu qu'en cette période de crise entourant la question iraquienne, nos citoyens souhaitent plus
que jamais participer à un débat sérieux et approfondi sur les grands enjeux de la politique étrangère.
Cette réceptivité des Canadiens est attribuable pour une bonne part au travail accompli par l'ICAI, dont les démarches
dénuées de partisannerie ont fortement contribué à créer un climat propice à un débat sérieux et approfondi sur la politique
étrangère. En tant qu'occupant actuel de la fonction de ministre, je peux vous assurer que je ferai tout en mon pouvoir pour
faire en sorte que le gouvernement entende ces voix des citoyens.
Je félicite de nouveau l'ICAI à l'occasion de son 75e anniversaire, et au nom du gouvernement du Canada et du ministère
des Affaires étrangères et du Commerce international, je tiens à exprimer notre profonde gratitude aux membres de
l'Institut pour le travail qu'ils ont accompli au fil des ans.
Je vous remercie.