Le 5 novembre 2006
TORONTO (Ontario)
2006/20


SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS






NOTES POUR UNE ALLOCUTION


DU


MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES


ET MINISTRE DE L’AGENCE DE PROMOTION ÉCONOMIQUE


DU CANADA ATLANTIQUE,


L’HONORABLE PETER MACKAY,


À L’OCCASION DU DÎNER DE L’UNITED JEWISH APPEAL


C’est un véritable plaisir pour moi que d’être ici ce soir et de m’adresser à un auditoire aussi distingué.


Vous êtes ici en raison de votre générosité, de votre créativité, de votre sens du devoir et de votre engagement envers vos communautés, envers le Canada, et envers l’État d’Israël, un pays démocratique en qui nous voyons un ami très proche.


De multiples raisons — certaines très personnelles, d’autres largement partagées — expliquent pourquoi il y a des personnes si généreuses envers les autres. On a écrit des livres, et échafaudé maintes théories complexes, pour éclairer des concepts comme l’altruisme, la solidarité et l’empathie.


Je ne mettrai jamais en doute l’utilité de ces ouvrages, mais je préfère l’explication que des amis juifs me donnent depuis des années : « Ce n’est pas compliqué, me disent-ils, il suffit d’être un mensch ».


« Sois un mensch! » Autrement dit, sois une personne responsable. Prends au sérieux les responsabilités que tu as envers toi-même, ta famille et ta communauté. Aie des valeurs solides, et fais le maximum pour les respecter.


Nous pourrions compliquer à loisir cette idée, mais ce qui m’impressionne le plus dans la communauté juive, c’est que cette idée de responsabilité — faire ce qui est juste — soit si profondément enracinée dans la tradition, non pas comme quelque chose de fossilisé, mais bien comme une présence vivante et dynamique, une présence qui fait battre le cœur des foyers juifs modernes, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.


Au Canada, nous avons tous la chance de vivre dans un pays où les gens prennent leurs responsabilités au sérieux, quelles que soient leur profession, leur religion ou encore leurs origines sociales et culturelles. Qu’ils soient entraîneurs non payés dans une ligue de hockey mineur, bénévoles dans un hôpital ou constructeurs de nos grands musées, les Canadiens consacrent une partie de leur temps, de leur énergie et de leur argent à faire de ce pays un meilleur endroit pour tous.


Ils ne font pas cela pour obéir à des théories complexes, mais bien parce que c’est la chose à faire. Ce pays compte des millions de mensch. Et c’est donc avec un plaisir tout particulier que je remercie un si grand nombre d’entre eux réunis ce soir dans une même salle.


Je vous remercie de votre engagement et de votre leadership à l’égard de ce pays qui a tant profité des principes que vous représentez — et de la façon dont vous les mettez en pratique.


L’essence même du leadership communautaire est de mettre les principes en pratique. Et il en va de même dans la vie politique.


Pourtant, comme vous le savez, la politique est l’art du possible, et les circonstances peuvent changer rapidement. Tous les gouvernements doivent être pragmatiques et souples pour relever les défis qui se présentent. Le danger, c’est que parfois vous n’avez que la souplesse — sans leadership, et très peu de principes. Certains gouvernements sont tellement occupés à plaire à tout le monde que personne ne sait ce qu’ils sont vraiment.


Nous croyons que les Canadiens méritent mieux que cela. Nous croyons que le gouvernement doit établir des principes clairs pour orienter ses actions. Et exercer le leadership que les Canadiens veulent pour donner corps à ces principes.


C’est l’objectif que notre gouvernement s’est fixé lorsqu’il est arrivé au pouvoir il y a tout juste un peu plus de 10 mois. Nos principes et nos priorités sont limpides :

 

         Un gouvernement plus petit, et plus efficace. Nous croyons que le gouvernement fédéral ne devrait pas chercher de nouveaux champs d’action quand il y a tant à faire dans ceux qu’il occupe déjà, et où les Canadiens lui demandent d’agir avec fermeté et justesse.

 

         Un gouvernement qui réduit le fardeau fiscal des citoyens et des entreprises, pour leur donner la liberté de prendre les décisions qu’ils estiment nécessaires à leur bien-être.

 

         Un gouvernement qui améliore la sécurité de tous les Canadiens au pays. Les Canadiens ont le droit de se sentir en sécurité dans leurs foyers et leurs communautés.

 

         Un gouvernement davantage responsable devant la population. L’exercice du pouvoir est une lourde responsabilité. Ce n’est pas « notre » argent que nous dépensons; c’est celui, durement gagné, des Canadiens ordinaires.

 

         Un gouvernement plus ouvert aux relations fédérales-provinciales-territoriales, dans une dynamique qui évite les chevauchements inutiles. Un fédéralisme efficace exige que les partenaires travaillent ensemble, et non les uns contre les autres.

 

         Enfin, un gouvernement qui entend regagner la confiance du public, en disant ce qu’il va faire, et qui le fait. Nous ne ferons pas de promesses que nous ne pourrons pas tenir.


Nous avons la même attitude en ce qui concerne la politique étrangère. Les Canadiens veulent que leur pays ait une influence dans le monde, et qu’il ait la capacité de façonner l’environnement international dans le sens de ses besoins et de ses aspirations.


Nous sommes d’accord avec eux, mais pour atteindre ces objectifs, nous devons établir certains principes fondamentaux, et les suivre.


D’abord, dans le domaine de la politique étrangère, les enjeux canadiens doivent être clairs. Si un dossier n’implique pas des valeurs ou des intérêts chers aux Canadiens, pourquoi devrions-nous nous en mêler alors que tant d’autres questions pressantes exigent de notre temps et de nos ressources?


Deuxièmement, si vous voulez joindre le geste à la parole, vous devez vous en donner les moyens. Dans les affaires internationales, vous devez faire votre part. Les autres pays se lassent vite des parasites.


Troisième et dernier point, quand vous donnez votre parole, respectez-la. Nous voulons que nos amis et alliés sachent que lorsque le Canada dit qu’il va faire ceci ou cela, il le fait.


Ce ne sont pas là des principes inventés de toutes pièces. Nous croyons qu’ils reflètent les valeurs fondamentales qui ont façonné ce pays et en ont fait ce qu’il est aujourd’hui. Or, ce sont ces valeurs qui guident toutes nos actions dans le monde.


Laissez-moi vous donner quelques exemples de la façon dont nous mettons ces principes en pratique dans les grands dossiers où notre pays a d’indéniables enjeux.


D’abord notre lutte contre le terrorisme. Le Canada est soumis à la menace des extrémistes, et nous faisons tout ce qui est possible pour protéger le pays contre ce danger. Et un élément important de cette lutte est de veiller à ce que le Canada ne serve pas de base à des terroristes voulant s’attaquer à d’autres pays.


Les Tigres tamouls sont une organisation terroriste. Pendant de nombreuses années, leurs partisans au Canada ont pu beaucoup trop facilement amasser des fonds pour soutenir leurs activités au Sri Lanka. Nous avons mis un terme à cette situation.


Nous avons ajouté les Tigres tamouls à la liste des organisations proscrites, et il est désormais illégal pour quiconque au Canada de participer sciemment aux activités de ce groupe. On nous avait dit de ne pas le faire, que cela nous coûterait des votes aux prochaines élections. Mais nous nous en sommes tenus à nos principes.


Voici un deuxième exemple, celui de l’Afghanistan. Que personne ne se berce d’illusions. Nous savions dès le début que la tâche serait difficile. Nous avons vu de jeunes Canadiens faire l’ultime sacrifice au service de leur pays. Nous sommes profondément affligés par ces pertes, et la nation tout entière pleure les disparus. Nous faisons le maximum pour protéger nos gens en Afghanistan.


Notre détermination est sans faille. Nous sommes résolus à mener cette mission à bien, parce que les enjeux sont si élevés. La sécurité du Canada a été mise à risque par les événements du 11 septembre 2001, des événements qu’on peut lier directement aux extrémistes à qui le gouvernement taliban avait offert une base d’opérations sûre en Afghanistan. C’est pourquoi les efforts de reconstruction et de démocratisation de l’Afghanistan sont au cœur de la campagne contre le terrorisme.


Nous avons aussi l’obligation morale d’aider ce pays à se relever de décennies marquées par des conflits, la misère et l’oppression. Le gouvernement afghan a demandé l’aide de la communauté internationale, qui a répondu à l’appel.


L’ONU [Organisation des Nations Unies] a monté en Afghanistan sa plus importante mission politique au monde. Environ 31 000 militaires provenant de 37 pays participent en effet à la Force internationale d’assistance à la sécurité [FIAS], qui est dirigée par l’OTAN, et plus de 60 pays contribuent au développement de l’Afghanistan.


L’ONU joue sa crédibilité dans cette affaire. Il est primordial que cette mission soit couronnée de succès si nous voulons que prévale notre vision du monde, un monde où les institutions internationales travaillent pour tous les peuples de l’humanité.


Les défis à relever en Afghanistan sont énormes. Ils exigent un effort concerté intégrant à la fois la sécurité, la gouvernance et le développement. Ces trois pôles sont essentiels certes, mais la sécurité et la stabilisation sont fondamentales. C’est pourquoi la présence de nos troupes là-bas est si nécessaire. Sans sécurité, les efforts pour construire les structures de base de la gouvernance ne peuvent prendre racine. Si la sécurité des civils afghans n’est pas assurée, l’aide apportée par la communauté internationale pour soulager la pauvreté et la faim, et améliorer le sort des individus et des familles ne peut être aussi efficace qu’elle le devrait.


Et laissez-moi vous dire que nous mettons tout en œuvre pour rejoindre ceux qui sont dans le besoin. En mai dernier, le premier ministre Harper a annoncé l’injection de 310 millions de dollars supplémentaires au titre du développement de l’Afghanistan pour l’année 2006-2007, ce qui a porté à près de 1 milliard de dollars la contribution totale du Canada sur 10 ans, soit de 2001 à 2011.


Il y a tout juste un mois, le gouvernement a annoncé que l’ACDI [Agence canadienne de développement international] allait verser plus de 58 millions de dollars pour aider à reconstruire les infrastructures nécessaires et donner accès à des soins de santé, à de l’eau propre, à des systèmes d’assainissement et d’irrigation, et à l’éducation — bref, les services de base dont les gens ont le plus besoin. Un autre montant de 14,5 millions de dollars sera consacré à un projet qui aidera 1 500 femmes à pratiquer l’horticulture, ce qui leur permettra de gagner un revenu et d’améliorer le régime alimentaire de leur famille.


Le Canada répond aux besoins immédiats de la province de Kandahar en versant 5 millions de dollars au Programme alimentaire mondial pour aider 12 000 familles déplacées, et un autre 5 millions de dollars à l’Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite, laquelle vise à immuniser plus de 7 millions d’enfants afghans.


Voilà seulement quelques exemples du soutien que le Canada apporte au peuple afghan. Cette aide est acheminée par divers moyens, et répond à des besoins variés — nourrir les pauvres, instruire les enfants, offrir de meilleurs soins de santé, construire des infrastructures, encourager l’entreprenariat local et le développement. Le travail est difficile, et souvent dangereux, mais il en vaut la peine.


Les Talibans savent que la population afghane ne veut pas les revoir. Malgré les nombreux dangers que cela représentait, les Afghans ont voté deux fois pour élire leurs propres représentants. Et nous savons ce qu’ils veulent. Ils veulent vivre à l’abri de la peur. Ils veulent améliorer le sort de leurs familles. Les Afghanes veulent que leurs droits soient respectés, et avoir davantage de débouchés. Les jeunes filles veulent aller à l’école, tout comme leurs frères. Les Afghans veulent être débarrassés de la tyrannie.


La réponse à long terme qu’il faut servir aux fanatiques comme les Talibans est de montrer à la population qu’il existe une alternative pacifique aux incessantes querelles, une façon d’assurer la prospérité et la sécurité pour tous, par la primauté du droit et le respect des droits. Cela s’appelle la démocratie. Chaque pas vers l’installation d’un gouvernement démocratique fonctionnel réduit d’autant le risque de voir l’Afghanistan devenir une source de menace terroriste pour le Canada et ses alliés.


Voilà notre objectif en Afghanistan. Voilà pourquoi des gens venus de tous les horizons risquent leur vie pour donner aux Afghans un avenir meilleur. Voilà pourquoi le Canada est là-bas, et pourquoi il doit y rester jusqu’à ce que le travail soit terminé


Je vais vous donner un troisième exemple, celui du Moyen-Orient.


On nous a reproché de trahir les positions traditionnelles du Canada à l’égard de la région. Je ne suis pas d’accord. Nous défendons toujours les éléments fondamentaux d’une politique canadienne de longue date.


Israël est un État souverain, dans les faits comme en droit. Il n’a besoin de la permission de personne pour exister. Il a le droit d’assurer sa propre sécurité, y compris celui de protéger ses citoyens contre les attaques, un droit reconnu en droit international. En même temps, notre gouvernement croit qu’Israël a le devoir de protéger les civils. Nous avons dit à quel point il importe qu’Israël fasse en sorte d’éviter que les civils figurent parmi les blessés et les morts.


Le peuple palestinien a droit à l’auto-détermination, et nous sommes favorables à une solution à deux États obtenue par la voie de la négociation. Nous croyons que la création d’un État palestinien souverain, indépendant et viable devrait faire partie d’un règlement de paix global, juste et durable.


Le règlement négocié demeure notre objectif premier, et nous nous opposons à toute action unilatérale susceptible de prédéterminer l'issue des négociations sur le statut final.


Nous soutenons la Feuille de route proposée par les États-Unis, la Russie, l’Union européenne et les Nations Unies en vue d’un règlement permanent du conflit israélo-palestinien.


Voilà pour ce qui n’a pas changé. Ce qui a changé par contre, ce sont les conditions sur le terrain au Moyen-Orient, des développements qui ont mis à l’épreuve les principes du Canada et exigé de notre part des réponses décisives.


La première épreuve a été la création d’un gouvernement palestinien dominé par le Hamas. Or, le Hamas est inscrit sur la liste des entités terroristes aux termes de la loi canadienne, ce qui exclut tout financement à ceux qui risquent de le soutenir. Mais, plus important encore, le Hamas bloque la route de la paix.


Nous n’avons donc jamais cessé de demander au Hamas de renoncer à la violence, de reconnaître le droit à l’existence d’Israël, et d’accepter les ententes antérieures, comme les Accords d’Oslo et la Feuille de route pour la paix au Moyen-Orient. Ces objectifs étant clairs, personne ne devrait s’étonner de voir que nous avons décidé de suspendre tout financement du gouvernement du Canada à l’Autorité palestinienne dirigée par le Hamas. Notre décision ne changera pas tant que le Hamas lui-même ne changera pas.


Nous faisons cependant une distinction entre l’aide à l’Autorité palestinienne et l’aide humanitaire destinée à la population palestinienne. Cette aide humanitaire continue d’être acheminée par l’entremise d’organisations multilatérales et non gouvernementales, et elle fait l’objet d’une étroite surveillance pour éviter qu’elle ne soit détournée vers le Hamas ou tout autre groupe terroriste.


On nous objectera que le Hamas a été élu à l’occasion d’un scrutin libre et juste, et que nous devons accepter le choix des électeurs palestiniens. Ce n’est pas vrai. Nous appuyons le processus démocratique, mais cet appui n’est pas inconditionnel. Il y a des limites que nous ne franchirons pas. La véritable démocratie est incompatible avec le soutien au terrorisme exercé contre les citoyens d’un autre pays.


Quand le Hezbollah a attaqué les soldats et les civils israéliens l’été dernier, nous avons soutenu le droit d’Israël à se défendre. Certains critiques nous ont alors invités à être plus « neutres » à l’égard de ce conflit.


Je trouve cela à la fois incroyable et affligeant. Où est la neutralité entre le droit d’Israël à exister et les attaques terroristes du Hezbollah menées contre ce pays? Y a-t-il quelque chose qui m’échappe dans cette équation? Je ne crois pas. Je pense que la « neutralité » sur un point aussi fondamental revient simplement à dire que la survivance d’Israël ne nous fait ni chaud ni froid.


Or, ce n’est pas le cas. Nous tenons à ce que le droit d’Israël à vivre dans la paix et la sécurité soit reconnu par tous ses voisins et toutes les autres nations de la terre. Nous tenons à ce que chaque organisation terroriste menaçant Israël soit vaincue ou renonce à la violence.


C’est pourquoi le premier ministre Harper a pris clairement position lors du récent Sommet de la Francophonie, en Roumanie. Une motion avait alors été présentée exprimant la solidarité avec le peuple libanais pour les souffrances qu’il endurait, mais pas avec le peuple israélien pour les siennes.


Les pertes de vie et la destruction au Liban ont été des événements tragiques, et le Canada contribue à l’énorme effort international déployé pour aider à reconstruire ce pays. Cependant, le premier ministre a clairement indiqué qu’il ne pouvait pas et n’allait pas soutenir un ajout aussi polarisé à la Déclaration finale. Il a dit que notre solidarité avec un peuple devrait être fondée sur notre humanité commune, et non sur la nationalité de ce peuple. Le Canada a insisté pour que la Déclaration reconnaisse aussi les souffrances du peuple israélien.


Notre premier ministre n’a pas lâché prise, le libellé du texte a été changé et chacun dans l’assemblée a très nettement compris que le Canada est sérieux quand il parle, et qu’il respecte sa parole.


Voilà le leadership du Canada en action, un leadership solidement fondé sur des principes. Voilà le genre de politique étrangère que les Canadiens recherchent : le Canada, une nation vivant selon de solides principes, un chef de file des efforts visant à construire un monde plus sûr. Et je puis vous assurer que c’est exactement le genre de politique étrangère que vous verrez à l’œuvre sous ce gouvernement.


Je vous remercie.