M. PARADIS - ALLOCUTION AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES D'ALGÉRIE : « LA FRANCOPHONIE VUE PAR LE CANADA » - ALGER, ALGÉRIE
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DENIS PARADIS,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT
(AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE) (FRANCOPHONIE),
AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES D'ALGÉRIE
« LA FRANCOPHONIE VUE PAR LE CANADA »
ALGER, Algérie
Le 28 avril 2003
C'est avec grand plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui sur le thème du Canada et de la
Francophonie. Durant ces quelques minutes, je vais vous parler de la participation du Canada à cette
communauté de plus de 50 États, vouée au départ à la défense et à la promotion de la langue et de la
culture françaises, mais dont l'évolution en a fait un véritable forum international voué à la démocratie,
aux droits de la personne, à la promotion de la diversité culturelle et au développement de ses pays
membres. Je serai évidemment heureux de répondre à vos questions à la fin de mon exposé.
Le Canada est né il y a un peu plus de quatre siècles du contact entre les peuples autochtones occupant
déjà le territoire et les premiers colons français. On l'appellera alors la Nouvelle-France. Un siècle et
demi plus tard, à la suite des guerres européennes, la couronne française sera remplacée par la couronne
britannique.
De nos jours, les Canadiens francophones descendants de cette colonisation sont concentrés
majoritairement dans la province de Québec, mais se retrouvent aussi partout ailleurs au Canada. Ils
constituent à peu près le quart de la population canadienne. Ce chiffre dépasse les 30 p. 100 cependant si
l'on tient compte des Canadiens qui parlent le français comme langue seconde.
Une de nos deux langues officielles étant le français, le Canada est donc ce qu'il est convenu d'appeler
un pays de la Francophonie. Sensible à l'importance du fait français sur son territoire, le Canada est
déterminé à contribuer à son rayonnement sur la scène internationale.
Appartenir à la Francophonie comporte de nombreux avantages pour le Canada. C'est faire partie de
l'importante communauté des 56 États et gouvernements qui ont le français en partage sur les cinq
continents. Étant une puissance moyenne, le Canada valorise son appartenance aux grandes
communautés et organisations multilatérales, qu'il s'agisse de l'ONU [Organisation des Nations Unies],
de l'OTAN [Organisation du Traité de l'Atlantique Nord], du G8, de l'Organisation des États américains,
de l'APEC [Coopération économique Asie-Pacifique], sans oublier le Commonwealth.
Pour le Canada, appartenir à la Francophonie, c'est révéler au reste du monde les traits particuliers de sa
réalité socioculturelle et donner aux Canadiennes et aux Canadiens d'expression française une ouverture
et des possibilités de rayonnement international au sein du vaste ensemble de pays francophones répartis
partout dans le monde.
Dans cette optique, le Canada a été, dès les années 1960, l'un des premiers pays à promouvoir la
Francophonie en participant activement à la création et au développement de ses nombreuses institutions.
Depuis la création de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie en 1970, à Niamey, au Niger, le
Canada a été à l'origine ou a adhéré à toutes les institutions multilatérales de la Francophonie et y joue
un rôle de premier plan.
Le Canada étant une Confédération décentralisée, il n'y a pas une seule mais trois entités canadiennes
qui participent activement à la Francophonie. Les provinces canadiennes ont, de par notre Constitution,
des pouvoirs propres ou partagés en matière notamment de culture et d'éducation. À leur demande, le
Canada a proposé une formule originale qui conférait au Québec, en 1971, et au Nouveau-Brunswick, en
1977, le statut de gouvernement participant en Francophonie, leur permettant d'intervenir directement en
matière de coopération. Bien sûr, le Canada a le statut d'État membre et est le seul habilité à traiter des
questions de politique internationale.
Le Canada a eu l'honneur d'accueillir le IIe Sommet des pays francophones à Québec, en 1987, et le VIIIe
Sommet à Moncton (Nouveau-Brunswick), en 1999, présidé par le premier ministre Chrétien sous le
thème de la jeunesse, de même que les IVe Jeux de la Francophonie à Hull-Ottawa, en juillet 2001.
Les objectifs poursuivis par le Canada au sein de la Francophonie s'articulent autour de l'affirmation de
ses valeurs démocratiques, culturelles et économiques.
Le Canada y fait la promotion du développement démocratique, des droits de la personne, de la
consolidation de l'État de droit, de la paix et de la sécurité humaine. C'est dans ce but que la
Francophonie adoptait à Bamako, au Mali, en 2001, une déclaration qui sert de guide aux pays membres
sur les droits de la personne et la démocratie, et qui prévoit des mesures envers ceux qui n'adhèrent pas à
ses principes ou les transgressent. En ce moment même a lieu à Brazzaville, au Congo, la Conférence sur
les structures gouvernementales chargées des droits de la personne des pays francophones afin de faire
avancer la cause des droits de la personne dans les pays de la Francophonie. Il faut bien reconnaître qu'il
y a un sérieux défi à relever dans plusieurs pays membres. Je ne citerai que deux cas récents : la Côte
d'Ivoire et la République centrafricaine où la légalité constitutionnelle a été remise en question ces
derniers mois.
Le Canada y fait aussi la promotion de ses valeurs culturelles. La Francophonie a beaucoup évolué. Elle
n'est plus un simple regroupement d'États qui défendent la langue et la culture françaises. Face à la
mondialisation qui tend à tout uniformiser, y compris la culture, le Canada appuie le concept d'une
convention internationale obligatoire sur la diversité culturelle au sein de l'UNESCO [Organisation des
Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture]. Cette proposition a été adoptée au Sommet de
Beyrouth en octobre dernier.
La culture passe aussi par la communication. Le Canada, qui est à l'avant-garde du développement et de
l'utilisation des technologies de l'information, collabore activement avec les pays de la Francophonie à
la lutte contre le fossé numérique qui se creuse entre le Nord et le Sud. Une Conférence ministérielle de
la Francophonie sur la société de l'information aura lieu en septembre prochain au Maroc, en préparation
du Sommet mondial qui aura lieu à Genève quelques mois plus tard.
L'éducation et la formation sont aussi des objectifs importants en Francophonie. Le Canada appuie le
programme ambitieux de l'Agence intergouvernementale de la Francophonie et l'action de la Conférence
des ministres de l'Éducation dans ces domaines. D'autre part, les universités canadiennes participent
activement aux activités de l'Agence universitaire de la Francophonie qui met en réseau des centaines
d'institutions d'enseignement supérieur et de recherche scientifique de tous les pays de la Francophonie
et de pays non membres, comme le vôtre.
Le Canada cherche en outre à y promouvoir le développement économique des pays de la Francophonie.
Il faut garder à l'esprit que 29 des pays membres de la Francophonie appartiennent au groupe des pays
les moins avancés. La promotion de la prospérité des membres de la Francophonie passe nécessairement
par l'intégration des pays du sud aux marchés internationaux ainsi que par le développement durable
dans tous les domaines prioritaires. Au récent Sommet de Beyrouth, la Francophonie a décidé de
travailler en synergie avec le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique [NPDA] que vous
connaissez bien grâce au rôle central qu'a joué votre président dans sa conception. C'est au Sommet du
G8 à Kananaskis, en Alberta, qu'a été adopté le Plan d'action pour l'Afrique du G8 qui appuie cette
initiative.
Le Canada est le deuxième plus important bailleur de fonds de la Francophonie après la France.
L'essentiel de ses contributions est versé aux principaux acteurs de la Francophonie : l'Agence
intergouvernementale de la Francophonie, l'Agence universitaire de la Francophonie, TV5, l'Université
Senghor d'Alexandrie, la Conférence des ministres de l'Éducation nationale, la Conférence des ministres
de la Jeunesse et des Sports des pays d'expression française. En outre, le Canada contribue à
l'organisation matérielle des Sommets de la Francophonie lorsqu'ils ont lieu dans un pays du sud.
La Francophonie a changé considérablement depuis ses débuts il y a 30 ans. D'abord orientée vers la
promotion de la langue et de la culture françaises, la Francophonie est devenue une communauté qui joue
un rôle de plus en plus important sur la scène internationale et auprès de ses États membres.
La composition de la Francophonie a beaucoup évolué, surtout depuis la chute du mur de Berlin,
modifiant considérablement sa composition culturelle. Vous serez sans doute étonné d'apprendre que la
Bulgarie, la Roumanie et la Moldova sont membres de la Francophonie à part entière, que l'Albanie et la
Macédoine sont membres associés, et que la Slovaquie, la République tchèque, la Slovénie, la Pologne et
la Lituanie y ont le statut d'observateur.
Au Sommet de Hanoï, en 1997, la Francophonie s'est transformée en organisation internationale,
concrétisant son évolution politique, et a élu son premier secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, que
nous avons eu le plaisir d'accueillir récemment au Canada. Ancien secrétaire général des Nations Unies,
M. Boutros-Ghali a œuvré pour faire de la Francophonie l'actrice crédible qu'elle est devenue sur la
scène internationale. C'est l'ancien président sénégalais Abdou Diouf qui a été élu à Beyrouth pour lui
succéder.
En résumé, la Francophonie peut compter sur une panoplie d'institutions et d'acteurs compétents et
performants. Elle intervient dans tous les grands domaines d'intérêt pour le développement de ses
membres.
La Francophonie s'est donnée un code, la Déclaration de Bamako, qui oriente la conduite de ses États
membres dans les domaines de la démocratie, des droits de la personne et de la saine gestion publique.
La Francophonie accompagne ses États membres dans leur processus électoral et intervient lorsqu'ils
sont en situation de crise.
La Francophonie se prononce sans hésitation sur les grands sujets de l'heure; à Beyrouth, elle a pris
position sur les conflits au Moyen-Orient et en Iraq.
La Francophonie aide ses membres à participer pleinement aux forums mondiaux où sont débattus les
grandes questions auxquelles l'humanité est confrontée : l'environnement, le développement durable, le
fossé numérique, les droits de la personne.
Enfin, un mot sur le Sommet de Beyrouth. Le IXe Sommet qui s'y est déroulé en octobre dernier
demeurera un moment important pour la Francophonie à plus d'un titre. Votre président y a été accueilli
comme invité spécial. Ce fut le premier Sommet de la Francophonie à avoir lieu en terre arabe. Il a été
l'occasion d'un échange approfondi sous le thème du Dialogue des cultures. Pour le Canada, ce thème
symbolise parfaitement ce qu'est devenue la Francophonie : un forum où des peuples des cinq
continents, aux cultures très diverses, cultivent leur solidarité par le dialogue et les échanges, comme
l'atteste d'ailleurs le thème du prochain Sommet qui aura lieu à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso,
à l'automne 2004 : « Solidarité dans le développement ».
Je vous remercie.