Le 14 mars 2005
GENÈVE, Suisse
2005/14
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À
LA 61e SESSION DE LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Il me fait grand plaisir de me retrouver avec vous ici, à la Commission des droits de
l’homme des Nations Unies, pour débattre de questions fondamentales quant à la
promotion et la protection des droits de la personne, questions qui touchent à la dignité
humaine en même temps qu’à la paix et à la sécurité de notre monde.
Lorsque nous jetons un regard sur le monde d’aujourd’hui, nous constatons les
avancées démocratiques des dernières décennies, mais aussi la prolifération des
conflits intra et inter-étatiques ainsi que la montée du terrorisme comme méthode de
revendication. Dans ce contexte, les progrès accomplis en matière de promotion et de
protection des droits de la personne restent trop limités. Ils ont en effet été
accompagnés d’épisodes bouleversants d’atrocités, menant trop souvent à des
situations graves où des crimes contre l’humanité ont été commis.
Ces dernières semaines, de nouvelles perspectives de paix sont apparues au
Moyen-Orient. Nous trouvons encourageants les progrès observés dans la région,
progrès qui, nous l’espérons, ouvriront la voie à une action plus constructive face à la
question des droits de la personne. Cela dit, on ne peut garder le silence sur la
situation dans certains États. Malgré deux résolutions adoptées à l’Assemblée générale
des Nations Unies et plusieurs visites des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur
les droits de l’homme, l’Iran n’a toujours pas honoré bon nombre de ses obligations
internationales concernant le respect de ces droits. Le temps est venu pour l’Iran de
démontrer sa volonté d’améliorer sa feuille de route à cet égard. Les violations des
droits de la personne en Iran sont graves et doivent cesser.
Le Canada continue de faire la promotion d’un système multilatéral fort, capable de
faire face à toute la série de défis contemporains qui sont interreliés, depuis le
développement jusqu’aux droits de la personne, en passant par la paix et la sécurité.
Alors que la communauté internationale s’apprête à se réunir pour le Sommet des
chefs d’État et de gouvernement à New York cet automne, à l’occasion du 60e
anniversaire des Nations Unies, l’année en cours nous offre une occasion sans
précédent depuis la création des Nations Unies de nous engager dans la réforme du
système multilatéral afin d’augmenter son efficacité et sa capacité à s’attaquer aux
défis d’aujourd’hui. Le Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les
menaces, les défis et le changement, ainsi que le rapport Investir dans le
développement : plan pratique pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le
développement, ont déjà stimulé les débats à ce sujet, et nous attendons avec grand
intérêt le rapport du Secrétaire général des Nations Unies qui doit paraître sous peu. Le
Canada entend contribuer très activement aux discussions sur la réforme des Nations
Unies, en particulier celles sur les droits de la personne.
La réforme des Nations Unies et les droits de la personne
Le système multilatéral de promotion et de protection des droits de la personne a été la
cible récemment de nombreuses critiques, plusieurs d’entre elles fort pertinentes. La
Commission des droits de l’homme, tout particulièrement, a vu sa crédibilité remise en
question. Le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau touche à cette
question d’une façon très éloquente.
Qu’attendons-nous d’un système multilatéral de promotion et de protection des droits
de la personne? Le Canada considère qu’un tel système devrait nous permettre
d’élaborer des normes, de surveiller le respect des droits de la personne à travers le
monde, de promouvoir un dialogue constructif, d’appuyer le renforcement des
capacités des États membres à promouvoir et protéger ces droits, et enfin, en cas de
violations graves, d’intervenir pour protéger les populations vulnérables.
Ce système devrait être souple afin, à la fois, de progresser dans de nouveaux
domaines, comme combattre la discrimination liée à l’orientation et à l’identité
sexuelles; relever les défis du jour, par exemple quant au respect des droits de la
personne dans la lutte contre le terrorisme; et enfin poursuivre sans relâche le travail
pour s’attaquer à de « vieilles » questions malheureusement toujours d’actualité,
comme la torture, le racisme et le déni d’opinion.
Pour y arriver, il faut un plan cohérent et complet, et j’aimerais en mentionner ici
quelques éléments clés.
• Tout d’abord, il faut intégrer la promotion et la protection des droits de la
personne à l’ensemble des activités de l’ONU. À ce chapitre, je me dois de
féliciter le Haut Commissaire et son bureau pour leur travail de concert avec les
agences humanitaires au Darfour. Mais beaucoup reste à faire, tant pour
opérationaliser la protection des droits de la personne sur le terrain que pour
s’assurer que tous les organes des Nations Unies, y compris le Conseil de
sécurité, accordent à ces droits l’attention qu’ils requièrent. La situation au
Darfour met en lumière, en particulier, le lien entre les conflits et les droits de la
personne : l’importance de la promotion et de la protection des droits de la
personne comme moyen de prévenir les conflits, en tant qu’obligation
fondamentale des États pendant un conflit et comme moyen aussi de rétablir
une paix durable et de chercher un développement équitable après un conflit.
• Il est en outre essentiel de rétablir la crédibilité de la Commission et de renforcer
l’utilité et la qualité de son travail. C’est pourquoi nous voyons d’un œil favorable
la proposition d’universaliser sa composition. Tous les États membres auraient
ainsi la possibilité de s’engager face aux questions de droits de la personne – et
nous nous attendrions à un engagement responsable et constructif. Nous
devrions aussi chercher à améliorer les méthodes de travail de la Commission,
remanier son ordre du jour et envisager la possibilité de tenir plus de sessions –
mais plus courtes peut-être – pendant l’année. À cet égard, nous sommes
favorables à l’idée d’un équilibre entre la considération de la situation dans
certains pays et la considération de questions thématiques. En effet, toutes les
personnes dont les droits sont violés vivent quelque part, dans un pays donné.
Le Canada estime que lorsque la Commission est interpellée par l’ampleur des
violations dans certaines situations, elle se doit de réagir en faisant plus
qu’émettre des ordonnances générales. Nous nous inquiétons des positions de
groupe adoptées contre ces résolutions, en particulier du recours aux motions de
« non-action », qui empêchent de faire aboutir le débat sur les résolutions
concernant certains pays. Nous croyons que ces motions constituent un recours
abusif aux règles de procédure incompatible avec les responsabilités qui nous
incombent en qualité de membres de la Commission des droits de l’homme. De
plus, pour favoriser une culture marquée par la transparence et l’imputabilité,
nous pourrions envisager la possibilité de demander à la Commission
d’examiner, sur plusieurs années, la situation des droits de la personne dans
chaque État membre des Nations Unies.
• Par ailleurs, il faut consacrer au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits
de l’homme plus de fonds du budget ordinaire de l’ONU, afin que celui-ci puisse
réaliser ses activités dans de nombreux domaines critiques pour les droits de la
personne, y compris l’appui aux procédures spéciales, aux organes des traités,
ainsi qu’à l’assistance technique et aux opérations sur le terrain. Ces différents
instruments de promotion et de protection des droits de la personne devraient
également faire l’objet d’améliorations.
Le Canada appuiera donc toutes les mesures qui visent une plus grande intégration
des droits de la personne au travail de l’ONU et un renforcement des structures se
rapportant aux droits de la personne. Mais à cela s’ajoute la nécessité de s’assurer que
la communauté internationale possède à la fois la volonté et la capacité de répondre
efficacement et rapidement aux situations de crise où des crimes contre l’humanité et
crimes de guerre sont commis et où la protection des civils est menacée et les droits de
la personne violés. La promotion de la responsabilité de protéger est au cœur de la
réforme des Nations Unies. Nous sommes très heureux du contenu du rapport du
Groupe de personnalités de haut niveau à ce sujet, qui recommande notamment que
les règles quant à l'usage de la force soient incorporées dans des résolutions de l'ONU.
Le Canada croit que la déclaration qui émergera du Sommet de l'ONU en 2005 devrait
comporter la reconnaissance de la souveraineté en tant que responsabilité, et marquer
ainsi le fait que la souveraineté s'accompagne non seulement de droits mais aussi
d'obligations, particulièrement en ce qui concerne la protection des civils. De plus, le
Canada estime qu’il est d’une importance primordiale que le Conseil de Sécurité
négocie et adopte une résolution qui consigne les principes directeurs de l'usage de la
force recommandés par le Groupe de personnalités de haut niveau.
Le système multilatéral des droits de la personne : la contribution du Canada
La mise en œuvre de toutes ces réformes dépendra, évidemment, du soutien de
chacun des États membres des Nations Unies, et notamment des membres de la
Commission des droits de l’homme qui assument une responsabilité particulière à cet
égard. Le Canada s’engage, pour sa part, à assumer ses responsabilités. Ainsi :
• Nous comptons participer activement et de façon constructive au dialogue
portant sur la réforme. Nous travaillerons notamment à renforcer la collaboration
entre les pays de différentes régions, y compris par le biais de regroupements
informels tel le Réseau de la sécurité humaine ou encore le groupe des « amis
de la réforme de l’ONU ».
• Nous appuierons plus substantiellement le Haut Commissaire aux droits de
l’homme et son bureau. Nous nous sommes d’ailleurs engagés récemment à
rehausser notre contribution financière, à hauteur de 5 millions de dollars
canadiens sur trois ans.
• Nous contribuerons aussi activement aux travaux de la Commission des droits
de l’homme, notamment en présentant des résolutions habilitant la communauté
internationale à progresser dans certains domaines.
Permettez-moi d’en dire davantage sur le travail que nous entreprendrons sur certaines
résolutions cette année. Lutter contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux
graves au moyen de mécanismes tant nationaux qu’internationaux, comme la Cour
pénale internationale, demeure une priorité du Canada. La justice et la réconciliation à
l’intérieur des sociétés qui sortent d’un conflit passent par l’imposition de l’obligation de
rendre compte de ses actes lorsqu’il y a eu violation des droits de la personne. Cette
année, la Commission devrait accueillir avec satisfaction l’actualisation des Principes
concernant l’impunité, et elle devrait épauler le Haut Commissaire, qui s’emploie à aider
les États et le système de l’ONU à assumer leur responsabilité de protéger les victimes
des pires violations des droits de la personne.
Le Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones est une autre priorité du
Canada. Nous nous servirons de notre résolution pour demander d’ajouter une session
pour le Groupe de travail des Nations Unies chargé du Projet de déclaration. Ses
travaux ont beaucoup avancé ces deux dernières années, et les États et les peuples
autochtones doivent profiter de l’occasion pour produire en 2005 une déclaration forte
et d’une réelle portée.
En écho au 10e anniversaire de la Déclaration de Beijing célébré récemment à la
Commission du statut de la femme à New York, je tiens à affirmer que la promotion des
droits des femmes et l’égalité entre les sexes continuent d’être au cœur de la politique
étrangère canadienne. À New York, les États se sont prononcés à nouveau en faveur
de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, et ils ont réitéré leur
engagement à les mettre en œuvre intégralement. Nous encourageons d’abord et
avant tout les États à respecter le caractère universel et indivisible des droits des
femmes, y compris leur droit à la santé et leur droits en matière de sexualité et de
reproduction, et de refuser de subordonner ces droits à des considérations d’ordre
politique et culturel. Le Canada est fier de parrainer une résolution de la Commission
sur la violence contre les femmes depuis 11 ans maintenant.
La mise en œuvre à l’échelle nationale des obligations internationales
Il est du ressort de chaque État membre d’assurer la mise en œuvre des normes
internationales en son propre pays et, ce faisant, de collaborer pleinement avec le
système multilatéral des droits de la personne. Ici aussi, le Canada entend assumer
ses responsabilités – tant face à ses propres citoyens qu’envers la communauté
internationale – et invite tous les autres États à en faire autant.
• Le Canada a déjà ratifié de très nombreux instruments internationaux. Nous
comptons examiner très sérieusement la possibilité d’en ratifier d’autres,
notamment le Deuxième Protocole additionnel au Pacte sur les droits civils et
politiques (relativement à la peine de mort). Nous comptons aussi respecter nos
engagements quant aux rapports à soumettre aux organismes de surveillance
des traités.
• Dans un esprit de transparence et imputabilité, nous avons émis il y a plusieurs
années une invitation ouverte de visiter le Canada aux procédures spéciales de
la Commission. Nous maintenons cette invitation. Après avoir reçu la visite du
Rapporteur sur les formes contemporaines de racisme, discrimination raciale,
xénophobie et intolérance ainsi que celle du Rapporteur sur les droits de
l’homme et les libertés fondamentales des peuples autochtones au cours des 18
derniers mois, nous recevrons prochainement la visite du Groupe de travail sur
les détentions arbitraires. La visite du Rapporteur spécial sur le racisme a été
l’occasion pour le gouvernement de réaffirmer son engagement à lutter contre le
racisme et à continuer les efforts pour élaborer un plan d’action contre le
racisme. Le rapport sur la visite au Canada du Rapporteur spécial sur les
peuples autochtones est une contribution positive aux efforts collectifs que nous
accomplissons pour améliorer la vie de tous les Autochtones du Canada. De
façon générale, nous considérons très sérieusement les observations et
recommandations formulées lors des nombreuses visites des procédures
spéciales au Canada.
• Enfin, le Gouvernement du Canada s’engage à maintenir un dialogue ouvert et
constructif avec la société civile canadienne sur toutes les questions relatives
aux droits de la personne.
Pour terminer, je tiens à souligner que le Canada célébrera le mois prochain le
vingtième anniversaire de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.
L’article 15 dit : « La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous,
et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment
de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales
ou physiques ». Cet article est l’expression même de la profonde détermination du
Canada à promouvoir une société où l’on reconnaît la valeur de chaque individu et de
son apport à la collectivité. Au cours des 20 dernières années, le Canada a cheminé
vers une ère d’égalité significative, où nous acceptons et encourageons la différence et
promouvons le traitement identique pour tous. Le Canada est un projet politique
unique. En tant que société ouverte, nous avons pris le pari et le défi de l'égalité dans
la différence et c'est maintenant un jalon de notre identité et nous en sommes fiers.
Je vous remercie.