Le 13 mai 2006
SAINT-BONIFACE (Manitoba)
2006/6
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DU
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET MINISTRE DE L’AGENCE DE PROMOTION ÉCONOMIQUE
DU CANADA ATLANTIQUE,
M. PETER MACKAY,
À L'OCCASION DE LA SÉANCE INTRODUCTIVE
DE LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE SAINT-BONIFACE
SUR LA PRÉVENTION DES CONFLITS ET LA SÉCURITÉ HUMAINE
« LES NOUVEAUX DÉFIS, L'ÉTAT ET LA RESPONSABILITÉ
DE PROTÉGER »
La période qui a suivi la guerre froide a été marquée par une série de désastres
humanitaires — en Somalie, en Bosnie-Herzégovine, au Rwanda, au Kosovo — qui ont
mobilisé la communauté internationale sur la question de la protection des populations
civiles. Aujourd'hui, avec la crise qui se perpétue au Darfour, malgré la signature de
l'accord de paix, on ressent une angoisse profonde devant la vulnérabilité des
populations civiles dans un contexte d'insécurité croissante.
Dans trop de conflits, les combattants n'ont d'autre but que de provoquer la mort et le
déplacement des civils. Cette situation tragique est intolérable. L'impunité que
s'approprient les responsables de violations des droits de la personne et du droit
humanitaire laisse un legs douloureux à gérer pour les sociétés déchirées par la guerre.
Malgré un large consensus en ce qui a trait à l'impérieuse nécessité de mettre en
œuvre les normes humanitaires et de protéger les civils contre les pires menaces pour
leur sécurité, nous sommes encore loin du compte dans la réalisation de cet objectif.
Sans aucun doute, le plus difficile en la matière est de décider quoi faire dans les cas
de conflit interne. En effet, ces conflits mettent souvent en opposition les principes
fondamentaux de la souveraineté et de la non-ingérence, et les obligations
humanitaires.
Le Canada a fait la promotion de la responsabilité de protéger tant pour transcender ce
dilemme que pour fournir un modèle de réponse à la communauté internationale. La
responsabilité de protéger est maintenant devenue une norme universellement
reconnue, y compris par le principal organe chargé de sa mise œuvre, soit le Conseil
de sécurité [des Nations Unies].
Le Sommet mondial des Nations Unies de 2005 a permis de dégager un consensus
international sur la responsabilité de protéger. Il reconnaît qu'il incombe à chaque État
de protéger ses populations civiles du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage
ethnique et des crimes contre l'humanité. Il stipule également que la communauté
internationale doit encourager et aider les États à s'acquitter de cette responsabilité. De
plus, les pays membres ont réaffirmé formellement lors du Sommet leur volonté de
prendre des mesures promptes et décisives, par la voie du Conseil de sécurité, lorsque
les moyens pacifiques ne suffisent pas et que, de toute évidence, les autorités
nationales ne parviennent pas à protéger leurs populations contre les génocides, les
crimes de guerre, les nettoyages ethniques et autres crimes contre l'humanité.
Il y a un peu plus de deux semaines, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté
la résolution 1674 sur la protection des civils, qui donne l'appui du Conseil de sécurité
au principe de la responsabilité de protéger.
La Francophonie a toutes les raisons de se réjouir de cette importante étape. En 2004
au Sommet de Ouagadougou, la Francophonie avait pris les devants en acceptant le
principe de la responsabilité de protéger.
Nous sommes heureux qu'un consensus global ait été atteint sur ces normes.
Cependant, il est également important que nous mettions en place des mesures afin de
concrétiser nos engagements. Pour cela, nous devons faire en sorte que la
communauté internationale ait l'information, la volonté et la capacité pour répondre
efficacement au génocide, aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité, y
compris la prévention et la suppression de ces crimes, et la poursuite en justice de
leurs auteurs.
Les organisations multilatérales, et spécialement les organisations transrégionales
comme la Francophonie, ont un important rôle à jouer dans le renforcement du principe
de la responsabilité de protéger. Elles peuvent jouer ce rôle en insistant auprès de leurs
membres pour que ce principe soit mis en œuvre à l'échelle nationale et internationale.
La Francophonie a un rôle à jouer dans la promotion de la responsabilité qui incombe à
l'État de protéger les civils, en insistant pour que des mesures concrètes soient prises
en ce sens aux échelons national et international. Il s'agit, entre autres, de renforcer la
capacité des États, tout comme celle des institutions et des acteurs internationaux, à
réduire efficacement les risques d'attaque contre les populations civiles, et à y
remédier.
La Francophonie devrait également être en mesure de contribuer à un système d'alerte
précoce qui transmettrait à la communauté internationale de l’information plus détaillée
et plus ponctuelle sur les crises imminentes.
Le Canada continue de soutenir que le principe de la responsabilité de protéger doit
être incorporé aux normes et pratiques du Conseil de sécurité. Pour cette raison, le
Canada continue à inviter le Conseil de sécurité à adopter des principes directeurs
auquel le Conseil se référerait avant d'autoriser l'utilisation de la force militaire, tel que
recommandé par le secrétaire général des Nations Unies. Ces principes sont la gravité
de la menace — il faut que les dommages soient irréparables; la bonne intention — il
faut que le motif de l'intervention soit clairement d'éviter les souffrances humaines; le
dernier recours — il faut que tous les moyens pacifiques se révèlent inadéquats; la
proportionnalité des moyens — il faut que toute intervention militaire se limite au
minimum nécessaire; et des perspectives raisonnables — il faut que les chances de
succès de l'intervention soient réelles. Nous encourageons la Francophonie à peser de
tout son poids pour soutenir cet effort.
Le défi auquel nous faisons face est de mettre en œuvre nos engagements. Le Canada
va continuer à travailler d'arrache-pied, aux Nations Unies, au sein de la Francophonie
et des autres tribunes multilatérales, pour que la responsabilité de protéger soit non
seulement reconnue, mais également mise en œuvre. Bien sûr, pour ce faire, nous
compterons sur l'appui de nos partenaires francophones.
Je vous remercie.