Le 22 mars 2005
OTTAWA (Ontario)
2005/20
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L’HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L’OCCASION DES CONSULTATIONS
SUR LA STRATÉGIE POUR LE NORD
LORS DE LA TABLE RONDE SUR
LE RENFORCEMENT DE LA SOUVERAINETÉ, DE LA SÉCURITÉ ET
DE LA COOPÉRATION CIRCUMPOLAIRES
« LE RÔLE DE CHEF DE FILE DU CANADA
DANS LE MONDE CIRCUMPOLAIRE »
La stratégie pour le Nord et la politique étrangère du Canada
Il est important que la Stratégie du Canada pour le Nord ait une dimension
internationale aussi bien que nationale. Nous nous rendons tous compte de plus en
plus qu’à l’ère de la mondialisation, ce qui se passe dans le monde nous touche
directement, ici, au Canada.
Il faut que nous soyons prêts à établir les liens nécessaires entre ce que nous
essayons de faire sur la scène internationale et ce que nous voulons faire au pays pour
assurer la sécurité et la prospérité des Canadiens.
C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit des territoires arctiques du Canada, où les
problèmes du changement climatique, des polluants transfrontaliers, des habitats de la
faune aquatique et terrestre, et de l’extraction des ressources naturelles, entre autres,
sont à la fois internationaux et nationaux dans leurs causes, leurs impacts et leurs
solutions.
L’élaboration d’une Stratégie pour le Nord qui soit complète est donc pour nous tous,
qui travaillons dans le domaine des politiques gouvernementales, une occasion cruciale
de collaborer efficacement au bénéfice de tous les Canadiens, et des habitants du
Nord en particulier.
Le ministère des Affaires étrangères tient à jouer un rôle utile dans cette entreprise.
En fait, nous y sommes déjà engagés depuis plusieurs années. Je tiens à souligner le
rôle de chef de file qu’a joué à cet égard un de mes anciens collègues, qui a aussi été
un de mes prédécesseurs, M. Lloyd Axworthy.
Sous sa gouverne, le Canada a joué un rôle clé dans la fondation du Conseil de
l’Arctique, et il a supervisé la définition du premier cadre de politique étrangère destiné
à orienter les positions du Canada dans le monde circumpolaire, Le volet nordique de
la politique étrangère du Canada.
Les objectifs définis il y a cinq ans dans Le volet nordique de la politique étrangère du
Canada s’appliquent sans réserve à la Stratégie pour le Nord. Permettez-moi de les
rappeler :
• accroître la sécurité et la prospérité des Canadiens, plus particulièrement des
habitants du Nord et des Autochtones;
• affirmer et préserver la souveraineté du Canada dans le Nord;
• faire de la région circumpolaire une entité géopolitique dynamique, intégrée au
système international;
• promouvoir la sécurité humaine des habitants du Nord et le développement
durable de l’Arctique.
La Stratégie pour le Nord se veut un cadre supplémentaire solide, une stratégie
pangouvernementale qui pourra nous aider dans le travail international que nous
effectuons au niveau circumpolaire et que nous allons poursuivre au cours des années
à venir.
Permettez-moi de soulever quelques enjeux relativement à l’objectif du renforcement
de la souveraineté, de la sécurité nationale et de la coopération circumpolaire qui figure
dans la Stratégie pour le Nord, car il s’agit de priorités pour le ministère des Affaires
étrangères et je serai heureux d’obtenir votre avis à leur sujet.
Le Conseil de l’Arctique
L’influence du Canada a augmenté dans la région circumpolaire à la suite de la
création du Conseil de l’Arctique. Celui-ci contribue à améliorer nos relations avec nos
voisins circumpolaires dans les dossiers nordiques d’intérêt commun.
Ce qui est tout aussi important, le travail du Conseil a propagé l’idée que le dialogue et
la coopération à l’échelle internationale doivent aller au-delà des négociations entre les
États.
En appuyant l’inclusion dans le Conseil de plusieurs organisations autochtones
circumpolaires en tant que participants permanents, le Canada a témoigné sa volonté
d’impliquer directement dans le processus de décision concernant les politiques
nationales et internationales ceux et celles que ces politiques touchent le plus
directement.
En conséquence, le Conseil de l’Arctique est devenu en moins de 10 ans la principale
institution du dialogue multilatéral sur les enjeux circumpolaires. Son succès futur sera
une priorité de la politique étrangère canadienne.
À la conférence des ministres du Conseil de l’Arctique, qui a eu lieu en novembre 2004,
dont j’étais malheureusement absent (devant assister à une conférence des ministres
des Affaires étrangères du G8 et du Moyen-Orient en Égypte), le Canada a été
représenté efficacement par le ministre de l’Environnement, M. [Stéphane] Dion, et je
sais que le Conseil a discuté à cette occasion de divers enjeux et examiné divers
rapports.
L’un d’entre eux, en particulier, revêt une importance primordiale pour les travaux futurs
du Conseil. Il s’agit du rapport d’Évaluation de l’impact du changement climatique dans
l’Arctique.
Ce rapport, auquel des Canadiens ont beaucoup contribué (dont certains et certaines
d’entre vous, probablement!), énonce un certain nombre de données scientifiques et
d’initiatives gouvernementales sur les moyens de lutter contre les effets du changement
climatique sur l’Arctique circumpolaire.
Pris globalement, ceux-ci révèlent des défis qui vont demander de nouvelles façons de
penser et des approches créatives.
Nous avons du pain sur la planche pour traiter les graves impacts économiques,
environnementaux et sociaux — tant négatifs que positifs — qu’entraîne et que va
entraîner le changement climatique dans les collectivités arctiques.
La Stratégie pour le Nord et le plan du Canada sur les changements climatiques, qui
sera divulgué bientôt, devront tenir compte du fait que l’environnement arctique est
particulièrement menacé par le changement climatique mondial (il est « sur la ligne de
front », pourrait-on dire).
Lorsque le Canada accueillera en décembre prochain la conférence des parties
contractantes au Protocole de Kyoto, la première à avoir lieu depuis l’entrée en vigueur
du Protocole le mois dernier, nous aurons tous et toutes l’occasion de faire preuve de
leadership dans ce dossier et de le mettre en vedette.
J’ai hâte d’entendre vos opinions et vos conseils sur ce que nous devrions faire pour
cela, ici et dans le cadre du Conseil de l’Arctique.
La souveraineté sur l’Arctique
La question du changement climatique a aussi donné lieu à un débat à propos de son
impact sur la souveraineté du Canada.
Or, il se trouve que le Canada a très bien réussi au fil des ans à affirmer ses droits sur
le territoire arctique. Personne ne conteste notre souveraineté sur les terres et les îles
du Nord, à l’exception de l’îlot Hans, revendiqué par le Danemark.
Bien sûr, nous avons des différends frontaliers, dont le plus important nous oppose aux
États-Unis dans la mer de Beaufort, mais ils ne pourront être résolus que lorsque les
conditions seront favorables pour toutes les parties.
Personne ne conteste nos droits sur les ressources du Nord, ni notre droit d’en protéger
l’environnement.
En fait, ayant adhéré depuis peu à la Convention sur le droit de la mer, nous sommes
bien placés pour faire valoir nos prétentions sur de vastes étendues de fonds marins
océaniques.
Nous avons commencé à définir les limites extérieures de notre plateau continental
dans les océans Atlantique et Arctique; le budget 2004 avait d’ailleurs réservé
70 millions de dollars à cet ambitieux projet.
Le principal sujet de préoccupation est le risque d’une augmentation de la navigation
qui pourrait résulter du recul de la couverture de glace sous l’effet du changement
climatique; le gouvernement le prend très au sérieux.
En principe, le Canada ne s’oppose pas à la navigation internationale dans le passage
du Nord-Ouest, pourvu qu’elle respecte les conditions et les mesures de contrôle qu’il
prescrit pour protéger la sécurité, l’environnement et les intérêts économiques de ses
populations nordiques.
Franchement, je ne suis pas du tout certain que la navigation commerciale augmentera
sensiblement dans le passage du Nord-Ouest au cours des décennies à venir, même si
la glace s’amincit de plus en plus. Il subsistera toujours une certaine quantité de glace,
qui créera des conditions périlleuses pour les navires, et les primes d’assurance
exorbitantes auront un effet dissuasif.
Cela dit, il faut être vigilants. Nous allons continuer de contrôler systématiquement tous
les navires étrangers qui pourraient vouloir franchir le passage, et nous guider dans
toutes nos actions sur notre position selon laquelle ces eaux sont des eaux intérieures
canadiennes.
Le ministère des Affaires étrangères va jouer un rôle important à ce chapitre.
J’ai demandé à mes fonctionnaires, en collaboration avec d’autres ministères fédéraux,
les gouvernements des territoires nordiques, les peuples autochtones et les
organisations communautaires du Nord, d’examiner les mesures que nous avons en
place pour contrôler les navires étrangers, afin que nous puissions nous préparer à
toute éventualité.
Si de nouvelles mesures s’imposent, nous les prendrons.
J’ai hâte de connaître vos avis sur ces idées et je compte en discuter avec vous
prochainement.
Cultiver l’habitude de la coopération circumpolaire
Le ministère des Affaires étrangères a un rôle vital à jouer, au Conseil de l’Arctique et
ailleurs, pour promouvoir une culture de coopération entre les États et les peuples
circumpolaires.
Malgré ce que je viens de dire sur la souveraineté, celle-ci, au XXIe siècle, doit être de
plus en plus une affaire d’engagement pour le bien commun, et non pas d’exclusion.
J’ai l’intention de consacrer mes énergies au développement des relations bilatérales
du Canada avec les membres du Conseil de l’Arctique, pour promouvoir une habitude
de coopération.
Par exemple, lors de mon dernier passage à Moscou, le ministre russe des Affaires
étrangères et moi avons convenu de reconstituer le groupe de travail sur l’Arctique et le
Nord de la Commission économique intergouvernementale, parce que ce sera un bon
moyen d’intensifier encore davantage nos relations nordiques.
Ce groupe de travail, qui réunira des gens d’affaires, des représentants d’organisations
non gouvernementales, de ministères fédéraux et de gouvernements territoriaux du
Canada ainsi que d’autres intéressés, surtout des habitants du Nord, va s’employer à
mettre les divers enjeux sur la table dans un contexte accessible, pour faire avancer les
choses.
Il sera contrôlé par les intéressés eux-mêmes, car ce sont eux qui connaissent les
problèmes et qui sont les mieux placés pour les régler.
Nos relations bilatérales avec les États-Unis dans les dossiers nordiques sont aussi
importantes.
Malheureusement, nous sommes encore exposés à la menace d’exploration pétrolière
dans la Réserve faunique nationale de l’Arctique; nous allons continuer d’exprimer
notre ferme opposition à cet égard.
Nous espérons malgré tout pouvoir développer notre coopération avec nos amis
américains en fonction de notre intérêt commun dans le bien-être de nos populations
du Nord.
Je prends acte par ailleurs de l’attention que la Norvège accorde à son programme
nordique et j’espère que nos deux pays pourront resserrer leur coopération. La
présence de l’ambassadeur de Norvège ici aujourd’hui est de bon augure!
La Finlande assumera en 2006 la présidence de l’Union européenne, où elle inscrira à
son programme une vision à long terme des activités de l’Union dans l’Arctique, ce qui
est aussi une circonstance favorable.
Le Canada devrait promouvoir cette vision énergiquement, dans le contexte du volet
nordique de nos relations avec l’Union européenne.
Permettez-moi de mentionner en terminant deux autres exemples de ce que nous
pouvons faire pour cultiver et ancrer des habitudes de coopération dans la région
circumpolaire.
Le premier est l’Université de l’Arctique, que le Canada a contribué à fonder il y a
quelques années et que le ministère des Affaires étrangères continue de soutenir
financièrement.
Cette université virtuelle favorise les relations professionnelles et personnelles entre les
jeunes générations dans la région du pôle Nord, relations qui peuvent se traduire par
une plus grande coopération et une meilleure compréhension mutuelle dans les années
et les décennies à venir.
En second lieu, l’Année polaire internationale qui aura lieu bientôt, en 2007-2008, est
une occasion extraordinaire de mettre en valeur les progrès accomplis dans les
sciences physiques aussi bien que dans les études sociales, dans toute la région
circumpolaire, et de nouer de nouveaux partenariats pour développer encore
davantage ces connaissances.
Alors que, comme d’autres initiatives gouvernementales, la Stratégie pour le Nord se
branche en direct, nous avons l’occasion de définir des objectifs très précis et des
intérêts particuliers dans l’arène circumpolaire en fonction de priorités nationales
spécifiques.
Ce qui va nous aider dans notre action internationale en clarifiant, sur le plan intérieur,
le programme du Canada pour le Nord et en nous permettant de recenser les dossiers
clés où le Canada devrait prendre la direction des activités internationales. Les
habitants du Nord vont ainsi être davantage en mesure de participer aux travaux
internationaux.
Tout cela ne sera pas facile, mais avec la contribution active des habitants du Nord et
de nombreux autres intervenants, y compris vous tous et toutes ici présents, nous
pourrons y arriver. Et nous y arriverons.
Je vous remercie.