M. KILGOUR - ALLOCUTION À L'OCCASION DE LA CINQUIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES DÉMOCRATIES NOUVELLES OU RÉTABLIES - OULAN-BATOR, MONGOLIE
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (ASIE-PACIFIQUE),
À L'OCCASION DE LA CINQUIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE
SUR LES DÉMOCRATIES NOUVELLES OU RÉTABLIES
OULAN-BATOR, Mongolie
Le 10 septembre 2003
Au nom de la délégation du Canada, je tiens d'abord et avant tout à souhaiter un prompt et complet rétablissement à une
grande amie de la démocratie, Anna Lindh, ministre suédoise des Affaires étrangères. Nos collègues suédois nous
apprennent qu'elle est l'une des parlementaires les plus respectées de leur pays, la mère de deux petits enfants, et qu'elle ne
disposait pas d'un garde du corps. De plus, ils considèrent cet acte comme une attaque directe à l'esprit d'ouverture pour
lequel la société suédoise est bien connue. Nos pensées et nos prières vont à Mme Lindh, à son mari et à ses enfants, ainsi
qu'au peuple suédois. [Malheureusement, Mme Lindh a succombé à ses blessures le 11 septembre. Les autorités suédoises
enquêtent sur ce meurtre.]
La délégation du Canada remercie le gouvernement de la Mongolie et le PNUD [Programme des Nations Unies pour le
développement] pour l'organisation très réussie de cet événement important. La Mongolie est l'endroit tout indiqué pour une
telle rencontre. Le peuple illustre de cette terre magnifique a choisi la voie de la démocratie il y a 13 ans, avec la conviction
que les citoyens devaient prendre les rênes de leur gouvernement, pas le contraire. Les réalisations de la Mongolie, que son
président et son premier ministre ont décrit avec éloquence hier, témoignent de la force de cette conviction nationale.
L'esprit démocratique
Mais qu'en est-il de la démocratisation en général? Alors qu'il parlait de la liberté nouvellement acquise de son pays, le
président élu de l'ancienne Tchécoslovaquie, Vaclav Havel, avait demandé : [traduction] « D'où viennent le désir de vérité,
l'amour de la liberté de pensée, les idées politiques, le courage et la prudence civiques des jeunes [tchécoslovaques]? »
La réponse pour nous tous ne réside-t-elle pas dans le désir, commun à tous les humains, de choisir le type de société que
nous voulons édifier, à savoir une société fondée sur la dignité pour tous, y compris les handicapés, la liberté et la primauté
du droit?
Dans l'ensemble, la démocratie se porte plutôt bien. Comme l'a rappelé hier le message du secrétaire général de l'ONU,
Kofi Annan, jamais dans l'histoire, elle n'a régné dans autant de pays, mais il n'y a aucune place pour la complaisance. La
démocratie est un processus difficile. Tous les démocrates, où qu'ils soient, savent bien qu'il n'y a pas de modèle parfait.
Mais n'est-ce pas cette difficulté et cette imperfection mêmes qui font la force des démocraties? C'est en apprenant les uns
des autres -- démocraties nouvelles, rétablies et traditionnelles -- que nous améliorons les systèmes dans lesquels certains
vivent depuis des siècles, et que d'autres, comme notre hôte, renforcent le leur.
Force est d'admettre qu'il est dans notre intérêt à tous de renforcer la démocratie partout dans le monde. Mais les défis sont
si grands dans ce domaine qu'aucun pays ne peut les relever seul. C'est pourquoi le Canada collabore avec ses partenaires
pour appuyer le développement démocratique à l'ONU, au G8, dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement
de l'Afrique, au Commonwealth, dans la Francophonie et à l'Organisation des États américains. La nouvelle Cour pénale
internationale a aussi un important rôle à jouer à cet égard.
Les instruments de la démocratie
Ce sont la diversité, l'inclusion, la dissidence pacifique et l'éducation pour tous, une société civile, des ONG [organisations
non gouvernementales] et des bénévoles dynamiques, et l'accession du plus grand nombre à la propriété, et notamment à
celle des médias, qui favorisent l'épanouissement d'une véritable culture démocratique.
La primauté du droit est, je crois, essentielle à une démocratie authentique. Lorsque la primauté du droit est vraiment
respectée, les juges de tous les niveaux jouissent d'une véritable indépendance à l'égard des pouvoirs exécutif et législatif.
Ne faut-il pas des nominations à long terme, voire à vie, jusqu'à la retraite? Autrement, comment peut-on s'attendre à ce que
les juges prennent des décisions justes dans les causes impliquant le pouvoir exécutif? Cela suppose aussi probablement des
traitements relativement élevés par rapport aux normes d'un pays, pour contrer la corruption et l'apparence de corruption.
Cela ne signifie-t-il pas que les juges ne doivent pas avoir peur de rendre un verdict contre des membres du pouvoir
exécutif dans des affaires criminelles, fiscales ou autres?
La force d'une démocratie ne se mesure pas seulement à l'aune de la transparence et de la participation aux élections.
D'autres instruments sont également indispensables, par exemple les protecteurs du citoyen, les commissaires à l'éthique et
à la protection de la vie privée, des commissions vraiment indépendantes contre la corruption et des comités chargés
d'examiner les mesures réglementaires. L'utilisation de ces instruments dans chaque démocratie doit être située dans le
contexte qui lui est propre. La forme de ces instruments variera, mais leurs fins -- la participation, la responsabilité, la
transparence, les droits de la personne et la primauté du droit -- demeureront les mêmes.
La société civile
La démocratie ne peut que se développer dans une société civile ouverte et englobante. La Mongolie a réussi à instaurer la
démocratie en partie grâce au dynamisme de sa société civile; comme nous l'avons entendu hier, il y a maintenant environ
une ONG pour mille citoyens.
Le Canada se réjouit de la très grande pertinence du programme de discussions et de la réussite du Forum international de la
société civile, qui s'est tenu plus tôt cette semaine. Le Forum a également pris des mesures prometteuses afin de lancer un
mécanisme de suivi pour la société civile internationale, y compris un secrétariat permanent et un programme d'actions
nationales, internationales et régionales. À titre de représentants du gouvernement, nos délibérations mèneront à des progrès
concrets seulement si nous appuyons le gouvernement de la Mongolie dans la mise sur pied d'un mécanisme de suivi à cette
conférence.
L'esprit de la démocratie
Pour conclure, la nécessité de poursuivre nos efforts est peut-être la leçon la plus importante tirée de notre lutte pour aider
la démocratie à prospérer. Nous devons lutter résolument contre les écueils qui menacent les fondations mêmes de la
démocratie, partout dans le monde, en particulier la pauvreté, la corruption et le chômage. De même, dans notre lutte contre
le terrorisme international, c'est l'ensemble de nos fondations démocratiques que nous devons continuer à défendre.
Enfin, nous devons veiller à ce que la culture et l'esprit de la démocratie se perpétuent et s'épanouissent. Pour le président
Havel, que j'ai cité au début, la démocratie n'est pas simplement une affaire d'institutions et d'instruments. Par exemple, elle
n'est pas seulement pour les adultes; il faut en inculquer l'esprit aux enfants dès leur plus jeune âge. Les enfants, et c'est là
un principe que défend l'UNICEF, contribuent à l'épanouissement de la démocratie, et la démocratie contribue, ou devrait
contribuer, à l'épanouissement des enfants.
Stephen Leacock, auteur canadien bien connu, a écrit ceci : [traduction] « [...] nous devons nous souvenir qu'aucun code,
aucune législation sociale ni aucune loi écrite ne peuvent en soi garantir une véritable démocratie ni préserver la liberté. Le
courant ne peut remonter plus haut que sa source. C'est pourquoi notre engagement en faveur de la démocratie doit être à la
hauteur des idéaux élevés qui l'ont fait naître. [...] La démocratie est un esprit. »
Grâce à des rencontres comme celle-ci, je suis convaincu que nous tous ici continuerons de renforcer l'esprit de la
démocratie dans le monde entier.
Je vous remercie.