M. PETTIGREW - ALLOCUTION DEVANT LE CONFERENCE BOARD DU CANADA -« LE RÔLE DU CANADA DANS LE MONDE : PROMOUVOIR LA PROSPÉRITÉ MONDIALE PAR LE COMMERCE » - TORONTO (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT LE CONFERENCE BOARD DU CANADA
« LE RÔLE DU CANADA DANS LE MONDE : PROMOUVOIR LA PROSPÉRITÉ MONDIALE
PAR LE COMMERCE »
TORONTO (Ontario)
Le 25 avril 2003
Introduction
J'aimerais remercier le Conference Board du Canada de me donner l'occasion de partager avec vous
quelques réflexions sur ce que le Canada peut faire pour promouvoir la prospérité dans le monde.
L'expansion des marchés ouverts me paraît certes être un « ingrédient » très important de la prospérité,
mais elle ne représente qu'une partie de la solution, si l'on veut accroître la prospérité.
Au Canada, il est normal de voir le commerce comme un moyen de prospérer davantage. De fait, nous lui
devons 45 p. 100 de notre PIB [produit intérieur brut] et un emploi canadien sur trois dépend des
échanges commerciaux. Nous savons tous que plus de 80 p. 100 des exportations canadiennes de biens et
de services ont pour destination les États-Unis. Vous comprenez donc qu'il est essentiel que ce marché
reste ouvert et que la circulation transfrontalière se fasse aussi librement que possible, compte tenu des
mesures de sécurité essentielles à prendre. Nous savons tous à quel point il est indispensable, dans nos
économies extrêmement intégrées, que les biens, les services, les personnes, l'information et les idées
circulent sans entraves.
Le commerce et l'investissement permettent d'entrer sur de nouveaux marchés et sur des marchés
émergents. Certains de ces marchés ne représentent sans doute encore qu'une petite part de nos
exportations à l'heure actuelle. Pourtant, malgré certaines des difficultés que connaissent beaucoup de
ces jeunes économies de marché, la présence canadienne y est de plus en plus marquée. Lorsque des
entreprises canadiennes investissent sur ces nouveaux marchés, nous créons des emplois non seulement
au Canada, mais aussi à l'étranger, dans des pays en développement, où apparaissent aussi de nouvelles
possibilités, ce qui est encore plus important. Les efforts que nous déployons dans les pays en
développement pour ouvrir des marchés et y renforcer nos liens commerciaux permettent aussi de les
intégrer et, en fait, de les rendre plus autonomes.
Le rôle du commerce dans la promotion du développement et de la prospérité
Je ne considère pas que le commerce soit la réponse à tous les maux sociaux. Mais je ne suis pas le seul à
dire que les perspectives de croissance et de prospérité à long terme de tout pays dépendent beaucoup de
sa capacité à profiter de marchés étrangers. De nos jours, on reconnaît par-delà les cercles politiques
traditionnels que les marchés ouverts jouent un rôle important dans le développement socioéconomique
d'un pays. Par exemple, le président du Chili, Ricardo Lagos Escobar, est un socialiste convaincu -- il a
été ambassadeur de Salvador Allende à Moscou (juste pour vous donner une idée de ses convictions
politiques). On ne saurait donc le qualifier d'agent du capitalisme mondial, et pourtant c'est un fervent
partisan d'un resserrement des liens commerciaux dans les Amériques et ailleurs. Il estime que c'est la
seule façon pour son pays de vraiment se développer.
Il n'est pas seul. En avril 2001, au Sommet des Amériques de Québec sur la Zone de libre-échange des
Amériques [ZLEA], 34 dirigeants démocratiquement élus de l'hémisphère occidental ont demandé à
entrer dans la ZLEA. Qu'ils aient représenté des pays insulaires pauvres ou des pays développés solides,
qu'ils aient été socialistes ou défenseurs de l'économie libérale, tous ont parlé d'une même voix sur un
sujet au moins : ils se sont déclarés favorables à la poursuite de la libéralisation des échanges et ont dit
qu'ils croyaient en ses bienfaits.
Dans le cas de l'Afrique, de la Chine et de l'Inde, le consensus est clair : le commerce est nécessaire
voire essentiel pour parvenir à des progrès socioéconomiques. On estime qu'au cours des 10 prochaines
années apparaîtront, dans les pays en développement, 900 millions de personnes qui bénéficieront d'un
revenu personnel comparable à celui des Américains, et nous parlons là de trois fois la population des
États-Unis.
En Chine, pays qui se classe déjà au quatrième rang des nations commerçantes, la croissance du PIB est
supérieure à 7 p. 100. En Inde, elle dépasse les 5 p. 100. Dans l'ensemble, les pays en développement
peuvent s'attendre à une croissance moyenne de 4,7 à 4,8 p. 100, soit deux fois le taux moyen auquel on
s'attend pour les économies de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques].
Le taux d'expansion du commerce avec et entre les pays en développement augmente cinq fois plus vite
que celui du commerce mondial.
Il est important aussi de continuer d'aider en investissant, en finançant et en renforçant les capacités,
mais un dollar sous forme de commerce générera beaucoup plus de développement qu'un dollar sous
forme d'aide. Et c'est là que des pays comme le Canada peuvent aider. Il ne fait aucun doute que dans la
conjoncture commerciale internationale actuelle, les pays développés font nettement obstacle au
développement d'autres pays dans cet hémisphère et ailleurs.
Permettez-moi de vous donner deux exemples :
• En 2000, les pays de l'OCDE ont dépensé 300 milliards de dollars américains rien qu'en subventions
agricoles, soit l'équivalent du PIB de toute l'Afrique subsaharienne.
• En faussant les prix, les subventions américaines pour le coton coûteraient aux pays africains
producteurs de coton 250 millions de dollars américains par an.
Le coût économique et social de ces subventions est énorme. Le développement est un long processus
qui doit mener à la prospérité, mais il s'agit surtout d'une question de survie immédiate pour la plupart
des habitants de la planète. La moitié de la population mondiale vit encore avec moins de deux dollars
par jour et 1 milliard de personnes, avec moins de un dollar.
Beaucoup d'économies et de sociétés en développement sont en proie à des crises sanitaires et au bord de
l'effondrement à cause de maladies telles que le VIH/sida, la tuberculose et la malaria. Comment
pouvons-nous nous attendre à ce que les habitants de ces pays, et leurs enfants, survivent et encore moins
prospèrent, si les pays développés ne font pas leur part pour ce qui est d'abaisser les obstacles au
commerce?
Je puis vous dire, cependant, que le Canada se range à l'avis général en faveur d'une approche globale qui
permette aux pays en développement de s'aider eux-mêmes. Ainsi :
• Nous avons pris des mesures concrètes pour faciliter l'accès aux marchés canadiens.
• Nous jouons un rôle clé dans les négociations multilatérales de Doha.
Accès aux marchés
Nous entendons par accès aux marchés la capacité des exportateurs du monde entier d'accéder aux
marchés canadiens. Le principal objectif du Canada dans ce domaine est de trouver des solutions pour
permettre aux pays les plus pauvres du monde de se développer en augmentant les revenus de leur
secteur privé, ce qui peut se faire en multipliant les possibilités commerciales et en encourageant
l'investissement dans leurs économies.
En janvier dernier, le Canada a ouvert ses marchés aux pays les moins avancés [PMA]. En éliminant les
tarifs et les contingents sur presque tous les produits, cette initiative contribuera à la croissance
économique de toute l'Afrique, par exemple. Nous procédons de façon équilibrée, en respectant les
besoins de l'industrie canadienne et en réalisant l'objectif international, qui est d'ouvrir nos marchés aux
PMA.
Cette solution canadienne, qui fait tomber certains des obstacles à la pleine participation de l'Afrique à
l'économie mondiale, a une incidence immédiate sur les perspectives de développement du continent et
sur la vie des Africains. La libéralisation du commerce vise, en définitive, à garantir un meilleur niveau
de vie aux pays développés comme aux pays en développement. Pour les PMA, l'approche canadienne
constitue un des gains les plus tangibles à ce jour. Nous encourageons les autres pays développés à nous
imiter et nous espérons qu'ils le feront.
Parallèlement aux priorités de l'Agence canadienne de développement international en matière de
développement social, à notre contribution au Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique
(NPDA) et à notre coopération avec d'autres pays en ce qui concerne la dette, la santé et le
développement durable, l'initiative pour l'accès des PMA aux marchés s'inscrit dans une démarche
globale par rapport à la réduction de la pauvreté qui vise les problèmes économiques, sociaux,
environnementaux et systémiques.
Les négociations commerciales régionales et multilatérales
Les pays en développement joueront un rôle énorme dans la croissance mondiale future. Une plus grande
intégration peut les aider à réaliser leurs objectifs et leur potentiel en matière de croissance. Les deux
tiers des membres de l'OMC [Organisation mondiale du commerce] sont des pays en développement. Ils
sont nombreux aussi parmi les pays qui négocient la création de la Zone de libre-échange des Amériques.
En fait, d'après une étude en particulier, les recettes des pays en développement augmenteraient de 540
milliards de dollars par an, si l'on éliminait les obstacles au commerce des marchandises. Les trois quarts
de ce gain découleraient de l'élimination des restrictions imposées par ces pays eux-mêmes, car 71 p. 100
des tarifs douaniers qu'ils versent vont à d'autres pays en développement. Les paiements entre pays du
Sud représentent 42 p. 100 du total mondial.
En ma qualité de ministre du Commerce international, je m'efforce depuis trois ans de faire en sorte que
le système commercial mondial soit juste et régi par des règles. Les négociations commerciales sont
essentielles pour les pays développés comme pour les pays en développement, car c'est là que se
définissent les règles. Chaque partie aux négociations a ses propres objectifs et ses propres intérêts.
Nous savons parfaitement, au Canada, où est notre intérêt national, dans le contexte des négociations
commerciales, mais j'ai appris que nous devons comprendre les objectifs des pays en développement. Il
existe des différences entre eux. En fait, même l'opposition entre pays développés et pays en
développement laisse beaucoup à désirer, car il existe de nettes différences entre le Honduras et la Chine,
par exemple.
L'époque où les pays votaient en bloc à la table de négociation est révolue. Certains sont plus intéressés
que d'autres par un aspect des négociations, comme l'agriculture. D'autres ne voient aucun intérêt à la
série de négociations de Doha. Les engagements pris par certains membres de l'OMC pendant l'Uruguay
Round n'ayant pas été tenus selon eux, ils ne souhaitent pas examiner de nouvelles questions. Quelques
petits pays en développement craignent de perdre en partie leur traitement préférentiel sur le marché
européen si les négociations multilatérales aboutissent. Trop souvent, les PMA sont incapables de
participer véritablement à ces pourparlers complexes et aux facettes multiples parce qu'ils manquent de
ressources.
Si les pays en développement s'entendent pour la plupart sur un point, c'est qu'ils devraient continuer de
bénéficier d'un traitement spécial et différencié. Le Canada est prêt à laisser plus de temps aux pays en
développement pour appliquer les accords conclus, mais il estime que la réciprocité de traitement est
essentielle. Il faut chercher, au fond, à intégrer, pas à établir des différences.
Voilà pourquoi le Canada a choisi de montrer l'exemple dans l'intégration réussie des pays en
développement dans l'économie mondiale et dans le système commercial international, en appliquant le
Programme de Doha pour le développement de l'OMC et par le biais de négociations régionales telles
que celles de la ZLEA.
Nous comprenons la complexité des négociations et les difficultés qu'il y a à saisir les possibilités qui se
présentent à l'ouverture de marchés, et c'est pourquoi nous contribuons généreusement à l'assistance
technique liée au commerce et au renforcement des capacités. Le mois dernier, j'ai annoncé un nouveau
versement de 500 000 dollars au Fonds global d'affectation spéciale de l'OMC. Ces trois dernières
années, nous avons consacré 520 millions de dollars à la formation et à d'autres mesures de renforcement
des capacités.
Le défi du Canada
Ce que nous voyons à terme dans cette évolution du monde, c'est une convergence de la politique
étrangère, des intérêts commerciaux et des valeurs humanitaires du Canada. Nous avons besoin pour
notre prospérité à long terme d'instruments qui nous permettent de saisir les possibilités qui se présentent
dans un monde en mutation. La croissance dans les pays en développement fait changer notre monde.
Non seulement les échanges avec ces pays dépendent des possibilités qui se dessinent, mais en plus ils
permettent au Canada de se placer dans de nouveaux centres de croissance de l'économie mondiale et de
nouveaux centres d'influence sur tout ce qui arrive aux habitants de cette planète.
Voilà également pourquoi nous voulons travailler de concert avec le monde des affaires, entre autres, sur
une base volontaire et dans le respect des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises
multinationales, afin de faire du Canada un chef de file dans ce que nous appelons la responsabilité
sociale des entreprises. Nous avons beaucoup à offrir dans nos modèles de gouvernance et beaucoup à
gagner à toute mesure visant à consolider des pratiques équitables et la primauté du droit. Enfin, c'est
pourquoi nous essayons d'adopter une approche intégrée dans toutes les politiques, qu'il s'agisse du
meilleur accès aux marchés, de l'aide au développement, du transfert de technologie, de l'allégement de
la dette, de la création de liens dans le domaine de l'éducation ou de la coopération environnementale.
Il n'existe pas de moyen unique d'ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises canadiennes ou d'assurer
une croissance et une équité durables dans les pays en développement. Cependant, en tendant vers plus
d'homogénéité, renforcée par de nouveaux partenariats, je pense que le Canada peut montrer l'exemple et
que les normes que les Canadiens fixeront par leur exemple nous définiront autant que la technologie et
les compétences que nous exportons dans le monde.
Permettez-moi de vous remercier de nouveau de votre aimable attention et de vous souhaiter une
excellente réunion.