Le 24 octobre 2005
OTTAWA (Ontario)
2005/40
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DANS LE CADRE DES JOURNÉES DE DROIT INTERNATIONAL
DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
« LE CANADA DANS LES AMÉRIQUES : QUINZE ANS À L’OEA »
C’est avec le plus grand plaisir que je m’adresse à vous aujourd’hui. Le fait que
l’Organisation des États Américains (OEA) ait choisi la faculté de droit de l’Université
d’Ottawa pour co-organiser cet événement réputé témoigne de son dynamisme et de
l’excellente réputation dont jouit cette institution. Je suis d’autant plus heureux d’être
parmi vous que la Conférence nous permet de souligner le quinzième anniversaire de
la pleine adhésion du Canada à l’OEA. Aujourd’hui, j’aimerais parler de la contribution
du Canada à l’OEA et des défis que nous devons relever dans les Amériques, entre
autres ceux de la promotion de la gouvernance démocratique, de l’État de droit et de la
protection des droits de la personne. Une telle discussion est d’autant plus utile que le
Canada prendra part la semaine prochaine au quatrième Sommet des Amériques à
Mar del Plata, en Argentine, aux côtés des dirigeants démocratiquement élus du
continent.
Toutefois, j’aimerais prendre quelques instants pour souligner un événement de toute
première importance.
Nous marquons aujourd'hui une date importante de l'histoire du monde. Il y a soixante
ans, alors que le monde se relevait difficilement des ravages de six années de guerre,
la Charte des Nations Unies était ratifiée, et le noyau du système multilatéral moderne
était mis en place. La Charte, qui commence par les mots désormais célèbres : « Nous,
peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la
guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles
souffrances [… ] », la Charte ne s'en tient pas là, mais aborde ensuite les thèmes des
droits de la personne, de la justice, du progrès social, de la tolérance et du respect.
Soixante ans après, l'ONU fait face à de nouveaux défis de plus en plus complexes
dans un monde en mutation. Le Canada s'applique avec diligence à aider à la réforme
de l'ONU, pour qu'elle occupe la place qui lui revient dans la direction du système
multilatéral. Nous avons accompli des progrès dans le document issu du Sommet
2005, qui reconnaît la nécessité d'une Commission de la consolidation de la paix, d'une
meilleure gestion de l'ONU, d'une réponse aux menaces pour la santé et de meilleurs
moyens d'éliminer les causes profondes de la pauvreté, de l'ignorance, de la terreur et
du désespoir.
Surtout, il entérine la responsabilité de protéger, une initiative canadienne qui reconnaît
sans ambiguïté la responsabilité internationale collective de protéger les populations du
génocide, des crimes de guerre, de l'épuration ethnique et des crimes contre
l'humanité.
Le Canada a tout lieu d'être fier des contributions remarquables qu'il n'a cessé
d'apporter aux travaux des Nations Unies au fil des ans. Comme le déclarait le
secrétaire général Kofi Annan à la Chambre des communes en mars dernier :
« Il serait difficile d'imaginer l'ONU sans le Canada, et j'irais même jusqu'à dire qu'il
serait difficile d'imaginer le Canada sans l'ONU. Multiculturel et bilingue, votre pays fait
figure de modèle parmi les membres de l'Organisation. »
Les quinze ans de participation du Canada à l'OEA
La promotion des priorités du Canada dans les Amériques
Lorsque le Canada s’est joint à l’OEA, l’hémisphère émergeait de décennies où la
dictature et le bris des droits de la personne étaient la norme davantage que
l’exception. Aujourd’hui, l’Amérique du Sud doit affronter les attentes grandissantes de
ses citoyens en matière de démocratie, d’emploi, de santé, d’éducation et d’équité.
Dans ce contexte, le Canada considère que l’OEA [Organisation des États américains]
est le véhicule tout indiqué pour promouvoir ses priorités dans la région, soit : la
promotion de la gouvernance démocratique, des droits de la personne, de la
croissance économique équitable et du développement social durable dans un
environnement sécuritaire.
Les liens que le Canada entretient avec les Amériques ont évolué au cours des
dernières années. En 1994, nous avons adhéré, aux côtés des États-Unis et du
Mexique, à l’Accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, notre premier accord de
libre-échange avec un pays d’Amérique latine. La même année, nous avons participé
au premier Sommet des Amériques à Miami, où l’idée de créer une Zone de libre
échange des Amériques [ZLEA] a été lancée. En 2000, nous avons été l’hôte de notre
première Assemblée générale de l’OEA à Windsor, pour ensuite être l’hôte du troisième
Sommet des Amériques à Québec en 2001. De nos jours, le Canada est le deuxième
contributeur en importance de l’OEA.
L’OEA et le renforcement de la démocratie dans l’hémisphère
Le Canada appuie le rôle clé que joue l’OEA dans le renforcement de la démocratie
dans l’hémisphère. Qui plus est, nous pouvons affirmer sans détours que le Canada a
eu et continue d’avoir un impact profond sur les institutions et les pratiques de l’OEA à
cet égard. Le Canada était au premier rang pour appuyer la création d’un Bureau pour
la promotion de la démocratie. Il s’agit aujourd’hui du véhicule premier de l’OEA pour
prêter appui aux démocraties en difficulté. Dans les Amériques, appuyer la démocratie
ne consiste pas seulement en l’observation des élections à intervalle donné. Il s’agit
aussi de susciter la participation des communautés dans les processus électoraux,
d’améliorer les technologies qui permettent la tenue même des élections et de
contribuer au renforcement des institutions parlementaires et des partis politiques.
Le Canada et l’OEA sont sur la même longueur d’onde en ce qui a trait au travail qu’il
reste à faire pour appuyer la démocratie en Haïti. C’est l’OEA qui voit à l’enregistrement
des électeurs sur la liste électorale. Il s’agit d’une étape primordiale pour permettre la
tenue d’élections justes et équitables à Haïti et pour s’assurer que tous les citoyens
puissent prendre part à ce processus si essentiel à la démocratie. J’ai longuement
discuté de la situation en Haïti avec le secrétaire général [de l’OEA], M. José Miguel
Insulza, lors de sa visite à Ottawa le mois dernier et j’ai été heureux de constater que
l’OEA, à l’instar du Canada, prévoit continuer à appuyer le peuple haïtien et la
démocratie haïtienne, bien au-delà des élections de cet automne.
L’engagement des Amériques envers la démocratie s’est cristallisé dans l’adoption de
la Charte démocratique interaméricaine en septembre 2001. La Charte démocratique
constitue un instrument unique au monde en matière de gouvernance, un véritable
engagement des gouvernements à promouvoir et à défendre la démocratie. Elle fournit
une définition commune de ce qu’est la gouvernance démocratique. Car au-delà des
éléments formels de la démocratie, comme la tenue d’élections périodiques ou la
séparation des différents pouvoirs, la Charte précise les obligations des dirigeants en
matière de gouvernance démocratique. Parmi ceux-ci, on note la promotion des droits
de la personne, le respect des droits sociaux, le besoin de transparence et de probité
dans les gouvernements, la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Ces avancées sont importantes et doivent se poursuivre. Lors de la dernière
Assemblée générale de l’OEA à Fort Lauderdale, les États membres ont adopté la
Déclaration de la Floride. Ce faisant, nous nous sommes engagés à renforcer la
capacité de l’OEA à relever pleinement les défis posés à la gouvernance démocratique
dans les Amériques. Le Canada participera activement à cette discussion.
L’OEA à l’avant-garde de la promotion et de la défense des droits de la personne,
de la promotion du droit international et de la coopération dans le domaine de la
justice
L’OEA est aussi à l’avant-garde de la promotion et de la défense des droits de la
personne, de la promotion du droit international et de la coopération dans le domaine
de la justice dans les Amériques. Cette tâche exige la création de bons outils, ce à quoi
les Amériques excellent. Nous avons maintenant la Charte démocratique
interaméricaine. Nous nous sommes aussi donné la première convention contre la
corruption, ainsi qu’une convention contre le terroriste qui se veut respectueuse des
droits de la personne. Ce sont tous des instruments importants, que le Canada
soutient. Je sais que vous discutez aujourd’hui des droits des Autochtones. C’est un
dossier important pour le Canada. Vous n’ignorez certainement pas que l’OEA rédige
actuellement une Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones;
le Canada tient beaucoup à cette déclaration. Nous déployons de grands efforts pour
qu’elle soit vigoureuse et efficace. Nous veillons aussi à ce que les peuples
autochtones participent vraiment à son élaboration.
L’OEA peut aussi compter sur une Commission interaméricaine des droits de l’homme
indépendante et respectée. Le Canada participe activement aux travaux sur les
améliorations à apporter à cette institution pour qu’elle puisse remplir son rôle essentiel
dans l’hémisphère. Par ailleurs, le Canada appuie de manière concrète la Commission
interaméricaine des femmes et veille à ce qu’elle joue son rôle, soit celui d’aider l’OEA
à tenir compte de l’égalité des sexes dans la conduite de toutes ses activités. Un
Canadien a été élu l’an dernier au Comité juridique interaméricain, organe prestigieux
et influent de l’OEA qui étudie les aspects juridiques de l’intégration de l’hémisphère.
La démocratie est encore plus solide quand les citoyens ont l’assurance que la justice
est rendue de manière équitable et impartiale. Le Canada estime que l’OEA est
extrêmement bien placée pour contribuer au développement du droit international et
promouvoir la coopération juridique. Depuis la dernière conférence des ministres de la
justice et des procureurs généraux des Amériques, le Canada est fier de pouvoir jouer
un rôle de chef de file dans ce secteur critique. Le Canada a aidé à la création du
système de courrier électronique protégé, qui, implanté dans toute la région, permet
aux experts de nos pays respectifs d’échanger des renseignements dont ils ont besoin
dans les affaires d’entraide juridique et d’extradition. La sécurité de l’hémisphère s’en
trouve renforcée.
Les objectifs du Canada pour le quatrième Sommet des Amériques
L’OEA joue également un rôle important comme partenaire principal du processus des
Sommets des Amériques et siège de son secrétariat.
L’Argentine sera l’hôte la semaine prochaine du quatrième Sommet des Amériques. Le
thème du Sommet de cette année, « Créer des emplois pour combattre la pauvreté et
renforcer la gouvernance démocratique », englobe certains problèmes persistants qui
se posent dans la région. Le Canada approuve le choix de ce thème, qui met en relief
les liens entre la démocratie, la bonne gouvernance, la prospérité, l’équité et la création
d’emplois. Nous sommes très attachés au processus des Sommets. Comme je le
signalais tout à l’heure, le Canada a eu l’honneur d’accueillir le troisième Sommet des
Amériques à Québec en 2001. Celui-ci fait date dans l’histoire des Sommets, ouvrant la
voie à l’adoption de la Charte démocratique interaméricaine. Une de ses grandes
réalisations a été l’insertion d’une clause démocratique dans la Déclaration de Québec.
Cette clause stipule que la démocratie est une condition nécessaire à remplir pour
participer au processus des Sommets.
À la veille du quatrième Sommet des Amériques, qui aura lieu à Mar del Plata, je
voudrais vous faire part des points de vue du Canada concernant son engagement en
faveur du dialogue et de la coopération. Je voudrais également profiter de l’occasion
pour aborder certains des enjeux sur lesquels le Canada se concentrera au Sommet de
novembre.
Trois grandes idées sous-tendent l’engagement du Canada dans le Sommet :
La gouvernance démocratique soutient la croissance économique
La démocratie est le fondement de la croissance économique et du développement
social et un ingrédient essentiel de la prospérité nationale dans l’équité, car sans
équité, il est impossible d’instaurer une prospérité durable et réelle. Mais pour remplir
sa fonction, la démocratie doit s’accompagner d’une bonne gouvernance. Bonne
gouvernance et équité sociale sont aussi essentielles à la prospérité régionale et à la
croissance économique.
Les citoyens doivent savoir que leur gouvernement agit de manière honnète et
responsable, et qu’il est en mesure d’exécuter ses programmes et de dispenser ses
services. En temps de difficultés économiques, les gouvernements stables, efficaces,
inclusifs et fiables sont mieux à même de protéger leurs citoyens et d’attirer et
d’intégrer efficacement l’investissement étranger direct.
Il faut s’appliquer à renforcer la crédibilité des institutions démocratiques et la confiance
qu’elles inspirent au public. Le partage de la prospérité dans la région exige plus de
coopération et de stabilité dans tout l’hémisphère. Le processus des sommets et l’OEA,
à titre de principal exécutant des mandats des Sommets, ont des rôles clés à jouer
pour répondre à ces vastes questions.
Nous croyons à des consultations inclusives
La deuxième considération qui inspire l’engagement du Canada dans le Sommet est sa
conviction que tous les secteurs de la société doivent participer au processus de
l’hémisphère, et pas seulement les diplomates et les politiciens. Les universitaires
comme vous, la société civile, les syndicats, le secteur privé, les organisations
féminines, les jeunes, les collectivités, les handicapés et les peuples autochtones ont
tous des intérêts en jeu et une contribution à apporter.
La priorité du Sommet doit être de situer les citoyens et les collectivités en plein centre
de notre action pour accroître la prospérité et l’équité, tant dans nos pays qu’à l’échelle
de l’hémisphère. C’est à cette condition que la croissance économique régionale
produira des bénéfices tangibles pour les citoyens et les citoyennes.
Les gouvernements ont la responsabilité de fournir un cadre où il sera possible à tous
et à toutes d’intervenir et de se faire entendre. Le Canada prend cette question très à
cœur. En prévision du Sommet de Québec de 2001, le Canada avait dialogué avec
plus d’un millier de groupes et de réseaux de la société civile, tant au niveau national
que dans l’hémisphère. Nous entendons continuer de consulter la société civile. Je
rencontre régulièrement des représentants d’ONG [organisations non
gouvernementales], ici au Canada, et en marge de l’Assemblée générale de l’OEA et
d’autres assises internationales. J’ai la ferme opinion que le Canada tire énormément
profit de leurs points de vue et de leur expérience.
Le Canada est aussi un grand bailleur de fonds du deuxième Sommet des
autochtones, qui aura lieu en Argentine, du 27 au 29 octobre, juste avant le Sommet
d’Argentine. Les organisateurs de cette manifestation sont l’Assemblée des Premières
Nations (le principal groupement politique des Premières Nations canadiennes) et
l’Organisation nationale des peuples autochtones d’Argentine. Le Canada croit que les
résultats de ce Sommet devraient éclairer le débat des dirigeants au Sommet de Mar
del Plata.
Un mécanisme de consultation inclusif, ouvert à tous les groupes, créera, suscitera et
entretiendra un environnement plus équitable et plus fertile pour la création d’emplois.
Les partenariats aident à lutter contre la pauvreté et à créer des emplois
Comme je l’ai mentionné, le rôle du gouvernement est de créer un environnement
fertile. Or, cet environnement inclut une foule de partenariats, entre l’État et le secteur
privé, entre l’État et les collectivités et les groupes marginalisés, et même des
partenariats entre l’État et les administrations locales pour le soutien de l’infrastructure
de création d’emplois.
Ces partenariats aident à lutter contre la pauvreté et à créer des emplois. C’est
pourquoi dans le cadre des Sommets, le Canada est partisan d’une valorisation des
partenariats public-privé pour le développement.
Les Amériques doivent bonifier le nouveau modèle de développement qui est inscrit
dans le Consensus de Monterrey. Celui-ci met en relief le rôle important que les
gouvernements nationaux ont à jouer pour instaurer des conditions propices au
développement, à savoir la bonne gouvernance, de saines politiques budgétaires et
monétaires, et une plus grande transparence des institutions publiques.
Mais au bout du compte, c’est le secteur privé qui est le plus grand créateur d’emplois.
C’est pourquoi la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA, est aussi un
important projet de notre programme pour l’hémisphère. Le Canada est convaincu
qu’une ZLEA serait un ingrédient important pour la création d’emplois et la prospérité
dans notre région. Elle favoriserait l’intégration économique dans les Amériques et
ouvrirait de nouveaux débouchés aux entreprises et aux investisseurs canadiens. Le
Canada est donc partisan de la ZLEA et de son avènement rapide, car elle serait, à
notre avis, un élément important du milieu fertile dont l’hémisphère a grand besoin pour
que le secteur privé puisse se développer et répandre la prospérité dans la région.
Le Canada est un pays des Amériques et un ardent partenaire de l’OEA et du
processus des Sommets. Notre réalité géographique comme pays des Amériques
ouvre de grandes possibilités. Elle accroît notre prospérité économique et élargit nos
partenariats politiques. Mais elle comporte aussi une grande responsabilité, qui
consiste à manifester et à communiquer les pratiques canadiennes exemplaires dans
les domaines de la démocratie, des droits de la personne, de la bonne gouvernance, et
du dialogue avec la société civile. L’hémisphère est aux prises avec une polarisation
accrue de visions divergentes de son intégration politique et économique. Le rôle du
Canada comme défenseur de l’inclusion, bâtisseur de consensus et incarnation du
terrain d’entente, prend encore plus d’importance dans ce contexte. Les Amériques
sont notre région; nous allons continuer de soutenir activement l’efficacité et la
pertinence des institutions de l’hémisphère pour relever les défis d’aujourd’hui et de
demain.
Je vous remercie.